mercredi 10 août 2011

RAMBO (First Blood)


de Ted Kotcheff. 1982. U.S.A. 1h33. Avec Sylvester Stallone, Richard Crenna, Brian Dennehy, Bill McKinney, Jack Starrett, Michael Talbott, Chris Mulkey, John Mc Liam, Alf Humhreys, David Caruso.

Sortie en salles en France le 2 Mars 1983, U.S.A: 31 Octobre 1982.

FILMOGRAPHIE: Ted Kotcheff est un réalisateur, producteur, acteur et scénariste canadien d'origine bulgare, né le 7 avril 1931 à Toronto (Canada). 1974: l'Apprentissage de Duddy Kravitz, 1978: La Grande Cuisine, 1982: Rambo, 1983: Retour vers l'Enfer, 1988: Scoop, 1989: Winter People, Week-end at Bernie's, 1992: Folks !

                                          

Réalisateur touche à tout, Ted Kotcheff explose le box-office en 1982 avec un film d'action révolutionnaire mettant en scène un vétéran du Vietnam de retour dans son pays mais rejeté par sa société. Le phénomène Rambo est né et son personnage iconique interprété par un Stallone en pleine ascension (la même année sort Rocky 3 !) va influencer un nombre incalculable d'ersatz à travers le monde. Retour sur un modèle du film d'action aussi jouissif et trépidant que sa première sortie officialisée le 31 Octobre 1982 ! SynopsisJohn Rambo est un ancien béret vert de retour dans son pays après avoir combattu la guerre du Vietnam. Sur le sol américain, l'homme gratifié d'une médaille d'honneur est pris à parti avec un flic irascible et raciste. La tension entre les deux hommes va rapidement s'envenimer à tel point que le shérif décide de l'appréhender pour vagabondage et port illégal d'arme blanche. Au commissariat, après avoir été battu et maltraité, John Rambo parvient à s'échapper de ses assaillants pour prendre la fuite à moto en direction de la forêt montagneuse. Une chasse à l'homme est sommairement engagée !

                               

Lorsque l'on revoit 40 ans plus tard pour la énième fois cet illustre film d'action, on se rend compte à quel point ses ressorts de suspense, de tension et d'action échevelée étaient coordonnées à leur paroxysme. Parce que Rambo constitue un concentré d'émotions fortes, de par son rythme vigoureux d'une efficacité optimale. En y combinant l'aventure, le film de guerre, le survival, l'action et l'analyse sociale, Ted Kotcheff trouva la formule magique pour créer un nouvel archétype du divertissement moderne. Car sous argument social de la difficile réinsertion des soldats du Vietnam de retour dans leur pays, le réalisateur livre une impitoyable chasse à l'homme, faute d'une Amérique hostile envers l'étranger, car réfutant les marginaux d'apparence interlope. Après un prologue jubilatoire pour les rapports conflictuels entre un flic orgueilleux et notre briscard arrêté pour vagabondage, la première partie nous converge de plein fouet à l'haletant survival. Une traque improbable auquel un fugitif devra user de subterfuge et traquenards belliqueux pour sauver sa peau contre une armée de 200 soldats lancés à ses trousses. La mise en scène impeccablement maîtrisée rivalise d'adresse et d'efficacité en terme de courses poursuites incessante à travers bois d'une forêt montagneuse, transcendant ainsi la sauvagerie de ses paysages dantesques lors d'un saut dans le vide anthologique ! John Rambo, sévèrement rebelle contre l'hypocrisie condescendante des flicards, renoue donc avec son instinct guerrier pour reproduire la même situation de guérilla dans son pays dit civilisé. Pièges artisanaux, cachettes et camouflages de guerre sont savamment façonnés par un soldat à nouveau en guerre contre sa propre patrie.
                                    
Ce fantasme viril de l'homme inéquitablement traqué contre une armée réussit ici le prodige de contourner ses invraisemblances parmi l'agencement de situations censées et la conviction de la prestance humainement fouillée de Sylvester Stallone. En outre, les séquences d'action rondement menées et techniquement bien orchestrées éludent habilement l'outrance dans lequel elles auraient pu facilement se vautrer. A contrario, les péripéties endiablées et cascades impondérables vont louablement servir le cheminement de l'histoire avant que ne culmine un règlement de compte pyrotechnique au sein d'une urbanisation réduite à feu et à sang. Pour le coup, la chasse à l'homme inverse les rôles lorsque notre héros échappé d'une mine désaffectée décide de mener une véritable guérilla urbaine au coeur de sa paisible bourgade. Ce baroud d'honneur survitaminé déploie généreusement des séquences explosives toujours aussi spectaculaires et intenses avant de nous émouvoir lors d'un épilogue particulièrement bouleversant si bien que Stallone extériorise tout son potentiel dramatique. Un moment d'intimité névralgique démontrant en un laps de temps les stigmates de l'horreur inhumaine de la guerre, du traumatisme et des séquelles irréversibles assénés aux soldats du front. Ainsi, en pourfendeur contre l'autorité intolérante de son pays (les flicards sont constamment ridiculisés de par leur machisme primaire et arrogance déloyale), Ted Kotcheff recourt à la sobriété pour débattre son réquisitoire contre l'abus de pouvoir, l'injustice et la haine de l'autre.

                                   
Phénomènes à part entière dans le domaine du cinéma d'action contemporain, Rambo, le film, et Stallone, l'acteur, auront définitivement marqué la décennie 80 en renouvelant l'actionner sous couvert d'étude sociale. Ultra efficace et spectaculaire, haletant en diable, intense et bouleversant, Rambo confine au chef-d'oeuvre sans jamais perdre de vue l'humanité déchue de son personnage emblème. Un héros chevronné moralement blessé par l'irrévérence de sa terre d'accueil n'ayant aucun crédit pour la bravoure de ces anciens combattants. Inoubliable.

A Pascal, mon frère de sang...

Rambo 2: http://brunomatei.blogspot.com/2011/12/rambo-2-la-mission-rambo-first-blood.html

mardi 9 août 2011

La Forteresse Noire / The Keep


de Michael Mann. 1983. U.S.A. 1h36. Avec Scott Glenn, Alberta Watson, Jurgen Prochnow, Robert Prosky, Gabriel Byrne, Ian Mc Kellen, William Morgan Sheppard, Royston Tickner, Phillip Joseph.

Sortie en France le 2 mai 1984, U.S: 16 Décembre 1983.

