mercredi 27 juillet 2011

Wolfen. Prix Spécial du Jury à Avoriaz 1982.


de Michael Wadleigh. 1981. U.S.A. 1h54. Avec Albert Finney, Diane Venora, Edward James Olmos, Gregory Hines, Tom Noonan, Dick O'Neill.

Sortie en salles U.S: 24 Juillet 1981. France: 3 Mars 1982

FILMOGRAPHIE: Michael Wadleigh est un directeur de la photographie et réalisateur américain né le 24 septembre 1939. 1970: Woodstock. 1981: Wolfen. 1990: Woodstock: the Lost Performances (vidéo). 1999: Jimi Hendrix: live at Woodtock.

                                       

"Dans son arrogance, l'homme ne sait rien de ce qui, sur terre, défie l'imagination. Une vie aussi certaine que notre mort. Une vie qui se nourrit de nous, comme nous nous nourrissons de cette terre".

Onze ans après son documentaire-fleuve sur le festival de Woodstock — ce fameux rassemblement hippie devenu mythe — Michael Wadleigh réalise en 1981 son unique long-métrage de fiction : Wolfen, adapté du roman de Whitley Strieber. Échec public à sa sortie, faute d’avoir été vendu comme un pur produit d’horreur lucrative, le film séduit pourtant le jury d’Avoriaz, qui lui décerne un an plus tard son Prix Spécial.

Le pitch : à New York, après l’inauguration d’un gigantesque projet immobilier, un homme d’affaires, son épouse et leur chauffeur sont retrouvés sauvagement déchiquetés. L’inspecteur Dewey est chargé de l’enquête, épaulé par une jeune psychologue, spécialiste des profils terroristes. Les premiers indices mènent à une découverte troublante : des poils d’animal retrouvés sur les cadavres. Tandis que les soupçons se tournent vers la population amérindienne du Bronx, un spécialiste des loups est appelé en renfort.

                                  

Sorti en pleine frénésie lycanthropique — juste après Hurlements et Le Loup-Garou de LondresWolfen déroute une partie de son public, sans doute en quête de maquillages spectaculaires et de métamorphoses épidermiques. Que nenni : Wadleigh choisit la voie de la suggestion, du silence et de la brume. Loin des éclats de latex, le film privilégie la lente montée du malaise et s’appuie sur un suspense policier doublé d’un sous-texte socio-écologique poignant : celui d’une nature méprisée, ravagée, oubliée par une civilisation moderne obsédée par le béton et la verticalité. Avec pudeur et gravité, Wolfen rappelle la relation sacrée entre les Indiens et les loups, deux espèces traquées, presque éteintes, depuis l’arrivée des Européens.

Le prélude, anxiogène et tranchant, nous entraîne dans une virée nocturne où un notable, sa femme et leur chauffeur sont brutalement fauchés par une présence invisible, tapie dans l’ombre d’un parc désert. Le lendemain, la police dépêche l’inspecteur Dewey, qui s’adjoint une psychologue aussi cérébrale qu’intuitive. Après avoir suspecté la nièce de Van der Veer, une militante radicale, l’enquête bifurque vers le terrain du bestial : un expert animalier identifie les poils retrouvés comme appartenant à un mammifère sauvage. Le doute s’installe, l’étrangeté s’infiltre.
                                    
Avec une économie de moyens et l’intelligence d’un scénario charpenté, Wolfen cherche à éveiller les consciences sur la précarité des communautés amérindiennes, autrefois liées aux loups dans un pacte ancestral de survie et de respect. Ces peuples furent brisés, leurs terres profanées, leurs totems abattus. Mais les loups, demi-dieux aux instincts fuyants, trouvèrent refuge dans les friches, les ruines, les interstices oubliés de la ville. Là, dans les taudis éventrés, ils réaffectent leur territoire, défendent les vestiges d’un monde disparu — jusqu’à sacrifier les corps superflus : les malades, les corrompus, les dominants.

