mardi 22 janvier 2013

YAKUZA (The Yakuza)

                                                  Photo empruntée sur Google, appartenant au site cinebel.be

de Sydney Pollack. 1974. U.S.A. 1h52. Avec Robert Mitchum, Brian Keith, Herb Edelman, Richard Jordan, Keiko Kishi, Eiji Okada.

Durée: 123 minutes (Japon), 112 minutes (États-Unis), 107 minutes (Royaume-Uni)

Sortie salles U.S: 19 Mars 1975. Japon: 28 Décembre 1974

FILMOGRAPHIE: Sydney Pollack est un réalisateur, acteur et producteur américain, né le 1er Juillet 1934 à Lafayette, dans l'Indiana (Etats-Unis), mort d'un cancer à Los Angeles le 26 Mai 2008.
1965: The Slender Thread. 1966: Propriété Interdite. 1968: Les Chasseurs de Scalps. 1968: The Swimmer. 1969: Un Château en Enfer. 1969: On Achève bien les chevaux. 1972: Jeremiah Johnson. 1973: Nos plus belles années. 1974: Yakuza. 1975: Les 3 Jours du Condor. 1977: Bobby Deerfield. 1979: Le Cavalier Electrique. 1981: Absence de Malice. 1982: Tootsie. 1985: Out of Africa. 1990: Havana. 1993: La Firme. 1995: Sabrina. 1999: l'Ombre d'un Soupçon. 2005: l'Interprète. 2005: Esquisses de Frank Gehry


Rarement diffusé à la TV et souvent oublié des amateurs de polar, Yakuza fait parti se ses perles rares dont les défaveurs du temps n'ont eu aucune emprise. Les spectateurs qui avaient eu la chance de le découvrir sur petit écran ne manqueront pas de se remémorer avec nostalgie sa fameuse diffusion intervenue un certain mardi soir sur Antenne 2, estampillée du fameux "carré blanc" (faute d'une violence assez démonstrative). Avec la trempe d'un réalisateur aussi confirmé que Sydney Pollack, Yakuza est un superbe polar, dense et nerveux, tirant son originalité sur la culture nippone imposée aux fameux Yakuza. Une organisation du crime aux codes d'honneur et de fraternité bien spécifiques, notamment voués à un sens du sacrifice peu commun (pour éviter la peine de mort, le coupable doit se trancher l'index en guise de repentance). Un entrepreneur corrompu demande à l'un de ses amis, Harry Kilmer, ancien détective, de récupérer sa fille kidnappée au Japon par les membres d'un Yakuza. Harry en profite pour revoir une ancienne amie avec qui il eut une idylle amoureuse, et par la même occasion lui invoque l'aide de son frère. Avec l'entremise de ses équipiers, la tentative d'extraire la fille des membres des Yakuza se transforme en règlements de compte sanglants. 



Réalisé avec rigueur, épuré de décors insolites et rehaussé d'un solide scénario aux rebondissements surprenants, Yakuza est une fascinante incursion au sein de l'univers trouble des fameux Yakuzas. Dominé par l'interprétation notable du vétéran Robert mitchum, louablement secondé par la prestance magnétique du japonais Ken Takakura, cette vendetta familiale redouble d'intensité dramatique dans ces enjeux considérables où vaillance et sens du sacrifice vont être mis à rude épreuve. Autour de cette confrérie mafieuse, le réalisateur nous brode donc une histoire d'amour et d'amitié entachée de contrariété, vis à vis d'un trio d'amants compromis à leur éthique de probité. Unis dans le passé par un lien de solidarité pour la survie d'une jeune femme rescapée de la guerre, Harry Kilmer et son acolyte Ken Tanaka vont être amenés à s'échanger une dîme pour combattre toute une organisation criminelle. Sans cesse défiés au sens du courage et de la bravoure pour un code d'honneur aux règles archaïques, nos combattants vont devoir employer des risques considérables pour prémunir famille et acolytes avant leur dernier baroud d'honneur. A ce titre, les combats de sabre inévitablement imposés à Ken pour défier une armée de Yakuza, avant de pouvoir s'opposer au leader, déploient de furieux accès de violence homériques remarquablement chorégraphiées !


Formidablement tempéré par un savant dosage de suspense, d'émotion et d'action intense, Yakuza est surtout privilégié par sa densité narrative à la dramaturgie fraternelle. Sa fascinante incursion dans l'univers trouble des Yakuzas ne manque pas de nous interpeller avec leur hiérarchie drastique établie dans une discipline marginale. Un classique d'une éclatante modernité !

Dédicace à Franck Gossard
Remerciement au Ciné-club de l'antre !
22.01.13
Bruno Dussart

lundi 21 janvier 2013

BARFLY


                                              Photo empruntée sur Google, appartenant au site hollywood80.com

de Barbet Schroeder. 1987. U.S.A. 1h44. Avec Mickey Rourke, Faye Dunaway, Alice Krige, Jack Nance, J.C. Quinn, Frank Stallone.

FILMOGRAPHIE: Barbet Schroeder est un réalisateur et producteur, de nationalité française d'origine suisse, né le 26 Août 1941 à Téhéran (Iran).
1969: More. 1972: La Vallée. 1976: Maîtresse. 1984: Tricheurs. 1987: Barfly. 1990: Le Mystère Von Bulow. 1992: J.F partagerait appartement. 1995: Kiss of Death. 1996: Before and after. 1998: l'Enjeu. 2000: La Vierge des Tueurs. 2002: Calculs Meurtriers. 2007: l'Avocat de la terreur (Documentaire). 2008: Inju, la Bête dans l'ombre. 2009: Mad Men (série TV).


              Définition de Barfly: mouche de bar qu'on pourrait traduire par "Pilier de bistrot"

Echec public lors de sa discrète sortie en salles, Barfly se révèle l'un des films les occultés de la carrière du cinéaste. Inspiré de la véritable vie de l'écrivain Charles Bukowski, le film suit l'errance nocturne d'un couple à la dérive, fréquentant les bars miteux d'un ghetto de Los Angeles.
Drame social sur l'échec professionnel et le fardeau de la solitude, Barfly nous illustre avec une vérité humaine poignante la rencontre marginale de deux écorchés de la vie. L'un est un brillant écrivain n'ayant jamais réussi à percer dans le milieu, l'autre est une chômeuse blasée, lourdement éprouvée par son passé conjugal. Ensemble, ils tentent de former un semblant de couple harmonieux au sein de leur appartement insalubre et fuient leur désespoir en se réfugiant dans l'ivresse de l'alcool. En prenant le choix de daigner réunir deux monstres sacrées du cinéma, on pouvait craindre une oeuvre formatée un brin prétentieuse avec le jeu cabotin de ces illustres comédiens. D'autant plus que l'argument misérabiliste met bien en exergue l'existence sordide d'un couple d'alcoolos sombrant inévitablement dans une déchéance suicidaire.


