mardi 19 février 2013

Popeye

                                        Photo empruntée sur Google, appartenant au site royalbooks.com

de Robert Altman. 1980. U.S.A. 1h36. Avec Robin Williams, Shelley Duvall, Paul L. Smith, Paul Dooley, Ray Walston, Wesley Ivan Hurt.

Sortie salles U.S: 12 Décembre 1980

FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Robert Altman est un réalisateur, scénariste et producteur américain, né le 20 Février 1925 à Kansas City dans le Missouri, décédé le 20 Novembre 2006 à Los Angeles. 1970: Mash. 1970: Brewster McCloud. 1971: John McCabe. 1972: Images. 1973: Le Privé. 1975: Nashville. 1976: Buffalo Bill et les Indiens. 1977: Trois Femmes. 1978: Un Mariage. 1979: Quintet. 1980: Popeye. 1982: Health. 1982: Reviens Jimmy Dean, reviens. 1987: Beyond Therapy. 1990: Vincent et Théo. 1992: The Player. 1993: Short Cuts. 1994: Prêt à porter. 1999: Cookie's Fortune. 2000: Dr T et les Femmes. 2001: Gosford Park. 2003: Company. 2006: The Last Show.


Véritable ovni dans la carrière du vénérable Robert Altman, Popeye est la transposition cinématographique du célèbre personnage de bande dessinée créé par Elzie Crisler Segar en 1929. Succès public rentable mais contesté par une majorité de la critique de l'époque, cette comédie lunaire totalement décalée fait aujourd'hui office de curiosité couillue pour son alliage d'insolence et d'extravagance en roue libre. Or, desservi d'un scénario aseptisé mais rattrapé par un humour débridé particulièrement effréné, le film de Robert Altman divisera sans doute encore une partie du public, irrité ou autrement amusé des pitreries infantiles de Popeye et de ses acolytes. Le pitch: Le marin solitaire Popeye débarque dans une petite ville côtière et fait la connaissance d'Olive, une femme éprise d'affection pour la terreur du quartier: Brutus. Leur relation de prime abord amicale attise la colère et la jalousie de ce dernier. Au fil de leur relation, les deux tourtereaux découvrent un bébé abandonné, planqué dans un panier d'osier. Doué de prescience, le bambin est rapidement enlevé par un transfuge de Brutus qui voit là l'opportunité de débusquer un fabuleux trésor caché sous l'océan. 


Comédie pittoresque à l'esprit cartoonesque euphorisant, Popeye doit son attrait sympathique grâce en priorité à l'excentricité de ses personnages tous plus saugrenus les uns que les autres. La reconstitution soignée allouée au village folklorique, les numéros musicaux chantonnés avec allégresse et les séquences de baston improvisées autour d'un ring ou dans une taverne assurant un spectacle festif souvent entraînant. Agrémenté d'une jolie photo sépia, le film séduit d'autant plus par son esthétisme rétro si bien qu'il parvient majoritairement à contenter le public au gré d'un rythme fertile en gags burlesques, calembours et bagarres homériques. Ainsi, on a souvent l'impression d'assister à un dessin animé live résolument désinhibé à travers son sens de dérision insatiable. Et pour renforcer ce sentiment déjanté, la verve impayable (et sciemment inaudible) de l'acteur Robin Williams ainsi que le charme filiforme de Shelley Duvall parviennent à donner chair à des personnages gaffeurs tout droits sortis de la fameuse bande dessinée. Enfin, dans le rôle de Brutus, l'impressionnant Paul L. Smith (Midnight Express, Mort sur le Grill, Sonny Boy) cabotine de manière furibonde afin de parfaire un antagoniste mastard particulièrement sarcastique.


Irritant pour les uns à travers son esprit décalé trop foutraque et par sa minceur narrative, enthousiasmant pour les autres de par son ton irrésistiblement folingue ainsi que la caricature cartoonesque impartie aux protagonistes déjantés, Popeye demeure un ovni atypique dans l'univers cinématographique des adaptations BD. Une oeuvre maudite mal aimée, aujourd'hui complètement sombrée dans l'oubli, faute de sa liberté de ton aussi déroutante qu'inusitée et de sa réputation injustement galvaudée. A réhabiliter d'urgence donc, au risque de persérverer à déplaire une partie du public réfractaire aux projets aussi personnels que burnés.

