vendredi 27 juillet 2012

THE DARK KNIGHT RISES


de Christopher Nolan. 2012. U.S.A./Angleterre. 2h45. Avec Christian Bale, Liam Neeson, Joseph Gordon-Levitt, Anne Hattaway, Gary Oldman, Morgan Freeman, Marion Cotillard, Michael Caine, Juno Temple.

Sortie salles France: 25 Juillet 2012. U.S: 20 Juillet 2012

FILMOGRAPHIE: Christopher Nolan est un réalisateur, scénariste et producteur anglais, né le 30 Juillet 1970 à Londres en Angleterre.
1998: Following. 2000: Memento. 2002: Insomnia. 2005: Batman Begins. 2006: Le Prestige. 2008: The Dark Knight. 2010: Inception. 2012: The Dark Knight Rises.


Huit ans après les tragiques évènements qui vont valu la défaite du Joker, d'Harvey dent et de Batman, Bruce Wayne reste reclus dans sa demeure, épargné de la foule et des médias. Mais une cambrioleuse circonspecte et un terroriste du nom de Bane vont contraindre le justicier masqué à renflouer sa panoplie pour combattre le crime et l'injustice.


Suite et fin de la trilogie du Chevalier noir entamé en 2005, The Dark Knight Rises conclu de manière toujours aussi ambitieuse la destinée du héros névrotique issu des planches de Comic books. Cette fois, Christopher Nolan aborde le thème du terrorisme de grande ampleur dans un état en crise où les nantis véreux ont davantage le monopole de la mégalomanie. Tristement actuel donc pour mettre en exergue l'impuissance des pauvres, des exclus et des marginaux, subordonnés au côté obscur du terroriste Bane, délibéré à faire exploser un engin nucléaire en plein centre urbain. Sombre et fascinant dans la densité d'un scénario catastrophiste aux enjeux démesurés, le troisième chapitre de Batman est une quête initiatique sur le sens de la bravoure et du sacrifice en transcendant ses peurs par la rage de vaincre. L'impact du film est indubitablement imparti à ces protagonistes meurtris, que ce soit Bruce Wayne réduit à l'état d'esclave dans la cavité d'une prison séculaire; mais obnubilé à remonter à la surface pour combattre un nouvel antagoniste redoutable. Bane, dangereux terroriste au passé trouble et galvaudé est uniquement voué à annihiler la terre entière par dépit revanchard. Entre nos deux rivaux pugnaces, Selina Kayle, cleptomane de renom s'accapare des fortunes de riches industriels pour tenir lieu de sa rancoeur inhérente. Il y a aussi John Blake, un policier orphelin particulièrement empathique pour daigner convaincre Batman de rempiler la panoplie afin que l'injustice soit à nouveau combattue pour redresser une cité en chute libre. Spoiler ! Pour clore ses profils torturés mais téméraires et afin de ne pas spoïler, j'occulterai le nom d'un personnage clef plutôt discret (voir, faussement effacé !) auquel son point d'orgue révélateur lèvera le voile sur sa véritable identité dans un coup de théâtre percutant ! Fin du Spoiler


Réalisé de main de maître avec une virtuosité à couper le souffle pour exacerber un suspense oppressant, The Darl Knight Rises n'oublie pas pour autant de nous façonner dans sa dernière heure  un immense spectacle au souffle épique disproportionné. Les séquences d'actions, de poursuites en véhicules ou de guérilla urbaine impressionnent par leur acuité spectaculaire d'une débandade civile livrée à l'anarchie. Alors que sa dramaturgie émotive empreinte de lyrisme parachève une course éreintante contre la mort que Batman et ses comparses vont devoir endurer pour contrecarrer un psychopathe contestataire.
Et afin de symboliser une nouvelle icône du mal, Tom Hardy se révèle parfaitement approprié dans sa nouvelle stature corpulente (15 kilos d'embonpoint entrepris rien que pour sa prestance corporelle !) afin de crédibiliser un terroriste au visage martelé d'un masque d'acier. Son timbre de voix élevé et profond exprime d'une manière théâtrale ses ambitions nihilistes à un peuple assujetti sans faire preuve d'une once d'indulgence. Son passé trouble et torturé est d'autant plus partial que sa vengeance planifiée l'a définitivement assouvie aux racines du mal. Dans celui du chevalier noir, Christian Bale endosse une ultime fois un héros malmené après avoir retrousser sa panoplie, cette fois-ci exilé au fond d'un gouffre carcéral. Mais sa vaillance pugnace de réfréner ses peurs par la rage de vaincre l'illégalité nous confine vers l'endurance d'une confrontation physique afin de corriger le mécréant Bane !


Réflexion sur la défaillance d'une politique affabulatrice, tutrice de la crise économique, introspection du dépassement de soi et du sens du sacrifice, The Dark Knight Rises achève de manière olympienne une trilogie fondée sur la notion d'héroïsme et la responsabilité de l'engagement. Ses protagonistes meurtris opposés à leur raison et aux sentiments nous bouleversent finalement dans leur propre affliction galvaudée par la colère ou la haine punitive. La partition musicale puissamment orchestrée par Hans Zimmer scande le rythme d'une épopée homérique à l'intensité dramatique en apothéose. Cet embrasement d'apocalypse élève pourtant le mythe du héros "sans pouvoir" à sa valeur humaine par le sens de l'offrande. Là où les surhommes ou demi-dieu se lèguent à la mort, à l'exception des légendes vouées à perdurer pour ne jamais s'éteindre... 

La critique de mon ami Gilles Rollandhttp://www.onrembobine.fr/critiques/critique-the-dark-knight-rises
01.08.12
Bruno Matéï

jeudi 26 juillet 2012

House. Prix de la Critique Avoriaz. Grand Prix au Rex, 1986.

                                              Photo empruntée sur Google, appartenant au site Cinemovies.fr

de Steve Miner. 1986. U.S.A. 1h32. Avec William Katt, George Wendt, Richard Moll, Kay Lenz, Mary Stavin, Michael Ensign, Erik Silver, Mark Silver, Susan French, Alan Autry, Steven Williams.

Sortie salles France: 4 Juin 1986. U.S: 28 Février 1986

FILMOGRAPHIE: Steve Miner est un réalisateur américain, né le 18 Juin 1951 à Westport, dans le Connecticut. 1981: Le Tueur de Vendredi. 1982: Meurtres en 3 dimensions. 1986: House. 1986: Soul Man. 1989: Warlock. 1991: A coeur vaillant rien d'impossible. 1992: Forever Young. 1994: Sherwood's Travels. 1994: My Father ce Héros. 1996: Le Souffre douleur. 1998: Halloween, 20 ans après. 1999: Lake Placid. 2001: The Third Degree (télé-film). 2001: Texas Rangers, la revanche des Justiciers. 2002: Home of the Brave (télé-film). 2006: Scarlett (télé-film). 2007: Day of the Dead.


