vendredi 22 avril 2011

CHASSE SANGLANTE (HUNTER'S BLOOD)


de Robert C. Hughes. 1986. U.S.A. 1h41. Avec Sam Bottoms, Clu Gulager, Mayf Nutter, Joey Travolta, Ken Swofford.
FILMOGRAPHIE: Robert C. Hughes est un réalisateur, scénariste, producteur et compositeur de musique américain.
1986: Chasse Sanglante. 1988: Memorial Valley Massacre. 1989: Zadar ! Cow from hell. 1990: Down the Drain.

                                   

Dans la mouvance de Délivrance, Sans retour, Survivance, Trapped ou du méconnu mais oh combien excellent Rituals, Chasse Sanglante (à ne pas confondre avec le p'tit classique de Peter Collinson) est un pur film d'exploitation sorti un peu à la traine en rapport aux films-cités. Ce qui justement l'empêchera d'empreinter une certaine notoriété alors que ce petit B movie s'avère sympathique et pourvu d'un vrai sens du rythme dans sa partie revenge. Une bande de potes ont décidé de profiter de leur week-end pour partir à la chasse dans une contrée bucolique. Après s'être arrêté dans un bar miteux, ils ont une altercation avec quelques citadins alcoolisés. Sans se laisser influencer, l'un de nos touristes riposte dans une bagarre improvisée. Après cette violente rixe, ils décident de continuer leur route en partant se réfugier en pleine forêt pour camper loin de l'urbanisation. C'est alors qu'un groupe de rednecks bouseux, des braconniers sans scrupule, ont décidé eux aussi de les provoquer de façon beaucoup plus pernicieuse. Dès lors, une lutte meurtrière incessante pour la survie s'engage entre les deux camps. Pour ceux qui s'attendent à un long métrage original et créatif peuvent de suite passer leur chemin, le succédané dénué de prétention étant une simple série B efficacement troussée avec son lot de clichés éculés compromis au thème de la survivance.

                                     

Là ou de prime abord Chasse Sanglante attise l'attention c'est dans la sélection de comédiens de seconde zone bien connus des amateurs, à l'instar du frère cadet de l'acteur Timothy BottomsSam Bottoms (Josey Wales hors la loi, Apocalypse Now, Bronco Billy, Jardins de pierre), décédé le 16 Décembre 2008, Clu Gulager (l'inoubliable interprète du Retour des morts-vivants), Ken Swofford (Annie, Thelma et Louise, le Mystère Andromède) ou encore Billy Drago (le perfide salopard des Incorruptibles, Pale Rider, Invasion U.S.A, Vamp, Freeway). La narration académique est donc sommairement planifiée avec une sobre première partie nous amenant à prendre connaissance avec nos touristes entre deux échauffourées contre des machistes arriérés ! Paradoxalement, notre équipée de chasseurs n'est pas du genre à se laisser marcher sur les pieds et n'aura de cesse de se rebiffer contre ces autochtones primaires. Une idée plutôt contraire au traditionnel héros apeuré, inlassablement traqué par l'ennemi pour se laisser attendrir par la mort en guise d'épuisement. Mais c'est dans la seconde partie que Chasse Sanglante va pouvoir nous divertir et se présenter comme un survival efficacement mené grâce aux péripéties nerveuses. De surcroît, quelques effets gores percutants, comme ces impacts de balles explosant dans les chairs, sont harmonieusement mis en valeur par des FX plutôt réussis. Il y a d'ailleurs une séquence bluffante qui retient particulièrement l'attention lorsqu'un gars se fait littéralement aplatir la tronche par une balle de chevrotine tirée à bout portant ! La séquence extrême est toutefois éludée du hors champs mais sa résultante sanglante est réellement impressionnante de réalisme morbide. Un plan concis qui voit la victime inanimée sur le sol se mettre à convulser lors de ses dernières secondes de vie. Le côté débridé qui fait également le petit plus de cet aimable survival émane du groupe de tueurs régi par une famille inculte, attardés rejetons de l'Amérique rurale !


Hormis son scénario archi rebattu, ses facilités requises (le train de marchandise arrivant comme un cheveu dans la soupe) et grosses ficelles inhérentes au genre (comme ces deux héros se déliant facilement les main), Chasse Sanglante est une bonne surprise pour l'amateur de bisserie. De surcroît, malgré l'insuffisance des dialogues (la VF y est elle pour quelque chose ?), l'utilisation habile de ses scènes d'action sont adroitement exploitées au sein de son environnement forestier et parviennent à nous y impliquer avec une certaine émotion.

22.04.11.
B-D
                                 

jeudi 21 avril 2011

ESSENTIAL KILLING. Prix du jury à la Mostra de Venise 2010.

  

de Jerzy Skolimowski. 2010. Pologne, Norvège, Irlande, Hongrie.1H25. Avec Vincent Gallo, Emmanuelle Seigner, Nicolai Cleve Broch, Stig Frode Henriksen, David L. Price, Zach Cohen, Iftach Ophir, Tracy Spencer Shipp, Klaudia Kaca

PRIX DU JURY et PRIX D'INTERPRETATION à la MOSTRA de VENISE 2010.

Sortie en salles en France le 06 Avril 2011.

FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Jerzy Skolimowski est un cinéaste polonais né le 5 mai 1938 à Lodz en Pologne.
1971: Deep end, 1972: Roi, dame, valet, 1978: Le Cri du sorcier, 1981: Haut les mains, 1982: Travail au noir, 1984: Succès à tout prix, 1986: le Bateau phare, 1989: Les Eaux printanières, 1991: Ferdydurke, 2008: 4 nuits avec Anna, 2010: Essential Killing.

                           

Par le réalisateur du Cri du sorcier, Travail au noir et de l'incroyable Deep end, le réalisateur polonais Jerzy Skolimowski s'essaie au genre du survival politisé en prenant le contre-pied des codes orthodoxes ciblant le récit d'aventures haletant, traditionnellement emballé dans une texture brutale pleine de vigueur.

En Afghanistan, un taliban est poursuivi par les forces américaines après avoir tué trois de leurs soldats. Rapidement interpellé et en attendant son prochain jugement, l'homme se retrouve dans un centre de détention pour être sévèrement torturé. Pendant son transfert, un camion qui le transportait va faire une embardée aléatoire pour se retrouver dans un fossé après avoir manqué de percuter un sanglier. Le prisonnier ligoté profite alors de cet accident meurtrier pour s'évader dans les entrailles d'une forêt.