*Bruno
19.02.13. 3èx

lundi 18 février 2013

WAXWORK

                                     Photo empruntée sur Google, appartenant au site fr.film-cine.com

de Anthony Hickox. 1988. U.S.A. 1h31. Avec Zach Galligan, Jennifer Bassey, Joe Baker, Deborah Foreman, Michelle Johnson, David Warner, Eric Brown.

Sortie salles U.S: 17 Juin 1988

FILMOGRAPHIE: Anthony Hickox est un réalisateur, scénariste et producteur américain, né en 1964 à Londres.
1988: Waxwork. 1992: Waxwork 2. 1992: Hellraiser 3. 1993: Warlock: the Armageddon. 1993: Full Eclipse. 1995: Payback. 1996: Piège Intime. 1997: Prince Vaillant. 2000: Contamination. 2002: Témoin sous protection. 2005: Piège en eaux profondes. 2009: Knife Edge.


Un groupe d'adolescents est invité pour une soirée privée dans un étrange musée de cire consacré aux mythes horrifiques. Ils ignorent que derrière chacune des expositions est un portail vers un monde parallèle où rôde les créatures du mal.

Sympathique production des années 80, Waxwork avait su séduire son public grâce à l'originalité de son intrigue agréablement troussée, son patchwork de monstres légendaires issus de la Universal et ses effets gores généreusement explicites.
Malheureusement, il faut bien se rendre à l'évidence qu'en l'occurrence cette série B mineure a sévèrement pris la poussière pour faire figure de relique. La faute en incombe à un humour lourdingue véhiculé par des protagonistes crétins (pour ne pas dire insupportables !) et des situations souvent ridicules desservies par une mise en scène bricolée au budget trop restreint. On effet, on sent irrémédiablement le côté fauché au niveau de la reconstitution "carton-pâte" des époques éclectiques engendrées par les univers parallèles. Si certaines scènes restent gentiment attractives (son point d'orgue bordélique libérant une foule de créatures de l'enfer !) et que les effets sanglants s'avèrent jouissifs, Waxwork suscite une inévitable frustration pour tous ceux qui ont eu l'aubaine de le découvrir à la fin des années 80.
En guise de maigre consolation, reste quand même le plaisir de retrouver les aimables vétérans David Warner et Patrick McGee dans des compositions clins-d'oeil.

18.02.13.
Bruno Matéï


vendredi 15 février 2013

INSENSIBLES (Painless)

                                     Photo empruntée sur Google, appartenant au site lafilacero.com

de Juan Carlos Medina. 2012. France/Espagne. 1h45. Avec Alex Brendemühl, Irene Montalà, Derek de Lint, Tomas Lemarquis, Juan Diego.

Sorties salles France: 10 Octobre 2012. Espagne: 1er Février 2013

FILMOGRAPHIE: Juan Carlos Medina est un scénariste et réalisateur né en 1977 à Miami, en Floride. 1999: Trinidad (court-métrage). 2001: Rage (court-métrage). 2003: Mauvais jour. 2012: Insensibles



Violent réquisitoire contre le régime franquiste qui perdura de 1939 à 1977, Insensibles s'avère le premier coup de maître d'un réalisateur engagé afin de dénoncer le despotisme de la guerre espagnole. A partir d'une histoire d'enlèvement d'enfants, martyrisés et séquestrés dans de sordides cellules, parce que tributaires d'une maladie inconnue (ils ne peuvent ressentir la douleur physique et morale !), Insensibles nous entraîne dans leur calvaire avec un réalisme d'âpreté. En parallèle, à travers d'incessants flash-back alternant passé et présent, une énigme tortueuse nous ait illustré sous l'entremise d'un neurochirurgien en quête identitaire. Après avoir perdu le contrôle de son véhicule en compagnie de sa femme enceinte, David va se réveiller dans la chambre d'un hôpital pour apprendre que celle-ci n'a pas survécu. Néanmoins, les médecins ont réussi à sauver la vie du nourrisson. Brusquement atteint d'un cancer, il décide en désespoir de cause de retrouver ses parents biologiques pour le besoin d'une greffe. A travers son cheminement jonché d'interrogations, David va remonter le temps pour essayer de découvrir les origines de son passé, le traitement inhumain infligé à ses géniteurs et quelle part de responsabilité ses parents adoptifs ont pu contribuer.