Récompensé à Avoriaz et au Rex après avoir remporté un joli succès en salles, House surfe sur le démoniaque Evil-dead depuis une nouvelle tendance d'horreur cartoonesque. Conçu à l'instar d'un train fantôme émaillé de chausse-trappe et revirements délirants, cette série B typiquement ludique s'approprie du thème de la demeure hantée en transcendant ses conventions auprès d'une dérision sarcastique assez finaude.  Après la disparition inexpliquée de son fils Jimmy qui aboutira au divorce de sa femme, et après la mort de sa tante, le célèbre écrivain Roger Cobb s'installe dans la demeure de la défunte pour écrire son dernier roman. Mais des phénomènes surnaturelles vont se manifester prouvant notamment que son fils est bel et bien toujours vivant, retenu prisonnier dans une dimension inconnue. Loufoque et débridé avec une générosité permanente, House constitue le divertissement idéal du samedi soir bâti sur un scénario inventif alléguant un déploiement de monstres ricaneurs en tous genres. Avec comme point de départ l'argument horrifique d'une demeure hantée occultant une disparition inexpliquée, Steve Miner dynamite les traditionnels clichés lors d'une succession de gags euphorisants.


La caractérisation des personnages excentriques étant exploitée à bon escient auprès de leur complicité amicale sournoise. Ainsi, notre vénérable romancier se retrouve épié par un voisin de palier investigateur et pleutre, quand bien même une bimbo désinvolte usera un peu plus tard de son charme pour lui soumettre la garde de son rejeton. Les vicissitudes improvisées qui en émanent, telle l'investigation des flics dans la maison de Roger, la visite surprise de son ex épouse ou encore la main baladeuse agrippée au dos du bambin, sont habilement acheminées avec une efficacité roublarde. La comédie horrifique aurait également pu se prénommer Monster in the Closet tant la maison recèle de pièces secrètes et sombres placards investis par des hordes d'esprits farceurs ! L'esprit cartoonesque ambiant (d'autant plus que la maison gothique ressemble en quelque sorte à un jouet grandeur nature), la fantaisie naïve que nos protagonistes nous expriment en toute spontanéité rendent l'aventure diablement réjouissante par son esprit déjanté. Epaulé d'effets spéciaux artisanaux, tant pour la confection singulière des monstres en latex que de l'environnement surnaturel d'une maison au seuil d'une 4è dimension (le saut dans le vide précipité par Roger de sa salle de bain abouti au repère hostile d'une jungle vietnamienne !), House dépayse, détonne et surprend avec une inventivité décomplexée.


Bougrement sympathique, atmosphérique et donc dépaysant, House festoie autour d'une horreur cartoonesque, de par son script dingo et ces comédiens avenants à la bonne humeur expansive. Quant à la contribution musicale de l'éminent Harry Manfredini, il y transfigure une cadence entêtante afin de renforcer l'intensité toujours plus barrée d'un train fantôme envahit d'itinérants récalcitrants.

*Bruno Matéï
26.07.12. 
31.05.22. 6èx

Récompenses: Prix de la Critique à Avoriaz, 1986
Grand Prix au Rex de Paris, 1986

mardi 24 juillet 2012

CARNAGE (Prime Cut)


Photo empruntée sur Google, appartenant au site esbilla.wordpress.com

de Michael Ritchie. 1972. U.S.A. 1h27. Avec Lee Marvin, Gene Hackman, Angel Tompkins, Gregory Walcott, Sissy Spacek, Janit Baldwin, William Morey, Clint Ellison, Howard Platt, Les Lannom, Eddie Egan.

Sortie salles U.S: 28 Juin 1972

FILMOGRAPHIE: Michael Ritchie est un réalisateur américain, né le 28 Novembre 1938 à Waukesha, dans le Wisconsin, décédé le 16 Avril 2001 à New-York.
1967: La Course à la Vérité (télé-film). 1969: La Descente Infernale. 1972: Carnage. 1972: Votez Mc Kay. 1975: Smile. 1976: La Chouette Equipe. 1977: Les Faux Durs. 1979: An Almost Perfect Affair. 1980: l'île Sanglante. 1980: Divine Madness ! 1981: Student Bodies. 1983: The Survivors. 1985: Fletch aux Trousses. 1986: Femme de Choc. 1986: Golden Child. 1988: Parle à mon psy, ma tête est malade. 1989: Autant en emporte Fletch. 1989: La Nuit du Défi. 1993: Complot meurtrier contre une pom-pom girl (télé-film). 1994: Les Robberson enquêtent. 1994: La Révélation. 1997: Comfort Texas (télé-film). 1997: La Guerre des Fées. 2000: The Fantasticks.


Réalisé par un cinéaste éclectique aimable faiseur de séries B, Michael Ritchie élabore en 1971 un de ces premiers métrages et sans doute le plus maîtrisé dans le genre policier, ici violent et parfois tendu. Il est dommageable que cette série B remarquablement troussée et dominée par l'illustre prestance de deux monstres sacrés du cinéma (Lee Marvin et Gene Hackman) soit sombrée malencontreusement dans l'oubli.

Un tueur de la mafia et ses coéquipiers vont tenter de récupérer l'argent fraudé d'un trafiquant de drogue et de prostitution, planqué derrière l'entreprise d'un abattoir bauvin du Kansas. Mary Ann doit en effet à son supérieur de Chicago plus de 500 000 dollars. Les deux hommes vont se provoquer sans intimidation et se confronter à une guerre de clans en pleine campagne rurale. 


A partir d'une trame linéaire éludée de surprises, Michael Ritchie exploite au possible le cadre bucolique de champs de cultivation auquel deux clans mafieux vont devoir s'y planquer pour récupérer un butin d'un demi million de dollars. Avec l'efficience d'une narration lestement structurée dans une mise en scène solide et la présence fébrile de deux mafieux obtus, Carnage est un excellent polar jalonné d'action cinglante et de plages intimistes sur la considération féministe. En effet, Devlin, tueur au grand coeur alarmé par la condition sordide infligée aux jeunes prostituées de Mary Ann, va prendre sous son aile l'une d'entre elles (Sissy Spacek à son tout jeune
âge de beauté candide !) en guise d'acompte. Une façon insolente d'inciter ce dernier à livrer l'argent pour leur prochaine transaction établie au sein d'une foire commerciale bondée de riverains. A ce titre, l'aspect glauque et réaliste d'une séquence clef interpelle les esprits quand une poignée d'esclaves sexuelles sont retrouvées droguées, allongées sur des stands de paille afin d'exposer leur corps dénudé devant une foule de pervers nantis. Bien évidemment, leur rencontre escomptée va aboutir à un sanglant règlement de compte au cours duquel les hommes de main de Mary Ann ne vont pas hésiter à sortir les fusils pour exécuter Devlin et ses complices.


Michael Ritchie exploite habilement son environnement champêtre de champs de mais et de tournesols que nos protagonistes vont devoir traverser pour contrecarrer l'antagoniste. Ces scènes de courses poursuites haletantes et fertiles sont parfaitement coordonnées dans une mise en scène rigoureuse comme cette traque à bout de souffle envisagée à Devlin et sa compagne, tentant désespérément d'échapper aux entrailles d'une moissonneuse batteuse !
Sans instant de répit, et entre deux séquences intimes d'idylle (notamment les retrouvailles de Devlin avec son ancienne maîtresse, se révélant en l'occurrence l'épouse hautaine de Mary Ann !), Carnage est rehaussé par la présence majeure de deux leaders à forte tête, respectivement incarnés par nos briscards Lee Marvin et Gene Hackman. Leur affrontement pugnace émaillé de dérision caustique dans leur verve insolente donne lieu à des séquences percutantes de gunfight, notamment avec l'impact explosif déployé par les fusils à pompe de leurs adjoints !