                           

Dans le genre survival tempéré en pleine nature sauvage qui voit un fugitif affolé tenter de s'enfuir indéfiniment à travers les forêts contre une armée de soldats inflexibles pour l'appréhender, Essential Killing prend son récit à hauteur d'homme, sans esbroufe ni fioriture. Il narre de prime abord une aventure humaine prégnante et désespérée ne prenant jamais parti pour un anti-héros effrayé à l'idée de mourir et se laisser kidnapper par ses oppresseurs.
Dans une nature enneigée à l'atmosphère hivernale tangible, Mohamed est un tueur impitoyable perdu au beau milieu de ce vaste environnement hostile. C'est sa quête de survie qui va nous être conté dans une réalisation quasi expérimentale, prenant soin de faire évoluer son personnage dans cette contrée écologique avec un saisissant réalisme d'acuité.
Affamé, assoiffé et épuisé par les heures interminables de marche dans un froid aride, le taliban traqué par un cortège d'ennemis chevronnés accompagnés de leurs chiens loups va devoir retrouver un instinct primitif pour pouvoir subvenir à sa longévité. De façon clairsemé, le peu de nourriture qu'il trouvera à sa disposition se trouvera dans les écorces d'arbres, un nid de fourmis ou un arbuste de fruits empoisonnés. A moins d'envisager aux abords d'une route l'agression physique d'une femme bedonnante accompagnée de son bébé sur les bras, venant de trébucher maladroitement de sa bicyclette.
Dans ses exactions pernicieuses tolérées par l'acte meurtrier vilipendant des innocents, le spectateur rebuté ne sait jamais s'il doit éprouver une quelconque sympathie ou une empathie envers un personnage aussi dangereux. D'où ce refus coutumier des conventions balisées affichant un héros intrépide sans reproche.
C'est ce qui fait la force singulière de la trame mais aussi sa faiblesse pour le spectateur peu habitué à suivre l'aventure d'un anti-héros pernicieux sans pitié auquel il est difficile de s'identifier ! Et cela même si l'homme reste malgré tout profondément humain dans ses affections terrifiées par l'emprise de la solitude, la crainte ultime de la mort mais aussi la foi en son dieu, Allah (d'où ses cauchemars refoulés qui interviennent de façon récurrente).

                          

Jerzy Skolimowski pose donc matière à réflexion dans ce portrait peu glorieux d'un homme obligé de commettre le pire (le crime) pour assurer le prolongement de son existence. Cette introspection sur l'instinct de survie tend à nous poser la question existentielle sur l'acceptation de s'octroyer au Mal afin de sauvegarder notre présence sur terre. Il tend à interpeller avec cette question essentielle: serions nous, nous aussi, capable de commettre de telles fraudes crapuleuses pour notre amour propre et ainsi sauver de manière égocentrique notre précieuse existence ?
                        
Dans le rôle de Mohamed, le prodigieux Vincent Gallo n'a pas volé son prix d'interprétation à Venise tant sa prestance innée d'ennemi redouté nous impressionne dans sa véracité à démontrer de manière corporelle son calvaire pour tenter de survivre dans un environnement naturel polaire.
Tour à tour apeuré, effrayé, anxieux, halluciné, voir incommodé de gêne et de honte quand il se voit accueilli par une femme sourde et muette, l'acteur laisse transparaître ce florilège d'émotions frêles avec une aura viscérale particulièrement palpable.

                           

Clôturant de façon cruelle son épilogue de manière brute et inopinée, Essential Killing est un survival insolite d'une belle rigueur, soigneusement mis en scène dans une structure niant le caractère spectaculaire ou l'action traditionnellement trépidante. 
L'interprétation habitée de Vincent Gallo et sa réflexion sur la moralité de la survie culminent à un récit dramatique inhabituel et anticonformiste.

21.04.11
Bruno Matéï.

mercredi 20 avril 2011

LA JEUNESSE DU MASSACRE (I ragazzi del massacro)


de Fernado Di Leo. 1969. Italie. 1H36. Avec Pier Paolo Capponi, Marzio Margine, Renato Lupi, Enzo Liberti, Michel Bardinet, Danika La Loggia.

FILMOGRAPHIE: Fernando Di Leo est un réalisateur, scénariste et acteur Italien né le 11 Janvier 1932 à San Ferdinando Di Puglia en Italie, mort le 1er Décembre 2003.
1964: Gli Eroi di ieri, oggi, domani, 1968: Rose rosse per il fuehrer, 1969: la Jeunesse du massacre, Pourquoi pas avec toi, Amarsi male, 1971: la clinique sanglante, 1972: Milan calibre 9, 1972: l'Empire du crime, 1973: le Boss, La Seduzione, 1974: salut les pourris, Sesso in testa, 1975: Ursula l'anti-gang, La citta sconvolta: caccia spietata ai rapitori, 1976: Gli Amici di Nick Hezard, 1976: I padroni della città, 1977: Diamanti sporchi di sangue, 1977: les insatisfaites poupées érotiques du docteur Hitchcock, 1978: Avere vent'anni, 1980: Vacanze per un massacro, 1981: l'Assassino ha le ore contate (tv), 1982: Pover'ammore, 1984: Razza violenta, 1985: Killer Contro Killers.

                          

Avant une multitude de polars italiens bien connus des amateurs, le débutant Fernando Di Leo réalise en 1969 un drame à suspense assez inopiné pour le genre stigmatisant une société tendancieuse auquel évolue une bande de gamins responsables du meurtre crapuleux de leur professeur de cours. 

Durant un cours de classe, une jeune professeur de collège se fait sauvagement agressée pour être ensuite violée et assassinée par une bande d'élèves alcoolisés issus de milieux défavorisés. Le commissaire Duca Lamberti est persuadé qu'un odieux commanditaire serait le vrai responsable de ce massacre organisé. Reste à savoir qui est le fameux coupable présumé !

                           

Ce film resté inédit en salles en France possède une aura particulière (à l'image de son prélude introductif particulièrement glauque et dérangeant, bien que suggéré) dans son enquête criminelle confrontée à une bande de gamins délinquants qui, après s'être enivrés, ont décidé de violer et tuer une jeune femme en toute gratuité. Du moins en apparence, car l'investigation de notre inspecteur de police finira par le mener vers une intrigue perfide auquel le véritable coupable possède un vrai mobile qui l'aura poussé à commanditer et perpétrer un tel crime sauvage.
Un à un, les jeunes mineurs vont être inlassablement interrogés par le commissaire Lamberti avide de justice équitable mais expéditive sans éluder de méthodes quelques peu immorales dans les humiliations verbales et implicites subies contre les jeunes accusés. Malencontreusement, aucun des garnements ne décide de divulguer quoi que ce soit au leader hiérarchique, en dehors d'un élève à l'homosexualité douteuse, terrifié à l'idée de moucharder ses camarades pour se retrouver ensuite mystérieusement assassiné !
Lamberti décide alors l'opération de la dernière chance. C'est à dire s'attribuer d'un des accusés en question pour l'emménager sous sa responsabilité le temps de quelques jours afin de le sociabiliser. Une manière finaude de le réinsérer dans la société en lui faisant mener une vie plus aisée, commode et dénuée de contraintes. Un subterfuge à ce que l'adolescent mis en confiance et réconforté par ces nouveaux biens matériels puisse finalement avouer le véritable coupable incriminé.