A contrario, le réalisateur s'en tire admirablement en éludant cette forme de pathos rédouté, tandis que Faye Dunaway et Mickey Rourke imposent leur jeu dépravé avec une vérité humaine inespérée ! En prime, à aucun moment Barbet Schroeder ne prend le parti de les juger. Il nous immerge dans leur vie nocturne avec un réalisme cru (les bastons de rue sont plutôt violentes et sanglantes), une émotion prude (tous les personnages paumés se révèlent attachants dans leur détresse humaine) et un humour parfois pittoresque (les incessants défis physiques que se provoquent Henry et le serveur de bar, Eddie). L'ambiance blafarde des bars malfamés où se côtoient ivrognes, vieillards burinés et femmes esseulées, et celle plus intime, de l'appartement de Wanda, est retranscrite avec un souci d'authenticité. Nous sommes véritablement plongés dans un univers de débauche où l'alcool, les violences conjugales avec le voisinage et les rixes urbaines découlent de leur misère sociale. Avec sa dégaine maladroite de clochard borgne et de bagarreur invétéré, Mickey Rourke incarne un provocateur misanthrope plein d'ironie ainsi qu'une empathie discrètement attendrissante (sa jalousie affectueuse auprès de sa compagne). Sa partenaire Faye Dunaway accorde autant de persuasion pour endosser le rôle vulnérable d'une quinquagénaire trop éprouvée par le poids de son passé sans connaître précisément ce qui l'eut amené à une telle dégénérescence morale. Le film reposant entièrement sur leurs frêles épaules, les deux acteurs parviennent avec sobriété à nous faire oublier leur stature notoire si bien que l'on regrette que le film se clôt brutalement sur un épilogue trivial.


S'il se révèle sans surprise, Barfly est un portrait libertaire poignant et plein d'humilité de deux alcooliques qui auront décidé de tourner le dos à leurs ambitions pour accepter communément leur propre défaite. Rien que pour la présence très attachante des deux comédiens, le film mérite assurément à être réhabilité pour sa démarche intègre et sa modestie émotionnelle, non exempte de savoureux traits d'ironie. 

Un grand merci à Ciné-bis-Art !
21.01.13. 2èx
Bruno Matéï

samedi 19 janvier 2013

DJANGO UNCHAINED

                                  Photo empruntée sur Google, appartenant au site prettymuchamazing.com

de Quentin Tarantino. 2012. U.S.A. 2h45. Avec Jamies Foxx, Christoph Waltz, Leonardo DiCaprio, Kerry Washington, Samuel L. Jackson, Walton Goggins, Dennis Christopher, James Remar, Laura Cayouette, Don Johnson, Tom Wopat, Quentin Tarantino.

Sortie salles France: 16 Janvier 2013. U.S: 25 Décembre 2012

FILMOGRAPHIE: Quentin (Jérome)Tarantino est un réalisateur, scénariste, producteur et acteur américain, né le 27 Mars 1963 à Knoxville dans le Tennessee.
1992: Réservoir Dogs. 1994: Pulp Fiction. 1995: Groom Service (segment: The Man from Hollywood). 1997: Jacky Brown. 2003: Kill Bill 1. 2004: Kill Bill 2. 2007: Boulevard de la Mort. 2009: Inglorious Basterds. 2012: Django Unchained.


Après ses 2 derniers films controversés (Boulevard de la Mort / Inglorious Basterds) qui avaient dépité une bonne partie du public, Tarantino s'entreprend cette fois-ci à rendre hommage au western en s'inspirant vaguement du chef-d'oeuvre de Corbucci, Django. En effet, il n'est aucunement question de l'élaboration d'un remake ou d'un plagiat (même si les deux héros partagent comme point commun une rancoeur vindicative en ascension), mais plutôt d'un habile démarquage du western spaghetti. Puisqu'en l'occurrence, Tarantino souhaite mettre en exergue comme argument social le traitement infligé aux esclaves noirs du Sud des Etats-Unis avant la guerre de sécession. D'une durée excessive (mais justifiée !) de plus de 2h45, Django Unchained suit le périple en 1858 d'un chasseur de prime allemand et d'un esclave noir libéré de ses chaines par ce dernier, tous deux compromis à se faire passer pour des acheteurs d'esclaves chez un riche propriétaire. Un subterfuge prémédité afin de libérer la fiancée de Django, exploitée depuis plusieurs années comme femme de ménage par un vieux nègre corrompu, l'acolyte du sadique Clavin J. Candie.


Avec sa traditionnelle virtuosité technique, sa verve inimitable pour les répliques acerbes et son humour noir féroce, Quentin Tarantino semble mieux attentionné à façonner un scénario structuré en prenant soin de peaufiner l'étude caractérielle de ses personnages cyniques. La première heure privilégie un ton léger et pittoresque (le traquenard émis à la confrérie encapuchonnée !), non exempt d'éclairs de violence sarcastique parmi les tâches du Dr King Schültz (Christoph Waltz dans un rôle pondéré à contre-emploi !). Un médecin reconverti en chasseur de prime loyal puisque dévoué à exaucer la vengeance de Django (Jamie Fox, tout en révolte contenue pour sa rancoeur latente). Ensemble, ils vont tenter de retrouver une esclave africaine au sein d'une Amérique raciste réfutant la liberté du peuple noir. La suite des évènements beaucoup plus dense dans l'enjeu imparti à la traite des nègres va prendre une tournure plus grave dès que nos deux compères vont devoir établir une transaction avec l'ignoble Clavin J. Candie (magnifiquement tempéré par l'élégance hautaine d'un Di Caprio vicelard). Ce marchandage financier pour la mise d'un combattant noir va leur permettre d'établir la nouvelle rencontre du sbire sclérosé de Candie, Stephen (Samuel L. Jackson abjecte de putasserie dans la peau d'un vieillard sénile). C'est justement dans sa propriété rurale que la fiancée de Django y demeure parmi l'allégeance d'autres esclaves destinés à labourer le coton. Émaillé d'affrontements psychologiques mesquins et perfides entre chacun des rivaux, d'action cinglante impromptue pour les impacts de balles assénés aux victimes, décuplant de manière singulière l'abondance de jets de sang sur les chairs explosées, Quentin Tarantino n'oublie pas d'exprimer sa plaidoirie anti-raciste en fustigeant le comportement crapuleux de propriétaires blancs dénués d'une moindre vergogne. Certaines tortures ou lynchages infligés aux noirs indisciplinés (l'esclave dévoré vivant par les chiens, la lutte à mort des combattants, la sentence du fouet, Broomhilda séquestrée dans la boite brûlante sous un soleil écrasant !) se révèlent d'une âpreté rigoureuse afin de réveiller la conscience du spectateur, compromis à la xénophobie d'une époque primitive.