D'une grande efficacité dans sa narration linéaire et captivant par ses enjeux encourus, Carnage est un petit classique du polar rugueux des années 70. Le cadre insolite de son ambiance rurale et l'humour parfois décalé résultant de certaines situations extravagantes renforcent son aspect anticonformiste d'une oeuvre militante pour la cause animale. Car ici l'homme dépravé et anthropophage s'en distingue par la monstruosité cupide de sa propre mégalomanie.

24.07.12
Bruno Matéï



vendredi 20 juillet 2012

THE DARK KNIGHT (Batman, The Dark Knight)

                                       
Photo empruntée sur Google, appartenant au site Cinemovies.com

de Christopher Nolan. 2008. U.S.A. 2h32. Avec Christian Bale, Michael Caine, Heath Lodger, Aaron Eckhart, Maggie Gyllenhaal, Gary Oldman, Morgan Freeman, Eric Roberts, Cillian Murphy, Anthony Michael Hall.

Sortie salles France: 13 Août 2008. U.S: 13 Juillet 2008

Récompenses: Oscar 2008 du Meilleur Second Rôle Masculin pour Heath Lodger
Oscar du Meilleur Montage Sonore.

FILMOGRAPHIE: Christopher Nolan est un réalisateur, scénariste et producteur anglais, né le 30 Juillet 1970 à Londres en Angleterre.
1998: Following. 2000: Memento. 2002: Insomnia. 2005: Batman Begins. 2006: Le Prestige. 2008: The Dark Knight. 2010: Inception. 2012: The Dark Knight Rises.


Batman doit combattre un nouvel ennemi délibéré à procréer le Mal sur Gotham City et ainsi mieux asservir le monde. Sévèrement malmené par une population qui ne croit plus en ses capacités bienfaitrices, le chevalier noir va devoir user de bravoure et vaillance pour se mesurer au joker mais aussi se confronter à un ancien procureur rendu fou de vengeance, Double-face !


Succès invétéré auprès de la critique et du public lors de sa sortie, The Dark Knight est une oeuvre nihiliste et désenchantée sur la notion éperdue de héros. Puisqu'ici Batman, plus que jamais dubitatif sur ses fonctions rédemptrices de justicier redresseur de tort est sévèrement compromis par un sociopathe mégalo, mais aussi sa propre démographie humaine réfractaire à son inefficacité altruiste. Une population précaire en quête d'idéologie car incessamment destinée à refondre un nouvel espoir pour leur postérité après la déroute de Batman. Premier film de super-héros pour adulte d'une richesse thématique abstraite dans les introspections torturées de nos protagonistes confrontés à l'anarchie chaotique du Joker, The Dark Knight est un cauchemar urbain asservi par la folie ambiante. Le maître de cérémonie est ici représenté par un clown sournois au visage ricaneur badigeonné de cirage. Sa quête inhérente n'est que provoquer le désordre et la destruction pour pervertir un monde sur le déclin. De manière sardonique, le Joker va imposer à ses rivaux nombre de dilemmes inéquitables sur le sort réservé aux victimes molestées et par la même occasion influencer les gardiens de l'ordre à reconsidérer leur conviction sur la moralité de l'existence. Pour exacerber la débâcle, un ancien procureur rendu fou de haine après le sacrifice toléré à sa défunte se reconverti du côté obscur pour libérer sa vengeance sur les responsables de cet acte malencontreux. Autour de ce trio maudit, un lieutenant de police va lui aussi tenter d'apporter son soutien dans sa ville sinistrée et épauler Batman dans ces épreuves de force consécutives pour contrecarrer ses psychotiques farceurs.


Dans une mise en scène virtuose déployant avec fluidité des séquences d'action homérique ultra spectaculaires, Christopher Nolan dédie néanmoins son oeuvre funèbre à la densité tourmentée de ces personnages égarés dans le sens de l'équité. C'est notamment cette ambiance de déliquescence humaine où la population affolée ne sait plus à qui se vouer pour éradiquer la pègre criminelle que The Dark Knight prend des allures d'opéra dramatique. Au milieu de ce chaos, trois justiciers vont devoir se mesurer et s'entredéchirer pour retrouver un regain d'intérêt à leur notion de survie. 
Si cette traque implacable se révèle si intense, contrariante dans sa déchéance humaine en roue libre et éprouvante dans les enjeux dramatiques impartis, elle le doit notamment à la dimension psychotique du regretté Heath Lodger. En bouffon excentrique odieusement pervers dans ses exactions inlassables, l'acteur endosse son personnage avec une foi autoritaire intarissable ! Le joker déluré crève littéralement l'écran et impose sa prestance avec un charisme machiavélique, sachant que sa destinée est vouée à une certaine victoire tendancieuse ! De son côté obscur d'un psyché névrosé, Christian Bale, dans la peau du chevalier noir, n'aura jamais été aussi malmené et déprécié par son ennemi juré, alors qu'une population égoïste et intransigeante décide de lui tourner le dos pour ses inadvertances humaines. Un homme meurtri et replié, douteux de ces compétences héroïques quand un rival futé finit par accéder à la consécration. Au final, Batman s'occulte dans l'anonymat afin de laisser croire à la démographie de Gotham City que l'espoir continue de perdurer, tant qu'un héros tapi dans l'ombre puisse à nouveau croire en sa commodité. 


D'une densité humaine désespérée et d'une dimension épique étourdissante, The Dark Knight explore des thématiques passionnantes et profondes sur la notion d'héroïsme, l'équité et la vengeance, la perte d'identité et notre ambiguïté existentielle exposée au Bien et au Mal. Baignant dans une ambiance crépusculaire et déployant des effets pyrotechniques en alliance avec son cheminement narratif, ce chef-d'oeuvre obscur est en outre sublimé par la prestance nocive d'un génie du dilemme immoral, un Joker blafard ! Son pouvoir hypnotique de fascination prédomine et ébranle le spectateur embarqué dans une odyssée à bout de souffle, et de lui laisser en mémoire le film de super-héros le plus adulte et opaque jamais réalisé !

20.07.12. 2èx
Bruno Matéï

Apport technique du blu-ray: 10/10


mercredi 18 juillet 2012

BARTON FINK. Palme d'Or à Cannes, 1991

 

de Joel et Ethan Cohen. 1991. U.S.A. 1h57. Avec John Turturro, John Goodman, Judy Davis, Michael Lerner, John Mahoney, Tony Shalhoub, Jon Polito, Steve Buscemi, David Warrilow, Richard Portnow.

Sortie salles France: 25 Septembre 1991. U.S: 21 Août 1991

Récompenses: Palme d'Or, Prix de la Mise en scène, Prix d'Interprétation Masculine à Cannes, 1991.