                         

Fernando Di Leo ne manque pas d'illustrer le caractère précaire d'adolescents milanais provocateurs et insouciants, livrés à eux mêmes auquel les parents au chômage s'enlisent lamentablement dans la dépendance de l'alcool et la déchéance qui s'ensuit. C'est une société aussi laxiste qu'hypocrite qui est ciblée dans son attitude sournoise à vouloir boucler au plus vite une affaire embarrassante impliquant des adolescents paumés et révoltés. Le chômage, la drogue, l'alcoolisme, la démission parentale sont pointés du doigt afin de responsabiliser notre aristocratie engendrant ces criminels régulièrement issus d'un milieu désavantagé.

Dans le rôle du commissaire drastique, Pier Paolo Capponi est parfait de charisme viril dans la peau d'un homme de loi assidu et déterminé à vouloir incriminer le haut responsable de ce massacre gratuit. Consciencieux et plutôt malicieux dans sa quête de découvrir l'horrible vérité par l'entremise d'un adolescent conditionné, son enquête le mènera vers une résolution fortuit pathétique dans son mobile présumé.

                         

Bien interprété, réalisé avec dextérité et adroitement mené avec un sens du suspense impeccablement structuré, La Jeunesse du massacre est un excellent drame opaque à l'ambiance insolite sous-jacente inhabituelle.
Son final est d'autant plus dérangeant dans la révélation du meurtrier qu'il fait appel à une réminiscence dévoilant les véritables circonstances du fameux viol rendu explicite. Une scène difficilement oubliable dans la maestria de sa mise en scène impliquant une multitude de cadrages tarabiscotés et soutenus par une bande son criarde irritante. La constance de bruitages confinés aux tambourins et autres instruments stridents mais surtout le son assourdissant évoquant une clef éraflant continuellement la carrosserie rouillée d'une voiture. A découvrir !

NOTE: Egalement connu sous les titres "Naked Violence", "L'Exécution", "La Fiancée de la Mort".

20.04.11.
Bruno Matéï.

LA NUIT DES ALLIGATORS (The Penthouse)


de Peter Collinson. 1967. Grande Bretagne. 1h36. Avec Suzy Kendall, Terence Morgan, Tony Beckley, Norman Rodway.

FILMOGRAPHIE: Peter Collinson est un réalisateur anglais né le 1 Avril 1936 et décédé le 16 Decembre 1980.
1967: The Penthouse, 1968: Up the Junction, The long day's Dying, 1969: The Italian Job, 1970: You can't win'em all, 1971: Fright, 1972: Straight on till Morning, Innocent Bystanders, 1973: The man Called Noon,
1974: La Chasse sanglante, And then ther were none, 1975: The Spiral staircase, 1976: Target of an assassin, The sell-out, 1978: Tomorrow never comes, 1979: The House on Garibaldi street, 1980: The Earthling.








Dans un studio luxueux, Bruce et sa maîtresse Barbara abritent leurs amours clandestines. Surviennent deux faux employés du gaz, Tom et Dick. Bruce est ligoté, Barbara enivrée. La peur s'installe...

mardi 19 avril 2011

LES CHEMINS DE LA LIBERTE (The Way Back)


de Peter Weir. 2010. U.S.A. 2H15. Avec Jim Sturgess, Ed Harris, Saoirse Ronan, Colin Farell, Mark Strong, Gustaf Skarsgard, Alexandru Potocean, Sebastian Urzendowsky.

Sortie en salles en France le 26 Janvier 2011.

FILMOGRAPHIE: Peter Weir est un réalisateur australier né à Sydney en Autralie le 21 Aout 1944.
1974: Les Voitures qui ont mangé Paris. 1975: Pique-nique à Hanging Rock, 1977: La Dernière Vague, 1981: Gallipoli, 1982: l'Année de tous les dangers, 1985: Witness, 1986: Mosquito Coast, 1989: Le Cercle des poètes disparus, 1990: Green Card, 1993: Etat Second, 1998: The Truman Show, 2003: Master and commander, 2011: Les Chemins de la Liberté.

                          

Sept ans après Master and commander, grand spectacle maritime qui décrivait le combat acharné, en 1805, d'un navire de la Royale Navy contre l'Acheron, frégate de corsaires français subordonnés à l'armée napoléonienne, Peter Weir nous retrace avec les Chemins de la liberté l'odyssée véridique d'une poignée de prisonniers échappés d'un goulag en Sibérie.
Le film est tiré du roman de Slavomir Rawicz, "The Long Walk : The True Story of a Trek to Freedom"

En 1940, un groupe de prisonniers de guerre décide de s'échapper d'un camp de travail en Sibérie. Dans des conditions précaires épouvantables et une fatigue constante confinant à l'épuisement mortel, ils vont devoir marcher pendant plus de 6500 kms à travers l'URSS, la Mongolie, le Tibet et l'Inde occupée par les anglais. Seuls, trois prisonniers auront la chance d'accéder à destination.

                          

Avec un souci de réalisme brut et rugueux et l'intensité d'un sens épique rappelant les grandes épopées lyriques du cinéma vintage, Peter Weir s'accapare d'un récit véridique implacable ayant eu lieu durant la seconde guerre mondiale. Il dépeint avec la fébrilité d'une émotion bouleversante l'impensable périple d'un groupe de prisonniers de nationalités diverses délibérés à retrouver leur liberté en fuyant le régime stalinien.
Pour cela, ils devront traverser quatre pays occupés par un communisme totalitaire et affronter dans une forme physique davantage amoindrie le froid glacial de Sibérie, la chaleur suffocante du désert de Mongolie, reconquérir les neiges du Tibet pour enfin trouver refuge et sérénité dans le pays de l'Inde toléré par les anglais.

De prime abord, le réalisateur nous oppose dans sa première partie à l'impitoyable condition de vie inhumaine des prisonniers polonais et d'autres horizons. Travaux forcés en extérieur, en plein froid glacial sous les tempêtes de neige rigoureuses ou dans le refuge caverneux des souterrains d'une mine irrespirable. Alors que leur règle d'hygiène déplorables entraînant les maladies infectieuses, les rations alimentaires réduites au strict minimum et les règlements de compte entre travailleurs faméliques vont amoindrir chaque jour leur frêle chance de survie.
Ce préambule impressionnant de vérité sordide dans une mise en scène entièrement allouée à l'humanité désespérée de ces personnages nous entraîne déjà dans la moiteur d'un enfer glauque où l'on perçoit de manière viscérale l'odeur de la déchéance putride et leur douleur morale fustigée.

