mercredi 7 septembre 2011

MES MEILLEURES AMIES (Bridesmaids)


de Paul Feig. 2011. U.S.A. 2h05. Avec Kristen Wiig, Maya Rudolph, Rose Byrne, Melissa McCarthy, Ellie Kemper, Wendi McLendon-Covey, Chris O'Dowd, Jon Hamm, Michael Hitchcock, Kali Hawk.

Sortie en salles en France le 10 Aout 2011. U.S: 13 Mai 2011

FILMOGRAPHIE: Paul Feig est un réalisateur, acteur, scénariste et producteur américain né le 17 Septembre 1962 à Royal Oak, Michigan. 
1997: Life Sold Separately
2001: Les Années campus (série TV)
2003: I am David
2011: Mes Meilleures amies demoiselles d'honneur
Bridget Jones 3


Une célibataire endurcie cumule les rencontres d'un soir en attendant l'éventuel coup de foudre qui pourrait un jour frapper son destin. Alors que sa meilleur amie est sur le point de se marier, Annie est sélectionnée pour être la demoiselle d'honneur. Avec l'aide de ses amies, celles-ci confectionnent les préparatifs d'une soirée idyllique exceptionnelle.

Ne vous fiez pas au titre hexagonal et à l'affiche édulcorée aux teintes rose bonbon, Mes Meilleures Amies est une comédie caustique complètement débridée et franchement décalée. Sous prétexte d'une trame balisée archi rebattue (les préparatifs d'un mariage nanti), ce divertissement politiquement incorrect est un prétexte à étaler à intervalle régulier une succession de situations toutes plus acerbes les unes que les autres. Comme ce remue méninge dans une boutique luxueuse par nos donzelles venues essayer diverses robes de mariée. En effet, après avoir préalablement déjeuné dans un restaurant brésilien, nos charmantes comparses vont être prise de nausée subite pour se diriger incessamment vers les wc alors que l'une d'elle, incapable de se retenir, va devoir déféquer dans l'évier ! Il y a aussi cette scène de panique à bord d'un avion causée par une Annie terrifiée à l'idée de voir l'avion s'écraser. Sa rivale jalousée va donc lui administrer en guise de calmant un cocktail frelaté à base de somnifères et de whisky fugacement ingurgité ! Annie, totalement enivrée et dévergondée va se livrer à un numéro démesuré pour semer une véritable zizanie à l'intérieur de l'avion ! Des séquences délirantes de cet acabit, cette comédie inhabituelle en regorge d'autres tout aussi impromptues et irrésistibles.


Avec le charme gracile et la drôlerie incisive de la pétillante actrice Kristen Wiig (également co-scénariste du film), cette folle équipée de trentenaires féministes pleines d'aisance et d'aplomb nous emportent dans un festival de gags inopinés et subversifs. La verve des dialogues parfois crus (voirs vulgaires diront les âmes prudes) et l'absurdité de leur vicissitude nous déconcertent par leur franchise désinhibée. Comme cette séquence hilarante où Annie exerçant sa profession d'une vendeuse (défaitiste)  dans une boutique de diamants va volontairement provoquer une blondinette de 15 ans dans une succession de réparties verbales aussi cinglantes que véhémentes. Ou encore l'accueil improvisé du jeune couple d'asiatiques sur le point de se marier, venu chercher une bague de fiançailles mais littéralement démoralisé par les conseils pessimistes d'Annie philosophant sur la confiance et la fidélité du couple.
Il est par contre dommageable que le final s'égare dans les ficelles mielleuses du genre pour malencontreusement aseptiser son esprit désinvolte, (Annie trouvera finalement l'homme de sa vie et sa meilleure amie aura le plus beau des mariages) avant qu'une dernière note hilarante ne vienne nous réconcilier avec le ton effronté de l'aventure échevelée.


Souvent drôle, trash, décomplexé, voir parfois hilarant, Mes Meilleures Amies est une excellente comédie sortant des sentiers battus. Dominé par la fraîcheur et la spontanéité d'un duo d'actrices déchaînées, cette farce débridée trouve son originalité dans l'audace insolente des gags incongrus (où  parfois la grossièreté n'épargne pas la scatologie). Paul Feig illustre également avec réalisme aigri un portrait incisif sur l'émancipation de la femme évoluant dans une société en perte de repère. Le profil établi envers la caractérisation irrésistible de son héroïne démontre également à quel point la solitude inflexible du célibat et la quête identitaire peut profondément éprouver l'être esseulé. Alors que l'amitié solidaire reste l'une des valeurs essentielles quand l'amour conjugal reste encore une denrée rare. Hormis un final paradoxalement orthodoxe et conformiste dans sa romance édulcorée, Mes Meilleures Amies détonne et surprend par sa vigueur sarcastique.
Ames prudes, s'abstenir !

A Jill Clayburgh, décédée en Novembre 2010.



07.09.11
Bruno Matéï

mardi 6 septembre 2011

LA CORDE RAIDE (Tightrope)


de Richard Tuggle. 1984. U.S.A. 1h54. Avec Clint Eastwood, Geneviève Bujold, Dan Hedaya, Alison Eastwood, Jennifer Beck, Marco St. John, Rebecca Perle, Regina Richardson, Wes Block.

Sortie en salles en France le 16 Janvier 1985. U.S: 17 Octobre 1984

FILMOGRAPHIE: Richard Tuggle est un réalisateur et scénariste américain.
1984: La Corde Raide. 1986: Out of Bounds


Première réalisation de Richard Tuggle, scénariste de l'Evadé d'Alcatraz (1979),la Corde Raide est un thriller plutôt audacieux dans sa description glauque et sordide du milieu nocturne des peep-shows et boites échangistes de la Nouvelle Orléans. Paradoxalement, à l'époque de sa sortie, une fausse rumeur persistait à ce que Clint Eastwood eut supervisé la réalisation du film. Afin d'authentifier la relation paternelle d'Amanda avec son père (endossé par l'inspecteur Block/Clint Eastwood), le réalisateur fit appel à la propre fille de l'acteur, Alison Eastwood afin de mieux souligner leur rapport affectif suite à un divorce conjugal. Un maniaque sexuel commet une série de crimes par strangulation dans les bas-fonds de la Nouvelle Orléans. L'inspecteur Block, profondément affecté par le récent divorce de sa femme enquête dans le milieu de la prostitution à la recherche du moindre indice. Mais le tueur semble vouloir l'incriminer en dissimulant des preuves que Block a laissé sur certaines de ses clientes après avoir eu une brève relation sexuelle. 