Avec Django Enchained, Tarantino continue de déclarer sa flamme à l'amour du cinéma de genre avec toujours autant de verve caustique, d'inventivité audacieuse et d'insolence roublarde. Superbement campé par une armada de comédiens notables (mention spéciale à Samuel L. Jackson, dans un rôle insidieux innommable !) et scandé par une BO entraînante, ce western stimulant n'oublie pas pour autant de rappeler la condition inhumaine infligée à la communauté noire, longtemps martyrisée par une Amérique xénophobe au début du 16è siècle. Enfin, en guise de clin d'oeil, on notera l'apparition du vétéran Franco Nero dans un court passage tout en dérision ! N'en déplaise à ses détracteurs de toujours, Tarantino est revenu plus revigoré et persuasif que jamais !

19.01.13
Bruno Matéï

jeudi 17 janvier 2013

FLIGHT

                                        Photo empruntée sur Google, appartenant au site paperblog.fr

de Robert Zemeckis. 2012. U.S.A. 2h19. Avec Denzel Washington, John Goodman, Don Cheadle, Bruce Greenwood, Kelly Reilly, Nadine Velazquez, Brian Geraghty, Rhoda Griffis, Tamara Tunie.

Sortie salles France: 13 février 2013. U.S: 2 Novembre 2012

FILMOGRAPHIE: Robert Zemeckis est un réalisateur, scénariste et producteur américain, né le 14 Mai 1951 à Chicago (Illinois). 1978: Crazy Day. 1980: La grosse Magouille. 1984: A la Poursuite du diamant vert.1985: Retour vers le Futur. 1988: Qui veut la peau de Roger Rabbit. 1989: Retour vers le Futur 2. 1990: Retour vers le Futur 3. 1992: La Mort vous va si bien. 1994: Forrest Gump. 1997: Contact. 2000: Apparences. 2000: Seul au monde. 2004: Le Pôle Express. 2007: La Légende de Beowulf. 2009: Le Drôle de Noël de Mr Scrooge. 2013: Flight.


12 ans ! C'est le temps qu'il aura fallu attendre pour voir débarquer le nouveau Zemeckis en tant que long métrage "live" avec des comédiens de chair et de sang. Et justement en l'occurrence, Flight nous évoque de manière intimiste le portrait d'un capitaine meurtri, plongé dans son désarroi de la dépendance toxicologique et de la solitude conjugale. Le pitchUn commandant de bord et son équipage sont contraints de se poser en catastrophe après un incident technique majeur. Après avoir atterri dans un champs, Whip Whitaker perd connaissance pour se réveiller à l'hôpital. Il apprend via les infos télévisés que 6 personnes ont perdu la vie sur la totalité des 106 passagers. Considéré comme un héros par la population, l'investigation ne va pas tarder à lui suspecter une pathologie alcoolique.


Après avoir souvent oeuvré dans la comédie, la science-fiction et le fantastique, Robert Zemeckis décide cette fois-ci de nous confiner vers un drame psychologique rigoureux pour aborder de façon introspective la déchéance humaine d'un alcoolique. Après avoir éviter la pire des catastrophes aériennes, un capitaine va être enclin à reconsidérer son éthique pour peut-être dévoiler au grand jour son fardeau de l'addiction. Avec une émotion épurée, le réalisateur nous dépeint le portrait d'un brillant pilote d'avion ayant sans doute préalablement évité une hécatombe meurtrière mais qui, malgré tout, se révélera coupable d'un comportement éthylique irresponsable. Réflexion sur l'ambivalence des effets pervers de la drogue et l'alcool fustigeant ici l'existence aisée d'un capitaine renommé, Flight met en exergue le combat intrinsèque du malade avec sa propre moralité. En pilote versatile tributaire de sa déchéance, Denzel Washington apporte une fois de plus une densité humaine inévitablement ambiguë mais souvent poignante pour sa remise en question avec sa foi ainsi que sa responsabilité professionnelle. Un père esseulé en manque d'affection pour sa famille désunie, se consolant dans les bras d'une junkie en voie de convalescence. Mais un malade déshonoré par son alcoolisme, constamment obligé de mentir à son entourage pour occulter sa débauche, davantage tenaillé d'une éventuelle culpabilité envers la perte accidentelle de six défunts.


Déployant en prélude une séquence catastrophe aérienne étourdissante de réalisme dans son immersion frontale, Flight s'immisce ensuite dans l'intimité d'un alcoolique en perdition qui ne trouvera la rédemption qu'en acceptant sa propre déchéance. Filmé avec une élégante sobriété et porté à bout de bras par le charisme compact de Denzel Washington, Robert Zemeckis ausculte le  superbe portrait d'un héros corrompu hanté par la pénitence. 

17.01.13
Bruno Matéï


mardi 15 janvier 2013

COMPLIANCE

                                                Photo empruntée sur Google, appartenant au site lecontretemps.net

de Craig Zobel. 2012. U.S.A. 1h30. Avec Ann Dowd, Dreama Walker, Pat Healy, Bill Camp, Philip Ettinger, James McCaffrey.

Sortie salles France: 26 Septembre 2012. U.S: 21 Janvier 2012

FILMOGRAPHIE: Craig Zobel est un réalisateur, scénariste et producteur américain.
2006: Homestarrunner.com: Everything Else, Volume 2 (segment Homestarloween Party). 2007: Great World of sound. 2009: Of Montreal: in a fit of Hercynian Prig, Oculi. 2012: Compliance. Z for Zachariah.


Définition de Compliance: La conformité (qualité de ce qui est conforme) ou la conformation (action de se conformer) à des règles.