A travers deux intrigues parallèles parfaitement structurées, Juan Carlos Medina adopte une démarche baroque à titre d'originalité pour illustrer le traitement infligé aux enfants martyrs de la guerre. Parce que ces bambins sont malencontreusement destinés à ne pas ressentir la douleur, un médecin nazi décide de les expérimenter en faveur d'une race supérieure destinée à régir l'univers ! (le thème avait déjà été évoqué par Franklyn J. Schaffner dans l'audacieux Ces Garçons qui venaient du Brésil). Avec l'humanisme désespéré de cette innocence galvaudée par le fascisme,  Insensibles est une épreuve de force auquel le spectateur est contraint de suivre scrupuleusement pour comprendre les tenants et aboutissants. L'endurance inépuisable d'un enfant monstre mutique (symbole de toutes les souffrances) engendré par le conservatisme des nationalistes et finalement conditionné à infliger les pires tortures aux otages anarchistes. A travers le destin martyr de ce monstre rongé par la déchéance, la réalisateur adopte notamment une réflexion sur l'éducation parentale et l'encadrement familial. Sur la manière disciplinaire, intolérante, dont certains enfants sont élevés dès leur plus jeune âge avant d'extérioriser eux mêmes les effets délétères que la haine eut engendré. Sur la quête identitaire de l'enfant en gestation et leur besoin instinctif d'amour maternel prémuni au sein de la cellule familiale.


Chronique de la douleur
Superbement écrit à travers une intrigue riche de thématiques, Insensibles est un chef-d'oeuvre aussi passionnant qu'hypnotique auquel sa rudesse psychologique risque d'en chavirer plus d'un. Une métaphore sur l'endoctrinement du mal, une oeuvre humaniste profondément désespérée, un cri d'alarme pour la postérité des enfants maltraités. S'il s'avère parfois insupportable dans sa verdeur réaliste, le réalisateur adopte l'intelligence d'utiliser le hors-champs afin d'éluder une violence crapuleuse (les innommables tortures infligées aux partisans). Il se révèle en tous cas difficile de sortir indemne d'une oeuvre aussi abrupte et bouleversée car fustigeant la candeur la plus vertueuse, l'enfance violée. 

15.02.13
* Bruno

jeudi 14 février 2013

LA ROSE ECORCHEE

                                           Photo empruntée sur Google, appartenant au site reeldistraction.com

"Devil's Maniac / The Blood Rose" de Claude Mulot. 1969. France. 1h32. Avec Philippe Lemaire, Annie Duperey, Elizabeth Teissier, Olivia Robin, Michèle Perello, Valérie Boisgel, Jean-Pierre Honoré, Gérard Antoine Huart, Howard Vernon.

FILMOGRAPHIE: Claude Mulot (Frédéric Lansac) est un réalisateur et scénariste français, né le 21 août 1942 à Paris, décédé le 13 Octobre 1986 à Saint-Tropez. 1968: Sexyrella. 1969: La Rose Ecorchée. 1971: La Saignée. 1973: Profession : Aventuriers. 1974: Les Charnelles. 1975: Le Sexe qui parle. 1976: La Rage de jouir. 1977: Suprêmes jouissances. 1977: La Grande Baise. 1977: Belles d'un soir. 1978: Le Sexe qui parle 2. 1980: La Femme Objet. 1980: l'Immorale. 1980: Les Petites écolières. 1981: Le jour se lève et les conneries commencent. 1983: Black Venus. 1986: Le Couteau sous la gorge.