En 1984, le néophyte Richard Tuggle nous façonne un thriller particulièrement trouble et austère dans sa description vénéneuse de l'univers de la prostitution et de ces dérives SM. Sans jamais céder à une quelconque complaisance putassière, l'ambiance crépusculaire de la Corde Raide entraîne le spectateur vers une vertigineuse descente aux enfers aussi trouble que malsaine. C'est de prime abord le portrait établi envers l'inspecteur Block qui permet de transgresser les conventions du traditionnel flic conformiste. En effet, celui-ci éprouve un besoin équivoque de coucher avec ses partenaires indociles après leur interrogatoire. Des prostituées tributaires d'une déviance sexuelle alors qu'un mystérieux maniaque, préalablement fonctionnaire de police, sévit pour assouvir ses pulsions mais aussi incriminer cet éminent inspecteur. Eprouvé par son récent divorce conjugal, Wes Block réside indépendamment dans sa demeure parmi ses deux enfants et ses animaux de compagnie. La relation attendrie avec sa fille aînée donne lieu à plusieurs séquences touchantes d'une étonnante justesse pour l'empathie échangée entre l'adolescente et son père. Mais sévèrement dépité de son échec sentimental, Block craint une potentielle nouvelle liaison amoureuse avec cette militante féministe. L'état torturé de ce dernier va monter d'un cran lorsqu'une nuit de fantasme il s'imagine étrangler sa nouvelle compagne !


Ce scénario aussi pervers que couillu de la part d'une prod d'Hollywood nous ébranle avec un raffinement inscrit dans la suggestion. On peut d'ailleurs par moment songer à Cruising de Friedkin, voir aussi Basic Instinct pour le portrait immoral imparti au héros attiré par le Mal alors que son ambiance de thriller noir flirte parfois avec l'horreur crapuleuse (la femme de ménage découverte dans la machine à laver, la condition soumise de la fille aînée de Block). Le point d'orgue cinglant va d'ailleurs monter d'un cran l'intensité d'un enjeu alarmiste quant au sort réservé à la compagne de Block. Un final haletant et violent ne lésinant pas sur les confrontations musclées ! Le vétéran Clint Eastwood endosse avec habile ambiguïté le personnage interlope du flic en proie à ses démons intérieurs du fait de sa douloureuse séparation maritale. Un être faillible, parano et névrosé, car tourmenté par la persuasion d'un tueur perfide fermement délibéré à l'influencer au Mal. Alison Eastwood campe avec naturel une ado autonome prémunissant quotidiennement la garde de sa petite soeur tout en se réservant une tendresse poignante auprès de son paternel souvent absent du foyer domestique.


Baignant dans une superbe photographie transcendant l'environnement nocturne dans lequel nos protagonistes évoluent et réalisé avec une sobre maîtrise réfutant l'action redondante, La Corde Raide constitue un fascinant voyage urbain jusqu'au tréfonds de la nuit. Un film noir impeccablement structuré, de par l'efficacité de son suspense ciselé et surtout l'étude des caractères entretenue entre le maniaque impassible et le flic faillible en doute avec sa propre identité ! En conclusion, un des thrillers les plus pervers et audacieux des années 80.

06.09.11.    3
BM

lundi 5 septembre 2011

VAMPIRE, VOUS AVEZ DIT VAMPIRE ? (Fright Night). Prix Dario Argento à Avoriaz 1986.


de Tom Holland. 1985. U.S.A. 1h42. Avec Chris Sarandon, William Ragsdale, Amanda Bearse, Roddy Mc Dowall, Stephen Geoffreys, Jonathan Stark, Dorothy Fielding, Art Evans, Stewart Stern, Irina Irvine.

Récompense: Prix Dario Argento au festival du film fantastique d'Avoriaz, 1986.

Sortie en salles en France le 29 Janvier 1986. U.S: 2 Aout 1985

FILMOGRAPHIE: Tom Holland est un réalisateur et scénariste américain né le 11 Juillet 1943.
1985: Vampire, vous avez dit vampire. 1987: Beauté Fatale. 1988: Jeu d'Enfant. 1989: l'Enfant génial (The Wizard). 1993: Meurtre par intérim. 1996: La Peau sur les Os.


Première réalisation de Tom Holland, Vampire, vous avez dit Vampire s'est taillé un joli succès public et critique lors de sa sortie en 1985. Avec un budget de 9,5 millions de dollars et l'innovation d'effets-spéciaux (sous l'édifice de la Boss Film Corporation de Richard Edlund), le film en récolta 25 pour devenir rapidement un classique de la comédie fantastique. Le pitch: L'adolescent Charley Brewster s'aperçoit un soir que ses nouveaux voisins sont des vampires ! Après avoir averti en vain les autorités, il part rencontrer avec deux de ses amis le présentateur d'un show TV sur le vampirisme pour tenter de déjouer ces imposteurs. Au milieu des années 80, une nouvelle mode commence à affluer dans le paysage horrifique pour tenter de redorer un sang neuf au genre. Allier l'horreur et la comédie sans toutefois vulgairement s'en railler, tout du moins chez les réussites les plus probantes (Ré-animator, Street Trash, From BeyondBad TasteElmerEvil-Dead 2). Vampire, vous avez dit Vampire  fait donc également parti de ses réussites de par sa synergie humour/frisson, et ce à travers un pitch loufoque qu'entraîne la tendre complicité de personnages solidaires. L'idée de départ du jeune ado, fermement convaincu que son nouveau voisin est un véritable vampire, demeure fort savoureuse dans sa tentative désespérée de convaincre ses proches qu'un suceur de sang s'est infiltré dans sa banlieue tranquille.


Si bien que durant la nuit, ce vampire prénommé Jerry Dandridge va provoquer la curiosité de son jeune voisin pour le menacer de ne pas divulguer son identité aux citadins. La complicité attachante des jeunes comédiens au tempérament fougueux contribue grandement au charme de cette série B iconisée par un invité de marque, Peter Vincent ! Ce sexagénaire sur le déclin demeurant un présentateur télé sclérosé, faute d'une émission vantant les classiques du cinéma d'épouvante, et en particulier les suceurs de sang. Ainsi, avec son aide, Charley va tenter de le convaincre que ses voisins de palier sont d'authentiques goules de l'enfer. Mais fiction et réalité sont deux univers antinomiques et Peter Vincent lui rappellera que les suceurs de sang n'existent que dans la chimère des salles obscures et du folklore populaire. Spoiler ! Mais après avoir négocié une transaction dérisoire avec notre chasseur de vampire, nos héros s'invitent donc dans la demeure de Jerry Dandridge. Après quoi, ils lui solliciteront d'ingérer une eau bénite afin de savoir s'il est doué d'immortalité. Les réparties sarcastiques du dandy ténébreux adressées à ces hôtes s'avèrent irrésistibles de cocasserie, quand bien même Peter Vincent se rend finalement à l'évidence que Charley n'était en rien un affabulateur. Là encore, la truculence accordée à cette icône télévisuelle provoque le rire puisqu'il s'avère terrifié à l'idée d'être confronté à de véritables créatures assoiffées de sang ! Fin du Spoil.


