jeudi 19 mars 2015

La Fille de Jack l'Eventreur / Hands of the Ripper

                                                    Photo empruntée sur Google, appartenant au site avoir-alire.com

de Peter Sasdy. 1971. Angleterre. 1h25. Avec Eric Porter, Angharad Rees, Keith Bell, Jane Merrow, Derek Godfrey, Dora Bryan.

Sortie salles Angleterre: 17 Octobre 1971

FILMOGRAPHIE: Peter Sasdy est un réalisateur anglais, né le 27 Mai 1935 à Budapest. 1970: Une Messe pour Dracula. 1971: La Fille de Jack l'Eventreur. 1971: Comtesse Dracula. 1972: Doomwatch. 1972: The Stone Tape (télé-film). 1973: Nothing but the Night. 1975: Evil Baby. 1975: King Arthur, the young Warlord. 1977: Welcome to blood City. 1983: The Lonely Lady. 1989: Ending up (télé-film). 1991: Sherlock Holmes and the leading lady (télé-film).


Fidèle artisan de la Hammer Film, puisque déjà responsable d'Une Messe pour Dracula puis un peu plus tard de Comtesse Dracula, Peter Sasdy entreprend avec La fille de Jack l'éventreur de revisiter notre criminel notoire de manière plutôt originale si bien que la psychanalyse et le surnaturel se télescopent durant tout le cheminement narratif. Le PitchTraumatisée par la mort de sa mère assassinée sous ses yeux par son père Jack l'Eventreur, Anna est recueillie par une médium pour être exploitée à la prostitution. Mais à la suite d'un élément déclencheur ravivant son souvenir morbide, Anna l'assassine froidement. Témoin de la scène, le médecin John Prichard décide de la prendre sous son aile afin d'étudier sa pathologie schizophrène. Cette intrigue astucieuse opposant également la foi spirituelle et l'athéisme cultive une progression du suspense parmi la relation épineuse d'une meurtrière accompagnée de son théoricien. Dépeinte comme une véritable victime, faute de son témoignage de l'assassinat de sa mère par son propre père et de ces tourments invoqués par l'esprit diabolique de ce dernier, Anna nous suscite l'empathie dans sa fragilité et son émoi ingérable. 


Au fil de ses exactions meurtrières aussi imprévisibles que sauvages (gore graphique à l'appui !), l'intensité dramatique de ces estocades émane également de l'attitude complice du médecin féru de compassion pour elle tout en l'exploitant à des fins scientifiques. Celle d'y démystifier la nature criminelle d'un assassin puis tenter de le guérir de ses pulsions psychotiques. Bravant l'interdit parmi l'appui d'un membre du parlement plutôt sournois, John Prichard s'adonne donc à l'illégalité afin de protéger sa patiente et apporter son concours au progrès de la psychothérapie. Ces rapports troubles entamés entre ces deux personnages font tout le sel de l'intrigue fertile en meurtres cinglants en accordant une belle attention à leur étude de caractères ternies par le désespoir et l'angoisse. Outre l'interprétation pleine d'aplomb du vétéran Eric Porter, La Fille de Jack l'Eventreur est sublimé de la prestance angélique de Angharad Rees. Une jeune actrice affublée d'un teint de porcelaine mais dont la préoccupation du regard en atténue sa fraîcheur pour nous laisser transparaître la confusion. L'intensité de son jeu névrosé doit donc beaucoup au caractère crédible de son cheminement psychotique jusqu'à ce que la dernière partie vienne nous ébranler de plein fouet par son émotion tragique. Un final majestueux d'une beauté morbide singulière, notamment par son ampleur grandiloquente édifiée dans une galerie des échos.


Réalisé durant la dernière décennie de la Hammer Film, La Fille de Jack l'Eventreur fait preuve d'une belle audace dans la violence sanguine de ces actes meurtriers et dans l'originalité de son script détournant intelligemment l'archétype du célèbre éventreur. Un fleuron du psycho-killer surnaturel dont la dimension dramatique des deux complices culmine vers un splendide point d'orgue taillé dans le lyrisme mélancolique. 