Claude Mulot, spécialiste du porno durant les années 70, réalise avec son second long-métrage un fleuron bisseux du fantastique français. L'une des rares incursions dans le gothisme flamboyant hérité des cinéastes transalpins Bava et Freda. Le casting étant constitué de comédiens hétérogènes parmi lesquels Annie Duperey (plus gracile que jamais !), notre future voyante astrale Elizabeth Tessier (!!!???), le vétéran Howard VernonPhilippe Lemaire, puis enfin les deux nabots Roberto et Johnny Cacao. Sans occulter à moindre échelle le charme de demoiselles dénudées d'une beauté particulièrement lascive (Olivia Robin en tête pour son physique particulièrement longiligne et ensorcelant). Ainsi, la trame de la Rose Ecorchée est une déclinaison à peine voilé des Yeux sans Visages de Franju. La femme d'un riche peintre se retrouve défigurée suite à un accident volontairement perpétré par la maîtresse jalouse. Éperdument amoureux mais anéanti par le chagrin, Frédéric se calfeutre à l'intérieur de son château parmi la présence monstrueuse de son épouse. Jusqu'au jour où l'un de ses amis botaniques, ancien chirurgien, lui offre l'opportunité de tenter une greffe de visage afin qu'Anne puisse retrouver sa beauté d'antan. Or, ils ont besoin de kidnapper une jeune pèlerine afin de pouvoir lui prélever des tissus vivants.


Esthétiquement splendide, la Rose Ecorchée s'avère de prime abord un régal formel tant Mulot s'attarde à fignoler ses cadrages, ses éclairages baroques à travers des décors d'architecture aux nuances polychromes. Le tout filmé en interne d'un château ancestral (comme le souligne le générique liminaire !). Baignant constamment dans une ambiance mélancolique, le film est une élégie romantique auprès de deux amants maudits séparés par la jalousie d'une mégère capricieuse. Les protagonistes principaux qui évoluent durant le récit (Frédéric, Anne et le docteur Romer) étant caractérisés par des individus meurtries et égoïstes davantage gagnés par le désagrément du remord. Spoiler ! C'est d'ailleurs avec la remise en question du docteur Romer (incarné par Howard Vernon étonnamment sobre !), épris de contrition, que l'opération tant escomptée convergera vers une débâcle familiale. Fin du Spoiler. D'un érotisme timoré pour contempler la présence suave de filles déshabillées, et frileux en terme d'effusions gores, la Rose Ecorchée déploie pour autant en de brèves occasions une certaine violence impudente auprès des altercations commises sur des femmes démunies. L'ambition de Claude Mulot n'est donc pas de nous façonner un film d'exploitation plagiant sans vergogne les thèmes chers à Georges Franju mais de nous narrer avec lyrisme prude une cruelle histoire d'amour. La présence saugrenue des deux nains peut parfois prêter à sourire dans leur jeu quelque peu inexpressif mais ils réussissent néanmoins à véhiculer une présence insolite autour des agissements d'antagonistes altiers !


Le château des amants maudits
Oublié de tous mais défendu bec et ongle par une poignée de fantasticophiles puristes, La Rose Ecorchée est l'une des rares réussites françaises à avoir su faire preuve d'ambition formelle en empruntant le patrimoine du gothisme italien. Le soin alloué à la mise en scène, la sincérité des comédiens et surtout l'esthétisme stylisé émanant des intérieurs du château convergent au conte aussi bien scintillant qu'infortuné. 

* Gaïus
14.02.13. 2èx

mercredi 13 février 2013

LE LOCATAIRE (The Tenant)



                                       Photo empruntée sur Google, appartenant au site cinecube.wordpress.com
de Roman Polanski. 1976. France. 2h05. Avec Roman Polanski, Isabelle Adjani, Melvin Douglas, Shelley Winters, Bernard Fresson, Claude Dauphin, Jo Van Fleet, Rufus, Josiane Balasko, Michel Blanc, Gérard Jugnot, Bernard Pierre Donnadieu.

Sortie salles France: 26 Mai 1976 (interdit - de 18 ans). U.S: 11 Juin 1976

FILMOGRAPHIERoman Polanski (né le 18 août 1933 à Paris) est un comédien, metteur en scène de théâtre et d'opéra puis un producteur, scénariste et réalisateur de cinéma franco-polonais
1962 : Le Couteau dans l'eau , 1965 : Répulsion, 1966 : Cul-de-sac, 1967 : Le Bal des vampires, 1968 : Rosemary’s baby, 1971 : Macbeth, 1972 : Quoi ?, 1974 : Chinatown, 1976 : Le Locataire ,1979 : Tess, 1986 : Pirates, 1988 : Frantic, 1992 : Lunes de fiel ,1994 : La Jeune Fille et la Mort , 1999 : La Neuvième Porte ,2002 : Le Pianiste,2005 : Oliver Twist, 2010 : The Ghost Writer 2011 : Le Dieu du carnage.