Truffé de péripéties et de rebondissements, la seconde partie laisse place à une succession d'actions fertiles chez les stratégies de Charley et Peter tentant de décimer leurs rivaux confinés dans leur demeure gothique. Alors que l'originalité des effets-spéciaux va grandement participer à l'attrait homérique de l'entreprise (la décomposition de Ed en loup mortellement blessé pour revenir ensuite à une apparence humaine moribonde est saisissante, voire également empathique face au regard médusé de Peter !). Niveau cast, Chris Sarandon endosse avec un charisme séducteur infaillible le meilleur rôle de sa carrière tant sa posture hautaine et son arrogance subtilement railleuse s'avèrent jubilatoires. Rody Mc Dowall lui partage la vedette avec une tendre naïveté de par sa fonction de chasseur de vampires tour à tour pleutre et fourbe mais finalement d'une audace valeureuse auprès de son initiation héroïque. Quand à la séduisante Amanda Bearse, elle dégage une réelle charnalité lorsqu'elle se retrouve possédée par l'esprit du prince des ténèbres, à l'instar de sa danse torride échangée avec lui en boite de nuit. Epaulé d'un compagnon lunatique, William Ragsdale adopte la posture de l'ado amoureusement dévoué derrière le profil d'un investigateur pugnace lorsqu'il s'éprend de convaincre son entourage de l'existence des suceurs de sang. Enfin, son compagnon de route est campé par Stephen Geoffreys, tête à claque gouailleur lors de ses mesquineries de benêt à la fois irritant et effronté.


Scandé du score envoûtant de Brad Fiedel collant à merveille aux images, Vampire, vous avez dit Vampire trouve le juste équilibre entre la truculence d'une situation saugrenue (mon voisin est un vampire !) et l'horreur d'affrontements surnaturels impressionnants. Car en y confrontant l'épouvante du vampire gothique dans un contexte moderne où le personnage archaïque de Peter Vincent y côtoie la génération pubère, ce pur divertissement étonnamment fringant ne cesse d'amuser et séduire en respectant en bonne et due forme le genre. La qualité des FX artisanaux, l'originalité du pitch, son action toujours plus effrénée et surtout l'incroyable alchimie des comédiens infiniment attachants ont tout naturellement élever ce classique des eighties à la jeunesse éternelle. 

*Bruno
10/07/20
05.09.11.


                                         

samedi 3 septembre 2011

HYPNOSE (Stir of Echoes). Grand Prix au Festival de Gérardmer en 2000.

                         
de David Koepp. 1999. U.S.A. 1h40. Avec Kevin Bacon, Kathryn Erbe, Ileana Douglas, Liza Weil, Kevin Dunn, Conor O'Farrell, Jennifer Morrison, Zachary Davod Cope, Lusia Strus.

GRAND PRIX AU FESTIVAL DU FILM FANTASTIQUE DE GERARDMER EN 2000

Sortie en salles en France le 3 Mai 2000. U.S: 10 Septembre 1999.

FILMOGRAPHIE: David Koepp est un réalisateur, scénariste et producteur américain né le 9 Juin 1963 Pewaukee (Wisconsin, Etats-Unis). 1994: Suspicious (court-métrage). 1996: Réactions en Chaine. 1999: Hypnose. 2003: Suspense (télé-film). 2004: Fenêtre Secrète. 2008: Ghost Town. 2012: Premium Rush.

                                       

Sorti à la même période que le 6è Sens, ghost story à l'ancienne concoctée par M. Night Shyamalan, Hypnose fut malencontreusement occulté à tort, faute de son sujet similaire (un enfant communiquant avec les morts épaulé d'un adulte rationnel tentant de découvrir une vérité éclipsée) et du prodigieux succès planétaire porté sur les épaules du novice Haley Joel Osment mais aussi de Bruce Willis. Inspiré d'une nouvelle du célèbre écrivain Richard Matheson, il serait temps aujourd'hui de reconsidérer l'oeuvre digne de David Koepp, couronnée à juste titre du Grand Prix du Festival de Gérardmer en 2000. Tom Witzky mène une existence paisible à Chicago en compagnie de sa femme et son enfant. Au cours d'une soirée festive, il s'essaie sans conviction à tenter une séance d'hypnose improvisée par une amie railleuse. Depuis cette expérience, il est sujet à d'intenses visions hallucinatoires particulièrement imbitables et dérangeantes. Peu à peu, Tom va découvrir la vérité sur une affaire de disparition d'adolescente par l'entremise de ses visions fantomatiques. Hypnose est le genre de film que l'on redécouvre quelques années plus tard dans un état d'esprit distinct après l'avoir malencontreusement comparé au Sixième Sens. En l'occurence, nous sommes indéniablement frappés par la maîtrise de la mise en scène entamant d'entrée de jeu son canevas horrifique de par une séance d'hypnose hermétique. Une épreuve psychologique sensorielle portée au témoin incrédule, Tom Witzky, subissant un florilège d'images insolites consciencieusement structurées à travers une mise en forme baroque et inquiétante.

                                             

Cette séquence percutante et concise frappe par son aura insolite, son caractère palpable et surtout elle rend l'expérience d'autant plus persuasive qu'elle est remarquablement exacerbée par l'interprétation habitée de Kevin Bacon. Un rôle à la mesure de son talent endossant avec une belle vigueur un père de famille sans histoires, équilibré et amoureux de sa dulcinée mais bientôt intrigué par le comportement de son bambin communiquant discrètement avec un personnage invisible et surtout de son expérience d'hypnose altérant sa propre réalité avec l'intrusion cinglante d'images d'avertissement. Le travail fourni sur la bande-son occupe également une place considérable afin de provoquer un sentiment d'anxiété chez le spectateur intrigué, mais c'est surtout le suspense remarquablement ciselé autour d'une histoire d'enlèvement d'adolescente qui rend Hypnose continuellement passionnant. La subtilité suggestive allouée au scénario remarquablement construit permet au spectateur de s'impliquer de manière attentive dans cette ghost story offusquant une famille au bord de la déliquescence. L'étude psychologique des personnages en prise avec leur conflit conjugal crédibilise naturellement leur rapport orageux auprès de situations jamais bêtifiantes ou conventionnelles. Une relation aussi communément compassionnelle même si la lente progression dans le folie du père de famille rendu inflexible et intransigeant ne fera qu'amplifier se sentiment de marasme incontrôlé.

