de Victor Fleming. 1941. U.S.A. 1h53. Avec Spencer Tracy, Ingrid Bergman, Lana Turner, Donald Crisp, Ian Hunter, Barton MacLane, C. Aubrey Smith, Peter Godfrey, Sara Allgood, Frederick Worlock.
Sortie en salles en France le 25 Septembre 1946. U.S: 12 Aout 1941
FILMOGRAPHIE: Victor Fleming est un réalisateur américain né le 23 Février 1883 à Pasadena en Californie. Il est décédé le 6 Janvier 1949 à Cottonwood dans l'Arizona.
1925: Le Cargo Infernal. 1932: La Belle de Saigon. 1934: l'Ile au Trésor. 1939: Le Magicien d'Oz.
1939: Autant en emporte le Vent. 1941: Dr Jekyll et Mr Hyde. 1945: l'Aventure. 1948: Jeanne d'Arc.
10 ans après la version de Rouben Mamoulian de 1931, Victor Fleming s'entreprend de remaker la célèbre adaptation du roman de Stevenson, l'Etrange cas du Dr Jekyll et Mr Hyde. Cette nouvelle lecture va transcender son modèle, de par son intensité dramatique et surtout grâce à la prestance d'un trio de comédiens à l'apogée de leur talent, Spencer Tracy et les ravissantes Ingrid Bergman et Lana Turner. Le pitch: Alors qu'il est sur le point de se marier avec Beatrix Emery, le Dr Jekyll expérimente ses théories sur la dualité du Bien et du Mal avec des mammifères de laboratoire. Le père de sa fiancée ne voit pas d'un bon oeil sa réflexion métaphysique opposée à la déontologie de Dieu. Convaincu, Jekyll décide un soir d'expérimenter sa potion sur lui même après avoir rendu docile un rat agressif. Mais sous l'effet du produit, il se transforme en être diabolique, véritable incarnation du Mal, qu'il décide de prénommer Mr Hyde.
Revoir en l'occurrence ce remake 71 ans après sa sortie prouve à quel point l'oeuvre émouvante de Fleming su faire preuve d'audace pour illustrer le calvaire insurmontable d'un homme déchu, obsédé à l'idée de scinder la part de Bien et de Mal innée en chaque être humain. Il faut aussi rappeler que la censure dans les années 40 était plutôt drastique pour sanctionner certaines productions hollywoodiennes un peu trop sulfureuses. La grande force du film émane donc de sa terreur psychologique lourdement éprouvante lorsque notre diabolique Mr Hyde décide d'asservir et d'humilier la jeune Ivy Peterson, serveuse de bar influençable. Ce docteur ambitieux particulièrement renommé et érudit se retrouvera malencontreusement dans une situation irréversible lorsqu'il décide d'expérimenter sur sa propre personne une drogue aux effets dévastateurs. Ainsi, en jouant les apprentis sorciers, le Dr Jekyll qui envisageait annihiler le Mal enfoui en chacun de nous se retrouvera pris au piège de son dédoublement de sa personnalité. Car après avoir ingurgité sa potion, Jekyll ne peut plus maîtriser ses pulsions perverses si bien que Mr Hyde pourra prendre le dessus afin de corrompre sa personnalité et l'empresser de martyriser une serveuse de bar préalablement éprise d'amour pour lui. Les séquences de soumission octroyées à Ivy Peterson par un Mr Hyde habité par le diable s'avèrent d'une cruauté psychologique éprouvante. Tandis que les sobres maquillages réussissent avec subtilité à enlaidir un homme habité par la folie, à l'image de sa débauche fielleuse. Dès lors, pour retrouver sa personnalité docile, Jekyll est contraint d'absorber sa potion puisque le Mal a cette fois-ci transcendé les valeurs du Bien, tel un poison intraitable. La situation alarmiste échappant à tout contrôle, Jekyll se résigne en désespoir de cause à répudier sa future épouse afin de la protéger de son double nuisible.
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Dans un double rôle, Spencer Tracy se révèle littéralement habité par son personnage en demi-teinte. Haineux, sadique et bourreau dans la peau du terrifiant Hyde puis studieux, diplomate, déférent mais peu à peu démuni de sa malédiction dans celui de Jekyll, l'acteur dégage une poignante empathie face à sa détresse de ne pouvoir s'opposer à son double maléfique. Secondé par Ingrid Bergman, sa beauté gracieuse envoûte autant le spectateur que notre héros troublé de sa candeur et de son charme ténu. Son désarroi face à la tyrannie de Hyde nous octroie régulièrement des séquences bouleversantes de par sa situation d'impuissance. Pour interpréter la fiancée du docteur, Lana Turner campe avec déférence une jeune épouse entièrement vouée aux liens du mariage mais finalement condamnée à la malédiction d'une tragédie humaine épouvantée.
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Baignant dans une photographie blafarde accentuant une ambiance des plus troubles, Dr Jekyll et Mr Hyde demeure un chef-d'oeuvre du genre d'une acuité émotionnelle rare auprès de sa cruauté psychologique. Magnifiquement interprété par un trio d'illustres comédiens et bouleversant chez la quête improbable de l'homme déterminé à démystifier les lois spirituelles, cette réflexion sur la dualité du Bien et du Mal et sur notre instinct pervers (un monstre sommeille en chacun de nous !) se réserve en prime d'y générer une métaphore sur l'addiction.
Dédicace à Lirandel.
05.01.12
Bruno Matéï
Un grand merci pour cette critique Bruno.
RépondreSupprimerde retour parmi vous, et à très bientôt et surtout bonne année 2012
à tous les lecteur et à notre hôte qui je l'espère continuera
de nous débusquer des perles cinématographiques de qualités.