Troisième film consacré au cycle des appartements, le Locataire est la dernière denrée du fantastique paranoïaque dominée par la prestance (erratique) du réalisateur himself, Roman Polanski. D'après le roman Le Locataire chimérique écrit par Roland Topor en 1964, cette descente aux enfers d'un résident gagné par la folie ne cesse d'interroger le spectateur par son ambiguïté rationnelle et surnaturelle. Alors que l'ancienne locataire s'est défenestrée du 3è étage, un jeune célibataire timoré loue son appartement malgré l'exigence du voisinage réfractaire au moindre potin. Peu à peu, l'homme constamment épié et réprimandé par ses occupants sombre dans une paranoïa schizophrène. Ambiance feutrée au sein d'un immeuble hermétique rempli de vieillards acariâtres, le Locataire nous plonge dans la lente dégénérescence paranoïaque d'un locataire introverti, incessamment persécuté par son entourage. En dehors du suicide inexpliqué de Madame Choule et du harcèlement quotidien de ces occupants, la découverte d'une dent encastrée dans la brèche d'un mur, la réception d'une carte postale et l'inscription de symboles égyptiens sur le muret des toilettes vont être les éléments déclencheurs pour la dérive schizophrène de Trelkovsky.


De prime abord, Roman Polanski utilise la dérision pittoresque afin de brimer son locataire, constamment critiqué par des sexagénaires renfrognés incapables de supporter tout vacarme. A cause de sa timidité et de son absence d'aplomb, Trelkovsky sera notamment contraint de supporter l'impertinence de ces amis (la fiesta improvisée au sein de son appartement) au péril de sa bonne foi à daigner respecter la tranquillité des voisins. Par le biais d'une photo désaturée et d'une mise en scène avisée, le réalisateur entretient un climat d'étrangeté particulièrement insolite au sein d'un bâtiment archaïque où des silhouettes de vieillards semblent figées par derrière leur fenêtre ! Au fil de ces contrariétés grandissantes, davantage angoissé par le comportement étrange et l'intolérance drastique de certains voisins (sans compter l'influence du tenancier lui suggérant de boire un chocolat et fumer des marlboros comme Madame Choule l'eut sollicité chaque matin !), Trelkovsky finit par se convaincre qu'il est victime d'un complot meurtrier. Peu à peu, l'angoisse et la terreur vont finalement intenter à sa psychologie régressive !


Chargé d'inquiétude et d'étrangeté dans son climat de claustration, la densité psychologique du Locataire réside par ailleurs dans cette faculté que Polanski, réalisateur, entreprend pour nous faire douter de la pathologie mentale de son protagoniste. S'agit-il de l'influence (diabolique) de l'ancienne locataire suicidée, ou celle, tyrannique, des voisins bourrus ? L'appartement est-il maudit par une malédiction égyptienne lors d'un voyage entrepris par Mme Choule ? Ou n'est-ce que la simple dérive paranoïde d'un homme esseulé, incapable de réfréner ses névroses et obsessions ? Par le truchement d'hallucinations, le réalisateur improvise des séquences cauchemardesques particulièrement délirantes et cruelles afin de mettre en exergue la folie aliénante de son locataire (les voisins sont caractérisés par des reptiles démoniaques et organisent un spectacle théâtral afin de prôner sa future mort !). Une victime martyrisée par l'affres de la frayeur, littéralement envoûtée par la personnalité trouble de Mme Choule, et donc contraint de se travestir en femme Spoiler !!! pour éventuellement finir par se jeter par la fenêtre ! Fin du Spoil.


Effrayant par son réalisme obscur mais aussi débridé par son caractère sardonique, le Locataire fait presque office de documentaire pour ausculter l'introspection mentale d'un schizophrène rongé par sa paranoïa. En tant qu'acteur, Roman Polanski détonne et réussit à donner chair à son personnage torturé avec une dimension humaine toute en pudeur. Tandis que l'ambiance opaque qui émane des parois de cet immeuble sclérosé laisse en suspens une énigme aussi indécise qu'irrésolue !

