jeudi 3 mai 2012

Le Masque du Démon / La maschera del demonio

                                                    Photo empruntée sur Google, appartenant au site Intemporel.com

de Mario Bava. 1960. Italie. 1h23. Avec Barbara Steele, John Richardson, Andrea Checchi, Ivo Garrani, Arturo Dominici, Enrico Olivieri, Antonio Pierfederici, Tino Bianchi, Clara Bindi.

Sortie salles France: 29 Mars 1961. U.S: 15 Février 1961
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FILMOGRAPHIE:  Mario Bava est un réalisateur, directeur de la photographie et scénariste italien, né le 31 juillet 1914 à Sanremo, et décédé d'un infarctus du myocarde le 27 avril 1980 à Rome (Italie).
Il est considéré comme le maître du cinéma fantastique italien et le créateur du genre dit giallo.
1946 : L'orecchio, 1947 : Santa notte1947 : Legenda sinfonica1947 : Anfiteatro Flavio1949 : Variazioni sinfoniche1954 : Ulysse (non crédité),1956 : Les Vampires (non crédité),1959 : Caltiki, le monstre immortel (non crédité),1959 : La Bataille de Marathon (non crédité),1960 : Le Masque du démon,1961 : Le Dernier des Vikings (non crédité),1961 : Les Mille et Une Nuits,1961 : Hercule contre les vampires,1961 : La Ruée des Vikings, 1963 : La Fille qui en savait trop,1963 : Les Trois Visages de la peur, 1963 : Le Corps et le Fouet, 1964 : Six femmes pour l'assassin, 1964 : La strada per Fort Alamo, 1965 : La Planète des vampires, 1966 : Les Dollars du Nebraska (non cédité), 1966 : Duel au couteau,1966 : Opération peur 1966 : L'Espion qui venait du surgelé, 1968 : Danger : Diabolik ! , 1970 : L'Île de l'épouvante ,1970 : Une hache pour la lune de miel ,1970 : Roy Colt e Winchester Jack1971 : La Baie sanglante, 1972 : Baron vampire  , 1972 : Quante volte... quella notte1973 : La Maison de l'exorcisme, 1974 : Les Chiens enragés,1977 : Les Démons de la nuit (Schock),1979 : La Venere di Ille (TV).

"Noir et blanc comme la mort".
En 1960, alors que les succès de la Hammer culminent au firmament (deux ans plus tôt, Le Cauchemar de Dracula ensorcelait les écrans), un directeur de la photographie entreprend de concurrencer la célèbre firme anglaise avec un long-métrage en noir et blanc, tiré d’un conte russe de Nicolas Gogol (Vij). Le Masque du Démon révèle aussi, au détour de ses ténèbres, une jeune débutante nommée Barbara Steele. Cinquante ans plus tard, ce chef-d'œuvre du gothique transalpin demeure le plus beau film en noir et blanc jamais photographié.

Le Pitch: Au XVIIe siècle, une sorcière et son amant, condamnés au bûcher, jurent de se venger. Deux siècles plus tard, par la faute d’un médecin et de son assistant, les revenants brisent leur tombe pour venir hanter les héritiers de la famille Vadja.

Dans une atmosphère typiquement latine, saturée de sensualité morbide, Le Masque du Démon incarne la quintessence du cinéma d’épouvante. Un génie de la photographie s’y essaie pour la première fois au long-métrage horrifique, et ce, dans un florilège d’images flamboyantes où l’esthétisme charnel épouse un baroque ténébreux. Le film se contemple comme un livret d’images un soir d’hiver, sous la pleine lune. Dès l’ouverture, le ton est donné : sous une nuit automnale, brumeuse, où les arbrisseaux faméliques se dressent, décharnés, des bourreaux encapuchonnés préparent leur rituel. Deux amants, accusés de vampirisme, sont attachés à un pilier ; leur visage sera transpercé d’un masque de bronze hérissé de pointes. Cette ambiance macabro-onirique, née de la lumière crépusculaire et d’un cadrage pictural, confine à l’art gothique pur.

La suite est un enchaînement d’images dantesques, conçues pour happer le spectateur dans un cauchemar somptueux, chargé de références au mythe vampirique. Chaque péripétie semble ciselée pour graver dans la mémoire des plages d’onirisme saisissantes : la découverte d’une chapelle décharnée par deux voyageurs égarés ; la première apparition de Katia, escortée de deux dobermans ; la promenade inquiète d’une fillette troublée par un bruissement de bosquet ; ou encore la résurrection d’Asa dans une crypte archaïque. Tout ici n’est qu’effervescence, splendeur, apparat — au sein d’une horreur séculaire.

Passées ces plages de poésie rutilante, après l’exhumation des amants maudits, la narration se recentre sur un chassé-croisé entre les morts et les vivants, enfermés dans un château truffé de pièges. Un à un, les membres de la famille Vadja sont persécutés ou possédés par l’esprit d’Asa et d’Igor. L’assistant du Dr Kruvajan, secrètement épris de Katia (double vivant d’Asa), tentera tout pour la sauver.

Impossible d’ignorer la prestance magnétique de l’icône de l’horreur vintage, Barbara Steele. D’une beauté ténébreuse, avec sa physionomie sensuelle et son regard d’encre, elle ensorcelle l’écran dans son rôle de sorcière délétère. Mais l’actrice se paie aussi le luxe de nous charmer avec suavité en incarnant la princesse Katia, victime asservie par sa propre ascendance. Divine et opaque à en mourir.

Parfois audacieux dans ses effets chocs, Mario Bava transgresse l’horreur avec une poésie morbide et viscérale : un cadavre découvert au bord d’une rivière ; le visage putréfié d’Igor s’exhumant de sa tombe ; la résurrection d’Asa, ses orbites grouillant d’insectes ; un crapaud sautillant dans la boue ; l’immolation du prince Vadja… Et ce trucage remarquable, lorsque Katia se voit possédée par Asa : son visage se fane, vieillit sous nos yeux — un prodige de lumière colorée, hérité du Dr Jekyll and Mr Hyde de Mamoulian, et uniquement réalisable en noir et blanc.

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"Les Amants d'outre-tombe".
Sans jamais singer ses illustres aînés de la Hammer, Mario Bava imprime au mythe vampirique sa propre empreinte, fulgurante, macabre, à damner un saint. D’une beauté sépulcrale ensorcelante, Le Masque du Démon ne ressemble à rien d’autre. Œuvre d’un cinéaste expérimental, il ose la photo monochrome à l’instant même où la Hammer fait éclater ses couleurs. Le noir et blanc devient ici sortilège.

Un grand merci à Intemporel.com
03.05.12.
Bruno Matéï


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