FILMOGRAPHIE: Michael Kenneth Mann est un réalisateur, scénariste et producteur américain né le 5 Février 1943 à Chicago. 1979: Comme un Homme Libre, 1981: Le Solitaire, 1983: La Forteresse Noire, 1986: Le Sixième Sens, 1989: LA Takedown, 1992: Le Dernier des Mohicans, 1995: Heat, 1999: Révélations, 2001: Ali, 2004: Collatéral, 2006: Miami Vice, 2009: Public Enemies.

                                      

Deux ans après Le Solitaire, Michael Mann transpose en 1983 le roman de Francis Paul Wilson, The Keep, récit fantastique illustrant la dualité du Bien et du Mal sur fond d’occupation nazie. Initialement prévue pour avoisiner les trois heures, La Forteresse Noire est réduite de moitié par la production, étranglée par un budget malingre. S’y ajoutent la mort du superviseur des effets spéciaux, un climat hivernal rigoureux, et les toquades de certains comédiens — autant d’accidents qui compromettent une œuvre ambitieuse à la réputation maudite. Aujourd’hui, La Forteresse Noire est enfin reconnue par une communauté de fans transis d’émoi, fascinés par sa fulgurance formelle et son impact musical résolument obsédant.
Quelques décennies après sa sortie, ce diamant noir, malmené par la vicissitude, reste d’une acuité ensorcelante.

Le pitch : avril 1941, Europe de l’Est. Dans les montagnes rocailleuses d’un village des Carpathes, une armée d’officiers nazis est dépêchée vers une mystérieuse forteresse. Cent huit croix de nickel y sont scellées dans les murs. Deux soldats trop curieux dérobent un crucifix, libérant sans le savoir une force occulte d’une puissance démoniale. Aussitôt, les Allemands soupçonnent les villageois d’avoir orchestré ces morts énigmatiques. Au même moment, un nouvel escadron de SS, dirigé par un capitaine castrateur, pénètre dans l’enceinte du hameau.

                                          

S’il fallait prouver le pouvoir d’envoûtement et de lyrisme de La Forteresse Noire, il suffirait de regarder son générique d’ouverture. Un plan-séquence vertigineux survole un ciel nuageux, plonge dans une mer de sapins géants, puis se fixe sur l’arrivée de véhicules militaires, habités de nazis vaniteux. Déjà, la partition prégnante de Tangerine Dream déploie un onirisme baroque, souligné par des ralentis limpides. Nappes synthétiques, séquences sourdes, motifs ambigus — tout contribue à installer une étrangeté permanente. En cinq minutes, Michael Mann nous projette de plein fouet dans une campagne roumaine conquise par mégalomanie. C’est la découverte de cette forteresse sinistre, bientôt investie par les nazis, qui ouvre les portes du Mal et de son dessein : anéantir le monde.

À travers un florilège d’images flamboyantes, scandées par une partition électronique lancinante (l’arrivée des nazis au village, la traversée maritime crépusculaire, l’étreinte torride des amants, la relation pudique entre l’historien et sa fille), l’atmosphère d’étrangeté s’épaissit. Les séquences s’impriment : la visite de la forteresse narrée par le prêtre, la première apparition de Glaeken, les offensives surnaturelles perpétrées la nuit, le climax apocalyptique noyé de brouillard. Hypnose pure, immersion dans un gothisme indicible. Les décors blafards et brumeux, issus d’une scénographie vampirique, ouvrent les portes d’un rêve éveillé d’une rare intensité émotionnelle.

                                               
Par l’agissement délétère d’un golem voué à l’achèvement du monde, Michael Mann superpose cette menace au spectre du nazisme, esquissant une réflexion sur l’instinct du Mal et son hypocrisie mécréante. Malgré les carences budgétaires, l’esthétisme formel — et le soin conféré à la physionomie de la créature, impressionnante de robustesse — nous confrontent à une odyssée funèbre traversée par une mélancolie existentielle. Les liens tendres entre le père impotent et sa fille prisonniers de la forteresse — tout comme l’orgueil des nazis — contrastent avec la perfidie d’un monstre protéiforme, impérieux, sans visage stable.
Opéra majestueux de sons et de lumières vaporeuses, La Forteresse Noire constitue une expérience cinégénique singulière. Ses défauts deviennent ses stigmates, et ses imperfections, les cicatrices d’un film littéralement hanté.

À la fois hypnotique et lyrique, envoûtant par son élégance formelle et mélomane, La Forteresse Noire transforme l’affrontement entre Bien et Mal en élégie sensorielle d’une intensité rare. Par sa mise en scène prodigieuse, Michael Mann sculpte des images subtiles, énigmatiques — chaque plan semblant émerger des ténèbres pour se suspendre dans le temps. Le film magnifie l’invisible, rend palpable l’indicible.

La partition de Tangerine Dream, éthérée, mélancolique, est bien plus qu’un simple accompagnement : elle est le souffle du film, sa chair sonore. Elle fusionne avec l’image dans un vertige atmosphérique fascinant. Certaines pièces, comme Arx Allemand ou Gloria, confèrent à l’œuvre une dimension mystique, presque liturgique, évoquant une lutte archaïque, hors du temps, entre puissances primordiales. Tangerine Dream ne commente pas — elle ressent, elle vibre, elle capte le déséquilibre cosmique d’un monde à la dérive.

                                         

Les comédiens, à la fois charismatiques et empreints d’une expressivité sobre, se fondent dans cette œuvre envoûtante. Scott Glenn, Gabriel Byrne, Ian McKellen, et la délicate Alberta Watson portent chacun à leur manière un fardeau d’amertume, une humanité déchue où les nuances de douleur et de résignation se jouent dans chaque regard, chaque geste. Chacun incarne une part de l’obscurité, une douleur silencieuse qui traverse les âmes comme un vent glacé. Leurs performances, à la fois discrètes et profondes, nous laissent une trace indélébile, comme si leurs personnages, tout en étant figés dans l’immobilité du film, continuaient à vivre, à souffrir, à lutter dans les recoins de notre mémoire.
La Forteresse Noire incarne la quintessence du fantastique moderne, où la sensibilité envoûtée se fait tour à tour ombre et lumière. Le film nous transporte dans un univers funéraire, presque irréel, où la frontière entre le réel et le surnaturel s'effondre, nous plongeant dans un rêve sombre et éphémère. La mise en scène de Mann est une poésie visuelle, un poème d’images qui nous enserre sans jamais nous laisser d’issue, nous laissant la sensation étrange d’avoir vécu un rêve trop bref, trop insaisissable. Avec ses 1h36 de projection, La Forteresse Noire déploie son univers tout en douceur, avant de nous laisser, comme un écho lointain, l’ivresse mélancolique du rêve brisé.