*Bruno 
12.12.22. 
3èx. VF

3

mercredi 18 mars 2015

LES MAITRESSES DE DRACULA (The Brides of Dracula)

                                                Photo empruntée sur Google, appartenant au site galleryhip.com

de Terence Fisher. 1960. Angleterre. 1h25. Avec Peter Cushing, Yvonne Monlaur, David Peel, Martita Hunt, Freda Jackson, Fred Johnson.

Sortie salles France: 21 Décembre 1960. U.S: 5 Septembre 1960. Angleterre: 7 Juillet 1960

FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Terence Fisher est un réalisateur britannique né le 23 février 1904 à Londres (Maida Vale), et décédé le 18 juin 1980 dans la même ville.
1957 : Frankenstein s'est échappé, 1958 : Le Cauchemar de Dracula , 1958 : La Revanche de Frankenstein , 1959 : Le Chien des Baskerville , 1959 : L'Homme qui trompait la mort , 1959 : La Malédiction des pharaons, 1960 : Le Serment de Robin des Bois , 1960 : Les Étrangleurs de Bombay, 1960 : Les Maîtresses de Dracula, 1960 : Les Deux Visages de Docteur Jekyll , 1961 : La Nuit du loup-garou, 1962 : Le Fantôme de l'Opéra , 1962 : Sherlock Holmes et le collier de la mort, 1963 : The Horror of It All, 1964 : La Gorgone , 1965 : The Earth Dies Screaming, 1966 : L'Île de la terreur , 1966 : Dracula, prince des ténèbres , 1967 : La Nuit de la grande chaleur , 1967 : Frankenstein créa la femme, 1968 : Les Vierges de Satan, 1969: Le Retour de Frankenstein, 1974 : Frankenstein et le monstre de l'enfer.


Tourné entre le Cauchemar de Dracula et Dracula, Prince des ténèbres au sein de la carrière de l'éminent Terence Fisher, Les Maîtresses de Dracula s'alloue d'un cachet particulier en l'absence du gentleman de l'horreur, Christopher Lee. Un parti-pris volontaire de la part de son auteur privilégiant ici la stature plus rassurante d'un acteur aussi bellâtre qu'efféminé afin de redorer le blason du vampire archaïque. A ce titre, le préambule envoûtant de manque pas de distiller une atmosphère de mystère latent lorsqu'une jeune institutrice accueillie au château de la baronne Meinster découvre la condition d'esclave du fils de cette dernière. Eprise de compassion pour son sort et sa beauté innocente, elle décidera de lui porter secours pour lui ôter sa chaîne sans mesurer la gravité de son acte de délivrance. Le baron Meinster symbolisant bien entendu la menace du vampire aristocrate particulièrement fourbe dans son art de séduire cette candide proie trop influençable. Emprisonné dès son plus jeune age au sous-sol du château par sa mère et sa gouvernante, celui-ci peut enfin profiter de sa liberté pour aller répandre le mal dans un village déjà contrarié par les superstitions. Pour sa conquête du Mal et du pouvoir, quoi de plus manipulable que de séduire de naïves étudiantes après Spoiler ! s'être débarrassé de sa génitrice ! Fin du Spoiler


A partir de cette intrigue simpliste réunissant la plupart des clichés du genre, Terence Fisher en tire un modèle d'efficacité dans la dextérité de sa structure narrative alternant l'investigation circonspecte et la traque du Dr Val Helsing (que Peter Cushing endosse avec traditionnel aplomb !) avec la relation naissante de Marianne, femme-objet éprise d'amour pour le Baron. A cet égard, ce dernier semble d'ailleurs plus obnubilé à l'idée d'infecter sa victime pour procréer le Mal plutôt que de choisir sa muse en guise d'amour éternel. Comme de coutume chez les studios Hammer, on retrouve le soin formel imparti aux décors gothiques du château et d'un moulin à vent (dont un final fulgurant par son atmosphère crépusculaire de pleine lune bientôt ravivée par la lumière d'un incendie !), épaulé d'une photographie suave tirant sur le mauve. Sans compter le charisme indétrônable de tous les comédiens (la française Yvonne Monlaur s'avérant par ailleurs délicieuse de volupté charnelle !) et la maîtrise d'une mise en scène épurée transcendant par exemple les apparitions spectrales des maîtresses du Mal, fantômes nocturnes affublés de nuisettes de soie blanche !