13.02.13. 4èx
Bruno Matéï

mardi 12 février 2013

L'EVADE D'ALCATRAZ (Escape from Alcatraz)

                                         Photo empruntée sur Google, appartenant au site pariscine.com

de Don Siegel. 1979. U.S.A. 1h52. Avec Clint Eastwood, Patrick McGoohan, Roberts Blossom, Jack Thibeau, Fred Ward, Paul Benjamin, Larry Hankin.

Sortie salles France: 31 Octobre 1979. U.S: 22 Juin 1979

FILMOGRAPHIE: Don Siegel (Donald Siegel) est un réalisateur et producteur américain, né le 26 Octobre 1912 à Chicago en Illinois, décédé le 20 Avril 1991 à Nipoma, en Californie.
1956: l'Invasion des Profanateurs de Sépultures. 1962: l'Enfer est pour les Héros. 1964: A bout portant. 1968: Police sur la ville. 1968: Un Shérif à New-York. 1970: Sierra Torride. 1971: Les Proies. 1971: l'Inspecteur Harry. 1973: Tuez Charley Varrick ! 1974: Contre une poignée de diamants. 1976: Le Dernier des Géants. 1977: Un Espion de trop. 1979: l'Evadé d'Alcatraz. 1980: Le Lion sort ses griffes. 1982: Jinxed.


Pour la 5 fois, la collaboration Eastwood/Siegel converge au chef-d'oeuvre pour un suspense carcéral d'une intensité rarement égalée. Récit véridique de trois taulards ayant réussi à s'échapper d'une forteresse blindée, l'Evadé d'Alcatraz nous retranscrit leur exploit avec une science du suspense incisive !


Dans une mise en scène affûtée à l'efficacité inébranlable, ce modèle du film de prison nous illustre une tentative d'évasion qui relève de l'improbabilité tant le nombre de risques encourues pour chacun des détenus laisse présager la déroute. La manière documenté dont Don Siegel fait preuve pour retranscrire cette escapade charpentée nous immerge de plein fouet dans l'enceinte d'un pénitencier insulaire réputé inviolable. De prime abord, le réalisateur s'attache à nous décrire la condition de vie totalitaire que chaque détenu est contraint de subir sous l'allégeance d'un directeur pointilleux incapable d'indulgence. C'est le notable Patrick McGoohan qui incarne tout en magnétisme le rôle d'un dirigeant impassible auquel son intransigeance ordonne une discipline de fer chez les surveillants. Dans celui du prisonnier rusé et flegmatique, Clint Eastwood impose une posture inflexible afin de se mesurer aux provocations incessantes d'un taulard méprisable et de son directeur impérieux. Loyal et tolérant, il insuffle par ailleurs une dimension humaniste lorsqu'il se prend d'empathie pour un peintre désabusé et qu'il se lie d'amitié avec un archiviste noir condamné pour sa couleur de peau. Enfin, avec sagacité et patience, il détermine une dimension héroïque pour concrétiser un plan d'évasion où aucun détail n'est laissé au hasard (c'est avec un cure ongle que sa stratégie peut de prime abord aboutir !). Pour exacerber cette tension permanente qui émane des agissements frauduleux de prisonniers occasionnant des risques insensés, le score monocorde de Jerry Fielding est constitué d'une partition quasi insonore. Enfin, le point d'orgue impartie à l'insoluble escapade est un moment d'anthologie échevelé où les nerfs du spectateur sont mis à rude épreuve.


Passionnant et éprouvant, l'Evadé d'Alcatraz est un gros morceau de cinéma d'une puissance émotionnelle et d'une rigueur technique infaillible. Le récit authentique d'une seule évasion entreprise avec succès par des détenus utopistes (même si nous ne saurons jamais s'ils s'en sont sortis vivants !) au sein d'une île pénitentiaire intangible. C'est d'ailleurs après cette impensable défaite qu'Alcatraz clôturera définitivement ses portes pour se reconvertir en site historique !

12.02.13. 4èx
Bruno Dussart

lundi 11 février 2013

Citadel. Prix du Public à South by Southwest.

                                              Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Ciaran Foy. 2012. Irlande/Angleterre. 1h24. Avec Aneurin Barnard, James Cosmo, Wunmi Mosaku.

Sortie salles U.S: 9 Novembre 2012

FILMOGRAPHIE: Ciaran Foy est un réalisateur, scénariste, monteur, acteur et producteur anglais.
2001: 1902. 2001: Wired. 2002: The Puppet. 2006: The Faeries of Blackheath Woods. 2007: Scumbot. 2009: Hotel Darklight (segment directeur). 2012: Citadel.