FILMOGRAPHIE: Joel (né le 29 Novembre 1954) et Ethan Cohen (né le 21 Septembre 1957) sont des réalisateurs, scénaristes, producteurs et monteurs américains.
1984: Sang pour Sang. 1987: Arizona Junior. 1990: Miller's Crossing. 1991: Barton Fink. 1994: Le Grand Saut. 1996: Fargo. 1998: The Big Lebowski. 2000: O'Brother. 2001: The Barber. 2003: Intolérable Cruauté. 2004: Ladykillers. 2006: Paris, je t'aime. 2007: No Country for old Men. 2007: Chacun son cinéma (sketch: world cinema). 2008: Burnt After Reading. 2009: A serious man. 2010: True Grit. Prochainement: Inside Llewyn Davis.


Etrange, insolite, baroque, dérangeant mais aussi loufoque et décalé ! la Palme d'Or de Cannes 1991 est une oeuvre hybride inclassable noyée dans une ambiance anxiogène, où chaque personnage interlope endosse un rôle cynique pour mieux écorner la posture pernicieuse de l'industrie d'Hollywood.

Un auteur de théâtre en ascension se retrouve plongé dans l'univers d'Hollywood après qu'un producteur nanti lui ait proposé de collaborer au scénario d'un film de catcheur. Blotti dans un hôtel à la chaleur étouffante, Barton se lie d'amitié avec un étrange voisin particulièrement bruyant. Déconnecté de sa propre réalité en chute libre et perdant peu à peu ses repères, le scénariste se retrouve incapable de rédiger la moindre ligne. Jusqu'à ce qu'un contexte meurtrier le ramène à l'inspiration !


Un scénario substantiel qui bouscule les conventions du genre pour mieux ébranler son spectateur, entraîné ici dans un cauchemar kafkaïen ! Tel est la marque de fabrique des frères Cohen ! Permettre à l'outil cinématographique de se renouveler dans un fond novateur où l'argument narratif et les protagonistes sont compromis à nous surprendre au sein de leur sombre entreprise.
Avec ironie caustique, les réalisateurs nous concoctent une descente aux enfers au cours duquel un auteur timoré est contraint d'écrire un scénario de série B. Peu inspiré par ce nouveau projet à valeur mercantile, Barton sombre peu à peu dans une paranoïa diffuse au fil de ses rencontres impromptues avec des personnages autoritaires. Que ce soit l'arrivée soudaine de son voisin de palier bedonnant et désinvolte (dont l'identité réelle va lui permettre de renouer avec la création), son producteur véreux et sournois, deux flics mesquins et orgueilleux ou encore un illustre cinéaste alcoolo et violent. Avec la scénographie baroque d'un hôtel inoccupé où la tapisserie murale suinte l'humidité au contact d'une chaleur feutrée et avec l'amertume d'un écrivain humaniste dévoué corps et âme pour sa passion de l'écriture, le film nous entraîne dans un dédale psychotique. De façon sous-jacente, les frères Cohen nous élabore une douloureuse farce corrosive sur l'univers du cinéma d'exploitation en caricaturant une galerie de protagonistes cyniques et condescendants. A travers l'esprit névrosé de Barton, davantage assujetti à un environnement qu'il ne tolère pas, sa fragilité neurotique va davantage le confronter à un climat oppressant où ses pires démons vont se matérialiser sous l'apparence d'un tueur en série sorti tout droit de l'enfer ! Cette ambivalence d'un scénario désordonné mais clairement planifié nous piège adroitement dans une chimère départagée entre illusion et réalité. En perte de nos repères, les réalisateurs bousculent nos habitudes de spectateur épanoui et nous confrontent à une forme de thriller sarcastique particulièrement insolent.


En jouant sur la peur de l'échec mais aussi le dépassement de soi par l'accumulation de vicissitudes sordides, Barton Fink dérange, déroute, inquiète et implique le rire nerveux. Son aura insolite découlant d'une allégorie sur le libéralisme et la dimension chétive impartie à son héros malmené en quête d'idéologie humaine lui octroient des allures de conte désabusé sur l'aspiration créative.

18.07.12
Bruno Matéï

mardi 17 juillet 2012

Let's scare Jessica to Death

                         Photo empruntée sur Google, appartenant au site fuckyeahmovieposters.tumblr.com

"The Secret Beneath The Lake" de John D. Hancock. 1971. U.S.A. 1h29. Avec Zohra Lampert, Barton Heyman, Kevin O'Connor, Gretchen Corbett, Alan Manson, Mariclare Costello.

Sortie salles U.S.A: 7 Août 1971

FILMOGRAPHIE: John D. Hancock est un réalisateur, scénariste et producteur américain , né le 12 Février 1939 au Kansas City, Missouri. 1970: Sticky My Fingers... Fleet my feet. 1971: Let's Scare Jessica to Death. 1973: Le Dernier Match. 1976: Baby Blue Marine. 1979: California Dreaming. 1987: Weeds. 1988: Steal the Sky (télé-film). 2000: A Piece of Eden. 2001: Mayhem.


Sorti en Vhs outre-atlantique à l'orée des années 80 mais honteusement inédit chez nous ainsi qu'en salles, Let's scare Jessica to Death demeure un ovni maudit à travers sa faible réputation d'une expérience aliénante dénuée d'effets de manche et de fioritures. Car à l'instar du tout aussi étrange, Carnival of Souls, cette oeuvre unique bien ancrée dans l'authenticité du cinéma des Seventies nous est façonnée par un auteur novateur (spécialiste entre autre de télé-films et séries TV) littéralement inspiré par son parti-pris alchimiste. Si bien qu'il s'agit d'une oeuvre funeste à la fois expérimentale, dépressive et sensorielle sous l'impulsion d'une bande sonore assidue et de la prestance diaphane de l'étonnante actrice Zohra Lampert (la Fièvre dans le Sang, Alphabet City, l'Exorciste, la suite). Le pitchAprès avoir été internée 6 mois en asile psychiatrique , Jessica emménage dans une bourgade bucolique du Connecticut parmi la présence de son mari et d'un ami. Dans l'enceinte de la demeure, ils découvrent la présence fortuite d'une étrange jeune femme du nom d'Emilie. Alors qu'ils visitent ensemble le village à proximité, les citadins leur avertissent qu'une légende persistante évoque le fantôme d'une dame blanche, morte noyée dans le lac avant le jour de ses noces. Déambulant près du lac, Jessica semble à nouveau contrarié par d'étranges phénomènes inexpliqués alors que des voix récursives se font entendre au sein de sa psyché torturée. 



Climat intimiste sous le soleil d'une contrée champêtre aussi étrange qu'exaltante, Let's Scare Jessica to Death se décline en expédition latente au sein de l'esprit tourmenté d'une femme aussi démunie que désorientée quant à sa grande fragilité névrosée. Avec sensibilité prude et une anxiété toujours plus ombrageuse, le réalisateur John D. Hancock y dépeint le scrupuleux profil de Jessica de renouer avec un équilibre rationnel parmi sa fascination pour les sculptures de pierres tombales et le soutien sentimental de son compagnon. Mais molestée en intermittence par une présence éventuellement diabolique et hantée de fréquents chuchotements, elle se retrouve à nouveau immergée dans un vortex d'angoisses dépressives. Quand bien même au fil de son évolution morale davantage bipolaire et d'un dénouement sobrement cauchemardesque, nous ignorons si ses tracas quotidiens émanent des agissements gouailleurs d'un ectoplasme ou de effets destructeurs de sa démence réanimée par ses sentiments névralgiques inscrits dans le doute, l'incertitude, l'inexpliqué, voir également la crainte de voir son concubin s'éloigner au profit d'une énigmatique marginale solitaire.