Inspiré d'un fait divers incongru à l'ineptie affligeante alors que 70 incidents du même type furent répertoriés dans 30 états des Etats-Unis durant les années 2000, Compliance est la parfaite définition de ce que l'être humain peut-être capable d'accomplir en se soumettant simplement aux règles d'une autorité drastique. L'intrigue se déroulant essentiellement derrière la cuisine d'un fast-food, Compliance nous illustre le calvaire au compte goutte d'une jeune serveuse affable, interrogée au téléphone par la police pour une affaire de vol d'argent auprès d'une ancienne cliente. Avec l'entremise de son manager puis d'autres intervenants, Becky va être contrainte de se plier aux exigences du policier sans pouvoir s'y opposer. Au fil des questionnements interminables, chaque protagoniste semble plongé dans une allégeance incontrôlée par la sagacité d'un interlocuteur perfide.


Mis en scène avec une maîtrise rigoureuse particulièrement acerbe et rehaussé d'une direction d'acteurs hors pair, ce drame psychologique toujours plus éprouvant provoque un malaise diffus émanant du comportement apathique de chacun des témoins. En position de voyeur malgré lui, le spectateur est invité à participer à une dérive psychologique dépassant la décence Spoiler !!! puisqu'au fil des conversations téléphoniques, une improbable affaire de viol est sur le point d'être tolérée. Fin du Spoiler. A partir de l'interrogatoire forcé, via téléphone interposé, d'un inspecteur de police dictant ses exigences à la responsabilité d'une directrice et du coupable présumé, Compliance est une étude scrupuleuse sur le pouvoir de soumission et de persuasion. Un jeu pervers de manipulation auquel les témoins particulièrement stressés vont devoir perpétrer des actes d'humiliation sur la victime démunie sans faire preuve de protestation, faute de représailles juridique.
Le réalisme clinique de la situation de détention, son climat étouffant régi au sein d'une pièce calfeutrée et la tension permanente qui y règne, faute du harcèlement téléphonique prolongé, incommode lourdement le spectateur, sévèrement épris de stupeur face au laxisme des protagonistes.


Dérangeant, éprouvant jusqu'au malaise et d'une tension difficilement supportable, Compliance démontre à quel point l'individu lambda peut résolument se subordonner à l'endoctrinement d'une autorité délétère. Ce fait divers décuplé à 70 reprises dans divers états américains prouve que notre intégrité peut parfois se corrompre à une dérive licencieuse par la persécution d'un habile maître-chanteur. Un drame nauséeux car effroyable de bêtise humaine dans le portrait asséné à certains témoins amorphes de l'affaire (le concubin en particulier !), littéralement écrasés par leur carence caractérielle.   

15.01.13
Bruno Matéï

DistinctionsMeilleure Actrice dans un second rôle pour Ann Dowd au National Board of Review Awards 2012.
Meilleure actrice de second rôle (Ann Dowd) et Meilleur film Artistique au St-Louis Film Critics Association Awards 2012.

lundi 14 janvier 2013

THE IMPOSSIBLE (Lo Impossible)

                                         Photo empruntée sur Google, appartenant au site filmsfix.com

de Juan Antonio Bayona. 2012. Espagne. 1h54. Avec Ewan McGregor, Naomi Watts, Geraldine Chaplin, Tom Holland, Marta Etura.

Sortie salles France: 21 Novembre 2012. U.S: Septembre 2012. Espagne: 11 Octobre 2012

FILMOGRAPHIE:  Juan Antonio Bayona est un réalisateur et scénariste espagnol, né en 1975 à Barcelone.
2004: Sonorama (video). 2004: 10 anos con Camela (video). 2005: Lo echamos a suertes (video). 2007: l'Orphelinat. 2012: The Impossible.


5 ans après l'Orphelinat, l'espagnol Juan Antonio Bayona nous retrace avec The Impossible l'histoire vraie d'une famille américaine emportée par la vague du tsunami ayant balayé l'ouest de la Thaïlande le 26 Décembre 2004. Après ce raz de marée meurtrier, le film décrit minutieusement les tentatives de retrouvailles pour cette famille traumatisée après l'ampleur inédite d'un désastre écologique.
Passé les 15 minutes d'exposition auquel le couple américain et ses trois enfants sont courtoisement accueillis dans le cadre édénique d'un village de vacances, le réalisateur ne perd pas de temps à les plonger dans l'horreur d'une catastrophe naturelle. L'estocade meurtrière impartie au tsunami surgit de plein fouet pour balayer en quelques secondes toute présence humaine s'y trouvant sur son chemin.
La séquence d'apocalypse plutôt concise mais traumatisante est mise en scène avec un réalisme brutal pour nous immerger en interne d'un cours d'eau incontrôlé. Elle ébranle littéralement le spectateur accroché à son fauteuil, contraint d'observer l'acharnement inflexible de ces gigantesques vagues venues engloutir la population et leur foyer ! La séquence cinglante où Maria et Lucas tentent de s'extirper de l'eau en s'infligeant moult blessures corporelles est un moment d'anthologie d'une intensité éprouvante !


Passé ses premières quarante minutes bouleversantes, le réalisateur souhaite se concentrer sur le destin précaire de cette famille désunie. Alors que Maria et le jeune Lucas sont recrutés dans un centre hospitalier, Henry va s'efforcer de les retrouver avant d'acculer ses deux autres enfants à rejoindre des bénévoles pour se protéger en amont des montagnes. Avec une émotion sensitive, n'éludant pas parfois le pathos et les bons sentiments, le réalisateur évoque à travers une tragédie le lien de filiation quand la famille se retrouve dissociée des siens. Plongé dans le marasme de la solitude et la peur instinctive de la mort, l'unique aspiration impartie à chacun des survivants sera de daigner retrouver au plus vite un membre de sa propre famille. Juan Antonio Bayona met notamment en avant l'instinct de survie et d'empathie chez la victime molestée (l'acharnement de Maria et Lucas pour rester unis au coeur des vagues meurtrières) ainsi que l'esprit de solidarité, de cohésion qui en découle quand le malheur a décidé de s'abattre sur une population endeuillée. Entassés dans des hôpitaux surpeuplés, les victimes mutilées et les survivants épuisés attendent patiemment des nouvelles de leur proche avec un espoir rude. Si la plupart des comédiens campent dignement leur rôle avec une pugnacité accablée, Naomi Watts livre une performance dramatique d'une grande intensité émotionnelle. La prestance martyr d'une mère emplie de courage car engagée dans un combat de survie pour sa propre destinée afin de pouvoir enlacer ses proches.