Sans révolutionner le genre, Terence Fisher accomplit toutefois un nouveau tour de force dans l'efficience de sa construction narrative remarquablement contée et parfois traversé d'épisodes démoniaques, à l'image de l'exhumation d'une vampire incantée par une gouvernante désaxée. Qui plus est, parmi certaines trouvailles audacieuses (le traitement infligé à Van Helsing, la relation ambiguë du Baron avec sa famille puis celle de la gente féminine) et l'iconisation de ce vampire dandy, Les Maîtresses de Dracula s'alloue d'un traitement vénéneux dans la caractérisation sournoise d'un vampire uniquement motivé par le pouvoir et l'émancipation par sa condition souveraine.   

Bruno Matéï
2èx


mardi 17 mars 2015

WHAT WE DO IN THE SHADOWS

                                                                         Photo empruntée sur Google, appartenant au site bloody-disgusting.com

de Jemaine Clement, Taika Waititi. 2014. Nouvelle-Zélande. 1h25. Avec Jemaine Clement, Taika Waititi, Jonathan Brugh, Cori Gonzales-Macuer, Stuart Rutherford.

Sortie salles France: Prochainement. Sortie salles Nouvelle-Zélande: 19 Juin 2014

FILMOGRAPHIEJemaine Clement est un acteur, musicien, humoriste et réalisateur néo-zélandais, né le 10 Janvier 1974 à Masterton. 2014: What we do in the Shadows.
Taika Waititi est un réalisateur, scénariste, acteur et producteur néo-zélandais, né le 16 Août 1975. 
2002: John and Pogo. 2004: Two Cars, One Night. 2004: Heinous Crime. 2005: Tama Tu. 2007: A chacun sa chacune. 2008: Cinema 16: World Short Films. 2010: Boy. 2014: What we do in the Shadows


Sélectionné à Gérardmer 2015 mais déclaré "hors-compétition", What we do in the shadows est une petite production indépendante venue de la Nouvelle-Zélande, à l'instar du très sympa et bricolé Housebound. Ici, le duo Jemaine Clement / Taika Waititi empreinte la même démarche de la comédie horrifique avec un hommage appuyé pour la parodie vampirique. Afin de tenir lieu d'un documentaire, une équipe de cameramans dont nous ne verrons jamais le visage fait irruption dans la quotidienneté de vampires cohabitant dans leur demeure sclérosée. Mais dans sa nouvelle condition d'immortel, l'arrivée d'un cinquième membre va ébranler leur tranquillité au point de les mettre en danger. Comédie pittoresque surfant sur le principe du Found FootageWhat we do in the Shadows dépeint avec ultra réalisme les vicissitudes de vampires anachroniques s'efforçant de se faire discret au sein de notre société moderne. Incessamment interrogés face caméra et pris en filature chez leurs faits et gestes de virées nocturnes, ces vampires au look aristocrate ont accepté de se prêter au jeu de la vérité pour nous livrer indépendamment leurs confidences, entre liberté épanouie mais aussi mélancolie esseulée (la souffrance récurrente de voir disparaître les êtres chers au fil de leur existence et celle de ne pouvoir croiser l'amour même si l'un d'eux en sortira vainqueur !).


Emaillé de déboires et festivités avec d'improbables rencontres nocturnes (les altercations avec les loups-garous valent leur pesant de cacahuètes !), où gags hilarants et idées retorses fusent tous azimuts (compter en moyenne une trouvaille toutes les 10 secondes !), What we do in the shadows redouble de générosité cocasse. A l'instar de la bonhomie décalée deux nouveaux protagonistes entrant en scène par inadvertance et donc prochainement voués à la métamorphose malgré leur charisme lambda. Si le film fait preuve d'une vigueur rafraîchissante dans le sens des réparties et des rapports parfois houleux compromis entre nos acolytes, il le doit beaucoup à la spontanéité des comédiens se prêtant au jeu avec autant de sobriété que de dérision mordante. L'aisance de cette parodie émanant notamment de leur esprit de cohésion et de leur indulgence à épargner la vie d'un humain trop vertueux pour le vouer au sacrifice. Ce savoureux dosage d'humour noir et de tendresse prouve aussi l'indéniable respect des réalisateurs à se moquer du genre vampirique sans volonté de les vulgariser au ridicule. Et en alternant notamment le clin d'oeil amusé aux classiques d'antan (Nosferatu et le Bal des Vampires en premier lieu !) et aux séries B édulcorées de la nouvelle génération (Twilight et Blade sont gentiment pastichés). En prime, sans se livrer à une démonstration de force opportuniste, les effets-spéciaux numériques qui intègrent discrètement l'intrigue retrouvent le charme et la magie d'antan par leur réalisme cuisant et leurs effets spectaculaires de stupeur inopinée.    