D'apparence placide et docile mais profondément angoissée puis perturbée par ses visions et voix éthérées, Jessica plonge dans une irrémédiable terreur sournoise lorsque des paysans balafrés, l'inconnue aguicheuse et une morte noyée l'importuneront de manière toujours plus prononcée. Ainsi, de par l'utilisation judicieuse de ces décors naturels étrangement envoûtants et par son ambiance anxiogène sous jacente appuyée d'une bande-son travaillée (tant auprès de bruits d'insectes qu'animaliers sous l'impulsion du vent frugal), Let's Scare Jessica to Death nous immerge dans un cauchemar indicible d'une cruauté intolérante. Et si cette oeuvre indépendante s'avère aussi aussi sensitive qu'hermétique, elle le doit tout autant à la présence équivoque de Zohra Lampert transie d'émoi et de sensibilité contenue ! La comédienne méconnue donnant chair à son personnage avec une force d'expression sobrement ténue. Son comportement ambivalent est d'ailleurs renforcé par l'intensité de son visage hagard alors que l'instant d'après des signes d'affolement y seront décuplés auprès de visions dérangeantes tantôt morbides. Epaulé de l'harmonie funèbre tantôt mélancolique d'une partition au clavecin, le périple démanché de Jessica nous implique donc émotionnellement à travers ses hantise de redouter une assaillante vampire endossant un rôle bicéphale ! Cette ambiguïté insoluble, cette substantialité d'étrangeté permanente nous provoquant inévitablement l'empathie pour sa précarité mentale en voie de perdition.


Hantise ablutophobe
Quintessence du cinéma fantastique éthéré pouvant se targuer de figurer parmi les plus belles réussites du genre "intimiste", Let's Scare Jessica to Death cultive au terme une réputation notoire auprès des aficionados en dépit de son inéquitable rareté. Avec son final délétère en apothéose décuplant une terreur ambiante, le spectateur émerge difficilement de l'introspection de cette victime dépressive en proie à l'injustice d'un nébuleux fardeau. Cette empathie accordée est d'autant mieux scandée de l'aura sensitive de son climat feutré, sa lenteur fascinante sublimant avec élégie l'errance existentielle de Jessica confinée dans le spleen le plus taiseux.

*Bruno
08.01.20. 2èx
17.02.12. 512 v

lundi 16 juillet 2012

48 HEURES (48 Hours). Grand Prix au Festival du film policier de Cognac, 1983.


                                                                            (Photo empruntée sur Google, appartenant au site johnplissken.com)


de Walter Hill. 1982. U.S.A. 1h36. Avec Nick Nolte, Eddie Murphy, Annette O'Toole, Frank McRae, James Remar, David Patrick Kelly, Sonny Landham, Brion James, Kerry Sherman, Jonathan Banks.

Sortie salles France: 27 Avril 1983. U.S: 8 Décembre 1982

Récompense: Grand Prix au Festival du film policier de Cognac, en 1983

FILMOGRAPHIE (source Wikipedia): Walter Hill est un producteur, réalisateur et scénariste américain, né le 10 janvier 1942 à Long Beach, en Californie (États-Unis).
1975 : Le Bagarreur (Hard Times),1978 : Driver, 1979 : Les Guerriers de la nuit, 1980 : Le Gang des frères James,1981 : Sans retour, 1982 : 48 heures, 1984 : Les Rues de feu,1985 : Comment claquer un million de dollars par jour,1986 : Crossroads, 1987 : Extrême préjudice, 1988 : Double Détente, 1989 : Les Contes de la crypte (1 épisode),1989 : Johnny belle gueule, 1990 : 48 heures de plus,1992 : Les Pilleurs, 1993 : Geronimo,1995 : Wild Bill, 1996 : Dernier Recours,1997 : Perversions of science (série TV),2000 : Supernova, 2002 : Un seul deviendra invincible, 2002 : The Prophecy, 2004 : Deadwood (série TV).


Gros succès à sa sortie et révélation du néophyte Eddie Murphy pour son premier rôle à l'écran, 48 heures est devenu au fil du temps une référence du Buddy Movie, genre prisé au début des années 80. Sous la houlette d'un maître du cinéma musclé et avec la complémentarité de deux comédiens loquaces, ce film policier moderne constitue un jubilatoire concentré d'action et de comédie par son rythme sans faille. Pour retrouver un dangereux criminel et son complice, l'inspecteur Jack Gates négocie une transaction avec Reggie Hammond, un taulard afro condamné à une peine de 3 ans mais prochainement libérable. Durant 48 heures de liberté surveillée, Reggie va devoir collaborer avec son allié pour remonter la piste de ces anciens associés mais aussi mettre la main sur un butin de 500 000 dollars.


Sous le pilier d'une intrigue habilement troussée générant une action échevelée et parmi la posture volcanique de deux partenaires forts en gueule, 48 Heures est un modèle de divertissement grand public. Sans céder à la facilité d'une action redondante, Walter Hill mise surtout sur l'abattage de ces deux protagonistes dans leur personnalité caractérielle. Au fil de leurs vicissitudes semées d'embûches et de déconvenues, le flic et le voleur en perpétuel conflit moral font finalement parvenir à s'apprivoiser, s'accepter et se tolérer afin de débusquer des tueurs sans vergogne lâchés dans les cités nocturnes de New-York. A deux doigts d'appréhender à plusieurs reprises ces criminels, ils n'auront de cesse de manquer leur cible en jouant de malchance ! Un alibi de manière à attiser l'expectative pour la prochaine rixe haletante avivée d'une violence incisive. Parmi la drôlerie de leur complicité braillarde, Walter Hill retarde l'altercation pronostiquée pour laisser libre court à leurs discordes et  provocations fantaisistes (leur rixe improvisée en pleine rue avant qu'une patrouille de police ne les séparent, l'interrogatoire improvisé par Reggie à la clientèle d'un bar de country ou encore sa requête lubrique invoquée à certaines femmes pour satisfaire sa libido). En flic renfrogné à l'impressionnante carrure, Nick Nolte impose une autorité inflexible avant d'accéder à la loyauté d'accorder du crédit à son coéquipier marginal. Secondé par ce taulard aussi loquace que finaud, Eddie Murphy se délecte spontanément à gouailler son partenaire ainsi que les malfrats avec une verve hilarante.


Au rythme de l'inoubliable thème de James Horner, 48 heures divertit en diable grâce à notre irrésistible tandem de durs à cuire à l'ironie percutante et au professionnalisme de son auteur transfigurant une action décapante. En conjuguant avec extravagance l'action et l'humour, 48 Heures peut aisément se qualifier comme modèle du Buddy Movie

16.07.12. 4èx
Bruno Matéï

                                          

jeudi 12 juillet 2012

CROIX DE FER (Cross of Iron)


de Sam Peckinpah. 1977. Angleterre/Allemagne de l'Ouest. 2h13. Avec James Coburn, Maximilian Schell, James Mason, David Warner, Klaus Lowitsch, Vadim Glowna, Roger Fritz, Dieter Schidor, Burkhard Driest, Fred Stillkrauth.