                          

La suite nous embarque dans une escapade inlassable auquel un groupe d'hommes audacieux ont décidé de s'échapper de leur bagne pour retrouver la liberté. Ils vont devoir communément s'aventurer à travers l'immensité des forêts sauvages déployant des collines à perte de vue, les déserts arides et desséchés, inertes de présence humaine, et les rangées de montagnes élevées à une altitude dantesque.
Durant leur cheminement ardent, ils vont rencontrer la seule jeune femme polonaise échappée d'un camp adverse pour finalement accepter sa venue aléatoire et parcourir des milliers de kilomètres de marche à pied.
Avec une rare puissance dramatique, cette seconde partie introspective, saisissante d'authenticité dans l'illustration décharnée de la condition physique et morale de nos protagonistes, le réalisateur nous retransmet avec force et réalisme abrupt une leçon de survie qui dépasse l'entendement ! Durant la majorité de leur trajet mortifère, nous sommes témoins à contempler la terrible quête d'emprise de liberté d'hommes affamés, assoiffés, épuisés par le froid, la faim, la maladie, la sécheresse et une fatigue davantage éreintante. Peter Weir apporte un soin sensitif à ausculter cette lente agonie humaine désespérément esseulée face à l'hostilité de la nature environnante, affrontant les pires situations extrêmes avec un courage surhumain suspectant un suicide collectif.

Il faut respectueusement saluer la prestance des comédiens chevronnés, littéralement habités par leur rôle !Que ce soit Collin Farel dans un second rôle putassier de salaud pernicieux, Ed Harris en sexagénaire mature ne se fiant qu'à sa rudesse d'esprit et Jim Sturgess en leader impromptu, loyal et valeureux, déterminé à retrouver sa femme pour lui pardonner une ignoble trahison.
Enfin, je ne manquerai pas d'évoquer la bouleversante interprétation de Saoirse Ronan (The Lovely Bone) dans celle d'une jeune polonaise aussi inflexible que fragile à vouloir se mesurer contre ses coéquipiers. Sa nécessité inhérente à prouver à la gente masculine son courage improbable de dépasser ses capacités physiques et psychologiques jusqu'à un inéquitable point de non retour.

                        

Tournés dans les magnifiques régions de Bulgarie, d'Inde, du Maroc et de l'Australie déployant leur trésor de magnificence naturelle pour leurs paysages solennels, Les Chemins de la liberté est un humble témoignage de ce que l'être humain est capable de surpasser pour tenter de retrouver sa dignité et sa liberté immolée. Véritable hymne au dépassement de soi, hommage à la solidarité de l'amitié et à ceux qui auront survécu, cette histoire vraie terriblement cruelle est une expérience humaine viscérale, un récit initiatique bouleversant sublimant l'instinct de courage au gré de l'autonomie. Inoubliable, à l'image prégnante de ces retrouvailles inespérées pour un final exutoire dont on ne sortira pas indemne.

19.04.11
Bruno Matéï.

dimanche 17 avril 2011

LE SECRET DE TERABITHIA (Bridge to Terabithia)

                                                 

de Gabor Csupo. 2007. U.S.A. 1h35. Avec Josh Hutcherson, AnnaSophia Robb, Zooey Deschanel, Robert Patrick, Bailee Madison, Katrina Cerio, Devon Wood, Emma Fenton, Grace Brannigan, Latham Gaines.

Sortie en salles en France le 28 Mars 2007.

FILMOGRAPHIE: Gábor Csupó est un producteur, scénariste et réalisateur américain né en 1952 à Budapest (Hongrie). 1980: Dance. 2007: Le Secret de Terabithia. 2008: Le Secret de Moonacre


AVERTISSEMENT ! AVANT DE LIRE L'ARTICLE DÉVOILANT LA RÉELLE NATURE DU SUJET, IL EST PRÉFÉRABLE D'AVOIR VU LE FILM !

Vendu comme un sous Narnia, ce second film d'un réalisateur d'origine hongrois, adapté d'un roman de Katherine Paterson (auteur de littérature pour la jeunesse américaine) avait de quoi feindre son public avec son affiche infantile plus proche d'un film d'animation niais réalisé en image de synthèse que d'un métrage factuel incarné par des acteurs de chair et d'os. Car sous ses aspects ludiques de conte de fée mâtiné d'aventures fantastiques s'y dévoile un récit d'apprentissage plutôt ardu sur la notion de deuil chez l'enfant confronté à l'iniquité; mais encore sur les premiers émois amoureux et cette quête d'évasion, exutoire à notre société d'intolérance. Un jeune ado se lie d'amitié avec une camarade, nouvelle élève de son collège. Après les cours, ils se réfugient dans la forêt à proximité de leur foyer pour retrouver un univers qu'ils se sont accordés de fantasmer afin d'échapper à leur quotidien trivial: le monde de Térabithia.

                                      

Avec simplicité et émotion tempérée par deux jeunes comédiens habilement dirigés dans leur expression naturelle, Le secret de Terabithia attise immédiatement sympathie et charme (naïf) dans sa façon d'illustrer le cap de l'enfance impartie à la pureté de l'innocence. Le réalisateur nous dépeignant sans complaisance le portrait juvénile d'un couple d'enfants épris d'amitié et d'affection au gré de leurs aventures. Des instants épanouis d'existence ludique, entre apprentissage scolaire, conflits parentaux et quête intrinsèque d'un irrépressible besoin d'évasion. Ce désir moral d'évacuer la prémices d'une existence anxiogène constitue un refuge salvateur auprès de leur équilibre moral. Ainsi, cette ballade romantique entre deux enfants fragiles nous rappelle un peu la tendresse humaine de Stand by me pour le rapport nostalgique conféré à cette époque magique, et la poésie enchanteresse d'une Histoire sans fin pour cette féerie infantile jamais surchargée en effets-spéciaux ostentatoires. La bonne idée du réalisateur étant également de nous dévoiler dès le départ que tout ce que nous voyons et contemplons n'est que la métaphore du pouvoir créatif de la conscience des enfants, avides d'émotions échevelées et de quête d'imaginaire à travers leurs yeux fascinés de la nature solaire. Pour se faire, nos deux héros vont s'inventer un monde fantasque fondé sur la Fantasy. En cela, c'est l'autosuggestion qui leur permettra de créer et matérialiser le monde de Terabithia.

                                        

Mais cette fantaisie gentiment débridée aurait pu continuer sur sa lancée ludique vécue avec émotion par nos héros inséparables si un évènement tragique ne les avaient brutalement opprimé ! Cette déchirante dernière partie totalement inopinée va donc rappeler à l'ordre de l'innocence que la réalité de notre existence est subordonnée à l'injustice de la mort et de sa destinée parfois inéquitable. D'apparence ludique et gentiment distrayant, Gabor Csupo traite ensuite son sujet avec gravité et réalisme pour tenter de répondre au sens d'une vie sacrifiée de plein fouet. Doté d'un charisme prégnant et pétillante de charme docile, la jeune Anna Sophia Robb insuffle une spontanéité naturelle dans sa stature insouciante d'enfant dégourdie. Une baroudeuse indépendante déployant une imagination foisonnante pour la verve de ces récits enchanteurs émaillés de personnages excentriques. Son compagnon Josh Hutcherson lui partage la vedette dans un jeu introverti d'enfant timoré découvrant pour la première fois l'émoi des sentiments avant de se laisser gagner par le chagrin tragique. Féru de tendresse pour sa charmante compagne, il finit par émouvoir et bouleverser de par sa sincérité dépouillée (et donc jamais sirupeuse !) envers sa voie initiatique d'opiner la mort d'un être cher.

