Photo empruntée sur Google, appartenant au site cinema.jeuxactu.com
de Olivier Marchal. 2008. France. 2h05. Avec Daniel Auteuil, Olivia Bonamy, Catherine Marchal, Francis Renaud, Gérald Laroche, Guy Lecluyse, Philippe Nahon, Clément Michu, Moussa Maaskri.
Sortie salles France: 12 Mars 2008 (Int - 12 ans).
FILMOGRAPHIE: Olivier Marchal est un acteur et réalisateur français, né le 14 novembre 1958 à Talence. 2002 : Gangsters. 2004 : 36 quai des Orfèvres. 2008 : MR 73. 2011 : Les Lyonnais. 2017 : Carbone.
"Dieu est un fils de pute et un jour je le tuerai."
Quatre ans après la révélation 36 Quai des Orfèvres, Olivier Marchal met les bouchées doubles avec le tétanisant et bouleversant MR73. Un uppercut émotionnel implacable sous le schéma d'une trajectoire mortuaire en roue libre. Chemin de croix vertigineux d'un flic aviné condamné à l'infortune puis à la damnation, MR73 laisse en état de collapse sitôt le rideau (de larmes) tombé. D'une noirceur et cruauté inouïes, Olivier Marchal accomplit avec ce polar aussi bien poisseux que sinistrosé la pièce maîtresse de sa florissante carrière, à l'instar de ses aînés les plus notables (Corneau, Chabrol, Tavernier et consorts). De par la densité de son scénario binaire impeccablement charpenté (course contre la montre à déjouer 2 serial-killers en même temps de nous livrer une étude de caractères désabusés), de l'attention de sa mise en scène posée et d'un jeu d'acteurs putassiers (Philippe Nahon, proprement terrifiant de cynisme en monstre irrécupérable !) ou virils que Daniel Auteuil domine avec une vérité viscérale mise à nu face écran.
Strié par la tristesse du deuil et l'épuisement de l'existence, enlaidi, vieilli et lambiné par l'alcool, Auteuil balade sa dégaine tel un fantôme errant lors d'une quête désespérée de rédemption et d'exutoire au sein d'un monde anxiogène gangrené par l'injustice, la corruption (ici policière) et le Mal à visage humain. D'une intensité dramatique suffocante au travers de visions morbides (la résultante des crimes les plus sordides nous rappelle Seven ou Le Silence des Agneaux), de péripéties et règlements de compte abrupts, MR73 provoque un désarroi moral difficilement gérable face à l'introspection d'un homme accablé par le deuil et seul contre tous à tenter de dévoiler la merde auprès de sa hiérarchie. Sous couvert du poids inextinguible de la culpabilité, du remord et de l'amertume que notre anti-héros traverse sans illusion, Marchal en profite pour nous envoyer en pleine face son cri d'indignation face à une société laxiste où les plus nantis parviennent toujours à taire leurs agissements les plus préjudiciables. Notamment faute d'un instinct pervers indécrottable chez les sujets les plus dérangés. Abordant enfin le thème de la vengeance en dernière ligne droite, MR73 fait ensuite appel au suicide le plus immoral par le truchement d'un ange exterminateur fourbu par le préjudice et la partialité.
Le "Martyrs" du polar français.
Tragédie sépulcrale d'une noirceur et d'un pessimisme constants de par son regard plein d'acrimonie sur une société aussi fourbe que nécrosée, MR73 triture nos émotions avec une acuité dramatique cafardeuse. Hanté par la présence tricéphale d'Auteuil en coupable / victime / bourreau, ce polar vicié habité par sa déchéance morale est notamment l'occasion pour Marchal de nous livrer une bouleversante oraison auprès des martyrs innocents, puis de nous achever avec la genèse d'un nourrisson clamant sa souffrance dès 1er souffle. Du grand cinéma à la fois dur et crépusculaire, sensible et élégiaque, aussi nihiliste soit son propos rageur (pas de rédemption possible pour les monstres et les vindicateurs), à ne pas mettre pour autant entre toutes les mains.
Dédicace à Mathias Chaput
* Bruno
La chronique de Mathias Chaput:
Il est des œuvres qui réconcilient avec le cinéma…
« MR 73 » fait partie de ces rares films français qui vous assène un coup de poing en plein visage, un uppercut en plein cœur, Olivier Marchal a réussi à nous projeter dans un univers foisonnant et crépusculaire où gravitent des personnages désespérés et habités par le malheur, mais il transgresse ces situations et ces sentiments par une intrigue policière tout à fait pénétrante et d’une noirceur totale…
Marchal flirte avec les cimes du polar de haut niveau et atteint la perfection dans de nombreuses séquences dont la plus marquante, la finale, il éclabousse les normes, s’approprie son style de façon abrupte par des symbolisations, des métaphores uniques qui vont extrêmement loin dans l’hyper sensibilité (la religion est éclaboussée par le sang, la mort passe par la vie, par la naissance… on suppose même une réincarnation, c’est dire si le transfert et le parallèle sont osés !)…
Au niveau de la direction d’acteurs, Daniel Auteuil prouve une nouvelle fois son authenticité, Philippe Nahon fait encore plus peur que dans « Seul contre tous » et Olivia Bonamy est cinglante de fragilité, enveloppant un rôle frêle et vulnérable, elle donne la vie comme pour se sauver elle-même…
Les contrastes avec les polars traditionnels sont saisissants, que ce soit la pluie, la nuit, l’atmosphère qui règne dans « MR 73 » tout se démarque de ce que l’on avait pu voir auparavant, Olivier Marchal s’imprègne d’une histoire assez basique pour la renouveler et la transcender à sa façon, de la lumière aux ténèbres, il n’y a qu’un pas…
Froid, glaçant même, « MR 73 » est un polar qui ne ressemble à aucun autre, il pulvérise les codes et amène le spectateur sur une réflexion sur la justice et la vie de ces policiers, loin des clichés que l’on a pu voir et entendre, il donne une dimension mystique à cette profession et le réalisme totalement assumé par Marchal ne peut qu’appuyer et entériner son propos…
Très dur, « MR 73 » fait sortir de l’ombre les pires affres que peuvent vivre des humains et dépassent ces derniers par un espoir, un faible espoir d’arriver à la plénitude et au repos de l’âme…
Fantastiquement mis en scène, « MR 73 » est une œuvre qui laisse des séquelles et qui grave instantanément l’histoire du cinéma français au sommet…
Note : 10/10
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