Débordant de bonne humeur et d'enthousiasme sans verser dans l'outrance ou la trivialité, What we do in the shadows symbolise par miracle la difficile recette rire/frisson dans un esprit décomplexé généreusement inventif. Car accordant une grande part d'humanisme à la caractérisation décalée de ces vampires séculaires, le film s'avère délicieusement réaliste au point d'envier leur situation invulnérable. A la manière du Bal des Vampires et de Vampires, vous avez dits VampiresWhat we do in the shadows s'édifie donc en perle rare appelée à devenir culte chez les amateurs de parodie révérencieuse. A mon sens, et sans me laisser gagner par l'euphorie actuelle, il s'agit de la meilleure comédie horrifique vue depuis les deux classiques précités. Et le film de parachever ses nobles intentions sur une leçon de tolérance romantique que n'auraient pas renié Harold et Maude

Bruno Matéï


lundi 16 mars 2015

LA PROCHAINE FOIS JE VISERAI LE COEUR

                                                                Photo empruntée sur Google, appartenant au site estelleelkaim.wordpress.com

de Cédric Anger. 2014. France. 1h51. Avec Guillaume Canet, Ana Girardot, Jean-Yves Bertellot, Patrick Azam, Arnaud Henriet, Douglas Attal, Piérick Tournier.

Sortie salles France: 12 Novembre 2014

FILMOGRAPHIE: Cédric Anger est un réalisateur et scénariste français, né 1975
2011: L'Avocat. 2014: La prochaine fois je viserai le coeur.


Inspiré de l'affaire du "Tueur de l'Oise" au cours duquel les exactions d'Alain Lamare eurent lieu à la fin des années 70, Cédric Anger nous propose avec la Prochaine fois je viserai ton coeur un drame criminel glaçant sous la houlette d'un gendarme perpétrant une vague de meurtres auprès de jeunes étudiantes dans la région de Picardie. Timide et introverti, vivant reclus dans un appartement, la solitude de Franck finit par l'orienter vers une devise criminelle, celle de la folie meurtrière, sachant que lors de son arrestation il fut reconnu irresponsable de ses actes pour être interné en Psychiatrie. Les experts évoqueront d'ailleurs chez lui le syndrome de l'héboïdophrénie, une psychopathologie de l'ordre des schizophrénies.


Outre le climat maussade d'une région bucolique ternie par l'intempérie, ce parti-pris esthétique reflète avec la sinistrose du criminel dans sa conscience aussi torturée qu'impassible. Un misanthrope incapable d'éprouver une quelconque compassion lorsqu'il s'efforce d'entamer une liaison avec une amie puis de fréquenter en parallèle la communauté gay, mais aussi inapte à ressentir un éventuel remord de dernier ressort pour ses actes crapuleux. Et dans un rôle à contre-emploi, Guillaume Canet réussit à faire oublier son illustre stature pour incarner à l'écran ce tueur pisse-froid se raillant du corps policier (il ne cesse de manipuler ses confrères afin de mieux brouiller les pistes) et de sa petite amie car suscitant une véritable aversion pour les rapports de tendresse. Son seul dérivatif afin de se libérer de ses actes criminels et oublier l'indifférence de ses parents, s'expier de ses pêchers par le masochisme en se flagellant le corps ou en se baignant par l'eau glacée ! C'est donc l'introspection d'un serial-killer peu commun que nous illustre Cédric Anger parmi le souci documentaire de ces pérégrinations solitaires et le réalisme sordide de ces assassinat en série. A l'instar du premier homicide perpétré froidement sur une auto-stoppeuse dans le cadre étriqué de son véhicule. Une séquence choc assez pénible par l'estocade improvisée et l'affolement désaxée du meurtrier ! Enfin, la partition musicale cafardeuse accompagne toute l'intrigue à la manière d'une lancinante marche funèbre que le tueur frigide déambule jusqu'au point de chute de son arrestation.