Survivre à l'apocalypse
Indubitablement poignant, terrifiant et bouleversant, The Impossible est un témoignage de solidarité pour ses héros méconnus ayant réussi à déjouer l'impossible, autant qu'un hommage humble à toutes ses victimes du Tsunami sacrifiées par un climat naturel insoumis (on compte entre 216 000 et 232 000 morts). S'il cède parfois à une sensiblerie appuyée (le faux suspense infligé au traitement de Maria vers son épilogue), son pouvoir émotionnel et son parti-pris hyper réaliste éprouvent dignement le spectateur.

14.01.13
Bruno Matéï

vendredi 11 janvier 2013

JOHN DIES AT THE END

                                     Photo empruntée sur Google, appartenant au site joblo.com

de Don Coscarelli. 2012. U.S.A. 1h39. Avec Chase Williamson, Rob Mayes, Paul Giamatti, Clancy Brown, Glynn Turman, Doug Jones, Daniel Roebuck.

Sortie U.S: 23 Janvier 2012

FILMOGRAPHIE: Don Coscarelli est un scénariste et réalisateur américain né le 17 Février 1954 à Tripoli (Lybie).
1976: Jim the World's Greatest. 1976: Kenny and Compagny. 1979: Phantasm. 1982: Dar l'invincible. 1988: Phantasm 2. 1989: Survival Quest. 1994: Phantasm 3. 1998: Phantasm 4. 2002: Bubba Ho-tep. 2012: John Dies at the end.


Après un surprenant Bubba Ho-Tep aussi drôle que poignant, il aura fallu 10 ans d'attente pour voir débouler le nouvel ovni du génial créateur de la saga Phantasm. Attention les yeux et les sens ! L'épreuve endurée faisant office de trip Lsd à tendance paranoïde ! John Dies at the end pratique sans modération la carte du délire dans un bordel erratique, faute d'une substance psychotrope matérialisant un univers parallèle peuplé de créatures hybrides. Tiré d'un roman feuilletonesque de David Wong publié sur le net au début des années 2000, John Dies at the end retranscrit à l'écran une intrigue irracontable car absconse mais d'une verve inventive absolument prolifique. A partir des effets altérants d'une drogue hallucinogène perturbant notre réalité afin de mieux l'asservir, deux jeunes acolytes vont se retrouver embarqués dans une série de vicissitudes aberrantes pour tenter de sauver l'humanité. Bourré de personnages interlopes imbriqués dans des univers indécis et de monstres visqueux évacués d'une nouvelle dimension, ce trip au vitriol ne cesse d'alterner des situations frappadingues où nos héros flegmes (accompagnés d'un toutou symbolique !), vont devoir contrecarrer l'invasion d'antagonistes perfides en instance de mutation.


Le spectateur, amusé ou irrité (c'est selon !), est embarqué tête baissée dans un monde parallèle chaotique déployant une profusion d'effets spéciaux à l'imagination insolente. Pour exemples, un hot-dog se subtilise en  téléphone, la moustache d'un flic s'y détache afin de voler de ses propres ailes, un pénis opulent remplace une poignée de porte, un chien prend la parole au lieu d'aboyer, le tir d'une balle rebondie sur sa cible corporelle, ou encore des bouts de viande congelée se combinent en monstre de chair. Entre comédie pittoresque, fantastique et horreur, Don Coscarelli n'aura jamais été aussi généreux pour satisfaire ses amateurs en usant notamment d'effets gores aussi percutants qu'échevelés (éclatement d'un oeil, bras arraché, tête explosée à coup de chevrotine, cadavres découpés en morceaux, quidams dévorés par des arachnides en mode "animation"). La complexité narrative du film est telle qu'on finit par pardonner l'outrance généreuse du réalisateur. En prime, le caractère attachant de nos losers, interprétés par de jeunes inconnus, permet au spectateur de s'identifier plus facilement dans leurs implications aussi hasardeuses qu'héroïques. Enfin, les aficionados ne manqueront pas de reconnaître l'apparition clin d'oeil du vétéran Angus Scrimm dans un rôle ironiquement bicéphale !


Bordélique en diable, parfois décousu, épuisant à suivre mais souvent jouissif dans son habileté imperturbable à nous déconnecter de notre réalité, John Dies at the end divisera sans nulle doute une bonne partie du public. Hormis son caractère hermétique et ses enjeux futiles, l'univers débridé façonné par Don Coscarelli fait preuve d'une inventivité ahurissante dans sa scénographie baroque, son humour espiègle et son bestiaire hétéroclite (on pense aux monstres tentaculaires de The Thing ou ceux organiques de Cronenberg !). Un divertissement hors normes à devenir culte, à découvrir absolument, quelque soit la déception encourue !

11.01.13
Bruno Matéï


jeudi 10 janvier 2013

QUELQUE PART DANS LE TEMPS (Somewhere in time). Antenne d'Or à Avoriaz, 1981

                                 Photo empruntée sur Google, appartenant au site badmovieart.blogspot.com

de Jeannot Swarc. 1980. U.S.A. 1h43. Avec Christopher Reeves, Jane Seymour, Christopher Plummer, Teresa Wright, Bill Erwin, George Voskovec, William H. Macy.

Sortie salles France: 6 Mai 1981. U.S: 3 Octobre 1980

Récompense: Antenne d'Or à Avoriaz, 1981

FILMOGRAPHIE: Jeannot Szwarc est un réalisateur français, né le 21 Novembre 1939 à Paris.
1973: Columbo: adorable mais dangereuse. 1975: Les Insectes de Feu. 1978: Les Dents de la Mer 2.
1980: Quelque part dans le temps. 1983: Enigma. 1984: Supergirl. 1985: Santa Claus. 1987: Grand Larceny. 1988: Honor Bound. 1990: Passez une bonne nuit. 1991: La Montagne de Diamants. 1994: La Vengeance d'une blonde. 1996: Hercule et Sherlock. 1997: Les Soeurs Soleil


Réalisateur éclectique, Jeannot Szwarc s'entreprend en 1980 d'adapter un roman de Richard Mathson, Le jeune homme, la mort et le temps. Rebaptisé au cinéma Quelque part dans le temps, cette tragédie romantique au postulat d'anticipation (les voyages temporels) demeure la plus brillante réussite de son auteur, justement récompensée de l'Antenne d'Or à Avoriaz. Au cours d'une réception, un écrivain de théâtre reçoit la visite d'une septuagénaire lui conjurant de lui revenir. Déconcerté par cette déclaration ainsi que l'offrande d'une montre antique, Richard Collier continue son existence solitaire dans le cadre passionnel de sa profession. Huit ans plus tard, alors qu'il loue la chambre d'un hôtel, il aperçoit sur le mur du hall le cadre d'une célèbre actrice photographiée en 1912. Irrésistiblement attiré, il semble reconnaître la vieille dame qu'il eut entrevue dans les coulisses de sa première représentation. Avec l'aide d'un professeur utopique, il va tenter de remonter le temps pour retrouver l'amour de sa vie.