                                            

Quand à sa conclusion à tiroirs, Hypnose se permet après son point d'orgue frénétique une dernière note émouvante dans sa poésie cathartique, suivie l'instant d'après d'un inquiétant moment ombrageux octroyé à l'enfant installé à l'arrière d'un véhicule mené par ses parents en route vers une contrée indéterminée. Un garçonnet victimisé par l'emprise des morts et donc irrité par l'écho machinal de murmures spirituels invoqués de façon insolente. Outre l'interprétation solide de Kevin Bacon, parfait de sobriété à travers son personnage assidu de paternel obsédé à l'idée de découvrir l'ultime vérité, on est aussi fasciné par la trogne inquiétante de l'innocence du bambin qu'incarne David Cope, surprenant de naturel diaphane de par ses expressions raisonnées pour un si jeune âge. Quand bien même les charmantes Kathryn Erbe et Ileana Douglas composent avec aplomb des femmes affirmées et délibérées.

                                     

Superbement conté, interprété sans fioriture et méthodiquement construit autour d'un implacable suspense, Hypnose se décline en film fantastique humble pour y honorer la maturité du spectateur. L'intelligence de sa réalisation menée avec dextérité car réfutant l'artillerie d'effets grand-guignolesques propose à contrario des séquences tantôt angoissantes (les séances d'hypnose, les flashs carmins imposés par le psyché troublé de Tom, la baby-sitter déconcertée de la conversation entendue à travers le moniteur de surveillance par l'enfant à Samantha) ou terrifiantes (l'avertissement funèbre du voisin de palier en guise de prémonition, le simulacre du rapt de Jake, le coup de folie suicidaire de l'adolescent, la découverte du cadavre décharné dans la cave, le viol subi par Samantha). Des séquences adroites  mises en exergue sur la véracité d'un quotidien fustigé. On pense d'ailleurs parfois au magnifique l'Enfant du Diable auquel il renvoie d'étranges similitudes de par sa narration appuyée sur l'empathie d'une mort innocente et d'un homme avide de cette abominable découverte. Un clin d'oeil implicite est également attribué au fabuleux Dead Zone de David Cronenberg sans toutefois tenter de le plagier vulgairement. Hormis un épilogue quelque peu prévisible mais haletant et fertile en péripéties perfides, Hypnose demeure l'un des métrages les plus convaincants des années 90 auprès du thème de la hantise.

03.09.11.
Bruno Matéï          

                                         

jeudi 1 septembre 2011

DESTINATION FINALE 5 (Final Destination 5)

                                            

de Steven Quale. 2011. U.S.A. 1h26. Avec P.J Byrne, Nicholas d'Agosto, Tony Todd, Jacqueline MacInnes Wood, Emma Bell, David Koechner, Courtney B. Vance, Ellen Wroe, Miles Fisher, Tanya Hubbard.
Sortie en salles en France le 31 Aout 2011. U.S: 26 Aout 2011.

FILMOGRAPHIE: Steven Quale est réalisateur américain de cinéma. Il a travaillé en tant que deuxième réalisateur sur d'énormes productions comme Titanic et Avatar, pour les effets visuels sur ce dernier. 2000: Darkness (court). 2002: Superfire, l'enfer des Flammes (télé-film). 2006: Alien of the Deep (doc). 2011: Destination Finale 5

                                     

5è volet d'une franchise lucrative spécialement ciblée pour les adolescents, Destination Finale 5 ne déroge pas à la règle de la redite sans une once d'originalité et offre au spectateur ce qu'il était venu chercher. C'est à dire un agréable divertissement du samedi soir auquel la grande faucheuse dévoile encore tout son potentiel pour commettre les pires mises à mort afin de se réapproprier de la vie de huit survivants juvéniles. A bord d'un autobus, un jeune garçon, Sam et ses 8 employés de papier pressage se dirigent vers leur cession de formation en circulant sur un pont en chantier. Mais une terrible prémonition lui présage l'effondrement du viaduc causant ainsi la mort de ses camarades et de plusieurs quidams piégés sur l'affaissement de la voie en réparation. Réveillé de son cauchemar, Sam demande à son équipe de quitter au plus vite le car car craignant que sa prémonition ne devienne réalité. Nos huit survivants vont réussir in extremis à déjouer les plans de la mort, mais bientôt ils vont une nouvelle fois devoir faire face avec l'horreur vindicative.

                                    

On ne change pas une recette qui gagne et Destination Finale 5 débute dans la bonne tradition son attraction sardonique avec la mise en chantier d'une séquence accidentelle d'anthologie située sur la longitude d'un pont séparant un cours d'eau. Les corps humains brutalement violentés sont éjectés d'un saut dans le vide quand ils ne sont pas simplement déchiquetés, transpercés ou broyés par toutes formes de projectiles en acier trempée voltigeant de toutes parts. Cette impressionnante séquence incisive et échevelée dans son caractère hautement spectaculaire se permet en prime de belles effusions de sang dans l'inventivité des meurtres déployés. La suite balisée, sans une once de surprise empreinte le même canevas que ses précédents volets, dans la lignée d'un conventionnel Vendredi 13 (ou plus récemment Saw). Le tueur au masque de hockey étant remplacé ici par l'entité de la mort en personne. La recette reste autant inchangée ! C'est à dire aligner toutes les 10 à 15 minutes, une mort (accidentelle) effroyablement sardonique, inventive, morbide et particulièrement caustique. Ceux qui s'attendent à un éventuel renouveau de la franchise risquent donc d'être bien déçus comme il était traditionnellement acquis avec les deux antécédents opus.

                                     

Pourtant, il faut malgré tout reconnaître que l'efficacité du récit est privilégié par l'abondance de ses scènes chocs cinglantes, formidablement façonnées avec un sens de dérision plutôt jouissif. L'acrobatie ardente de la jeune fille participant à un concours de gymnase, la potiche aux yeux azur s'adonnant à une chirurgie oculaire sous rayon laser ou encore le crash aérien font sans doute parties des séquences fortes les plus intenses et impressionnantes dans son alliage de suspense et d'horreur brute. Quand à la tâche aride et finale de ces uniques survivants essayant de sauver leur vie en provoquant la mort de celle d'autrui, ils rendent leurs vicissitudes plutôt cocasses car sournoisement véreuses. Louablement, son savoureux épilogue va aussi dévoiler une astucieuse idée fortuite, sorte de clin d'oeil complice accès sur la temporalité d'un évènement survenu dans le tout premier chapitre. Peut-être aussi une forme envisagée de bouquet final décisif afin de boucler la boucle, comme si un éventuel sixième volet ne pouvait se concrétiser par n'importe quel réalisateur lambda prêt à empocher les recettes escomptées. 

                                      

Inventif, rigolo et parfois jouissif, Destination Finale 5 répète à l'infini son traditionnel jeu de massacre à grand renforts d'effets chocs spectaculairement violents affiliés à un petit suspense habilement oppressant. Hormis la transparence des comédiens franchement ternes et la vacuité d'un scénario ultra répétitif, cette série B remplit honorablement son contrat d'aimable divertissement du samedi soir entre amis azimutés. En attendant l'inévitable 6è volet à contrario de sa conclusion antinomique...