Sortie salles France: 18 Janvier 1978. U.S: 11 Mai 1977

FILMOGRAPHIE: Sam Peckinpah est un scénariste et réalisateur américain, né le 21 Février 1925, décédé le 28 Décembre 1984.
1961: New Mexico, 1962: Coups de feu dans la Sierra. 1965: Major Dundee. 1969: La Horde Sauvage. 1970: Un Nommé Cable Hogue. 1971: Les Chiens de Paille. 1972: Junior Bonner. Guet Apens. 1973: Pat Garrett et Billy le Kid. 1974: Apportez moi la tête d'Alfredo Garcia. 1975: Tueur d'Elite. 1977: Croix de Fer. 1978: Le Convoi. 1983: Osterman Week-end.


Ne vous réjouissez pas de sa défaite, vous les hommes. Car même si le monde s'est levé pour arrêter l'ordure, la traînée qui l'a mis au monde est à nouveau en rut. Bertolt Brecht.

D'après le livre de Willi Heinrich, La Peau des Hommes, Sam Peckinpah retrace avec Croix de Fer le conflit entre un capitaine prussien, en quête d'une croix de fer pour satisfaire son égo, et le caporal Steiner, un baroudeur inflexible et loyal, pris au piège par son rival égocentrique.
Film de guerre explosif d'une grande violence et parfois même d'une cruauté vénale, Croix de Fer dénonce une fois de plus l'absurdité de la guerre dans toute sa laideur et son inanité d'un conflit belliqueux à bout de souffle. Alors que l'armée allemande bat en retraite sur le front russe en 1943, Steiner et sa troupe vont devoir continuer à se battre contre les alliés et contourner nombre de subterfuges émis sur leur cheminement en déclin. Avec des moyens techniques considérables (comme la présence rarissime d'authentiques chars soviétiques T-34) et de prestigieuses stars notoires (James Coburn, James Mason, David Warner, Maximilian Schell), Sam Peckinpah impose à bon escient ses traditionnels effets de ralenti où les éclaboussures de sang s'extraient des chairs meurtries pour dénoncer la barbarie humaine d'une guerre mondiale préalablement décrétée par un leader fasciste. Outre le fait que ses soldats valeureux combattent l'antagoniste au front avec une bravoure exemplaire, la situation acharnée dans laquelle ils évoluent les rendent si surmenés et exténués que leur éthique semble davantage avilie par la sauvagerie qui en résulte.


Avec réalisme cinglant, notre réalisateur pourfendeur jalonne son récit de séquences chocs particulièrement difficiles car inéquitables sur le sort réservé à l'antagoniste cosmopolite. Comme ce sort final réservé au petit garçon russe, préservé de prime abord par les comparses de Steiner mais compromis par l'orgueil mégalo d'un capitaine sans vergogne. La découverte par nos baroudeurs des femmes de l'armée rouge réfugiées dans une cabane est sans doute la séquence la plus pénible et pertinente pour dénoncer l'inanité d'une guerre odieuse éludée d'équité. Dans le chaos et la confusion, quelques soldats délibérés à violer certaines d'entre elles vont finalement être contraints de se défendre quand les femmes auront décidé de se soustraire à la soumission sexuelle dans une rébellion suicidaire. Parfois, pour mieux stigmatiser l'absurdité des conflits rivaux, Peckinpah utilise l'ironie caustique comme cet épilogue acerbe où Steiner décide de déserter par dépit et vengeance afin de rejoindre le capitaine Stransky pour l'assassiner. Préalablement, une autre séquence éloquente tourne en dérision les délires irascibles de Steiner, soigné dans un hôpital de guerre. Entre songes et réalité, celui-ci décide de se révolter violemment contre ses confrères supérieurs venus ausculter les blessures infligés aux combattants pour savoir s'ils peuvent à nouveau rejoindre le front par manque d'effectif.


Outre une distribution d'exception, James Coburn incarne avec une rigueur innée le rôle d'un
belligérant pugnace mais dépité à l'idée de se défendre au milieu d'une guerilla dissolue et anarchique. Il dégage avec virilité une prestance héroïque particulièrement cynique pour railler ses supérieurs condescendants mais aussi un humanisme fébrile pour prémunir sa brigade sévèrement prise à parti. Dans celui du capitaine sans vergogne, Maximilian Schell se révèle proprement détestable dans ces exactions perfides et ses ambitions égotistes pour s'accaparer d'une croix de fer en guise de trophée célébré.


Violent, cruel, voir même parfois malsain, Croix de Fer est un grand film personnel sur la déroute d'une guerre mondiale éludé d'héroïsme. Epris d'une ambiance désenchantée pour mettre en exergue la dureté des combats déloyaux et renforcé par la densité déshumanisée de ces protagonistes déchus, Sam Peckinpah concrétise une fois encore une oeuvre ambitieuse, abrupte et spectaculaire. Un réquisitoire hostile aux institutions militaires où la mélancolie s'exacerbe un peu plus au fil d'authentiques images d'archives nauséeuses défilant inévitablement au générique de fin. Une manière congrue de nous rappeler toute l'ignominie contagieuse d'une seconde guerre régie par une aspiration barbare, alors qu'un rire intempestif s'emmêle avec une frénésie incontrôlée !

Bruno Matéï
12.07.12. 2èx

mardi 10 juillet 2012

Schizophrenia /Angst / Fear


de Gérald Kargl. 1983. Autriche. 1h27. Avec Erwin Leder, Silvia Rabenreither, Edith Rosset, Rudolf Götz

Interdit en salles en France. 

FILMOGRAPHIE: Gérald Kargl est un réalisateur autrichien né en 1953 à Villach, Austria.
1980: Sceny narciarskie z Franzem Klammerem (documentaire)
1983: Angst

                                              D'après l'histoire vraie du tueur Werner Kniesek
         

Censuré un peu partout à travers le monde dès sa sortie en 1983, Schizophrenia est une expérience extrême d'autant plus inédite que son origine autrichienne renforce un cachet d'authenticité peu commun. Avec la voix perpétuelle d'un monologue narré par l'interprète principal, ce portrait glaçant d'un serial-killer notoire de l'Allemagne des années 80 y transcende son introspection mentale avec un réalisme diaphane. Accordant un soin esthétique formel à sa photographie clinique et à son ambiance blafarde au bord du marasme, l'unique film de Gérald Kargl est notamment un modèle de virtuosité technique. Plans larges ou aériens contournés à la louma, caméra subjective pour mieux mettre en exergue l'aspect désincarné du tueur en série, le réalisateur sait utiliser sa caméra avec une dextérité aussi inventive que géométrique.