A partir d'un canevas délirant axé sur les voyages temporels, le cinéaste français Jeannot Swarc s'improvise en conteur romantique sous l'entremise du notoire Richard Matheson. Ainsi, parmi la complicité talentueuse du couple candide Christopher Reeves / Jane Seymour, Quelque part dans le temps nous illustre leur romance éperdue avec une grâce particulièrement prude. Car retranscrit modestement à travers une reconstitution champêtre de l'époque des années 1910, cette bouleversante histoire d'amour utilise l'argument fantaisiste du voyage dans le temps afin d'unifier un couple infortuné, destiné à se retrouver dans une époque antérieure. Or, sans esbroufe, la méthode originale à laquelle le héros décide de remonter le temps est suggérée par le pouvoir de persuasion. A savoir l'autosuggestion par hypnose cérébrale ! Ainsi donc, cette astuce singulière réussit avec parcimonie à nous convaincre qu'un homme obstiné, irrésistiblement attiré par la volupté d'une inconnue, puisse accomplir l'inconcevable de par la seule force de son psyché ! Néanmoins, on est aussi en droit d'imaginer que tout ceci ne fut que l'hallucination contrariée d'un écrivain esseulé perdant peu à peu pied avec sa propre réalité !


D'un romantisme ardent et d'une sensibilité suave, Jeannot Swarc confectionne quelques instants d'émotion plein de poésie, non exempt d'humour pittoresque (Elise déclarant sa flamme en pleine représentation théâtrale face à un public hébété, la complicité amicale entretenue entre le petit Arthur - futur majordome de l'hôtel - et Richard). Outre la densité de son histoire passionnelle compromise par l'hostilité d'un maître chanteur, Quelque part dans le temps captive son spectateur grâce à la conviction d'interprètes habités par leur rôle ! En Dom Juan anachronique en émoi, affublé d'un costume rétrograde, Christopher Reeve incarne son personnage avec une pudeur innocente afin de conquérir sa future dulcinée. En comédienne de théâtre à l'orée d'une notoriété, Jane Seymour impose une présence gracile de par son élégance épurée et canalise au possible ses nobles sentiments pour sa rencontre avec un inconnu infaillible. A eux deux, ils forment sans mièvrerie un couple harmonieux vampirisé par la passion des sentiments. Quand au final proprement bouleversant (pour ne pas dire déchirant pour les + sensibles !), il saborde sa romance édénique lors d'un revirement inopiné. L'effet de surprise imposé de manière tranchée ébranle le spectateur démuni de tant d'amertume. Qui plus est, l'épilogue tout aussi tragique perdure dans l'affliction avant de nous émerveiller lors d'une ultime séquence à la fantasmagorie insondable.


D'une beauté puritaine à travers son classicisme imposé et d'une émotion bicéphale pour l'issue accordée à cette brèche temporelle, Quelque part dans le temps est un poème virginal sur la passion des coeurs et la perte de l'être cher. Soutenu de la symphonie pudibonde de John Barry, ce chef-d'oeuvre de lyrisme cisèle le portrait d'amants maudits destinés à perdurer au delà des frontières funestes.

10.01.13. 3èx
Bruno Matéï


lundi 7 janvier 2013

Psychose, Phase 3 (The Legacy)

                                           Photo empruntée sur Google, appartenant au site a2.moovidadb.com

de Richard Marquand. 1978. Angleterre/U.S.A. 1h39. Avec Katharine Ross, Sam Elliott, John Standing, Ian Hogg, Margaret Tyzack, Charles Gray, Roger Daltrey.

Sortie salles France: 2 Avril 1980. Angleterre: Septembre 1978

FILMOGRAPHIERichard Marquand est un réalisateur et producteur anglais, né le 22 Septembre 1938 à Cardiff, Pays de Galles, décédé le 4 Septembre 1987 à l'âge de 48 ans d'un accident vasculaire cérébral. 1970: Edward 2 (télé-film). 1971: The Search for the Nile (télé-film). 1975: The Puritain Experience: Forsaking England (moyen métrage). 1976: NBC Special Tret (télé-film). 1978: Psychose Phase 3. 1979: Birth of the Beatles. 1981: l'Arme à l'oeil. 1983: Le Retour du Jedi. 1984: French Lover. 1985: A double tranchant. 1987: Heart of Fire.


Dans la mouvance de Suspiria, Rosemary's Baby et consorts, Psychose phase 3 traite conformément du satanisme et de la sorcellerie sous l'effigie d'une modeste série B parfaitement efficace. Bien connu des amateurs de Fantastique qui ont pu le découvrir chez les tenanciers des vidéos lors des années 80, le premier long-métrage de Richard Marquand est un honnête divertissement réalisé sans prétention, tout à fait sympathique à travers son sens du rythme métronome. Le pitchA la suite d'un accident de moto, un couple est convié à séjourner dans le manoir du milliardaire Jason Montoulive. Alors que d'autres invités viennent s'y rejoindre, de mystérieux incidents meurtriers vont se succéder. Margaret et Pete décident de quitter la demeure, en vain...