Austère et rigide, de par son atmosphère dépressive imposée et les pulsions névrotiques du sociopathe, La Prochaine fois je viserai le coeur privilégie densité psychologique et intensité des moments crapuleux parmi l'aplomb inflexible de Guillaume Canet

Bruno Matéï


vendredi 13 mars 2015

GODZILLA (Gojira)

                                                                               Photo empruntée sur Google, appartenant au site galleryhip.com

de Hishiro Honda. 1954. Japon. 1h36. Avec Akira Takarada, Momoko Kôchi, Akihiko Hirata, Takashi Shimura, Fuyuki Murakami.

Sortie salles Japon: 3 Novembre 1954. Sortie Française: 1957

FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Hishiro Honda est un réalisateur japonais né le 7 Mai 1911, décédé le 28 Février 1993 à Tokyo.
1954: Godzilla. 1955: L'Abominable homme des neiges. 1956: Godzilla, king of the monsters ! 1956: Rodan. 1957: Prisonnière des martiens. 1961: Mothra. 1962: King Kong contre Godzilla. 1963 : Matango. 1963: Atragon. 1964: Mothra contre Godzilla. 1964: Dogora, the Space Monster. 1964: Ghidrah, le monstre à trois têtes. 1965: Frankenstein vs. Baragon. 1965: Invasion Planète X. 1966: Come Marry Me. 1966: La Guerre des monstres. 1967: La Revanche de King Kong. 1968: Les envahisseurs attaquent. 1969: Latitude Zero. 1969: Godzilla's Revenge. 1970: Les Envahisseurs de l'espace. 1975: Mechagodzilla contre-atttaque. 1980: Kagemusha, l'ombre du guerrier. 1990: Rêves (Yume) (coréalisé avec Akira Kurosawa). 1993: Madadayo.


Métaphore sur le péril atomique et les conséquences psychologiques de la guerre après les bombardements, Godzilla est ce que l'on peut nommer un film hybride. Dans le sens où Hishiro Honda alterne le caractère spectaculaire de destructions massives et de foule en panique avec l'aspect docu-drama du génocide de la guerre lorsqu'un monstre préhistorique vient d'anéantir toute une ville. Célébré ensuite comme une icone populaire auprès des jeunes spectateurs par le biais d'une série de divertissements dévoilant notre monstre d'écaille sous un aspect autrement héroïque, Godzilla version 54 n'emprunte pas le ton de la légèreté, en dépit de ses redondances à mettre en exergue l'appétit destructeur de ce dernier saccageant moult infrastructures urbaines. On est d'ailleurs frappé par l'ambiance crépusculaire qui émane de ses apparitions dantesques lorsqu'une ville incendiée est bientôt réduite en décharnement ! La texture monochrome de sa photographie amplifiant l'aspect sinistre de ces visions d'apocalypse ternies par la nuit ! Quant à la démarche nonchalante de Godzilla filmée au ralenti, sa lourde présence, son rugissement strident, son souffle atomique et son regard spectral nous évoque l'aliénation d'un animal déchu par les rayonnements chimiques ! On est aussi frappé par le réalisme de sa morphologie d'écaille alors que derrière le masque s'y cache un cascadeur en combinaison !


Si la première heure adopte une démarche laborieuse par son rythme poussif à insister sur l'inquiétude et l'affolement de la population japonaise prise à partie avec les récurrentes provocations du monstre, les 35 dernières minutes affichent une intensité dramatique franchement évocatrice quant au contexte chaotique d'une population en berne. Témoignage aussi puissant que bouleversant faisant écho aux traumatismes d'Hiroshima et de Nagasaki, le film insuffle dès lors une affliction mélancolique (score élégiaque à l'appui !) lorsque Hishiro Honda s'attarde à décrire l'apitoiement des femmes et des enfants démunis après le désastre causé par l'animal. Fruit des conséquences de la radioactivité provoquée par les essais nucléaires de l'homme, ce dernier n'est donc qu'une victime mutante rendue erratique par notre faute. Le scientifique étant capable de transfigurer de nouvelles armes nucléaires pour mieux intimider son rival et anticiper la guerre. On est aussi ébranlé par l'empathie que l'on s'accorde finalement pour Godzilla lorsque celui-ci se retrouve exploité au fond de la mer par la cause de "l'oxygen destroyer". L'invention novatrice d'un chimiste chargé de remords mais prêt à se sacrifier pour pardonner la folie de ses expérimentations !