Une élégie éternelle.
Et pourtant, au-delà du simple visionnage, La Forteresse Noire perdure bien après le générique de fin. Son emprise émotive reste accrochée à nous, comme une invocation au gothisme folklorique surgissant des brumes du passé, un monde étrange, imprégné de mythes oubliés et de malédictions anciennes, qui continue de hanter notre esprit bien longtemps après que les lumières se soient éteintes.
Il est des films qui ne se contentent pas de nous parler pendant la projection, mais qui nous poursuivent, nous transpercent, nous hantent à jamais. La Forteresse Noire en fait partie. Une œuvre qui traverse le temps, telle une ombre persistante, une poésie noire qui se grave dans l’âme.

*Bruno 
09.08.11
14.04.23. vostfr (5è x)

vendredi 5 août 2011

POLTERGEIST 3


de Gary Sherman. 1988. U.S.A. 1h44. Avec Tom Skerritt, Nancy Allen, Heather O'Rourke, Zelda Rubinstein, Lara Flynn Boyle, Kipley Wentz, Richard Fire, Nathan Davis, Roger May, Paul Graham, Meg Weldon.

Sortie Salle en France le 10 Aout 1988. U.S.A: 10 Juin 1988.

FILMOGRAPHIE: Gary A. Sherman est un réalisateur, scénariste et producteur américain né en 1943 à Chicago dans l'Illinois.
1972: Le Métro de la mort, 1981: Réincarnations, 1982: Descente aux enfers, Mystérious Two (TV film), 1984: The Streets (TV film), 1987: Mort ou Vif, 1988: Poltergeist 3, 1990: Lisa, After the Shock, 1991: Murderous Vision (TV film).

                           

Bruce et Patricia Gardner ont recueilli leur nièce, la petite Carol Anne, afin de lui faire oublier les visions de cauchemars qui la hantent. Mais la peur progresse au fur et à mesure que des événements étranges se produisent dans la tour où habitent les Gardner. Carol Anne voit resurgir son sinistre persécuteur, le prêcheur Kane, qui l'invite à le rejoindre dans l'au-delà. La fidèle Tangina, dotée de quelques pouvoirs surnaturels, tente de secourir la fillette.

                           

Pour faire concis, Poltergeist 3 est un mauvais film encore plus probant qu'à l'époque de sa sortie. Après un second volet assez médiocre, mais néanmoins sympathique par son esthétisme soigné, quelques scènes chocs impressionnantes et surtout le personnage iconique du pasteur véreux, Gary Sherman (inoubliable réal du Métro de la Mort, Vice Squad et surtout Réincarnations) prend la relève pour tenter de renouer avec la qualité du 1er volet. Après une première demi-heure quelque peu attrayante dans son ambiance gentiment inquiétante, le film va peu à peu se discréditer et s'empiéter dans une intrigue vaine complètement éculée malgré la bonne idée des miroirs déformants et d'une condition climatique glaciale matérialisée par les forces de l'au-delà ! L'idée couillue que l'enfer n'est plus qu'un royaume de glace était néanmoins beaucoup mieux exploitée dans le sympathique 976 Evil de Robert Englund. Les 40 dernières minutes vont enfoncer le clou dans ses maladresses imposées, faute d'un scénario inepte de "ouh fais moi peur" de pacotille avec une partie de cache-cache redondante et rébarbative entre les forces du Mal et nos héros piégés en interne d'une gigantesque tour de verre. Les excellents comédiens Tom Skerritt et Nancy Allen se demandent eux mêmes ce qu'ils sont venus foutre dans cette galère tant leur jeu risible sombre dans la parodie implicite, sans oublier certains personnages stéréotypés (l'hypnotiseur ou la médium naine, Zelda Rubinstein, d'ailleurs sélectionnée aux Razzy Awards). La scène réfrigérante de l'assaut des voitures congelées, coursant notre couple dans un parking souterrain, est sans doute le moment nanardesque le plus impayable du film. Malencontreusement, le score musical apathique donne l'impression lui aussi d'enfoncer le clou du rythme monocorde. A sauver, quelques scènes d'angoisse assez réussies dans sa première partie, l'interprétation toujours convaincante de la petite Heather O'Rourke et des FX ambitieux du plus bel effet.

                          

Une suite complètement à côté de la plaque donc, faute d'un scénario archi convenu (Sherman y est crédité parmi deux comparses !) et d'une mise en scène jamais inspirée, même si largement défavorisée par des conditions de tournage excécrables. Ce qui, du coup, permet de rehausser le niveau trivial du second volet.

In memoriam: Heather O'Rourke mourra peu après la fin du tournage d'un choc septique causé par la maladie de Crohn, à l'âge de 12 ans.

06.08.11
Bruno Matéï.

jeudi 4 août 2011

POLICE ACADEMY


de Hugh Wilson. 1984. U.S.A. 1h35. Avec Steve Guttenberg, Kim Cattrall, G.W. Bailey, Bubba Smith, Donovan Scott, George Gaynes, Andrew Rubin, David Graf, Leslie Easterbrook, Michael Winslow.

Sortie en salles en France le 5 Septembre 1984. U.S.A: 16 Mars 1984.

FILMOGRAPHIE: Hugh Wilson est un réalisateur, acteur et scénariste américain né le 21 Aout 1943. 1984: Police Academy1985: Rex le Magnifique. 1987: Pie Voleuse. 1994: Un Ange gardien pour Tess. 1997: Le Club des Ex. 1999: Allo, la police ?!. 2000: Première Sortie. 2007: Mickey

                                      

Spécialiste de la comédie tous publics, Hugh Wilson n'a pu prévoir qu'il allait engendrer avec son premier long une franchise lucrative répertoriant 6 suites. Une saga commerciale très inégale qui s'étalera une décennie durant (1984/1994). A sa sortie, le succès mérité de Police Academy est immense si bien qu'il engrange plus de 80 millions de dollars de recettes pour un budget de 4,5 millions. Hélas, les épisodes suivants régresseront en terme d'inventivité burlesque au point de lasser un public fatigué de subir des gags aussi gras. Mais il serait dommage d'occulter ce premier volet proprement hilarant et mené à un rythme effréné au point de la considérer comme un classique de la comédie américaine. Le pitchDans une académie policière, les règles de déontologie pour s'y inscrire viennent d'être édulcorées. Ainsi, des volontaires sont enrôlés afin de suivre un stage de quelques semaines et pouvoir exercer leur métier dans un avenir prochain. Mais la nouvelle équipe recrutée sera une lourde labeur pour le lieutenant castrateur Harris, pourtant déterminé à les recadrer avec une ferme autorité !