Filmé en temps réel et exploitant à merveille son dédale pavillonnaire, nous suivons les exactions meurtrières d'un détenu relaxé, déjà prêt à perpétrer de nouvelles exactions. Après avoir tenté d'étrangler une chauffeuse de taxi, celui-ci apeuré s'enfuit à travers bois pour trouver refuge dans une vaste demeure bourgeoise. Observant qu'il n'y a personne dans la maison, il décide d'y pénétrer par effraction en brisant la vite d'une fenêtre. En comptant sur l'arrivée de ses propriétaires avec une impatience fébrile, une voix-off hypnotisante (à voir en VF pour une fois car plus immersive !) nous narre de façon récursive ses pensées intimes les plus licencieuses mais également son passé de maltraitance infantile. Une sexagénaire, son fils impotent et sa fille seront les nouvelles proies de ses crimes sordides dénués de mobile. Tuer quelqu'un est très dur, très douloureux et très... très long ! Cette célèbre citation du maître du suspense convient à cette descente aux enfers inflexible auquel notre tueur souhaite faire souffrir ses victimes de façon indolente et avec une véhémence incontrôlée ! Ce parti-pris (sur le vif) de filmer en temps réel, cette verdeur imputée aux meurtres cinglants (dont une mise à mort ultra sanglante !) et l'interprétation innée de notre tueur autrichien rendent Schizophrenia terriblement glauque et incommodant. En prime, le caractère inexpressif et apathique des personnages secondaires va aménager son aura d'étrangeté.


En terme de serial-killer déficient, Erwin Leder incarne son personnage avec une vérité si prégnante qu'il n'a pas à rougir de la comparaison avec Joe Spinell ou encore Michael Rooker. La pâleur de son faciès famélique et l'appréhension de son regard fuyant laissent en mémoire une prestance fébrile tributaire de son esprit déséquilibré. Son seul objectif est d'aborder sans raison n'importe quel quidam signalé au coin d'une rue et de l'assassiner avec un sadisme mâtiné de maladresse. Sa peur panique et son excitation irraisonnée pour la tentative d'homicide exacerbent la personnalité meurtrie d'un adulescent préalablement molesté par une filiation masochiste.


Malsain et hautement dérangeant par son aspect introspectif expérimental, Schizophrenia est une expérience extrême où la folie et le meurtre sont élaborés avec frénésie chez un criminel désaxé. Esthétiquement travaillé et ambitieux de par sa mise en scène personnelle, cette oeuvre scabreuse honteusement occultée et bannie depuis des décennies constitue un sommet de subversion où l'immersion clinique s'avère terriblement déstabilisante. Pour parachever, il faut aussi avouer que l'impact envoûtant du score de Klaus Schulze doit autant à son climat contrariant.
 
P.S: A Privilégier la VF, comme le souligne Gaspar Noé dans les Bonus du Blu-ray. 

*Bruno
25.07.22. 5èx
10.07.12. 

mercredi 4 juillet 2012

Le Vieux Fusil. César du Meilleur film 1976.

                                                              Photo empruntée sur Google, appartenant au site muriel.lucot.free.fr

de Robert Enrico. 1975. France. 1h43. Avec Philippe Noiret, Romy Schneider, Jean Bouise, Joachim Hansen, Robert Hoffmann, Karl Michael Vogler, Caroline Bonhomme, Catherine Delaporte, Madeleine Ozeray.

Sortie salles France: 22 Août 1975. U.S: 29 Juin 1976

FILMOGRAPHIE: Robert Enrico est un réalisateur et scénariste français, né le 13 Avril 1931 à Liévin (Pas-de-Calais), décédé le 23 Février 2001 à Paris. 1962: Au coeur de la vie. 1962: La Belle Vie. 1964: Contre point. 1965: Les Grandes Gueules. 1967: Les Aventuriers. 1967: Tante Zita. 1968: Ho ! 1971: Boulevard du Rhum. 1971: Un peu, beaucoup, passionnément. 1972: Les Caïds. 1974: Le Secret. 1975: Le Vieux Fusil. 1976: Un neveu silencieux. 1977: Coup de foudre. 1979: L'Empreinte des Géants. 1983: Au nom de tous les Miens. 1985: Zone Rouge. 1987: De Guerre Lasse. 1989: La Révolution Française (1ère partie: les années lumières). 1991: Vent d'Est. 1999: Fait d'Hiver.


Panthéon du cinéma français auquel des millions de spectateurs l'eurent célébré avec une émotion inconsolable, Le Vieux Fusil est un moment de cinéma d'une telle acuité qu'il est difficile de s'en remettre sitôt le générique bouclé. Car en s'inspirant du massacre d'Oradour sur Glane commis par les nazis en 1944, Robert Enrico nous délivre sans anesthésie un drame éprouvant, haletant, inflexible, insoutenable auprès de la vengeance d'un médecin provincial anéanti par le massacre de sa famille. Alors qu'il mène une paisible existence avec sa femme Clara et sa fille Florence, Julien Dandieu décide de les protéger d'une milice française arrogante en les délogeant vers son château près d'un village champêtre. Contraint de soigner ses malades, il continue d'exercer son devoir de chirurgien, mais, par appréhension, il décide rapidement de les rejoindre. Mais sur place il découvre l'horreur innommable d'un massacre organisé par la 2è division SS Das Reich. Les villageois ayant été rassemblés dans l'église pour être froidement abattus, tandis qu'un peu plus loin, dans son château familial, Julien découvre le corps carbonisé de son épouse et le cadavre ensanglanté de sa fille. Rongé par la haine car anéanti par le chagrin, il amorce une vengeance expéditive en exterminant un à un les criminels nazis toujours présents sur les lieux du drame.


Entrecoupé de flash-back auquel Julien se remémore les tendres moments idylliques avec Clara et sa fille, Le Vieux Fusil ne cesse d'y alterner l'émotion prude du souvenir angélique avec l'appréhension d'une traque impitoyable. Ainsi, avec virtuosité et l'utilisation judicieuse de son décor de bastille souvent confiné dans les dédales souterrains, Robert Enrico planifie une vengeance implacable et méthodique auprès d'un bourgeois pacifiste subitement destitué de sa moralité. La perte soudaine, inopinée de l'être aimé, le deuil insurmontable de pouvoir assimiler le viol en réunion et l'immolation crapuleuse de deux êtres candides. Par conséquent, à travers ces réminiscences nostalgiques imparties à l'amour de sa vie, Le Vieux Fusil nous confronte à l'introspection de cet homme meurtri au confins de la folie. Aux souvenirs élégiaques de l'épanouissement conjugal s'y succédant l'extrême froideur d'une rancoeur vindicative compromise par la haine. Car Julien, toujours plus motivé à tuer, ne laissera nul répit à ces tortionnaires fascistes vautrés dans les beuveries et les balivernes. Oscillant ses souvenirs épanouis teintés d'anxiété (notamment sa perplexité et sa jalousie de mériter une femme aussi radieuse !), et le présent du sordide retour à la réalité, Le Vieux Fusil nous immerge de plein fouet auprès de ces émotions contradictoires avec une intensité constamment bouleversante !