                                     

Ferme les yeux et garde ton esprit bien ouvert
Vendu comme un film familial d'aventures fantastiques truffées de péripéties épiques et endiablées, Le Secret de Terabithia se décline comme une douloureuse et magnifique chronique infantile à travers sa brusque rupture de ton, sa radicalité extrême à confronter l'expérience brutale du deuil auprès de l'innocence. Le réalisateur déclarant notamment un hymne à l'amitié et à l'amour, au pouvoir créatif de l'imaginaire, à l'initiation des aléas de la vie et à l'acceptation de la perte d'un être cher. Il y émane une oeuvre éminemment fragile, humble et sincère dans sa démarche pédagogique éludant avec dextérité la niaiserie sentimentale afin d'y délivrer un bouleversant conte dédié à la fois à la magie de l'enfance et à la dure fatalité de la souffrance.

P.S: Pour les plus sensibles, il est préférable de prévoir les mouchoirs quand bien même les plus endurcis risqueraient de se laisser piéger par sa dramaturgie en chute libre ! Avertissement également aux enfants de moins de 8 ans, certains risquant d'être perturbés ou choqués par la noirceur (brut de décoffrage) du sujet.

Dédicace à Luke Mars, Pascal Clabaut et Sandrine Villemard.

* Bruno
18.04.11.


                                       

vendredi 15 avril 2011

LE SOUS-SOL DE LA PEUR (The People under the stairs). Prix Spécial du Jury à Avoriaz 1992.


de Wes Craven. 1991. U.S.A. 1h42. Avec Brandon Adams, Everett McGill, Wendy Robie, A.J. Langer, Ving Rhames, Sean Whalen.

Sortie France: 15 Janvier 1992, U.S.A: 01 Novembre 1991.

FILMOGRAPHIE: Wesley Earl "Wes" Craven est un réalisateur, scénariste, producteur, acteur et monteur né le 2 Aout 1939 à Cleveland dans l'Ohio.
1972: La Dernière maison sur la gauche, 1977: La Colline a des yeux, 1978: The Evolution of Snuff (documentaire), 1981: La Ferme de la Terreur, 1982: La Créature du marais, 1984: Les Griffes de la nuit, 1985: La Colline a des yeux 2, 1986: l'Amie mortelle, 1988: l'Emprise des Ténèbres, 1989: Schocker, 1991: Le Sous-sol de la peur, 1994: Freddy sort de la nuit, 1995: Un Vampire à brooklyn, 1996: Scream, 1997: Scream 2, 1999: la Musique de mon coeur, 2000: Scream 3, 2005: Cursed, 2005: Red eye, 2006: Paris, je t'aime (segment), 2010: My soul to take, 2011: Scream 4.

                                      

Deux ans après Schocker (serial-killer aux 3000 volts svp !), Wes Craven repasse derrière la caméra pour livrer l'un de ses films les plus cartoonesques où des enfants molestés se fondent dans la peau de héros. Un conte macabre, cynique et drôlement sardonique dépeignant le vampirisme de la bourgeoisie au profit des exclus de l'immigration. Dans un quartier défavorisé, un couple de psychopathes, kidnappeurs d'enfants, règnent en maître sur la population depuis des décennies en louant des immeubles à prix exorbitant. Deux délinquants à la petite semaine accompagnés d'un enfant, dont la mère atteinte d'une tumeur ne peut plus subvenir à ses besoins, vont tenter de cambrioler la demeure des tortionnaires.

                                       

Féroce satire sociale, le Sous-sol de la peur est une série B d'autant plus déroutante qu'elle est dirigée par deux enfants de moins de 12 ans retenus prisonniers par un couple de tortionnaires aux penchants pédophiles ! La narration diablement troussée empreinte de prime abord la voie du conte de fée, façon Hansel et Cretel remis au goût du jour dans un contexte urbain d'une société raciste. La forêt se substituant en métropole, la chaumière en vaste pavillon rempli de pièges et la sorcière symbolisant la caricature perfide de propriétaires cupides. Un frère et une soeur xénophobes très portés sur le confort et le contrôle sécuritaire se sont ici concertés pour asservir la vie de défavorisés en emprisonnant quelques enfants dans leur cave.

                                         

C'est à la suite d'un cambriolage ayant mal tourné qu'un adolescent va se retrouver embrigadé dans leur demeure. Rapidement, il va établir la rencontre d'un jeune adulte mutique réduit à l'état sauvage, car caché dans les cloisons murales. Mais surtout il va se lier d'amitié avec une fillette embrigadée depuis sa naissance, et donc déconnectée de ses repères. Tandis que dans la cave sont entassés depuis longtemps des quidams dépravés livrés à eux mêmes, contraints de pratiquer l'anthropophagie pour subvenir à leur survie. Durant ce périple de l'enfer impliqué dans un dédale de pièces secrètes, les deux enfants vont tenter de s'échapper par toutes les issues possibles de chaque cloison de la demeure alors que les propriétaires affublés d'un rottweiler vont se lancer à leur trousse pour les appréhender.
Dans le rôle du frère pédophile adepte de la chasse à l'homme et du SM (panoplie de Batman à l'appui !), Everett McGill s'avère savoureux de maladresse et de cynisme sarcastique. Au physique détestable de mégère renfrognée, Wendy Robie lui partage la vedette avec sadisme de cruauté et d'humiliation pour sa fonction impérieuse particulièrement imbue.

                                     

Mené à un rythme effréné dans son lot de péripéties horrifiques et de situations pittoresques, Le sous-sol de la peur adopte la démarche d'une satire sociale aussi acide que acerbe par son climat malsain où l'innocence infantile s'avère le pivot héroïques. Cette farce corrosive s'octroie également d'ironiser sur l'instinct pervers d'une bourgeoisie sournoise vautrée dans la richesse de son confort et des biens matériels. 

Récompenses: Prix Spécial du Jury à Avoriaz en 1992.
Pegasus Audience Award au festival du film fantastique de Bruxelles en 1992.

15.04.11. 3.
Bruno Matéï.

mercredi 13 avril 2011

SCREAM. Grand Prix à Gérardmer 1997.


de Wes Craven. 1996. U.S.A. 1H50. Avec Neve Campbell, Vourteney Cox, David Arquette, Skeet Ulrich, Matthew Lillard, Rose McGowan, Jamie Kennedy, Drew Barrymore.
Sortie en salles en France le 16 Juillet 1997, U.S.A le 20 Décembre 1996.