01.09.11
Bruno Matéï

mercredi 31 août 2011

LES YEUX DE LA TERREUR. Prix Spécial du Jury à Avoriaz 1981.


"Night School / Terror Eyes" de Ken Hughes. 1981. U.S.A. 1h28. Avec Leonard Mann, Rachel Ward, Drew Snyder, Joseph R. Sicari, Ncholas Cairis, Karen MacDonald.

Sortie en France le 13 Mai 1981. U.S: 24 Avril 1981

FILMOGRAPHIE: Ken Hughes ou Kenneth Hughes est un réalisateur, scénariste, producteur et romancier né le 19 janvier 1922 à Liverpool, Royaume-Uni, décédé le 28 Avril 2991 à Los Angeles de la Maladie d'Alzheimer. 1955: Piège pour une canaille. Portrait d'une aventurière. Les Trafiquants de la nuit. 1964: l'Ange pervers. 1967: Casino Royale. Arrivederci Baby. 1969: Chitty, chitty, bang, bang. 1970: Cromwell. 1975: Aftie Darling. 1978: Sextette. 1981: Les Yeux de la Terreur


Pour son dernier film, le réalisateur de Casino Royale tire sa révérence en 1981 avec un psycho-killer vaguement inspiré de La Lame Infernale (classique du Giallo préfigurant l'accoutrement vestimentaire du tueur à moto). Les Yeux de la Terreur révèle en outre pour la première fois au public la plantureuse Rachel Ward, future star de la célèbre série  Les Oiseaux se cachent pour mourir. Auréolé d'une belle réputation à l'époque de sa sortie Vhs et précédé d'une critique estimable (notamment auprès de son Prix Spécial du Jury à Avoriaz), ce psycho-killer fort bien mené semble aujourd'hui déprécié chez certains sites internautes. Faute de ces amertumes tranchées, je me suis donc décidé à lui rendre hommage si bien qu'à mon sens subjectif Les Yeux de la Terreur fait parti des psycho-killers les plus attractifs des années 80. Le pitchA Boston, un mystérieux tueur accoutré d'un casque de moto et muni d'un sabre perpétue ses crimes en tranchant la tête de ses victimes selon un ancien rituel. Judd Austin, détective de renom épaulé de son adjoint tentent de mener cette enquête inhabituelle alors qu'un anthropologue volage en devient le principal suspect. Les nostalgiques des années 80 ayant été bercés durant leur adolescence par cette bobine horrifique n'ont guère oublié son prologue meurtrier des plus incisifs. Une institutrice et une écolière assises sur un tourniquet attendent la mère de cette dernière avant la fermeture de l'école. Après que la fillette eut rejoint sa maman et que le dernier employé eut quitté l'enceinte de l'école, l'éducatrice aperçoit un mystérieux individu à moto s'approchant placidement d'elle. Subitement, l'inconnu s'empresse de faire pivoter le manège, de manière à ce que la victime ne puisse s'en détacher. La plate-forme tournant toujours plus vite, l'individu masqué s'empresse alors de l'alpaguer pour la décapiter d'un coup de sabre !


Des séquences chocs de cet acabit, les Yeux de la Terreur en regorge d'autres aussi sauvages, sans toutefois jamais verser dans l'outrance gore que Ken Hughes réussit habilement à déjouer passé l'expectative du suspense ! Les apparitions spectrales du tueur dans sa noire défroque s'avérant également accentuées d'une bande son stridente afin d'exacerber le caractère spectaculaire de ses horribles méfaits ! Le scénario linéaire ne brille pas par sa substantialité et se révèle honnêtement peu surprenant quant à la révélation du meurtrier (le choix est uniquement établi en fonction d'un anthropologue infidèle et de sa maîtresse possessive). Mais le cinéaste parvient malgré tout à instaurer une réelle efficacité dans sa structure narrative, notamment auprès des motivations insolites du meurtrier Spoiler !!! militant pour l'émancipation féminine Fin du Spoil. Pour cause, ce criminel s'inspire d'un ancien rituel asiatique selon lequel des chasseurs de tête perpétrèrent la décapitation de leurs rivaux en guise d'omnipotence. Ils baignaient ensuite la tête du défunt sous l'eau afin de chasser les mauvais esprits et ainsi rendre la pureté de leur âme. Par le biais de cette mise à mort barbare, Ken Hughes y injecte habilement certains traits d'humour noir lorsque, par exemple, une tête tranchée dévalera lentement au fond d'un aquarium alors qu'une mamie horrifiée découvrira avec stupeur cette apparition crapoteuse. Il y a aussi ces deux maçons venus déguster une soupe de ragoût dans un snack bar alors que l'un d'eux s'apercevra avec dégoût qu'une mèche de cheveux s'est égarée dans son assiette. L'épilogue en rajoutera notamment une dernière louche dans la dérision avec le "potentiel" retour du tueur revenu d'outre-tombe !


Scandé du score lancinant de Brad Fiedel oscillant avec les accents tonitruants inversement frénétiques, Les Yeux de la Terreur conjugue suspense et estocades horrifiques autour des thèmes du rituel, du désir possessif et de l'émancipation féminine. Si ce psycho-killer bien ancré dans son époque s'avère si attachant et efficacement rythmé, il le doit aussi à la bonhomie du duo de flics badins ainsi qu'à la relation vénéneuse des amants en étreinte (dans une posture charnelle, Rachel Ward laisse en  mémoire une scène de douche anthologique !). D'ailleurs, et quitte à me répéter, les membres du jury d'Avoriaz  n'y étaient pas restés insensibles pour l'ovationner d'un trophée.

*Bruno
31.08.11. 6èx



mardi 30 août 2011

Flavia la Défroquée /Flavia, la monaca musulmana


de Gianfranco Mingozzi. 1974. Italie. 1h40. Avec Florinda Bolkan, Maria Casares, Claudio Cassinelli, Anthony Higgins, Jill Pratt.

FILMOGRAPHIE: Gianfranco Mingozzi est un réalisateur et scénariste italien né le 5 avril 1932 à Molinella, province de Bologne en Emilie-Romagne, mort le 7 Octobre 2009 à Rome.
1959: Festa a Pamplona. 1961: Les Femmes accusent. 1967: Trio. 1974: Flavia la défroquée. 1975: Morire a Roma. 1977: Les 3 Derniers jours. 1983: l'Ecran magique. 1987: Les Exploits d'un jeune Don Juan. 1988: La Femme de mes Amours. Ma mère... mon amour. 2000: Le Café des Palmes

                                       

Réalisateur peu connu en France, Gianfranco Mingozzi réalise en 1974 un pamphlet féministe contre le machisme, le rigorisme et le patriarcat exerçant leur dictature durant l'époque moyenâgeuse d'un couvent intégriste.

