"Death Trap / Eaten Alive" de Tobe Hooper. 1977. U.S.A. 1h31.Avec Neville Brand, Mel Ferrer, Carolyn Jones, Marilyn Burns, William Finley, Stuart Whitman, Robert Englund, Janus Blythe.
Sortie en salles en France le 24 Mai 1978. U.S.A: Mai 1977.
FILMOGRAPHIE: Tobe Hooper est un réalisateur américain né le 25 Janvier 1943 à Austin (Texas)
1969: Eggshells, 1974: Massacre à la Tronçonneuse, 1977: Le Crocodile de la Mort, 1979: The Dark (non crédité), 1981: Massacre dans le Train Fantome, 1982: Poltergeist, 1985: Lifeforce, 1986: l'Invasion vient de Mars, Massacre à la Tronçonneuse 2, 1990: Spontaneous Combustion, 1993: Night Terrors, 1995: The Manglers, 2000: Crocodile, 2004: Toolbox Murders, 2005: Mortuary, 2011: Roadmaster.

"J'm'appelle Buck et j'veux baiser !".
Trois ans après l’onde de choc Massacre à la Tronçonneuse, Tobe Hooper renoue avec l’horreur poisseuse pour transcender à nouveau un cauchemar sur pellicule, cette fois installé dans un motel marécageux. Mais à la suite d’un différend avec la production, il quitte le projet en plein tournage, laissant au producteur Mardi Rustam le soin de prendre la relève. Alloué d’un budget plus confortable et entièrement tourné en studio, ce film commandité pour surfer sur le succès de Massacre… et des Dents de la mer s’inspire des exactions d’un véritable tueur en série des années 30 : Joe Ball. Ancien soldat de la Première Guerre mondiale, parfois surnommé “l’homme alligator”, Ball fut propriétaire d’une auberge et d’un étang où il élevait cinq crocodiles. Il les nourrissait de chiens et de cochons vivants… avant d’y sacrifier vingt femmes.
Au-delà de son atmosphère visuelle, flirtant parfois avec le surnaturel (éclairages criards à l’appui), Le Crocodile de la Mort conserve un pouvoir de fascination intact dans son tableau caustique de l’Amérique rurale. Le scénario linéaire (un tenancier et son alligator sèment la mort parmi les touristes égarés) sert de prétexte à une enfilade de meurtres saignants. Hooper y impose de nouveau sa patte : une ambiance putride, moite, étouffante, dans le décor hostile d’un motel de Louisiane. Dès le prologue, une étrangeté plane - les couleurs saturées d’orange et de rouge criard - tandis qu’une jeune catin, hésitante, s’approche d’une auberge semblant surgir d’un conte de fée vitriolé.
Le cadre hospitalier et la menace larvée rappellent Psychose, et Hooper pousse l’hommage jusqu’à évacuer son héroïne dès le premier quart d’heure, alors même que le spectateur commençait à s’attacher à sa fragilité. Prostituée en herbe, rudoyée par un client brutal, elle connaîtra une mort sauvage, poignardée à coups de fourche dans une scène d’une violence viscérale.
Plus tard, le père et la sœur de la première victime se rendent à l’auberge pour interroger le propriétaire, intrigués par sa disparition. Au-delà de son atmosphère lourde, quasi irrespirable, le film fascine par sa galerie de personnages déglingués. Une horde de machistes cintrés, dominée par Neville Brand, impérial en taulier ravagé, suintant la démence. Troisième œil vrillé, cheveux hirsutes, regard d’ancien du Vietnam - il incarne à merveille cette figure de patriarche flétri, où la misogynie devient pulsion homicide.
Pour intensifier cette démence poisseuse, Hooper mêle à son image saturée une bande-son dissonante, où se télescopent grésillements de transistor et tubes country désaccordés. Et la dernière demi-heure, furieuse, cauchemardesque, bascule dans une frénésie hystérique, digne de Massacre…, lors de courses-poursuites escarpées à travers bois, chambres et soubassements crasseux du motel.
"La gueule béante de l’Amérique".
Un authentique (second) chef-d’œuvre traumatique. À réhabiliter d’urgence.
A Marilyn Burns, décédée le 5 Août 2014...
*Bruno
21.03.25. vost
17.08.11 (307)
Récompenses: Grand Prix (Licorne d'Or) et Prix d'Interprétation masculine pour Neville Brand au festival du film fantastique du Rex à Paris en 1978.