vendredi 4 avril 2014

Délivrance / Deliverance

                                                     Photo empruntée sur Google, appartenant au site dpstream.net
 
de John Boorman. 1972. U.S.A. 1h49. Avec John Voight, Burt Reynolds, Ned Beatty, Ronny Cox, Ed Ramey, Billy Redden.

Sortie salles France: 1er Octobre 1972. U.S: 30 Juillet 1972

FILMOGRAPHIE: John Boorman est un réalisateur, producteur, scénariste et acteur américain, né le 18 Janvier 1933 à Shepperton (Royaume-Uni). 1965: Sauve qui peut. 1967: Le Point de non-retour. 1968: Duel dans le pacifique. 1970: Leo the last. 1972: Délivrance. 1974: Zardoz. 1977: L'Exorciste 2. 1981: Excalibur. 1985: La Forêt d'Emeraude. 1987: Hope and Glory. 1990: Tout pour réussir. 1995: Rangoon. 1998: Le Général. 2001: Le Tailleur de Panama. 2003: In my Country. 2006: The Tiger's Tail.

 
Délivrance – L’enfer en eaux troubles.
 Précurseur du survival pur et dur, Délivrance est une plongée en enfer, une épreuve implacable, autant pour le spectateur – lourdement éprouvé – que pour ces quatre hommes livrés à un marathon de douleur et d’endurance. Alors qu’une rivière s’apprête à rendre l’âme, sacrifiée par la main de l’homme pour la construction d’un barrage, quatre citadins décident de lui rendre un dernier hommage, en la descendant en canoë. Ce qui s’annonçait comme un week-end idyllique glisse peu à peu vers un cauchemar absolu, lorsque l’un d’eux subit un viol brutal perpétré par deux rednecks. En ripostant, ils tuent l’un des agresseurs. Dès lors, traqués par un ennemi invisible tapi dans l’écrin menaçant de la forêt, ils devront puiser dans les tréfonds de leur être, entre patience, bravoure et terreur sourde.

Et pendant qu’ils tentent désespérément de rejoindre la ville, la rivière elle-même – impitoyable – les soumet à une autre forme de violence, celle d’une nature brute, indomptée, avec ses rapides assassins et ses montagnes tranchantes. Délivrance, à la fois survival cauchemardesque et drame psychologique au cordeau, dresse un constat glaçant : face à une nature hostile, l’homme se dépouille de ses vernis sociaux et renoue avec son instinct primal.

Comme si cette rivière humiliée, bafouée par notre irrévérence, se rebellait. Comme si, dans un dernier râle, elle prenait en otage ces hommes pour les livrer à leur ultime combat contre la mort. Même un autochtone déficient viendra compliquer la donne, s’érigeant en menace supplémentaire, dans une logique d’extermination totale. D’une noirceur sans concession mais jamais complaisant, John Boorman orchestre un récit de survie d’une rare âpreté, dont la violence – frontale – n’est jamais gratuite. L’horreur y est sous-jacente, mais constante, viscérale, et finit par nous broyer la gorge.

Soutenu par un scénario tendu à l’extrême et un casting sans faille, le film tire sa force d’un réalisme cru et d’une montée en tension organique, où chaque personnage – distinct, complexe – se débat avec sa propre éthique. Faut-il dissimuler un cadavre, ou se livrer à la justice et plaider la légitime défense ? Isolés, acculés, ces hommes – réduits à l’état de bêtes traquées – affrontent tour à tour la peur, le courage, la culpabilité. Et pour l’un d’eux, l’expiation se frayera un chemin dans les eaux noires du suicide.


"Un cauchemar écolo, au bord du néant".
Désespéré, impitoyable, dérangeant, Délivrance redéfinit le survival avec une intelligence acérée. On peut y voir, en filigrane, une métaphore sur la guerre du Vietnam, que Cimino prolongera dans Voyage au bout de l’enfer. L’intensité psychologique de ces hommes brisés – marqués à jamais – culmine en un verdict terrible : l’humanité, livrée à elle-même, vacille sur le fil du gouffre. Confrontée à l’injustice et à la violence, elle révèle ses pulsions les plus inavouables. Et face au déchaînement d’une nature vengeresse, elle reste, tragiquement, sans recours.

Un cauchemar écolo, poisseux, vertigineux… dont on ne revient jamais tout à fait. Et dont le souvenir, à jamais hanté, résonne encore dans le grincement sinistre d’un banjo devenu totem de la peur.

*Bruno
4èx

2 commentaires:

  1. Fantastique survival ! la pierre angulaire qui fut le démarrage de nombre de copies par la suite beaucoup moins réussies, à part quelques exceptions ( "Sans retour" de Walter Hill) un des dix meilleurs films du genre pour moi et de John Boorman, l'un de ses 3 meilleurs films avec "Zardoz" et "le point de non retour". continue comme ça Bruno, ton site est passionnant a lire, dommage que tu sois pas dans la région parisienne je t'inviterais pour un de mes futurs podcast sur le cinéma de genre.

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  2. Merci à toi Atreyu et merci pour l'invitation ;)

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