Chant d'amour désespéré pour la paix, cri d'alarme contre les essais nucléaires, témoignage bouleversant sur le génocide des guerres et la condition des enfants martyrs, Godzilla fait preuve d'une rigueur dramatique inattendue lors de sa bouleversante dernière partie. On pardonne alors l'aspect cheap des FX en carton-pâte et la lenteur de son rythme abusant de redondances dans son premier acte pour garder en mémoire un douloureux réquisitoire contre le péril atomique. 

Bruno Matéï
3èx

jeudi 12 mars 2015

L'INVASION DES MORTS-VIVANTS (The Plague of the Zombies)

                                                                Photo empruntée sur Google, appartenant au site projectdeadpost.com

de John Gilling. 1966. Angleterre. 1h30. Avec André Morell, Diane Clare, John Carson, Brooks Williams, Jacqueline Pearce, Michael Ripper.

Sortie salles Angleterre: 9 Janvier 1966

FILMOGRAPHIE SELECTIVE: John Gilling est un réalisateur et scénariste anglais, né le 29 Mai 2012 à Londres, décédé le 22 Novembre 1984 à Madrid (Espagne).
1957: Pilotes de haut-vol. 1958: Signes particuliers: néant. 1959: L'Impasse aux Violences. 1961: Les Pirates de la Nuit. 1962: L'Attaque de San Cristobal. 1966: L'Invasion des Morts-Vivants. 1966: La Femme Reptile. 1967: Dans les Griffes de la Momie. 1975: La Cruz del diablo.


Tourné simultanément avec La Femme-Reptile en 1966 pour utiliser les mêmes décors du village de Cornwall et du château, John Gilling renoue avec l'horreur insolite dans cette variation originale du mythe du zombie. L'invasion des morts-vivants illustrant leur résurrection par le culte du vaudou et pour servir d'esclaves au fond d'une mine désaffectée. A la suite d'une vague de morts inexpliqués, le docteur Peter Tompson demande l'aide de son confrère, le professeur Forbes, afin de tenter d'élucider ces macabres découvertes. Leur investigation les entraînent à fréquenter un châtelain accompagné de sbires spécialisés dans la chasse à courre. 


Bâti sur le même principe que la Femme-Reptile, à savoir l'enquête policière que deux protagonistes vont prolonger pour éclaircir la vérité et proclamer les potentiels coupables, l'Invasion des Morts-Vivants exploite efficacement un pitch singulier où s'entrecroisent séances de vaudou, hypnotisme, exhumations et résurrection de cadavres, disparitions et enlèvements, trafalgars, péripéties haletantes et point d'orgue explosif où la cause du feu fait office d'expiation. A ce titre, sa dernière partie homérique multiplie les incidents alertes et violentes rixes pour la survie de nos héros en perdition. D'ailleurs, la séquence où le professeur Forbes se retrouve piégé à l'intérieur du château en flammes s'avère particulièrement oppressante dans la vigueur du montage insufflant un suspense des plus acerbes ! Pour une première et unique incursion dans l'archétype du zombie, la Hammer Film s'en tire donc avec les honneurs sous l'égide de l'artisan John Gilling, déjà responsable du chef-d'oeuvre L'Impasse aux Violences. Toujours aussi remarquablement interprété (parmi quelques seconds-rôles déjà entrevus dans la Femme-Reptile !) et bénéficiant d'une photo sépia sublimant l'architecture gothique du manoir ou l'atmosphère irréelle d'une nature feutrée, l'Invasion des Morts-vivants permet également d'iconiser un séminaire de "zombies mineurs" servant de domestiques pour l'entreprise d'une mine de fer. Pourvus d'une physionomie argileuse, d'une défroque de moine et de yeux blêmes exorbités, ces cadavres parcheminés dégagent un charisme ensorcelant par leur posture rigide d'ouvriers sous-exploités. Sans compter la poésie macabre qui émanent de certaines séquences d'effroi, à l'instar de la première apparition de l'un d'entre eux ou de leur résurrection au sein d'un cimetière. 