Dans la lignée des Révoltés de l'an 2000 pour son thème alloué à l'enfant martyr, cette modeste série B co-produite entre l'Irlande et la Grande Bretagne privilégie à point nommé un ton désenchanté pour établir un constat social sur la déliquescence des laissés pour compte. Le PitchSuite à l'agression mortelle de son amie par des enfants sauvages, un jeune père de famille sombre dans l'agoraphobie. Epié et menacé par ses meurtriers infantiles, il va tenter de transcender sa frayeur pour sauver sa vie ainsi que celle de son bambin. Imprégné d'une atmosphère à la fois anxiogène et dépressive, et renforcé de l'esthétisme blafard de ghettos défavorisés, Citadel est une oeuvre étrange d'une sensibilité prégnante. Un cauchemar urbain au cours duquel nous suivons l'introspection fébrile d'un jeune veuf traumatisé par la mort de sa compagne lors d'une violente altercation avec de jeunes agresseurs. Souffrant d'agoraphobie et totalement replié au sein de son appartement, Tommy sombre dans une grave paranoïa à force de daigner prémunir coûte que coûte l'existence de son enfant. Sa brève thérapie dans un centre spécialisé et l'aide amicale d'une amie de longue date lui apportent toutefois un frêle soutien, d'autant plus que les sauvageons semblent déterminés à l'appréhender. Mais ce n'est qu'avec l'entremise d'un prêtre accompagné d'un enfant aveugle que Tommy va pouvoir amorcer bravoure et courage afin de réprimer son inévitable frayeur.


Dominé par la prestance chétive de Aneurin Barnard habité par son expression névralgique, il parvient avec beaucoup d'humanisme désarmé à nous insuffler ces lourdes contrariétés au sein de sa solitude meurtrie. Cette ambiance dépressive émanant de sa psyché névrosée engendrant une inévitable empathie chez le spectateur, d'autant plus intrigué par l'hostilité meurtrière d'une bande organisée. En effet, nous ne saurons jamais dans quel but les enfants encapuchonnés atteints de cécité (on pense d'ailleurs aux mutants défigurés de Chromosome 3, tant pour leur apparence infiniment hostile que leur vocalité éraillée !) décident d'assassiner tous les adultes. Si ce n'est que seuls les quidams dominés par leur propre peur sont systématiquement identifiés et battus à mort. Spoil ! La cause de leur déficience mentale ainsi que leurs pulsions erratiques proviendraient d'une maladie infectieuse d'origine inconnue transmise par la mère de deux jumeaux Fin du Spoil. Sans fioriture, le film réussit avec réalisme cafardeux à y dépeindre un climat de peur palpable au sein d'une banlieue déserté de citadins, d'où seule plane la présence primitive d'enfants martyrs livrés à l'abandon. Son final particulièrement poignant véhiculant également une vibrante émotion pour la destinée précaire de nos héros, mais aussi celle des antagonistes infantiles, victimes malgré eux d'une société individualiste dénuée d'empathie.


Les Enfants du Silence
Réalisé avec autonomie au sein d'un climat malsain constamment éprouvant et dominé par une poignée de comédiens chargés d'humanisme torturé (ou altruiste), Citadel conjugue à travers son récit initiatique désespoir, angoisse et terreur quasi viscérales autour d'un constat social sur la délinquance juvénile. Y découle une oeuvre indépendante aussi fragile qu'austère, d'une efficacité constante (notamment pour l'habileté du réalisateur d'y entretenir le mystère jusqu'à mi-parcours du récit) et à la violence rugueuse, exacerbée d'une force émotionnelle désespérée. Un véritable must du genre, à réserver toutefois à un public averti de par son vérisme éprouvant imparti à l'innocence galvaudée.

*Eric Binford
24.12.21
11.02.13

RécompensesPrix du Public (Midnight Audience) à South by Southwest, 2012
Prix Narcisse au Festival de Neuchâtel, 2012
Méliès d'Argent au Festival de Neuchâtel, 2012
Meilleur réalisateur au Festival du film fantastique de Puchon, 2012
Meilleur son aux Irish Film and Television Awards, 2013