de Bo Arne Vibenius. 1974. Suède. 1h46. Avec Christina Lindberg, Heinz Hopf, Despina Tomazani, Soveig Anderson.
Interdit au moins de 18 ans (avec inserts X)

Le pitch : Madeleine, jeune fille solitaire, a été violée enfant par un vieillard. Plusieurs années ont passé ; elle vit désormais recluse dans la ferme familiale, loin de la frénésie urbaine. Profondément marquée par l’agression, elle est mutique, cloîtrée dans son silence comme dans sa demeure. Un jour, elle décide de partir en ville, mais rate son bus in extremis. Un inconnu, sur la même route, lui propose de la conduire. Après un déjeuner ensemble, il l’emmène chez lui... pour la droguer. Devenue toxicomane, Madeleine est contrainte à la prostitution pour une clientèle fidèle et carnassière.

Dès le prélude déstabilisant – cette tentative de viol dans un parc public –, le malaise est palpable. Le regard dérangé, zoomé jusqu’au dérèglement, d’un vieillard aliéné, les lèvres ensanglantées, plaque une fillette impuissante sur les feuillages d’un automne blafard. Le réalisme insalubre de la scène, traité à la manière d’un reportage clinique, nous entraîne dans une descente aux enfers sans retour. La mise en scène, volontairement rugueuse, prend soin de nous immerger dans cet environnement vicié, renouvelant les codes du rape and revenge par une approche atypique. L’ambiance, froide et monolithique, s’étire dans un rythme langoureux, presque anesthésié, captant l’attention par sa narration précise, studieuse. Par moments, les plans chocs – une crevaison d’œil en gros plan, des inserts pornos appuyant la dépravation sexuelle – transforment Crime à froid en objet filmique expérimental, grandiloquent, austère. La photographie limpide, les décors naturalistes sans fioriture, les comédiens emphatiques achèvent de renforcer cette impression de reportage pris sur le vif.

La partie revenge ne fait qu’amplifier cette étrange impression d’œuvre hybride, notamment avec ses ralentis lymphatiques et sa violence stylisée. Au risque de lasser les indécis, ces accès furieux de brutalité – où les gunfights explosent en gerbes d’hémoglobine – séduisent, dérangent ou désarçonnent selon la sensibilité de chacun. Le final, influencé par le western spaghetti, livre ses plus beaux plans alambiqués : contre-plongées iconiques, horizons désolés, clairs-obscurs crépusculaires. Le climax, d’une noirceur ténébreuse, vient bousculer l’imaginaire du spectateur désorienté.
On saluera l’étonnante composition de Christina Lindberg, justicière mutique et inflexible, avide de revanche après le suicide de ses parents manipulés par un proxénète. Gracile, taciturne, énigmatique dans sa défroque sombre et son œil borgne, elle parvient à iconiser son personnage marginal, nouvel archétype d’un ange exterminateur, à la fois faussement candide et subtilement sensuel.
— le cinéphile du cœur noir
Merci pour la critique et le film oublié .NeoClub
RépondreSupprimerAvec plaisir. Ma critique sera quelque peu modifiée pour être peaufinée demain matin...
RépondreSupprimerJe prends de plus en plus de plaisir à venir trainer sur ton blog. j'ai commencé la lecture de tes articles et je te félicite encore une fois.
RépondreSupprimerThey call her one reste un très bon souvenir. je me souviens parfaitement du jour où j'ai louer ce film. J'étais parti pour louer Platoon et finalement mon choix s'est porté sur une jaquette qui annonçait fièrement la couleur: le film que le cinéma n'a pas voulu montrer...
Avez une grosse étiquette rouge contenant je ne sais plus quel avertissement.
Souvenirs, souvenirs...
Merci Sevenko. Et j'ai les mêmes souvenirs que toi ! C'est aussi de cette manière que j'ai découvert le film à l'époque pour la 1ère fois !
RépondreSupprimerSevenko à dit ;
RépondreSupprimerAvez une grosse étiquette rouge contenant je ne sais plus quel avertissement.
N'était-ce pas le label rouge?
ce qui est sûr c'est qu'il n'est pas pasteurisé ce film.