Psychose Phase 3 est le genre de série B mineure de par son scénario orthodoxe et sa mise en scène dépouillée mais qui parvient sans difficulté à insuffler une indéniable sympathie auprès de l'aficionado du genre. Avec la bonhomie complice de la radieuse (et si rare !) Katharine Ross, convoyée du briscard moustachu Sam Elliott, ainsi que d'autres seconds rôles aussi avenants (le chanteur des Who, Roger Daltrey et le vétéran Charles Gray), cette énième conjuration sataniste réussit sans peine à préserver un intérêt constant. Et si l'on peut reprocher certaines facilités (les démêlés du couple manquent parfois un tantinet de persuasion), un faux raccord (l'attaque des rottweilers sur Pete) et quelques futiles incohérences, son intrigue occulte traitant de sorcellerie et de réincarnation suscite interrogation auprès de l'atavisme d'un milliardaire corrompu. Emaillé de séquences-chocs parfois spectaculaires ou intenses (immolation à travers les flammes de cheminée, étouffement par nourriture, noyade dans une piscine, empalements par des éclats de verre), Psychose Phase 3 réussit par ailleurs à insérer quelques péripéties haletantes. A l'instar de cette fuite chaotique entamée par le couple pour rejoindre leur bercail. Car tentant de s'échapper en désespoir de cause à cheval puis en voiture, les deux amants vont devoir emprunter le même parcours champêtre de façon récursive !


On pense parfois à Suspiria pour le cérémonial de cette étrange confrérie réunie autour d'un vieillard moribond, le caractère interlope de ses protagonistes (la majordome insidieuse est parfaite de présence délétère de par son flegme impassible !), et le décor baroque d'une piscine pourvue d'un esthétisme raffiné. Quelques rebondissements viennent également crédibiliser l'énigme ésotérique (la raison pour laquelle 5 membres des invités doivent être sacrifiés) avant la révélation escomptée d'un point d'orgue démoniaque non exempt de déconvenues. Enfin, en ce qui concerne son score musical, certains spectateurs pourront sourire de sa mélodie enjouée plutôt obsolète. En l'occurrence, cette sonorité pop typique des seventies lui renforce pourtant un charme rétro non négligeable.


Agréablement limpide et ludique à travers son classicisme contemporain mais efficace et très attachant, Psychose Phase 3 réussit comme par miracle à engendrer une série B trépidante dont le rythme alerte le prémunit de sa banalité. En prime, l'aspect gothique érigé autour d'un manoir british ainsi le caractère trouble de sa conspiration surnaturelle véhiculent un pouvoir de fascination quelque peu diaphane avant de nous surprendre par son final anti happy-end. 

*Eric Binford
15.09.21. 4èX
07.01.13. 


samedi 5 janvier 2013

MANIAC

                                                 Photo empruntée sur Google, appartenant au site marvelll.fr

de Franck Khalfoun. 2012. France/U.S.A. 1h33. Avec Elijah Wood, Nora Arnezeder, Liane Balaban, America Olivo, Joshua De La Garza.

Sortie salles France: 2 Janvier 2013

FILMOGRAPHIEFranck Khalfoun est un réalisateur, scénariste, acteur et monteur américain
2007: 2è Sous-sol. 2009: Engrenage Mortel (Wrong Turn at Tahoe). 2012: Maniac



Discrédité avant même l'entreprise de sa réalisation puisque estampillé remake bancable d'après un chef-d'oeuvre traumatisant, Maniac, nouvelle mouture, prenait également le risque d'attribuer son rôle titre à un illustre acteur au minois infantile. Un choix particulièrement couillu qui laissait craindre le pire, d'autant plus que son réalisateur novice était déjà responsable de deux manufactures conventionnelles. Produit par William Lustig en personne, épaulé des français Aja et Levasseur (notamment crédités au scénario), cette nouvelle déclinaison adopte le parti-pris de ne pas vulgairement copier-coller son modèle cradingue. Filmé entièrement en caméra subjective du point de vue du tueur, Maniac version 2012 est une nouvelle descente aux enfers dans les bas-fonds de Los Angeles qu'un tueur psychopathe s'entreprend de nettoyer des quartiers malfamés putes et call-girl racoleuses. Dès le prologue, l'ambiance anxiogène et crépusculaire d'un new-york insalubre nous est illustrée avec un réalisme cafardeux (badauds désoeuvrés sont mêlés à la foule cosmopolite arpentant des trottoirs inondés de déchets). A l'image cinglante de son premier crime imposé de manière totalement impromptue.


La cruauté du meurtre et l'impuissance à laquelle la victime ne puisse exprimer la moindre clameur nous saisit de stupeur. La bonne nouvelle c'est qu'ensuite l'errance quotidienne du maniac dans les rues nocturnes restera une dérive introspective jalonnée d'estocades aussi terrifiantes qu'éprouvantes. Car durant tout son cheminement meurtrier, le spectateur est forcément contraint de s'identifier instinctivement à son existence sordide grâce à l'agilité d'une caméra subjective en interne du sujet ! L'effet d'immersion est immédiat mais surtout il dérange, incommode, asphyxie son public pris en otage par ses pensées déficientes, ses visions horrifiées de mannequins ensanglantés blottis dans une chambre tamisée et surtout ses crimes crapuleux lâchement perpétrés avec violence acérée ! Autant avouer que dans cette nouvelle mouture, l'effet de submersion est beaucoup plus prégnant que dans son modèle originel. A contrario, on est loin du traumatisme imposé par le climat poisseux de Lustig et du jeu transi d'émoi de Joe Spinell ! Néanmoins, certaines séquences gores percutantes ont de quoi retourner les estomacs les plus fragiles, mais surtout sa sauvagerie cuisante qui en découle effleure parfois l'insupportable (le meurtre à coups de poignards d'une prostituée réfugiée dans un parking est franchement pénible à endurer !).


 Il faut notamment louer la maîtrise de sa mise en scène expérimentale (le jeu de miroirs judicieux pour entrevoir le visage du tueur) ou affinée (certaines séquences stylisées surprennent par son esthétisme poétique d'autant plus épurée d'une photo limpide) et la manière habile dont le réalisateur exploite son potentiel de terreur face aux exactions du maniac. A ce titre, le point d'orgue final jusqu'au-boutiste s'avère un moment d'anthologie particulièrement éprouvant lors la traque de la dernière victime en instance de survie. Et le gore paroxystique d'atteindre son apogée dans un épilogue aussi bestial et grand-guignol que son ancêtre. Pour parachever, nos scénaristes ont eu la bonne idée d'insister sur l'idylle amoureuse entre Franck et une photographe de mode. En l'occurrence, l'empathie accordée à ce dernier s'avère beaucoup plus persuasive si bien qu'une réelle compassion lui est finalement tolérée auprès du spectateur. Le réalisateur prenant bien soin d'illustrer sa pyché torturée à travers une réminiscence infantile résultant des exactions sexuelles de sa mégère. En résulte une ambiance de nonchalance teintée de mélancolie qui imprègne toute la pellicule,  amplifiée par la mélodie d'un score tragique infiniment fragile. Un parti-pris adéquat pour mettre en exergue la romance fébrile des deux protagonistes esseulés et pour ausculter le passé douloureux du tueur misogyne, victime malgré lui d'une enfance galvaudée.