                                        

D'un argument saugrenu inspirée de faits réels (!?), la réussite de Police Academy doit sa franche réussite à cette idée improbable poussée ici à son paroxysme (aucun examen d'entrée n'est acquis pour s'inscrire dans l'académie), permettant d'y déployer abondamment une galerie de personnages tous plus débridés, incongrus et aliénés les uns que les autres. Le film se distingue en deux parties toutes aussi loufoques et hilarantes l'une que l'autre. C'est dans un premier temps la phase d'entraînement exercée par nos recrus qui nous ait illustré lors d'un florilège de scènes délirantes avoisinant en moyenne un gag à la minute. Puis vient l'entrée en action des nouveaux flics chevronnés car entraînés dans la discipline de fer d'un lieutenant aussi drastique que ballot. Le caractère hautement sympathique de ces policiers novices et l'ambiance survitaminée de défouloir qui émane de leurs bévues parviennent à rendre cette comédie gentiment effrontée et irrésistible !

                                     

Tant auprès de Mahoney (Steve Guttenberg), play-boy obtus, arrogant et désinvolte, adepte de la drague et de la flânerie, de Larvell Jones (Michael Winslow) capable d'imiter à la perfection à l'aide de sa bouche des bruitages extravagants, d'Eugene Tackleberry (David Graf), véritable clone de l'inspecteur Harry en mode psychopathe car obsédé par les armes à feu et maladivement addict à appréhender les gangsters les plus malfamés, de Moses Hightower (Bubba Smith), homme afro à la taille disproportionnée décuplant sa force physique de manière prodigieuse, que de la timorée Laverne Hooks (Marion Ramsey), petit bout de femme afro, discrète et anémique, à l'instar de sa voix chétive ! Enfin, je ne peux aussi manquer d'évoquer Debbie Callahan (Leslie Easterbrook) dans le rôle d'une capitaine de charme dominatrice, tendance SM, ou encore la charmante Karen Thompson (Kim Cattral, inoubliable compagne de Kurt Russel dans Les Aventures de Jack Burton...), future petite amie docile du dragueur invétéré Mahoney ! Ainsi, cette galerie de personnages haut en couleurs rivalise de stupidité à commettre les situations à risque les plus improbables qui soient. D'ailleurs, dans le domaine des gaffes les plus répréhensibles, leurs exactions se clôturent sur un épilogue pétaradant lorsque nos équipiers maladroits et froussards feront preuve de courage face à l'ébullition d'une émeute urbaine ! Action, poursuites et gags s'enchaînant jusqu'à la fameuse célébration d'une procession de récompense ovationnées pour nos héros malgré eux. Une remise de médaille d'honneur potentiellement méritante, du moins pour certains de nos officiers les plus retors.

                                   

Surtout ne les appelez pas quand vous êtes dans la M... !!!
Mené à 100 à l'heure sous l'impulsion hystérisée d'une troupe de comédiens sémillants à travers leur pitreries impayables, Police Academy peut sans conteste se targuer d'être l'une des meilleures comédies des années 80. Car sans doute influencé par l'immense succès des frères Zucker, Y'a t'il un pilote dans l'avion, on retrouve ici ce même esprit débridé inspiré du cartoon lors d'une pléthore de gags défilant en moyenne toutes les 30 à 60 secondes ! 

04.08.11.    .
Bruno Matéï.

mardi 2 août 2011

RESERVATION ROAD


de Terry George. 2007. U.S.A. 1h42. Avec Jennifer Connelly, Joaquim Phoenix, Mark Ruffalo, Elle Fanning, Mira Sorvino, Eddie Alderson, Gary Kohn, John Slattery, Sean Curley.

Inédit en Salles.

FILMOGRAPHIE: Terry George est un réalisateur, scénariste et producteur britannique, né le 20 décembre 1952, en Irlande du Nord.
1996: Some Mother's Son
1998: A Bright Shining Lie (tv)
2004: Hotel Rwanda
2007: Reservation Road

                          

Hommage subjectif d'un puriste amateur affecté.
Après son drame inoubliable sur le génocide rwandais dans Hotel Rwanda, Terry George renoue trois ans plus tard avec une tragédie familiale d'une sobre intensité émotionnelle. Honteusement inédit en salles, Reservation Road aborde avec gravité et sans esbrouffe de pacotille l'impossible deuil de la perte d'un enfant, fauché accidentellement par une voiture dont le conducteur s'est résolu à prendre l'escampette. 

Ethan et Grace forment un couple harmonieux parmi la présence docile de leurs deux enfants équilibrés. Un soir, le fils est violemment percuté par une voiture roulant à vive allure. Le chauffard en question, un avocat qui accompagnait son fils chez son ex femme, décide de prendre la fuite, éprouvé d'une peur panique d'avoir perpétré un évènement aussi dramatique. Les parents anéantis par la mort de leur enfant décident désespérément de retrouver l'assassin présumé.

                            

Avec un sujet aussi grave et brûlant, la perte d'un enfant fauché par la voiture d'un conducteur inhibé par son acte répréhensible, Reservation Road aurait pu facilement sombrer dans le mélo pompeux et lacrymal. Avec l'intelligence d'un réalisateur humble et modeste, cette histoire en apparence convenue réussit à transcender ses conventions par la grâce tempérée des comédiens tous impliqués de manière prude et la dextérité de ne pas porter de jugement moralisateur sur le bourreau incriminé ou la victime éprise de justice individuelle.
Ce qui favorise la force et l'intensité du récit est centré sur ce duel psychologique entre deux père de famille antinomiques auquel nous allons suivre en parallèle leur état d'âme et leur blessure secrête fustigées dans la rancoeur, la haine, le désespoir et l'exutoire rédempteur.
Terry George réussit avec justesse et sans une once de complaisance à nous émouvoir à travers le destin brisée d'une famille qui était épanouie par l'aubaine conjugale affiliée à l'amour infantile. Après un préambule bouleversant dans l'homicide accidentellement perpétré envers un enfant, le réalisateur nous fait partager les douloureux moments de doute et d'angoisse d'un couple endeuillé, incapable de surmonter la mort de leur progéniture, frappée de plein fouet par la voiture d'un quidam lâche pour son acte involontairement criminel. Toutes ses séquences intimistes qui illustrent les relations tendues et orageuses envers le couple démuni au bord du marasme sont remarquablement mises en contraste avec le rapport affecté entre le chauffeur incriminé, un avocat réputé épris de tendresse pour son jeune fils séparé de l'union conjugale, réfugié dans la passion sportive du basket ball. A travers ces deux portraits de pères involontairement liés par un deuil familial, Terry George détourne la convention requise de l'assassin immoral éludé d'une quelconque repentance. En effet, il s'attache ici à accorder autant de profondeur aux victimes incapables d'assumer la mort de leur enfant mais aussi au criminel orgeuilleux finalement épris d'humanité envers l'amour paternel. Un rival tourmenté profondément perturbé par son acte irresponsable, constamment rongé par la culpabilité jusqu'à envisager la rédemption dans une cellule de prison en se livrant courageusement à la police.
En point d'orgue décisif et radical, Reservoir Road amène également une réflexion sur la justice expéditive et de quelle manière salvatrice un homme envahi par la colère, avide d'équité et d'impartialité, pourrait éventuellement changer d'avis en dernier ressort.