Budget de production (Estimation) : 14 000 000 $
Nombre d'entrées en France : 2 207 347
Recettes USA : 103 046 663 $
Recettes mondiales : 173 046 663 $

FILMOGRAPHIE: Wesley Earl "Wes" Craven est un réalisateur, scénariste, producteur, acteur et monteur né le 2 Aout 1939 à Cleveland dans l'Ohio.
1972: La Dernière maison sur la gauche, 1977: La Colline a des yeux, 1978: The Evolution of Snuff (documentaire), 1981: La Ferme de la Terreur, 1982: La Créature du marais, 1984: Les Griffes de la nuit, 1985: La Colline a des yeux 2, 1986: l'Amie mortelle, 1988: l'Emprise des Ténèbres, 1989: Schocker, 1991: Le Sous-sol de la peur, 1994: Freddy sort de la nuit, 1995: Un Vampire à brooklyn, 1996: Scream, 1997: Scream 2, 1999: la Musique de mon coeur, 2000: Scream 3, 2005: Cursed, 2005: Red eye, 2006: Paris, je t'aime (segment), 2010: My soul to take, 2011: Scream 4.

                                     

Scream est le fruit d'une association entre le jeune scénariste Kevin Williamson et Wes Craven, afin de renouveler la mode du slasher enterré depuis la fin des années 80. C'est l'influence du film Serial Mother de John Waters qui donne l'envie au cinéaste de mélanger cette forme d'auto dérision avec l'horreur des situations. A Woodsboro, une petite ville des Etats-Unis, le corps d'un couple est retrouvé atrocement mutilé dans le jardin d'une demeure familiale ! La police et les journalistes sont à l'affût du moindre indice alors que la jeune lycéenne Sidney Prescott semble être la prochaine cible du tueur masqué. Auréolé du Grand Prix du festival de Gérardmer à sa sortie et d'un énorme succès international,  Scream s'édifie en hommage psychanalytique, un baroud d'honneur au slasher movie initié par Mario Bava, Bob Clark et surtout John Carpenter. Dès le prélude percutant de cruauté et d'intensité dramatique, Wes Craven se joue de notre culture pour le cinéma horrifique et ces codes balisés. Alors qu'une jeune demoiselle est entrain de préparer du pop-corn chez ses parents absents, le téléphone se met à sonner ! Un entretien téléphonique va alors s'échanger avec un mystérieux interlocuteur ironisant sur le plaisir ludique que les adolescents éprouvent durant la projection d'un film d'horreur. Rapidement, la situation va prendre une tournure beaucoup plus hostile suite aux menaces formulées par ce potentiel tueur signalant à sa future victime qu'il a kidnappé son petit ami dans le jardin de la demeure. Un quizz cinématographique lui est alors soumis si elle souhaite retrouver son ami sain et sauf ! Par la faute d'une mauvaise réponse à une question piège (qui est le tueur de vendredi 13 ? Jason répondra t'elle instinctivement alors qu'il s'agit de Mme Vorhes dans le premier volet), la mise à mort de l'héroïne va être illustrée de façon tragique et sans concession par le tueur affublé d'un masque grimaçant après leur poursuite à travers la maison jusqu'au jardin. C'est alors que les parents rentrent tranquillement à leur domicile pour apercevoir leur fille à l'agonie, rampant sur le sol du jardin pour succomber de ses blessures. Il s'agit ici sans aucun doute du moment le plus poignant du film dans l'intensité dramatique du meurtre illustré de manière plutôt abrupte.

                                   

Après cet interlude éprouvant dans sa retorse perversité à se jouer des poncifs (comme le fait que notre tueur trébuchera maladroitement à chaque tentative d'appréhender la victime), nous faisons connaissance avec une autre lycéenne, Sidney Prescott, lycéenne quelque peu réservée et craintive depuis l'assassinat de sa mère perpétré un an plus tôt. Un jeune garçon suspicieux à l'allure de dragueur chevronné est épris d'attirance pour l'étudiante jusqu'à oser pénétré par la fenêtre de sa chambre et tenter de lui faire perdre sa virginité. C'est autour de cette nouvelle héroïne vierge et docile que l'intrigue va se recentrer pour aboutir au final à un jeu de massacre référentiel sur notre rapport à l'image et au pouvoir de la fiction au cinéma. Cette réflexion passionnante trouve son apothéose lors de cette séquence illustrant nos jeunes gamins réunis pour une soirée festive autour du film Halloween. C'est là que l'un d'eux va rappeler à l'ordre les règles élémentaires du cinéma d'horreur afin de pouvoir rester en vie. En gros, s'abstenir de boire de l'alcool, prendre de la drogue et pratiquer le sexe. Au moment convenu mais réinterprété avec ironie dans ce jeu de référence avec l'horreur, le véritable tueur se trouve être en interne de la maison pour commettre ses ultimes méfaits et terrifier son nouveau public (nous, spectateurs !). Mais de l'extérieur de la bâtisse, une équipe de journalistes ayant réussi auparavant à infiltrer une caméra de surveillance dans la demeure va aussi observer par leur écran cathodique tout ce qu'il s'y passe en direct, sauf qu'un décalage de 30 secondes leur est imposé. Dès lors, la séquence visionnée par l'intermédiaire de leur écran qui voit le tueur commettre en direct ses véritables méfaits aura un temps de retard pour ceux qui la regarde. D'où cette confusion de la réalité du point de vue des journalistes quand bien même le meurtrier est déjà à l'extérieur de la maison pour passer à l'acte. Cette démultiplication d'évènements fictifs et réels vus à travers l'écran cathodique se juxtapose ici pour tenter d'analyser notre rapport viscéral et affectif à l'image, notre comportement émotif et notre façon de réagir face à la chimère du cinéaste. Sur ce point, un exemple est éloquent lorsque l'un des journalistes va s'affoler devant sa TV en criant à la potentielle victime : Attention ! le tueur est derrière toi !!! Comme s'il était entrain de visionner une fiction basée sur la peur "ludique" quand bien même le tueur se trouve justement derrière lui pour se préparer à l'égorger ! SPOILER !!! Le final très violent continuera sur cette lancée lorsque nos protagonistes vont opposer l'illusion et leur réalité dans un contexte de jeu improvisé du "film dans le film" afin de suggérer la fin de leur scénario plausible mais aussi attribuer une raison équitable aux motivations des tueurs. En conclusion, Wes Craven pose un regard incisif sur les poncifs du slasher mais aussi sur l'influence de la violence au cinéma. C'est ce qu'il démontre avec l'alibi des assassins se poignardant mutuellement "selon les poncifs du cinéma d'horreur", et s'avouant que la violence au 7è art est uniquement créative pour leurs exactions sans mobile. Fin du SPOILER.