                                         

Pour traduire cette présence diffuse et menaçante, Wadleigh déploie un dispositif visuel novateur : caméra subjective, steadycam, louma... et surtout cette vision thermique qui épouse le regard animal. À travers leurs yeux, les corps humains deviennent des halos de chaleur, des masses colorées en mouvement, des proies palpitantes dans un monde devenu hostile. Chaque bruit, chaque respiration, chaque pas devient perceptible — une sensation d’alerte sensorielle, d’immersion totale.

Au-delà de cette enquête captivante, fertile en détails scientifiques et en détours imprévus, on retient une séquence d’anthologie : une meute encerclant les protagonistes en pleine zone urbaine, point d’orgue tendu, presque métaphysique. La production, malgré son ascétisme, impose ici un effet gore spectaculaire qui accentue la brutalité de l’estocade à venir. Mais c’est ailleurs que Wolfen touche au sublime : dans la manière dont Wadleigh filme les loups, créatures à la beauté sauvage, au regard perçant, quasi surnaturel. Des images somptueuses, éthérées, traversées d’une grâce crépusculaire.

L’intensité émotionnelle du film naît de cette fragilité latente — celle des loups, celle des hommes en marge, celle des cultures effacées — et de leur quête désespérée de reconnaissance. Wolfen, film spectral, oublié à tort, hurle en sourdine la fin d’un monde que nous n’avons pas su entendre.

                                      

"Wolfen ou la mélancolie des prédateurs sacrés".
Superbement réalisé, Wolfen s’élève sous les nappes inquiétantes et sensibles de la musique de James Horner, comme un murmure ancestral porté par le vent des ruines. Dominé par le charisme calme d’Albert Finney, le film incarne avec une élégance grave le Fantastique cérébral — celui qui pense, qui observe, qui se souvient.

Fable moderne et intuitive, Wolfen plaide la cause d’un canidé mystique, sentinelle de la nature trahie, messager d’un équilibre oublié. Son discours écologique, enraciné dans une spiritualité sauvage, rejoint la douleur silencieuse d’un génocide effacé — celui des peuples premiers. Ce double deuil, animal et humain, tisse une œuvre désenchantée, mais salutaire, à la beauté étrange et pénétrante.

À la fois sensible et tragique, Wolfen nous parle d’un monde en perdition avec une poésie sourde, presque chamanique. Chef-d'œuvre oublié, il laisse derrière lui une trace indélébile, empreinte d’une mélancolie écolo-humaniste dont la génération 80 ne s’est, sans doute, jamais tout à fait remise.

*Bruno
31.12.19
27.07.11



8 commentaires:

  1. J'attends toujours un dvd ou blu-ray de qualité pour ce film !

    RépondreSupprimer
  2. magnifique!!! un de mes grands coups de cœur.vu 2, 3 lieux de tournage . La scène où Albert finney se retrouve dans le bar entouré par les amérindiens en train d'imiter les bruits d'animaux me fout des frissons à chaque visionnage........ De plus la ville de new York est vraiment très bien filmé et la musique de Horner est excellente.

    RépondreSupprimer
  3. C'est également un de mes films préférés. J'avais déjà fantasmé à l'époque sur sa sublime affiche !

    RépondreSupprimer
  4. Incontestablement un de mes films de chevet depuis un peu plus de 30 ans et de lire cette chronique ça me donne envie de le revoir .
    Content de voir que d'autres que moi aiment ce film , j'ai plus souvent rencontré des gens qui le dénigraient plutôt que l'encenser.
    Et quelle affiche !!! magnifique ! Au temps des VHS on reconnaissait Wolfen de loin et on n'avait pas besoin de le chercher longtemps .

    RépondreSupprimer
  5. Joli discours Sonny, merci ! Et bienvenue au club des aficionados de Wolfen ! ^^

    RépondreSupprimer
  6. Pour ma part je recommande aussi la lecture du roman a l'origine du film, le ton est different mais si vous aimez le film vous ne serez pas decus.

    RépondreSupprimer
  7. Merci beaucoup pour ta recommandation, je note.

    RépondreSupprimer