                          

Une fois de plus, le robuste Joaquim Phoenix délivre une poignante interprétation dans sa douleur surmenée d'un père endeuillé incapable de concevoir l'insouciance d'un chauffard en liberté.
Un homme traumatisé, replié sur lui même, hanté par l'iniquité mais insinueusement irascible dans sa détermination de prendre l'enquête à bras le corps contre l'impotence des autorités. A moins  d'entamer en désespoir de cause une démarche beaucoup plus radicale et expéditive dans son esprit autodestructeur de s'octroyer d'une justice individuelle suicidaire. La ravissante Jennifer Connelly apporte son soutien maternel avec une spontanéité dépouillée dans celle d'une mère submergée de douleur par cette tragédie fortuite mais un peu plus pondérée et nuancée dans sa quête chétive de renouer avec l'affection et la tendresse de leur vie maritale en chute libre. Leur rival indigne est endossé par l'excellent Mark Ruffalo, tout aussi impressionnant, pathétique et affligeant dans sa prise de remord et sa lourde conscience galvaudée par l'accident meurtrier d'une mort infantile. De prime abord, apeuré et faussement insidieux dans son égoïsme lattent, le criminel malgré lui va lentement se résigner à aseptiser son impardonnable faute d'avoir annihilé la vie d'un innocent juvénile.

                          

Remarquablement mis en scène sans effet de pathos et interprété avec une justesse de retenue par des comédiens essentiels, Reservoir Road est un bouleversant drame psychologique sur la perte chère d'un enfant brutalement soutiré à sa famille et sur la quête de justice qui en résulte pour la responsabilité de l'assassin laissé en liberté. Son message lucide de tolérance contre l'animosité souhaite énoncer que la seule raison de renoncer à la violence jusqu'au-boutiste est de savoir percevoir dans les yeux de son bourreau une potentielle lueur d'humanité pourfendue par le regret et la culpabilité.

Dédicace à Pascal Frezatto.
02.08.11.
Bruno Matéï.                        

lundi 1 août 2011

STAKE LAND


de Jim Mickle. 2010. U.S.A/Australie. 1h38. Avec Connor Paolo, Nick Damici, Michael Cerveris, Danielle Harris, Kelly McGillis...

FILMOGRAPHIE: Jim Mickle est un réalisateur américain.
2002: The Underdogs (court)
2006: Mulberry Street
2010: Stake Land

                            

Quatre ans après son premier essai superficiel mais prometteur, Mulberry Street, Jim Mickle s'inspire d'une ambiance post-apocalyptique pour retracer la destinée d'une poignée de survivants, contraints de combattre une horde de vampires et tenir tête à une secte fondamentaliste. Ou quand La Route se serait affilié avec Near Dark. 

Dans un monde à l'agonie régi par des vampires, Martin est témoin du massacre de ses parents commis par ces créatures. Il est sauvé in extremis par un briscard solitaire, voyageur autonome circulant en véhicule au hasard des routes. Ensemble, ils vont parcourir différentes contrées bucoliques jusqu'à envisager de rejoindre le canada, nouvelle terre d'accueil pour les autres survivants.

                           

Jim Mickley avait déjà séduit avec son précédant métrage, Mulberry Street, première bande fauchée, maladroite mais pleine de bonnes intentions et privilégié par des personnages à la densité humaine probante. En 2010, il rempile derrière la caméra pour s'allouer d'un budget un peu plus conséquent et d'acteurs mieux confirmés pour livrer un road movie désenchanté auquel des vampires mutants ont envahi notre monde en phase de déclin.
Avec son ambiance nonchalante continuelle, ses décors désolés de paysages naturels blafards et d'un score élégiaque aux accords de piano timoré, Stake Land joue la carte de la compassion et de la désillusion. Autant avertir de suite ceux qui s'étaient envisagés d'assister à un film d'horreur bourrin dans le simple but de choquer et divertir, même si certains moments échevelés déploient sans concession des scènes gores bien sanglantes.
Cette série B modestement réalisée compense la maigreur de son budget par une habile utilisation de ces décors décharnés accentué par un climat maussade en clair obscur superbement photographié.
En suivant le cheminement d'un duo de survivants téméraires et courageux, le réalisateur souhaite retranscrire avec réalisme et poésie funèbre une hostile aventure humaine riche en imprévus et moults dangers face à deux menaces distinctes. Mister et le jeune Martin vont devoir s'allier pour combattre de prime abord les meutes de vampires planqués à n'importe quel abri et continuer leur voie au hasard des itinéraires envisagés. La mort putride suinte son odeur nauséeuse dans l'atmosphère impure, des cadavres calcinés jonchent les trottoirs de villages fantômes où certains survivants retranchés dans leur foyer tentent encore de repousser l'antagoniste fétide, incarnation du Mal occulte. Durant leur trajet, nos deux fuyards vont faire la rencontre de quelques quidams esseulés avec qui ils vont s'unir pour faire un bout de chemin commun. En prime de la menace perpétuelle des créatures voraces de la nuit, ils vont également devoir faire face à une communauté fondamentaliste fustigeant la vie humaine et ses voyageurs égarés qui osent empiéter sur leur territoire. Dès lors, le danger omniprésent est incessamment provoqué par notre groupe de fuyants, dépêchés de retrouver une terre nouvelle: le Canada.