                                  

The last slasher movie
Témoignant d'une efficacité implacable (surtout dans sa seconde partie), bourré de clins d'oeil et de sarcasme, interprété par une pléiade de comédiens complices épatant de verve, Scream peut-être considéré comme l'un des derniers fleurons du slasher. Il se joue autant de l'humour clin d'oeil avec ces multiples références (comme le nom de chaque acteur associé aux héros mythiques du cinéma d'horreur) que des stéréotypes habilement réinventés pour mettre en exergue une satire acerbe mais respectueuse du genre (le film ne se moque jamais du genre horrifique contrairement à la série putassière des Scary Movie).Wes Craven nous sensibilisant également sur le sujet brûlant de la violence au cinéma et sur l'influence qu'elle peut engendrer chez certains esprits fragiles, sur la manière dont elle est perçue et digérée (voir ci-dessous les macabres faits-divers qui eurent lieu après la sortie du film). Passionnant, intelligent, ludique et jouissif, Scream est un classique contemporain aussi roublard que parodique.

Les Chroniques de Scream 2: http://brunomatei.blogspot.fr/2015/08/scream-2.html
                               Scream 4: http://brunomatei.blogspot.com/2011/04/scream-4.html
13.04.11.
Bruno Matéï.


Récompenses:
Saturn Award 1997 : meilleur film d'horreur, meilleur scénariste et meilleure actrice (Neve Campbell).
MTV Movie Award 1997 : meilleur film.
Festival du film fantastique de Gérardmer 1997 : Grand Prix et Prix "première" du Public.

FAITS DIVERS:
Avril 2000, à Fontenay-aux-Roses (Hauts-de-Seine) : Nicolas, 16 ans, avait mis le fameux masque avant d'agresser son père et sa belle-mère à coups de couteau; deux jours plus tard), à Sarcelles (Val-d'Oise), un autre adolescent était interpellé, lui aussi affublé du même déguisement et armé d'un couteau, aux abords de la gare.
Été 2001, à Saint-Cyr-l'École (Yvelines) : cinq jeunes portant le même masque avaient agressé et violé une jeune femme de 21 ans.
Juin 2002, à Saint-Sébastien-sur-Loire (Loire-Atlantique) : un lycéen de 17 ans, revêtu du fameux déguisement du tueur, assassinait Alice, une de ses camarades de classe, âgée de 15 ans. Le garçon, qui selon ses proches ne présentait aucun trouble mental, avait « décidé de tuer quelqu'un », comme il l'a expliqué aux enquêteurs. Après avoir poignardé sa victime à 42 reprises, l'agresseur s'était enfui à l'arrivée d'un voisin qui avait découvert la jeune fille agonisante. Avant de mourir, elle avait eu le temps de donner le nom de son meurtrier. Le 19 novembre 2004, la cour d'appel de Rennes condamne l'assassin à 25 ans de réclusion (contre 22 ans prononcée en première instance).

mardi 12 avril 2011

Hobo with a shotgun


de Jason Eisener. 2011. Canada / U.S.A. 1h26. Avec Rutger Hauer, Molly Dunsworth, Gregory Smith, Nick Bateman, Brian Downey.

Sortie en France le 25 Mars 2011.

FILMOGRAPHIE: Jason Eisener est un réalisateur canadien. 2007: Hobo with a Shotgun. Trailer. 2008: Treevenge. Court-métrage. 2011: Hobo with a shotgun.

                                     

Il faut d'abord souligner qu'en 2007, un faux trailer surnommé Hobo with a shotgun, spécialement conçu pour le projet "Grindhouse" de l'association Tarantino / Rodriguez (avec leur diptyque Boulevard de la Mort / Planet Terror) se voit attribuer du grand prix du concours de bandes annonces afin de pouvoir figurer en guise d'interlude entre les projections en continu des deux péloches précités. Trois ans plus tard, son réalisateur Jason Eisener a l'opportunité d'en tirer un véritable long-métrage avec en tête d'affiche le vétéran Rutger Hauer ! Après le surestimé (pour ne pas dire semi-raté) Machete, c'est au tour d'une nouvelle production de rendre hommage à tout un pan de séries Z, spécifiquement les productions Troma des années 80, afin d'y déployer une trashitude outrancière rigoureusement insolente. Dans les ruelles malfamées de New-York, la délinquance, le prostitution, la corruption et les trafics de drogue font rage en toute impunité face à une police inéquitable. Mais cette folie meurtrière est commanditée par un leader notoire régnant en maître devant une population terrorisée. Un beau jour, un SDF témoin de la déchéance de son quartier et laminé de voir une ultra-violence davantage expansive décide de nettoyer les rues des criminels inflexibles à coups de chevrotine enragée !

                                        

Superbement photographié dans des teintes délibérément saturées, le sobre prélude annonce l'arrivée d'un clochard sortant illégalement d'un train avec un sac sur le dos pour longer un canal et rejoindre le nouveau quartier de Scum city. Cette séquence liminaire se déroule harmonieusement sous  l'impulsion mélodieuse de Michael Holm. Une partition élégiaque entêtante rendue célèbre de par son ton décalé entrevue dans le classique horrifico-médiéval, La Marque du Diable de Michael Armstrong et Hoven Adrian. Arrivé à destination, le Sdf promène inlassablement son cadi famélique dans les ruelles sordides tandis que des voyous opèrent en toute impunité pour semer le désordre, la mort, voir le chaos. C'est après avoir été témoin d'un braquage brutal que notre défavorisé se décidera à prendre une arme à feu, spécialement un fusil de chasse, et tuer de sang froid les trois malfaiteurs sous les yeux médusés du commerçant et des badauds éberlués. Quand bien même quelques instant plus tard, il ira porter assistance à une jeune prostituée avec qui il se liera d'affection alors qu'une bande juvénile mafieuse tolérée par leur paternel illuminé jurera de leur trouer la peau.

                                      

Pour tous les amateurs de séries Z typiquement saugrenues et frénétiques, digne d'une production Tromaville donc, cet hommage bisseux est spécialement conçu pour vous ! De surcroît, si vous êtes fans invétérés de vigilante movies ayant sévi durant les années 70 et 80, alors Hobo saura vous convaincre à travers son délire assumé totalement décomplexé puisque baignant dans un perpétuel mauvais goût avec une chaleureuse spontanéité ! Là où Machete de Rodriguez se prétendait gros défouloir jouissif à peine sympathique dans sa combinaison d'actionner bourrin et de gore cartoonesque (souvenez vous du pathétique combat final contre Seagal !), Hobo with a shotgun va foutre un grand coup de pied bien plus acerbe et sardonique dans le politiquement incorrect, l'immoralité, le gore craspec percutant (FX remarquables !) et le mauvais goût vitriolé. A titre d'exemple, imaginez un instant deux voyous pénétrés à l'intérieur d'un car scolaire pour massacrer à coups de lance flamme une ribambelle de gamins terrorisés, pour l'instant d'après être carbonisés en suppliant leur cri d'agonie. Une scène impensable qui à de quoi surprendre et estomaquer l'amateur blasé ! Et ce, même si l'effet escompté est aseptisé auprès d'une dérision sarcastique quelque peu salvatrice (nous sommes dans un pur divertissement hardcore mais volontiers saugrenu et  racoleur auprès d'adultes consentants !). Ainsi, nombre de scènes extrêmes sont adroitement concoctées avec pas mal d'efficacité et les situations les plus improbables s'enchaînent sans répit dans la joie d'action ultra violente et de gore putanesque. S'ensuit donc à rythme métronome un étalage de séquences chocs spectaculaires aussi violentes que cyniques car se vautrant royalement dans l'ironisme cinglant !