Le Pitch: En l'an 1400, dans le sud de l'Italie, une jeune femme, Flavia Gaetani se voit contraint de vivre dans un couvent sous l'autorité de son père, témoin d'avoir observé sa fille émue de la mort d'un guerrier sarrasin. L'ambiance dans le monastère devient davantage indécente et frénétique auprès de la folie déraisonnée de jeunes nonnes refoulées. Dès lors, Flavia en quête d'autonomie décide de s'évader en compagnie d'un juif pratiquant dans une contrée plus paisible. 

                                        

Difficile de décrire ce réquisitoire contre le totalitarisme d'une société à la fois machiste et rigoriste dans ce nunsploitation auteurisant tant il dégage un sentiment persistant de mal être et de fascination d'une expérience vécue comme si nous avions parcouru un bon dans le temps révolu. Autant dire que la manière dont Gianfranco Mingozzi s'y entend pour nous immerger dans une lointaine époque vétuste et rétrograde se révèle aussi rebutante que captivante. Celui-ci réussissant parfaitement à reconstituer une époque moyenâgeuse réactionnaire où notre héroïne réduit à l'état d'esclave, va peu à peu prendre conscience de son existence intolérable et surtout de son emprise sectaire avec une religion extrémiste incapable d'y différencier les valeurs du Bien et du Mal. Ainsi, cette oeuvre austère se vit tel un parcours obsédant d'une femme en éveil à sa sensualité sexuelle et à sa condition de domestique, en proie à sa psyché lourdement éprouvée de par l'agissement de ses comparses délurées et de nonnes hystériques sous emprise de folie extériorisée. A travers un florilège de séquences débridés et hallucinatoires, alternant l'horreur des tortures infligées, l'épanouissement délurée de nonnes endiablées et la prise de conscience humaniste d'une femme jamais dupe, Flavia la Défroquée nous entraîne dans un maelström d'images provocantes et dérangeantes. Une ambiance lourde de névrose dévergondée, décuplée par une mise en image cinglante proche des débordements déraisonnés des Diables de Ken Russel, tourné 3 années au préalable ou encore des visions ésotériques, surréalistes d'Alejandro Jodorowski

                                          

Auprès de son physique ombrageux d'un regard noir renfrogné, Florinda Bolkan (le Venin de la peur, la Longue Nuit de l'Exorcisme) s'avère accomplie dans la peau d'une nonne juvénile réfutant toute forme de domination de la part des mâles incapables d'éprouver la compassion pour la femme assouvie à un objet sexuel quand elle n'est pas une esclave inculquée dans la piété. De par la faveur des insurgés musulmans, sa destinée anarchique semble vouée à une quête de rébellion à grande échelle, telle une Jeanne d'Arc vêtue d'un uniforme belliqueux afin de faire payer à ces tortionnaires un châtiment vindicatif. 

Soutenue d'une douce partition dérivative et baignant dans une superbe photo sepia, Flavia la Défroquée est un nunsploitation à prendre en considération historique sur la vérité des faits exposés. Une forme de documentaire provocateur, difficile d'accès pour certains spectateurs exigeants, mais tout à fait convaincant dans sa démarche d'y dénoncer avec force et fracas une religion obscurantiste, tributaire de sa société despotiste contraire à l'égalité des sexes. Une oeuvre subversive difficilement oubliable de par son ambiance démoralisante, ses scènes chocs malsaines (la castration du cheval, la femme nue enfouie dans la carcasse d'un veau suspendu, les quelques sévices corporels inquisiteurs) et son portrait attentionné pour une femme en pleine crise identitaire. A ne pas mettre entre toutes les mains. 
  
31.08.11
Bruno 

lundi 29 août 2011

TON VICE EST UNE CHAMBRE CLOSE DONT MOI SEUL AI LA CLEF (Il tuo vizio è una stanza chiusa e solo io ne ho la chiave)


de Sergio Martino. 1972. Italie. 1h35. Avec Edwige Fenech, Anita Strindberg, Luigi Pistilli, Ivan Rassimov, Franco Nebbia, Riccardo Salvino, Angela La Vorgnia.

FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Sergio Martino est un réalisateur, producteur et scénariste italien né le 19 Juillet 1938, à Rome. 1970: L'Amérique à nu, Arizona se déchaine. 1971: L'Etrange vice de Mme Wardh. La Queue du Scorpion. 1972: L'Alliance Invisible. Ton Vice est une chambre close dont moi seul ait la clef. 1973: Mlle cuisses longues. Polices Parallèles. Torso. 1975: Le Parfum du Diable.
1977: Mannaja, l'Homme à la hache. 1978: La Montagne du Dieu Cannibale. 1979: Le Continent des Hommes Poissons. Le Grand Alligator. 1980: Les Zizis baladeurs. 1982: Crime au cimetière  Etrusque. 1983: 2019, Après la chute de New-York. 1986: Atomic Cyborg.

                                    

Après l'insolite l'Alliance Invisible, Sergio Martino renouvelle le giallo auprès d'un trio de personnages peu recommandables en prise avec les exactions d'un mystérieux tueur. Porté par un scénario constamment impondérable et bénéficiant d'un casting prestigieux (Edwige Fenech, Anita Strindberg, Luigi Pistilli), Ton Vice est une Chambre close... est un jeu de massacre incongru mis en exergue dans une perversité typiquement transalpine ! Dans un village italien, Oliviero est un alcoolique dépravé cumulant les conquêtes féminines et les humiliations imputées à sa jeune épouse Irina au bord de la crise de nerf. Bientôt, un mystérieux assassin sévit dans la région avec deux meurtres compromettant le douteux mari infidèle.



En 1972, Sergio Martino renoue une quatrième fois avec l'iconographie giallesque après nous avoir séduit cette même année avec l'Alliance Invisible, puis un an au préalable agrémenté son habile talent avec l'Etrange vice de Mme Wardh et la Queue du Scorpion. Dès le préambule, putanesque et baroque pour l'ambiance dépravée d'une demeure champêtre accueillant des convives libertins, l'intrigue insiste de suite sur l'empathie de l'épouse psychologiquement humiliée et physiquement violentée par un mari volage dénué de compassion. Après le meurtre d'une jeune libraire avec qui Oliviero eut rendez vous, les soupçons vont s'orienter sur son profil sans vergogne et déloyal. Défavorablement, un second crime, beaucoup plus compromettant sera perpétré dans sa propre demeure, portant atteinte cette fois-ci à l'esclave noire de maison. Le scénario de prime abord canonique détourne ensuite des ficelles en exploitant les deux protagonistes principaux comme des complices impromptus auprès d'un meurtre sauvagement perpétré à la faucille. Sergio Martino illustrant avec soin psychologique le quotidien débauché d'un égrillard et de sa pauvre épouse torturée, contrainte de subir ses inlassables réprimandes. L'arrivée d'une affriolante nièce lubrique déstructurera la relation masochiste du couple alors qu'un troisième meurtre sera à nouveau perpétré auprès d'une prostituée. Mais un retournement de situation aléatoire désarçonnera l'intrigue sinueuse en dévoilant aussi furtivement le véritable visage de l'assassin !