                             

Avec une louable attention sur l'humanité de ses personnages, accentuée par la prestance tempérée de comédiens à la trogne naturelle,  Jim Mickle s'attarde avec empathie sur le destin de ces survivants qui iront jusqu'au bout de leur ambition pour retrouver un semblant de vie un peu plus paisible et moins délétère. La narration simple et sans surprise réussit pourtant à séduire dès son cruel préambule (les parents sacrifiés) et maintenir l'intérêt par la caractérisation des protagonistes. En intermittence, le réalisateur n'oublie pas pour autant d'accentuer un rythme plus frénétique émaillé de quelques scènes-chocs techniquement bricolées mais adroites et assez bien maîtrisées (en dehors de la vaine représaille d'un vampire vindicatif, ancien membre de la secte religieuse). On peut être quelque peu rebuté par le look insalubre des vampires monstrueux, sortes de mutants vulgairement burinés par un faciès défiguré couleur charbonnée. Mais leur esprit carnassier et la sauvagerie à laquelle ils font preuve pour décimer leur proie impressionne le spectateur convaincu de son caractère surnaturel. Mais c'est surtout son ambiance apocalyptique dans le sillage du superbe film, La Route, qui réussit facilement à immerger son public fidèlement rattaché au destin précaire de nos héros lamentés.
En prime, le portrait établi envers le jeune Martin (interprété par l'attachant Connor Paolo), orphelin endeuillé mais furtivement entraîné par son mentor chevronné, est une forme de parcours initiatique au vu de l'évolution finale de sa personnalité épaulée par une nouvelle recrue impromptue. Alors que son comparse éprouvé par ce climat morbide semble épris d'une autonomie drastique pour fuir égoïstement les régions contaminées, tel un nouveau fantôme errant. 

                          

Totalement orienté sur la dimension humaine de ces personnages chétifs autant que pugnaces, Stake Land traite fatalement de l'espoir, du courage et de l'union fraternelle pour tenter d'échapper à un monde en dégénérescence. De surcroît, si la violence qui en résulte engendre la violence, elle forge l'esprit devenu inflexible de celui qui a tenté de l'appliquer au nom de sa propre survie. Traversé de quelques scènes chocs spectaculaires, cette série B à la mélancolie prégnante réussit à toucher par l'amertume de son sujet. Un tableau noir dédié à l'humanité de notre civilisation davantage déshumanisée quand la fin du monde nous laisse songeur face à l'incertitude.

01.08.11
Bruno Matéï.

                                       

samedi 30 juillet 2011

LEGITIME DEFENSE


de Pierre Lacan. 2010. France. 1h25. Avec Jean-Paul Rouve, Claude Brasseur, Olivier Gourmet, Marie Kremer, Gilles Cohen, Michel Ardouin, Franck Tiozzo

Sortie en salle le 16 Mars 2011.

FIMOGRAPHIE: Pierre Lacan est un acteur, scénariste et réalisateur français
1999: Combien tu m'aimes (court)
2000: Sommeil Profond (court)
2002: Les Corsps solitaires (court)
2004: Frédérique amoureuse (court)
2011: Légitime Défense

                        

Hommage subjectif d'un puriste amateur de polar.
Pour son premier long-métrage, tiré du roman Terminus Plage de Alain WagneurPierre Lacan renoue avec le polar des années 80 avec un ton réaliste sans esbroufe, dans le sillage du cinéma de Alain Corneau, Pierre Granier-Deferre ou encore Maurice Pialat. Il ose confier à son interprète principal, Jean Paul Rouve, un rôle dramatique à contre-emploi d'une surprenante sobriété naturelle.  

Un père de famille inhibé va se retrouver embarqué dans une intrigue criminelle depuis que son paternel, ancien détective privé, a mystérieusement disparu. Recherché par une bande de malfrats véreux, il va devoir faire face à de lourdes responsabilités et découvrir le passé d'un père corrompu.

                           

Baignant dans une atmosphère réaliste et blafarde, Légitime Défense est un louable polar qui tente de renouer avec les ambiances naturalistes d'antan dans une mise en scène froide, sans fioriture, d'une violence tranchante, rehaussant ainsi son caractère austère et abrupt.
L'histoire morose de ce novice père de famille qui va au fil de son cheminement découvrir le sombre passé de son géniteur putassier ose ancrer un récit tortueux, laissant large part au profil de personnages indociles anti conventionnels. Des protagonistes en apparence aimables et dociles mais bonimenteurs, sans scrupule, baignant dans l'illégalité au profit de l'orgueil et la cupidité. Le trio de mafieux incarné par des acteurs au charisme prégnant exacerbe aussi la tension entretenue durant la conduite narrative avant leurs accès de violence incontrôlée d'une brutalité laconique (la cause animale est aussi largement réprimandée !).
Le scénario à l'intérêt constant est suffisamment ordonné pour surprendre en intermittence dans les rebondissements assénés alors que le personnage principal va lentement s'octroyer d'un certain aplomb au fil des déconvenues endurées pour se transformer contre son gré en héros vaillant impromptu. Ce qui permet de culminer vers un point d'orgue haletant, couillu (la scène du nouveau-né en offusquera plus d'un !) particulièrement éprouvant dans les exactions tolérées d'un mafieux cynique prêt à tout pour s'approvisionner d'un butin fructueux.

                         

Il y avait de quoi être dubitatif face au choix fortuit d'un acteur de la trempe de Jean-Paul Rouve, habitué aux rôles de comique saugrenu dans des comédies légères bon enfant. Il trouve ici une composition naturelle surprenant de tempérance dans son esprit flegmatique et semble même rappeler dans sa physionomie candide un monstre du cinéma, Patrick Dewaere. Peu affirmé, discret et effacé face à un monde d'adultes mécréants, il endosse au fil de son initiation une personnalité davantage valeureuse face aux révélations dramatiques qui empiètent sans outrance l'intrigue. On retrouve avec plaisir l'ancien briscard Claude Brasseur endossant le personnage solitaire d'un retraité alcoolique entouré d'animaux de compagnie dans une maison précaire. Bouffi, buriné et lassé d'une vie monotone, son aide fraternelle (implicitement suicidaire) parmi notre héros perplexe amplifie l'ambiance nonchalante, grisonnante qui émane de son identité meurtrie. Enfin, Olivier Gourmet est absolument remarquable dans celui du leader crapuleux sans aucune éthique pour parvenir à ses fins dans la quête frauduleuse d'une valise contenant un budget de 900 000 euros. Impassible, narquois et insidieux, il impressionne avec véracité innée un personnage ordurier avec une foi inébranlable.

