lundi 22 octobre 2012

Pique-nique à Hanging-Rock / Picnic at Hanging Rock. Grand Prix au Festival des Nations à Taormina

                                              Photo empruntée sur Google, appartenant au site cinemagora.com

de Peter Weir. 1975. Australie. 1h47 (Director's Cut). Avec Rachel Roberts, Dominic Guard, Vivean Gray, Helen Morse, Kirsty Child, Tony Llewellyn-Jones, Jacki Weaver, Anne-Louise Lambert.

RécompensesGrand Prix au Festival des Nations à Taormina
Prix d'Interprétation Féminine décernée à l'ensemble des comédiennes au Festival du Rex de Paris.

FILMOGRAPHIE: Peter Weir est un réalisateur australien, né le 21 Août 1944, à Sydney, Australie.
1974: Les Voitures qui ont mangé Paris. 1975: Pique-nique à Hanging Rock. 1977: La Dernière Vague. 1981: Gallipoli. 1982: l'Année de tous les Dangers. 1985: Witness. 1986: Mosquito Coast. 1989: Le Cercle des Poètes Disparus. 1990: Green Card. 1993: Etat Second. 1998: The Truman Show. 2003: Master and Commander. 2011: Les Chemins de la Liberté.

 
Un 14 février suspendu dans l’éternité. Des jeunes filles s’évaporent dans la lumière, au milieu des rochers et des silences. Peter Weir signe avec Pique-nique à Hanging Rock un chef-d’œuvre suspendu entre rêve et disparition, où la nature elle-même semble retenir son souffle. Sous la dentelle, un mystère. Derrière les fleurs, un gouffre.
                                                               -----------------------------------
 
Ce que l'on voit et ce que l'on perçoit n'est qu'un rêve... Un rêve dans un rêve.
Grand succès public dans son pays d'origine, Pique-nique à Hanging Rock doit la singularité de son scénario au roman de Joan Lindsay publié en 1967. Auréolé d’un Grand Prix au Festival des Nations de Taormina, ce chef-d’œuvre aussi rare que précieux — seconde réalisation d’un auteur écolo — tire son pouvoir hypnotique d’une aura fantasmatique indicible. Le 14 février 1900, des jeunes filles du collège Appleyard pique-niquent à Hanging Rock, dans le Victoria. Au cours de l’après-midi, plusieurs d’entre elles disparaissent sans laisser de traces. À partir de cet argument interlope, Peter Weir tisse une intrigue fantastique imprégnée d’étrangeté, voire de mysticisme païen.

C’est un florilège d’images poétiques qu’il façonne avec épure, illuminant, durant la sérénité d’un pique-nique, la nature solaire et ses filles en éveil, drapées de dentelles et étendues au cœur d’immenses rochers. Ce préambule, dédié à la beauté lascive de ces collégiennes enivrés par la flore, est transcendé par le souffle monocorde d’une flûte de pan, composée par Bruce Smeaton.

Cette succession de séquences charnelles fascine d’autant plus que leur aura ensorcelante semble infinie, et que le destin des disparues nous laisse, comme chacun des protagonistes, dans l’interrogation d’une énigme insoluble. Dès l’annonce de ces disparitions inexpliquées, la tragédie influe lourdement sur l’équilibre psychologique des camarades, tenues sous la férule d’une directrice hautaine, dans un climat scolaire oppressant. Mégère orgueilleuse, incapable de charité face à la bonhomie de ces jeunes filles accablées par la stupeur et l’isolement, elle incarne une autorité rigide bientôt cernée par la déchéance morale.

Peu à peu, cette confrérie féminine — malgré quelques intrus masculins, dont un amant planqué sous les draps d’une gouvernante — se confronte à une série d’événements fortuits et tragiques. Comme si une malédiction s’était abattue sur le pensionnat, jadis tranquille et réputé.

 
Dans cette ambiance d’étrangeté feutrée, Peter Weir joue avec la pression psychologique de personnages prisonniers d’un drame abscons. Cette quête de vérité, sans réponse ni repos, pousse la hiérarchie dans un abîme de désarroi. Il en résulte une atmosphère ombrageuse, chargée d’amertume, de fragilité adolescente, de solitude, et d’angoisse muette. Dans cet écrin d’incertitude, Weir distille un malaise vaporeux, un pouvoir d’envoûtement suspendu entre rêve et effondrement.


La dentelle et le roc : songe éthéré à Hanging Rock
D’un esthétisme raffiné, épurant la nature champêtre et la candeur de jeunes filles prêtes à s’éclipser vers un horizon inconnu, l’œuvre séminale de Peter Weir célèbre l’harmonie trouble entre la terre australienne et la virginité féminine — et vice versa. Son étrangeté imperceptible, sa poésie élégiaque, et cette osmose tendre entre la femme et la flore laissent le spectateur en état d’apesanteur. Comme si le temps s’était dissous pour mieux nous engloutir dans la volupté d’une idylle spirituelle, scellée d’un pressentiment funeste.

Chef-d’œuvre auteurisant, fragile, vénéneux, ombrageux, sensuel, ténu, Pique-nique à Hanging Rock élève l’art de la suggestion à un degré de fascination irréelle. Quintessence du fantastique australien, il reste inégalé dans sa semence capiteuse, chargée d’une ancestralité aborigène, flottant encore dans l’air… comme une disparition sans réponse.

* Bruno
18.12.24. 5èx. 4K Vost.
22.10.12. 

                                         

5 commentaires:

  1. Encore une claque magistrale pour ma part de la grandeur du cinéma de genre australien des années 70 ! poétique, envoutant, ce parti pris de ne pas révéler le mystère en laissant au spectateur le soin d'imaginer le mystère de ces lieux ou l'on peut disparaitre sans qu'on s'y attende, confine au génie de l'écriture et de la mise en scène tout en nuances de Peter Weir !

    RépondreSupprimer
  2. Bel article pour un film unique en son genre du grand Peter Weir.

    RépondreSupprimer
  3. Merci pour votre analyse et au commentaire D'Atreyu qui donnent vraiment l'envie de découvrir ce film de Mr Peter Weir.

    RépondreSupprimer
  4. De rien, avec plaisir. J'espère qu'il vous plaira autant que nous.

    RépondreSupprimer