La seconde partie s'oriente ensuite vers le huis-clos d'une demeure victorienne auquel un trio pervers s'est porté complice d'un cadavre croupissant derrière les murs de la cave. Sans compter l'omniprésence d'un énigmatique chat noir sauvagement blessé à l'oeil par l'un d'entre eux qui accomplira au terme la plus finaude des revanches. D'ailleurs, Sergio Martino se permet au passage de s'accorder une référence à une fameuse nouvelle d'Edgar Allan Poe lors de son épilogue fatalement ironique et morbide. L'actrice transalpine Edwige Fenech (la femme la plus sexy de la planète !) déploie une fois de plus toute la mesure de son talent charnel dans son jeu naturellement polisson d'effrontée impudente déployant son anatomie corporelle d'une beauté charnue. La sublime Anita Strindberg (le Venin de la peur, l'Antéchrist, Qui l'a vu mourir ?) envoûte également l'écran de son regard azur empli de désespoir et de névrose sous-jacente, accumulés des contraintes licencieuses auprès du mari immoral. L'excellent Luigi Pistilli (Et pour quelques dollars de plus, le Bon, la Brute et le Truand, la Baie Sanglante) lui partage la vedette avec sa trogne impassible de dangereux pervers aviné.

                                     

Le Chat noir
Baignant dans la clarté d'une photo expressive et de classieux décors architecturaux, Ton Vice est une Chambre Close... est un superbe giallo inspiré d'une narration captivante par le biais d'une galerie de personnages tendancieux. L'ambiance putanesque qui émane autour de la sensualité audacieuse de femmes vénéneuses, les scènes gores efficacement troussées, son suspense intense parachevant un dénouement percutant répertorient ce giallo singulier auprès des meilleures réussites du genre.

29.08.11.
* Bruno

mardi 23 août 2011

DE L'EAU POUR LES ELEPHANTS (Water for Elephants)


de Francis Lawrence. 2011. U.S.A. 1h55. Avec Robert Pattinson, Reese Withespoon, Christoph Waltz, James Frain, Hal Holbrook, Paul Schneider, Tim Guinee, Dan Lauria, Ken Foree, Tatum Etheridge.

Sortie en salles en France le 4 Mai 2011. U.S: 22 Avril 2011.

FILMOGRAPHIE: Francis Lawrence est un réalisateur américain né le 26 Mars 1970 à Vienne, en Autriche. 2005: Constantine. 2007: Je suis une Légende. Eddie Dickens and the Awful End. 2011: De l'Eau pour les Eléphants. 2012: Constantine 2.

                                      

Francis Lawrence m'avait particulièrement surpris avec sa nouvelle adaptation de Matheson, Je suis une Légende, campé par un étonnant Will Smith tout en sobriété. En l'occurrence, il rend cette fois un puriste hommage aux romances flamboyantes de la grande époque hollywoodienne. Quelque peu prévisible et n'échappant pas à certaines conventions du genre (happy-end rassurant à l'appui !), De l'eau pour les Éléphants réussit à séduire dans sa sincérité de livrer sans pathos un spectacle plaisant et émouvant. Un conte de fée romanesque et foisonnant auquel un trio de comédiens contemporains réussissent à transcender les clichés usuels du genre.
Dans les années 30, Jacob Jankowski, étudiant studieux pour son enseignement dans la médecine vétérinaire, vient de perdre ses parents et décide de tout quitter pour s'aventurer dans une contrée indéterminée à bord d'un train de marchandise. Il se trouve que ce convoi est emménagé par une troupe ambulante affiliée aux spectacles de cirque. Le jeune orphelin va rapidement faire la rencontre du directeur autoritaire marié à une acrobate vertueuse. Une relation amoureuse naît entre les deux jeunes amants.



Spectacle tous publics tourné à l'ancienne dans son esprit exaltant et romantique érigé autour d'un cirque, De l'Eau pour les Eléphants doit son charme et sa réussite à la personnalité intègre d'un metteur en scène réfutant la guimauve conforme à ce type de production populaire. Grâce à son talent consciencieux à narrer une histoire forte privilégiée par un épatant trio de comédiens, cette aventure humaine relate avec souffle passionnel une intrigue amoureuse sur fond de maltraitance animale. Hormis la superficialité d'un titre pompeux, le récit fait donc appel à la cruauté pour dénoncer les sévices corporels que pourraient subir certains animaux esclaves des chapiteaux de cirque. En l'occurrence, un éléphant devenu le souffre-douleur d'un directeur mégalo aussi intraitable que bestial pour s'y faire entendre et obéir. Mais l'arrivée inopinée d'un jeune vétérinaire va sérieusement perturber sa hiérarchie dictatoriale, notamment auprès de ses employés. Alors qu'au fil de la progression du récit, l'épouse de celui-ci va finalement se laisser attendrir par cet inconnu loyal et bienfaisant. Toutes les séquences émouvantes illustrant la relation empathique entre nos deux héros pour l'animal violenté ou sacrifié font preuve d'une modeste émotion car elle ne sombre jamais dans le sentimentalisme larmoyant (comme ce cheval volontairement abattu de manière succincte afin de le libérer de sa blessure létale). Il en est autant question pour l'histoire d'amour traditionnellement imposée auquel un trio d'amants va devoir s'affronter pour remporter la mise. Un affrontement psychologique davantage compromettant lorsque le mari n'est plus dupe de la relation amoureuse impartie entre son épouse et l'étranger, culminant vers un dénouement aussi déterminant qu'explosif.


Après son triomphe commercial auprès de la trilogie sirupeuse Twilight, Robert Pattinson réussit honorablement à éclipser son personnage pubère d'ado immortel pour endosser un rôle plus mature et tempéré dans sa nouvelle démarche romanesque à lutiner une femme violentée. Campée par notre radieuse Reese Withespoon, son charme ténue n'a rien à envier aux égéries de la belle époque tant son jeu dépouillé ne bifurque jamais dans les sentiments sirupeux. Ovationné après son rôle marquant d'officier nazi dans Inglorious Basterd, Christophe Waltz réussit encore admirablement à se fondre dans la peau d'un individu interlope car particulièrement sournois. Un patriarche finalement méprisable dévoilant davantage son penchant vénal pour la torture animale ainsi que son irascibilité machiste à vouloir coûte que coûte dompter sa dulcinée.