                           

Correctement réalisé malgré une inexpérience dans l'action spectaculaire (la course poursuite automobile horriblement mal filmée est dévalorisée par un montage hasardeux), caractérisé par de formidables acteurs à la trogne inflexible, Légitime Défense séduit et surprend dans son caractère rugueux, éludé d'ornement. Le genre de petit polar passé inaperçu qui mérite pourtant que l'on s'y attarde tant il renoue avec respect et sincérité à une époque révolue de film noir ancré dans l'authenticité austère et la verdeur succincte. Et on peut dire que Jean Paul Rouve détonne admirablement dans un rôle en demi-teinte de père discrédité renouant favorablement avec dignité avec l'amour parental.  

30.07.11
Bruno Matéï.

jeudi 28 juillet 2011

Les Nuits rouges du bourreau de Jade / Le Notti Rosse Del Boia Di Jade


de Julien Carbon et Laurent Courtiaud. 2009. France/Hong-Kong. 1h41. Avec Carole Brana, Carrie Ng Ka-Lai, Frédérique Bel, Jack Kao Kuo-Hsin, Kotone Amamiya, Maria Chan Chai-ïng, Stephen Huynh, Tony Ho Wah-Chiu.
 
Sortie en salles en France le 27 Avril 2011.

FILMOGRAPHIE: Julien Carbon et Laurent Courtiaud sont deux réalisateurs et scénaristes français, travaillant en duo à Hong-Kong. 2011: Les nuits rouges du bourreau de Jade.

                                    

Julien Carbon et Laurent Courtiaud sont deux français passionnés de cinéma de genre ayant fondé avec leur leader Christophe Gans une revue de cinéma asiatique, parue en France: HK Orient Extrême. Ils se sont ensuite exilés à Hong-Kong afin d'occuper le poste de scénariste pour le compte de la société de Tsui Hark, Film Workshop. Ils peaufinent donc communément l'écriture de films comme Running out of the Time, Black Door, Black Mask 2 ou encore le Talisman
En 2007, ils se mettent à leur compte pour ériger une maison de production, Red East Pictures, en collaboration avec la réalisatrice Kit Wong afin de pouvoir réaliser leurs propres longs.

Synopsis: Dans le Hong-Kong contemporain, Carrie est à la recherche d'un fameux élixir au poison létal que le Bourreau de Jade détenait à l'époque du 1er empereur de Chine. Il torturait ainsi ses victimes paralysées à l'aide de griffes fourchues en guise de douleurs incommensurables. Catherine, une jeune française recherchée par la police possède ce venin également convoité par un groupe mafieux régit par Mr Ko. Avec la complicité de Sandrine, la fugitive tentera de rencontrer la prêtresse de la douleur sensitive pour y conclure un juteux marché.

                                     

Ca démarre fort avec une séance érotico morbide d'une sensualité formelle. Une jeune asiatique d'une beauté gracile est volontairement soumise pour subir les caprices masochistes de Carrie, femme fascinée par les exactions meurtrières du bourreau de jade. Derrière ce mythe d'une époque ancestrale, cet homme puissant pratiquait sur ses victimes des tortures insensées après les avoir paralysé à l'aide d'un puissant poison inhalé, décuplant ainsi la souffrance offerte aux victimes. Après une mise en scène emphatique savamment concoctée pour séduire les sens corporels d'une jeune désireuse, celle-ci est finalement recouverte sur toute la partie du corps d'un film de latex couleur corbeau. Après avoir enveloppé la témoin de cette combinaison caoutchouteuse, Carrie passe au stade supérieur en obstruant la respiration de la victime et ensuite l'éventrer à l'aide de griffes aussi aiguisées que des lames de rasoir. Le sang velouté s'échappant ainsi douceureusement du corps opaque de la victime transie, livrée à sa guise ! C'est ensuite qu'apparaît Catherine, blonde pulpeuse suspicieuse depuis qu'elle est recherchée pour meurtre par la police hongkongaise. Après avoir dérobé un mystérieux objet dans une antiquité, celle-ci ne soupçonne à aucun moment que le produit en question se révèle être la potion tant fantasmée par la pêcheresse éhontée et certains individus véreux. Dans une ville nocturne fantasmagorique, les deux femmes opiniâtres vont se croiser, se heurter,s'affronter pour une quête suprême et lucrative. 

                                        

Ainsi donc, aans une structure narrative quelque peu désordonnée, Les Nuits Rouges du Bourreau de Jade est avant tout un spectacle esthétique d'une beauté atypique. Somptueux décors baroques et variante de couleurs criardes réunies au sein d'un même décor renvoient bien évidemment au cinéma d'Argento et Bava alors que les protagonistes semblent hérités d'un film d'Alfred Hitchock ou encore de Jean Pierre Melville. Blonde fatale, tueuse sadienne à la perversité sans limite et mafieux sans pitié vont donc s'affronter à travers un jeu de cache-cache nocturne à travers une ville tentaculaire pour le plaisir masochiste du meurtre stylisé. On peut aussi songer dans les péripéties accordées aux serials d'antan, à Fu-Manchu et aux polars hongkongais majestueusement chorégraphiés (tel ce final aléatoire où les ripostes de gunfight sont vigoureusement échevelées). On est aussi admiratif devant la poésie morbide qui émane de certaines scènes gores d'une nuance érotique sous-jacente. Où les corps dénudés, frêles et dociles sont offerts à la guise d'une mégère délétère au sadisme épuré. La réalisation virtuose est consciencieuse, immaculée dans l'art pictural d'y filmer des séances masochistes inscrites sur une facture baroque flamboyante.

Niveau cast, on peut saluer la prestance caustique de Carrie Ng Ka-Lai (The Lovers, City on Fire) car elle envoûte l'écran à chacune de ses exactions perpétrées pour la quête du plaisir à la fois pervers et sadique. Ou lorsque l'acte meurtrier se révèle par son esprit incongru et son charme vénéneux comme un art suprême à part entière. En blonde pulpeuse tout droit sortie d'un suspense Hitchcockien, la ravissante Frédérique Bel possède un charme et une présence charismatique assez particulière dans sa posture altière. La manière dont elle gesticule ses tirades verbales nuit un peu de son honorable prestance parfois même décriée à sa sortie.

                                         

Esthétiquement sublime et enivrant, Les Nuits rouges du Bourreau de Jade est un exercice de style bourré de bonnes intentions à travers son hommage giallesque à tout un pan du cinéma transalpin expatrié ici dans une culture asiatique. Sa narration aurait peut-être dû être un peu plus dense et  ambitieuse mais la puissance érotico-sensuelle de certaines scènes clefs et l'imagerie gore raffinée qui y émanent renvoient aux plus belles heures de gloire d'illustres maîtres comme Dario Argento. Alors que son inopiné final immoral pourra en rebuter plus d'un.