A bout de souffle
Terrifiant et dérangeant par son immersion expérimentale, glauque et malsain (même si à 100 lieux du chef-d'oeuvre initial), mais surtout sauvage et cruel, Maniac adopte l'intelligence de se démarquer de son modèle sans faire preuve d'esbroufe mais en insistant plutôt sur la déchéance mentale du tueur pathétique livré à une insupportable solitude. Et si au premier abord Elijah Wood avait de quoi laisser dubitatif pour prendre la relève au jeu maladif de Joe Spinell, il parvient sobrement à y imprimer sa propre personnalité dans le corps d'un psychopathe timoré et impuissant, égaré dans l'amertume d'un amour insoluble. La nouvelle génération peut applaudir, un nouveau classique de l'horreur hardcore leur est également léguée.

* Bruno
05.01.13


vendredi 4 janvier 2013

Tourist Trap / Le Piège

                               Photo empruntée sur Google, appartenant au site fascinationcinema.tumblr.com

de David Schmoeller. 1979. U.S.A. 1h30. Avec Chuck Connors, Jocelyn Jones, Jon Van Ness, Robin Sherwood, Tanya Roberts, Dawn Jeffory, Keith McDermott.

Sortie salles France: 30 Avril 1980. U.S: 16 Mars 1979

FILMOGRAPHIE: David Schmoeller est un acteur, monteur, producteur, réalisateur et scénariste américain, né le 8 décembre 1947 à Louisville, dans le Kentucky (Etats-Unis). 1976: The Spider will kill you (Court-Metrage). 1979: Le Piège. 1982: The Seduction. 1986: Fou à Tuer. 1988: Catacombs. 1989: Puppet Master. 1991: The Arrival. 1992: Le Rebelle ("Renegade"). Série TV. 1992: Netherworld. 1998: The Secret Kingdom. 1999: Please Kill Mr Kinski. 1999: Search for the Jewel of Polaris: Mysterious Museum (télé-film).


Film culte pour toute une génération de cinéphiles alors qu'il s'agissait de la première réalisation d'un cinéaste novice, Tourist Trap forgea une empreinte indélébile chez les vidéophiles des années 80. Quelques décennies plus tard, force est de constater qu'il n'a pas pris une ride à travers son climat d'étrangeté prégnant spécialement insaisissable. Le pitchA la suite d'une panne de véhicule, quatre vacanciers s'égarent dan un coin de campagne. Un sexagénaire solitaire les accueille chaudement dans sa demeure là où des mannequins de cire font office d'ornement. Bientôt, d'étranges évènements vont intenter à la vie des estivants. Modeste série B lorgnant du côté des survivals des Seventies et des classiques de l'horreur archaïque, Tourist Trap doit son salut à une ambiance inquiétante héritée des contes funèbres de notre enfance. Car en jouant sur les terreurs enfantines de l'ogre tapi dans les bois et sur l'aspect baroque des mannequins de cire, David Schmoeller cristallise un cauchemar surnaturel auquel un psychopathe doué de pouvoirs télékinésiques y matérialise son propre univers. Dès la séquence d'ouverture, une atmosphère lourde et anxiogène s'insinue lentement dans l'esprit du spectateur, juste avant de témoigner du meurtre d'un pèlerin réfugié au sein d'une pièce calfeutrée. Des forces surnaturelles et des mannequins gouailleurs s'y déchaînent jusqu'à ce que mort brutale s'ensuive. Avec une belle efficacité, le réalisateur insuffle un sentiment oppressant en interne du huis-clos en jouant sur les entités paranormales de mannequins doués de vie ! Leur rictus démoniaque mêlé de braillements stridents provoquant un malaise tangible chez la victime démunie ainsi que le spectateur.


Après ce prélude saisissant où la cruauté se dispute à la poésie macabre (un tuyau empalé dans les reins de la victime laisse écouler lentement des gouttelettes de sang sur le sol), David Schmoeller nous confine dans l'étrange musée d'un redneck anachronique, lourdement affecté par la mort de son épouse. Avec l'arrivée inopinée de quatre vacanciers aimablement recueillis par leur hôte, des évènements meurtriers vont rapidement s'y succéder. Ainsi, afin d'entretenir un suspense interlope et distiller l'appréhension, le réalisateur fait intervenir un second personnage, le frère du propriétaire, affublé d'un masque de plâtre sur le visage. Dès lors, après que chaque meurtre eut été perpétré au milieu d'un chassé-croisé, le spectateur ne sait plus où donner de la tête afin de repérer le coupable présumé ! Qui plus est, nous devons notamment tenter de démêler le vrai du faux avec ces automates amovibles ou statiques manipulés par télékinésie. Si bien que dans les couloirs et les chambres, des rangées de mannequins de femmes y sont exposées, chuchotant ou gémissant parfois de plaintes langoureuses. Alors que dans la cave, d'étranges expériences sont administrées sur le corps des victimes kidnappées. Ainsi, dans une photographie ocre et sépia accentuant son climat feutré, David Schmoeller peaufine ses décors tamisés ainsi que sa nature en clair-obscur pour nous fantasmer une sorte de cauchemar éveillé où un tueur rural s'est forgé une nouvelle matérialité. Dans le rôle du tueur, Chuck Connors réussit à donner chair à son personnage interlope avec la retenue d'un regard flânant. A contrario, si les autres interprètes manquent d'aplomb et imposent un jeu limité, ils réussissent néanmoins à provoquer un certain attachement de par leur naïveté candide à se laisser berner par l'oppresseur.


Série B horrifique au scénario de prime abord convenu mais finalement singulier, Tourist Trap distille une incroyable rigueur à travers son ambiance d'étrangeté aux cimes de la féerie macabre. Et pour y transcender son onirisme indicible, le sublime score composé par Pino Donagio envoûte nos sens avec une émotion élégiaque. Du pur cinéma d'ambiance que les cinéastes actuels feraient mieux de raviver pour imposer leur patte et s'écarter de l'ornière. 

*Bruno
03.09.22. 5èx. Vostfr
04.01.13.