Hormis son caractère délibérément prévisible et une incohérence narrative intervenant vers un dernier quart-d'heure trop vite expédié (après avoir été violemment corrigé, Jacob réussit trop facilement à retrouver les traces de ses agresseurs embarqués à bord du train !), De l'eau pour les Eléphants séduit sans excès en provoquant une émotion déférente pour ce spectacle flamboyant. Mené avec brio et surtout formidablement interprété, cet hommage aux épopées romantiques d'antan réussit donc à emporter l'adhésion du public prioritairement sensible.

Note: le film est tiré du roman de Sara Gruen

23.08.11
Bruno Matéï

                                          

lundi 22 août 2011

RESCUE DAWN


de Werner Herzog. 2007. U.S.A. 2h06. Avec Christian Bale, Steve Zahn, Jeremy Davies, Toby Huss, Evan Jones, Galen Yuen, François Chau.

Sortie en salles U.S: 4 Juillet 2007.  France: Juin 2008: le film est sorti directement en DVD et n'a pas été doublé, le distributeur français ayant conservé le doublage francophone canadien.

FILMOGRAPHIE: Werner Herzog, de son vrai nom Werner Stipetic, est un réalisateur, acteur et metteur en scène d'opéra allemand, né le 5 septembre 1942 à Munich, (Allemagne).
1968: Signes de vie, 1970: Les Nains aussi ont commencé petit, 1971: Fata Morgana, 1972: Aguirre, le Colèe de Dieu, 1974: L'Enigme de Kaspar Hauser, 1976: Coeur de Verre, 1977: La Ballade de Bruno, 1979: Nosferatu, fantôme de la nuit, Woyzeck, 1982: Fitzcarraldo, 1984: Le Pays où rêvent les fourmis vertes, 1987: Cobra Verde, 1991: Cerro Torre, le cri de la roche, 1992: Leçons de ténèbres, 2001: Invincible, 2005: The Wild Blue Yonder, 2006: Rescue Dawn, 2009: Bad Lieutenant.

                             

Hommage subjectif d'un puriste amateur d'évasion
Werner Herzog, réalisateur hétéroclite de renom s'est inspiré en 2006 d'un fait divers ayant eu lieu en pleine guerre du Viêt-Nam au cours duquel un pilote américain (d'origine allemande) a réussi à s'échapper de son camp de prisonniers. Inédit en salles dans notre pays hexagonal, le film est directement passé à la trappe du DTV. En 1997, le réalisateur avait déjà entrepris un documentaire sur le sujet, intitulé Little Dieter Needs to Fly.
Envoyé en mission au Laos à bord de son avion durant la guerre du Viêt-nam, le lieutenant Dieter Dengler est abattu en plein vol par l'antagoniste. Ayant survécu au moment du crash, il est fugacement kidnappé par des miliciens pour être embrigader dans un camp de prisonniers. Avec l'aide de deux américains et trois compagnons étrangers, Dieter envisage d'élaborer un plan d'évasion.
                          
Film de guerre flegmatique d'une surprenante sobriété dans son refus de livrer un survival conventionnel tributaire de traditionnelles scènes d'action vigoureuses, Rescue Dawn surprend modestement à livrer une aventure humaine cauchemardesque d'une belle dimension psychologique. Après le kidnapping de l'aviateur Dieter retenu prisonnier dans un camp de miliciens, la première partie nous illustre la dure quotidienneté de son calvaire et les conditions de vie imposées parmi un petit groupe d'autres détenus auquel il décide de s'engager à les convaincre qu'une évasion risquée est concrétisable. Werner Herzog filme le destin de cette poignée de citoyens appréhendés par l'ennemi opiniâtre dans une mise en scène personnelle, à hauteur d'homme puisque dédiée à l'intimité de survivants en phase de déclin. D'ailleurs, les quelques scènes de torture qui interviennent au début du récit se révèlent plutôt suggérées, refutant une quelconque brutalité spectaculaire, habilement détournées ici par la dimension psychologique de celui qui subi les violences physiques punitives. En prime, le réalisateur accorde beaucoup d'importance à l'immensité de la nature environnante, sauvage et hostile, exacerbée par les teintes naturalistes et pastels d'une jolie photographie et auquel les animaux et insectes évoluent instinctivement dans leur milieu écologique. Des images limpides d'une poésie prude que n'aurait pas renié Terrence Malick et qui accorde une forme d'originalité à ce type de récit viril potentiellement frénétique. Après les conditions de vie drastique illustrées sans complaisance envers les victimes, les préparatifs minutieux de l'évasion sont enfin dévoilées par un leader loyal et enthousiaste motivé par son instinct optimiste plein d'aplomb. Réserves précaires de nourriture et outils façonnés de manière artisanale sont concoctés par nos rebelles, alors qu'un conflit d'autorité semble se confirmer envers deux d'entre eux. Dans ces nombreuses prises de risque compromises envers nos personnages anxieux de leur quête libertaire, un savant suspense lattent est efficacement distillé au fur et à mesure de la progression de leurs enjeux capitaux. 
                         
La seconde partie plus intense et décisive nous entraîne en interne de cette vaste nature auquel notre groupe de survivants va tenter de s'y extraire pour renouer avec leur autonomie rédemptrice. C'est en particulier l'imparable Dieter Dengler et son complice au bord de l'épuisement et de la folie qui vont devoir faire preuve de subterfuge et bravoure physique pour ne pas se laisser appréhender par l'ennemi invisible. Là aussi, une tempérance au niveau de l'action intrépide est privilégiée dans l'itinéraire extrême envisagé parmi ses 2 hommes au bord du marasme, sans que la tension ne vienne s'amoindrir. A contrario, on sera surpris par une séquence choc, sauvage et cruelle intervenant de manière totalement aléatoire à un des protagonistes planqué aux abords d'un village vietnamien. Quand à l'épilogue salvateur et poignant, il réserve un joli moment d'émotion largement assigné par l'excellent Christian Bale.
Un acteur livrant une fois de plus une prestance probante d'une riche intensité dans sa quête affirmée de retrouver au plus vite une liberté inespérée. Un personnage héroïque jamais caricatural, privilégié par son profil chevronné engagé dans la dignité humaine, ne cherchant jamais à se montrer plus finaud ou adroit que son voisin.  inflexible, docilement autoritaire, téméraire, d'un courage et d'une loyauté pleine d'humilité, l'acteur renouvelle son talent inné à s'approprier d'un nouveau rôle majeur. Ce qui va aussi daigner d'enrichir la narration à gagner en véracité et acuité émotionnelle.
                             
Leçon de courage et de survie, Rescue Dawn est un captivant survival sortant des sentiers battus pour contourner habilement les conventions habituelles du genre avec retenue et discrétion. Le soin apporté à la mise en scène octroyée à ces personnages d'une belle profondeur humaine, la beauté dantesque des décors grandioses dans lequel ils évoluent et la densité de leur récit âpre et désespéré acheminent à un très beau témoignage héroïque injustement passé inaperçu.
22.08.11. 
Bruno Matéï.