*Bruno
 28.07.11

mercredi 27 juillet 2011

Wolfen. Prix Spécial du Jury à Avoriaz 1982.


de Michael Wadleigh. 1981. U.S.A. 1h54. Avec Albert Finney, Diane Venora, Edward James Olmos, Gregory Hines, Tom Noonan, Dick O'Neill.

Sortie en salles U.S: 24 Juillet 1981. France: 3 Mars 1982

FILMOGRAPHIE: Michael Wadleigh est un directeur de la photographie et réalisateur américain né le 24 septembre 1939. 1970: Woodstock. 1981: Wolfen. 1990: Woodstock: the Lost Performances (vidéo). 1999: Jimi Hendrix: live at Woodtock.

                                       

"Dans son arrogance, l'homme ne sait rien de ce qui, sur terre, défie l'imagination. Une vie aussi certaine que notre mort. Une vie qui se nourrit de nous, comme nous nous nourrissons de cette terre".

Onze ans après son documentaire-fleuve sur le festival de Woodstock — ce fameux rassemblement hippie devenu mythe — Michael Wadleigh réalise en 1981 son unique long-métrage de fiction : Wolfen, adapté du roman de Whitley Strieber. Échec public à sa sortie, faute d’avoir été vendu comme un pur produit d’horreur lucrative, le film séduit pourtant le jury d’Avoriaz, qui lui décerne un an plus tard son Prix Spécial.

Le pitch : à New York, après l’inauguration d’un gigantesque projet immobilier, un homme d’affaires, son épouse et leur chauffeur sont retrouvés sauvagement déchiquetés. L’inspecteur Dewey est chargé de l’enquête, épaulé par une jeune psychologue, spécialiste des profils terroristes. Les premiers indices mènent à une découverte troublante : des poils d’animal retrouvés sur les cadavres. Tandis que les soupçons se tournent vers la population amérindienne du Bronx, un spécialiste des loups est appelé en renfort.

                                  

Sorti en pleine frénésie lycanthropique — juste après Hurlements et Le Loup-Garou de LondresWolfen déroute une partie de son public, sans doute en quête de maquillages spectaculaires et de métamorphoses épidermiques. Que nenni : Wadleigh choisit la voie de la suggestion, du silence et de la brume. Loin des éclats de latex, le film privilégie la lente montée du malaise et s’appuie sur un suspense policier doublé d’un sous-texte socio-écologique poignant : celui d’une nature méprisée, ravagée, oubliée par une civilisation moderne obsédée par le béton et la verticalité. Avec pudeur et gravité, Wolfen rappelle la relation sacrée entre les Indiens et les loups, deux espèces traquées, presque éteintes, depuis l’arrivée des Européens.

Le prélude, anxiogène et tranchant, nous entraîne dans une virée nocturne où un notable, sa femme et leur chauffeur sont brutalement fauchés par une présence invisible, tapie dans l’ombre d’un parc désert. Le lendemain, la police dépêche l’inspecteur Dewey, qui s’adjoint une psychologue aussi cérébrale qu’intuitive. Après avoir suspecté la nièce de Van der Veer, une militante radicale, l’enquête bifurque vers le terrain du bestial : un expert animalier identifie les poils retrouvés comme appartenant à un mammifère sauvage. Le doute s’installe, l’étrangeté s’infiltre.
                                    
Avec une économie de moyens et l’intelligence d’un scénario charpenté, Wolfen cherche à éveiller les consciences sur la précarité des communautés amérindiennes, autrefois liées aux loups dans un pacte ancestral de survie et de respect. Ces peuples furent brisés, leurs terres profanées, leurs totems abattus. Mais les loups, demi-dieux aux instincts fuyants, trouvèrent refuge dans les friches, les ruines, les interstices oubliés de la ville. Là, dans les taudis éventrés, ils réaffectent leur territoire, défendent les vestiges d’un monde disparu — jusqu’à sacrifier les corps superflus : les malades, les corrompus, les dominants.

                                         

Pour traduire cette présence diffuse et menaçante, Wadleigh déploie un dispositif visuel novateur : caméra subjective, steadycam, louma... et surtout cette vision thermique qui épouse le regard animal. À travers leurs yeux, les corps humains deviennent des halos de chaleur, des masses colorées en mouvement, des proies palpitantes dans un monde devenu hostile. Chaque bruit, chaque respiration, chaque pas devient perceptible — une sensation d’alerte sensorielle, d’immersion totale.

Au-delà de cette enquête captivante, fertile en détails scientifiques et en détours imprévus, on retient une séquence d’anthologie : une meute encerclant les protagonistes en pleine zone urbaine, point d’orgue tendu, presque métaphysique. La production, malgré son ascétisme, impose ici un effet gore spectaculaire qui accentue la brutalité de l’estocade à venir. Mais c’est ailleurs que Wolfen touche au sublime : dans la manière dont Wadleigh filme les loups, créatures à la beauté sauvage, au regard perçant, quasi surnaturel. Des images somptueuses, éthérées, traversées d’une grâce crépusculaire.

L’intensité émotionnelle du film naît de cette fragilité latente — celle des loups, celle des hommes en marge, celle des cultures effacées — et de leur quête désespérée de reconnaissance. Wolfen, film spectral, oublié à tort, hurle en sourdine la fin d’un monde que nous n’avons pas su entendre.

                                      

"Wolfen ou la mélancolie des prédateurs sacrés".
Superbement réalisé, Wolfen s’élève sous les nappes inquiétantes et sensibles de la musique de James Horner, comme un murmure ancestral porté par le vent des ruines. Dominé par le charisme calme d’Albert Finney, le film incarne avec une élégance grave le Fantastique cérébral — celui qui pense, qui observe, qui se souvient.

Fable moderne et intuitive, Wolfen plaide la cause d’un canidé mystique, sentinelle de la nature trahie, messager d’un équilibre oublié. Son discours écologique, enraciné dans une spiritualité sauvage, rejoint la douleur silencieuse d’un génocide effacé — celui des peuples premiers. Ce double deuil, animal et humain, tisse une œuvre désenchantée, mais salutaire, à la beauté étrange et pénétrante.

À la fois sensible et tragique, Wolfen nous parle d’un monde en perdition avec une poésie sourde, presque chamanique. Chef-d'œuvre oublié, il laisse derrière lui une trace indélébile, empreinte d’une mélancolie écolo-humaniste dont la génération 80 ne s’est, sans doute, jamais tout à fait remise.

*Bruno
31.12.19
27.07.11