                                         

Les têtes coincées dans une bouche d'égout, broyées ou sectionnées volant en éclat, les corps explosant sous les impacts de balles à moins d'être éventrés ou électrocutés, les gorges et les mains sévèrement tranchées sans oublier un masticage de verre brisé du plus bel effet. Ce scénario volontairement idiot auquel les gentils coursent les méchants et vice versa constitue évidement un prétexte pour y déployer généreusement un florilège de quiproquos tous plus débridés les uns que les autres. Tel ce massacre méthodique commis dans un centre hospitalier auquel nos héros s'y sont réfugiés tandis que deux voyous déguisés en terminator et armés jusqu'aux dents décimeront un à un les membres du personnel. Au-delà de toutes ses qualités susnommées, le divertissement insolent réussit également à gagner notre ferveur grâce à la formidable complicité de l'excellent Rutger Hauer (mâchoire serrée et regard brut furieusement renfrogné à  l'appui !) accompagné de la charmante Molly Dunsworth. Alors que l'ambiance irréelle baigne dans un esprit marginal volontairement saugrenu, à situer quelque part entre le Justicier de New-York et The Toxic Avenger. Ajoutez à cela une entraînante BO pop rock typiquement eightie et vous obtenez un cocktail survitaminé de délire scabreux irrésistiblement jubilatoire.

*Bruno
13.04.11

vendredi 8 avril 2011

INFECTION (Kansen)

                     

de Masayuki Ochiai. 2004. Japon. 1H35. Avec Michiko Hada, Mari Hoshino, Tae Kimura, Yoko Maki, Kaho Minami, Moro Morooka.

Sortie en France le 26 Aout 2008,  Japon: 2 Octobre 2004.

FILMOGRAPHIE: Masayuki Ochiai est un réalisateur japonais.
1997: Parasite Eve,1999: Hypnosis, 2004: Infection, 2008: Shutter.

                         

Après l'excellent Hypnosis et avant le remake décrié de Shutter, Masayuki Ochiai a su diverger de la mode des fantômes revanchards au longs cheveux type Ring ou des six volets de Ju-on en pleine effervescence en ce début des années 2000. Il livre avec Infection un film à petit budget original, soigné et inquiétant, renforcé par son atmosphère étouffante d'un huis-clos hospitalier auquel un virus inconnu semble contaminer chaque membre du personnel.

Dans un hôpital au bord de la faillite financière, un malade est ramené devant les portes d'entrées contre les défaveurs des médecins complètement débordés et déjà envenimés par un patient critique brûlé au troisième degré. Lentement, le personnel médical semble épris de folie contagieuse alors que leur souche sanguine se met à virer de couleur dans une tonalité verdâtre en liquéfiant leur chair humaine.

                          

Sorti tardivement chez nous quatre ans après sa sortie nippone, Infection pourrait nous faire penser à un énième film de zombie cocaïné ou d'infecté surexcité façon 28 jours plus tard avec son titre accrocheur d'une potentielle contamination pernicieuse. Effectivement, il s'agira bien d'une propagation virale attribuée vers un groupe de médecins réfugiés dans un centre hospitalier précaire en pleine ébullition mais sans toutefois la réhabilitation festive de meurtriers enragés. La manière sobre et originale dont le réalisateur tisse son sujet évite donc la redite aux airs classiques de déjà vu et concentre son potentiel et son savoir-faire sur une ambiance glauque subtilement amenée dans un suspense lattent et inquiétant.
Le décor restreint d'un établissement chirurgical est tout à fait propice pour jouer avec les angoisses anxiogènes du spectateur avec cet endroit voué à guérir les patients d'une maladie ou d'un accident plus ou moins grave. Y faire pénétrer à l'intérieur de cette clinique un malade atteint d'un virus extrêmement dangereux et contagieux attise l'inquiétude et la peur viscérale surtout quand le réalisateur finaud prend un malin plaisir à distiller tranquillement une ambiance insolite où nos personnages délurés vont peu à peu perdre pied dans l'improbabilité des faits exposés.
De plus, Masayuki Ochiai nous met face à une étonnante galerie de personnages équivoques et paradoxales ! Quelques médecins expertisés en chute libre, deux malades décharnés et moribonds dont l'un succombera rapidement à cause de ses brûlures, une patiente âgée atteinte de troubles mentaux s'amusant perpétuellement à narguer nos protagonistes et des infirmières novices peu adroites et inconfiantes dans leur frêle contribution à soigner et surveiller les souffrants.
Inévitablement et langoureusement, tout ce beau monde va facilement se laisser entamer par une folie sous-jacente enrayée de manière inconsciente par la cause d'une maladie infectieuse inédite.
En effet, nos protagonistes vont peu à peu se comporter de manière irrationnelle pour avoir des attitudes masochistes comme le fait de se piquer machinalement à plusieurs reprises les veines d'un bras avec une seringue multi utilisée ou se laisser baigner les mains dans une bassine d'eau ébouillantée. Alors que chaque individu contaminé se verra transpirer d'un sang verdâtre et se liquéfier jusqu'à ce que leur corps ressemble à un amas de bouillie visqueuse et flasque.

                        

A travers cette trame horrifique éparpillée de scènes chocs inopinées mais jamais outrancières dans ses effusions de gore absent (chaque mort à caractère sanguinolent est éludé du sang traditionnellement rouge pour le remplacer par une couleur verte), Masayuki Ochiai traite en premier lieu du système faillible des services médicaux hospitaliers en situation précaire, davantage en manque de main d'oeuvre, peu favorisés par l'assistance d'infirmières néophytes inexpérimentées alors qu'une grossière erreur médicale va devoir leur être imposée. De cet incident majeur entraînant inévitablement des poursuites judiciaires, les témoins responsables vont devoir faire face à leur moralité, à savoir s'il faudra falsifier les causes du décès du malade mort par leur faute accidentelle ou assumer leur responsabilité et faire face à la justice de manière équitable et répréhensible.

Malgré un final confus et trouble qui multiplie les coups de théâtre pour mieux nous interloquer (le virus s'insinuant en fin de compte dans les rêves pour mieux altérer la conscience), Infection est un excellent moment horrifique qui traite sa mise en scène avec intelligence par un refus du racolage sanglant. En dehors d'une bonne interprétation d'ensemble, il doit surtout à son ambiance insolite prenant soin de distiller un environnement glauque d'un lieu hospitalier baroque entaché d'une aura presque malsaine, et renforcée par ses éclairages flashys de teintes fluorescentes.

08.04.11.
Bruno Matéï.