Mais si cette oeuvre écorchée vive s'avère aussi immersive et accablante, elle le doit autant à la complicité naturelle des deux comédiens ! Dans celui du médecin rendu fou de haine et de brutalité,  Philippe Noiret (récompensé du César du meilleur acteur !) insuffle une expression mutique bâtie sur l'affliction du sentiment d'injustice. Le point d'orgue le dévoilant toujours plus solitaire car perdu dans les méandres de la déraison, s'avérant déchirant de détresse démunie. En femme épanouie au regard frétillant de fraîcheur, Romy Schneider symbolise la spontanéité du bonheur avec une tendresse immodérée. Elle crève l'écran au point d'y tomber amoureux, tel le personnage timoré qu'endosse Noiret littéralement happé, enivré par sa beauté angélique. A contrario, la détresse suscitée par Romy d'appréhender sa cruelle mort puis celle de sa fille provoque chez nous une répulsion quasi insupportable sous l'impulsion d'un réalisme somme toute crapuleux.


Le martyr des anges
Illuminé des interprétations déchirantes de Philippe Noiret et Romy Schneider au rythme d'une mélodie mélancolique de François de Roubaix, Le Vieux Fusil est un chef-d'oeuvre d'émotions hybrides. Tant pour la pudeur romantique échangée entre nos amants que de la violence primitive du vindicateur martyrisé par le deuil d'une épuration nazie. En outre, l'audace crue de certaines mises à mort et le caractère haletant de sa justice expéditive y sont transcendés d'une mise en scène géométrique (les décors mortifères faisant notamment office de seconds-rôles). Il y émane un moment de cinéma d'une fragilité émotionnelle escarpée à travers sa quiétude révolue au point d'y être commotionné, ad vitam aeternam.

Romy, je t'aime.

*Bruno
04.07.12. 4èx

Récompenses: César du Meilleur Film, du Meilleur Acteur (Philippe Noiret) et Meilleure Musique (François de Roubaix) en 1976.
César des césars en 1985.

 

mardi 3 juillet 2012

FIRE IN THE SKY

                                                   Photo empruntée sur Google, appartenant au site roswell1947.forumgratuit.org

de Robert Lieberman. 1993. U.S.A. 1h49. Avec D.B. Sweeney, Robert Patrick, Craig Sheffer, Peter Berg, Henry Thomas, Bradley Gregg, Noble Willingham, Kathleen Wilhoite, James Garner, Georgia Emelin.

Sortie salles U.S: 12 Mars 1993

FILMOGRAPHIE: Robert Lieberman est un réalisateur, scénariste et producteur américain.
1978: A Home run for love (télé-film). 1978: Gaucho (télé-film). 1980: Fighting Back (télé-film). 1982: Will: the autobiography of G. Gordon Liddy (télé-film). 1983: Table for Five. 1987: Nos Meilleures années. 1991: To Save a Child. 1991: Le plus beau cadeau de Noël. 1992: Fire in the Sky. 1996: Les Petits Champions 3. 1996: Le Titanic (télé-film). 1999: NetForce (télé-film). 2002: Red Skies. 2002: Second String (télé-film). 2004: Earthsea (télé-film). 2009: The Tortured. 2010: The Stranger.


Réalisateur prolifique de télé-films et séries TV, Robert Lieberman réalise en 1993 son coup d'éclat cinématographique avec Fire in the Sky. Tiré d'un potentiel fait divers fondé sur un enlèvement extra-terrestre, cette série B fut malencontreusement inédite dans nos salles hexagonales pour sortir directement en Vhs puis sur galette numérique. Un préjudice inqualifiable puisque cette perle d'anticipation anxiogène mérite amplement un vif intérêt dans sa volonté de daigner crédibiliser un rapt incongru. Le pitchLe 5 novembre 1975, un groupe de 6 bûcherons est témoin d'un phénomène irrationnel venu du ciel. Un de leurs acolytes, attisé par la luminosité aveuglante de l'engin spatial est subitement foudroyé par une force surnaturelle. Ses camarades terrifiés décident de s'enfuir à bord de leur fourgonnette avant que le chauffeur se ravise in extremis. De retour sur les lieux, Mike Rogers ne signale aucune trace de son meilleur ami Travis ! En ville, les cinq amis sont contraints d'expliquer à la population et aux forces de l'ordre que leur camarade a inexplicablement disparu depuis l'apparition d'un engin extra-terrestre ! Bientôt, les complices sont suspectés de meurtre...


Avec la conviction de comédiens confirmés (Robert Patrick, Henry Thomas ou encore Peter Berg) et d'une mise en scène entièrement impartie aux tourments de ces protagonistes, Fire in the Sky dresse en premier lieu le portrait d'hommes de foi injustement montrés du doigt par ces citadins et les autorités incrédules. Le réalisateur Robert Lieberman illustrant avec une attention assidue le caractère sournois d'une démographie n'hésitant à fustiger et remettre en cause le récit abracadabrant de prolétaires embarrassés. Cette impuissance de ne pouvoir prouver leur innocence et cette persistance (exacerbée par l'intégrité pugnace de Robert Patrick !) à crier aux autorités leur véracité des faits implique chez le spectateur une vibrante empathie (sachant que nous avons été témoins dès le prologue que leur mésaventure n'était en rien une affabulation !). Leur dimension humaine est également extériorisée par la terreur panique, préalablement établie dans leur fuite nocturne désespérée à travers un sentier forestier, après avoir abdiqué un de leur comparse potentiellement meurtri d'un incident cinglant !


Après l'épreuve équivoque du détecteur de mensonge préconisée par les autorités suspicieuses, un rebondissement inopiné va enfin permettre aux bûcherons de lever au grand jour le voile sur leur véracité des faits. Spoil ! Puisqu'à la suite d'un appel téléphonique, Travis Walton est enfin retrouvé sain et sauf par ses amis, mais dans un état traumatique éprouvant ! fin du Spoil. Là encore, le réalisateur insiste sur le caractère psychologique d'une victime mise au pilori des médias à sensations, d'un leader de police paranoïaque et de badauds indélicats. A cet égard, l'interprétation de D.B Sweeney incarnant avec vérité le rôle chétif d'une victime amnésique préalablement molestée par des E.T belliqueux, inspire la compassion auprès du spectateur particulièrement anxieux de son état déficient. Spoil ! C'est ce que la dernière partie va nous révéler avec un réalisme perturbant pour la réminiscence impartie au calvaire cauchemardesque de Travis, embrigadé dans l'antre d'un vaisseau mère ! Une séquence d'anthologie absolument terrifiante, presque insupportable dans les expérimentations chirurgicales assénées à la victime par des extra-terrestres au faciès patibulaire ! Fin du Spoil.


Mis en scène avec intelligence afin de privilégier la dimension humaine de ses personnages compromis par une énigme irrationnelle et campé par une sobre distribution inscrite dans l'émoi, Fire in the Sky est une série B captivante passée inaperçue mais rehaussée d'un bouche à oreille enthousiaste. Sa densité psychologique, sa structure narrative avisée et l'aspect horrifiant de sa dernière partie confinant à la perle rare à (re)découvrir d'urgence !  En outre, il cultive notamment en point d'orgue rédempteur une belle amitié entre l'inimitié de deux camarades préalablement divisés par un incident inopportun !

03.07.12. 3èx
Bruno Matéï