Sans atteindre le charme vénéneux et l'intensité envoûtée de la Femme-Reptile, l'Invasion des Morts-Vivants s'avère suffisamment maîtrisé, original, sobrement interprété et efficacement haletant pour se souvenir d'un excellent divertissement à l'envergure exotique macabre. 

Bruno Matéï

mercredi 11 mars 2015

LE PUITS ET LE PENDULE (The pit and the pendulum/The inquisitor)

                                                                Photo empruntée sur Google, appartenant au site moviesdvdnewreleases.com

de Stuart Gordon. 1990. U.S.A. 1h37. Avec Lance Henriksen, Stephen Lee, William J. Norris, Jeffrey Combs, Carolyn Purdy-Gordon.

Sortie U.S: 27 Juin 1991

FILMOGRAPHIEStuart Gordon est un réalisateur, producteur et scénariste américain, né le 11 Août 1947 à Chicago (Illinois).
1979: Bleacher Bums (télé-film). 1985: Ré-Animator. 1986: Aux portes de l'au-delà. 1987: Dolls. 1988: Kid Safe (télé-film). 1990: Le Puits et le Pendule. 1990: La Fille des Ténèbres. 1990: Robojox. 1993: Fortress. 1995: Castle Freak. 1996: Space Truckers. 1998: The Wonderful ice cream suit. 2001: Dagon. 2003: King of the Ants. 2005: Edmond. 2005: Masters of Horro (le cauchemar de la sorcière - Le Chat Noir). 2007: Stuck. 2008: Fear Itself.


Directement sorti en Vhs en France au début des années 90, Le Puits et le Pendule se réapproprie de l'instrument de torture imaginé par le romancier Edgar Allan Poe afin d'exploiter une série B horrifique dénonçant les pratiques sadiennes de Torquemada. Accusés à tort de sorcellerie, un couple de boulangers se retrouve embrigadé dans le château du grand inquisiteur espagnol pour y être torturés. Car amoureux de la jeune Maria, Torquemada tente de la courtiser par le biais d'un odieux chantage. S'offrir à lui sexuellement et épargner la vie du compagnon de Maria ou refuser ses avances et torturer celui-ci dans des conditions atroces. 


Production mineure au budget limité, Le Puits et le Pendule pâti d'une facture télévisuelle et d'une reconstitution historique aussi minimaliste que factice dans ses décors trop frais d'architecture gothique. Quand bien même le scénario superficiel sert de prétexte pour étaler à intervalle régulier des séquences de torture assez gores et viscérales. Sur ce point, on ne manquera pas d'évoquer le premier supplice par strangulation imparti à une métayère accusée d'hérésie, juste avant de périr sur le bûcher. Une séquence impressionnante plutôt crue rappelant les débordements poisseux de l'illustre Marque du Diable de Armstrong. Au-delà de ses outrances grands-guignolesques assez efficaces, l'intrigue s'agence autour de la survie du couple de boulangers pris à parti avec les exubérances du tortionnaire Torquemada. Ce dernier s'avérant un psychotique passé maître dans l'art de confectionner des instruments de torture toujours plus machiavéliques, à l'instar de sa dernière oeuvre, le Puits et le Pendule. Toutes les victimes injustement accusées de sorcellerie servant de cobayes pour satisfaire ses pulsions perverses au nom de l'obscurantisme religieux. Néanmoins, et avec dérision, une véritable sorcière retenue prisonnière dans le château exploite ces pouvoirs occultes afin de prêter main forte au couple de boulangers et pour y accomplir sa propre vengeance. Mené sans temps morts, le cheminement narratif parfois débridé (la séquence risible de torture auquel le mari de Maria pouffe de rire pour mieux duper ses tortionnaires !) allie donc séances de torture, péripéties héroïques et rebondissements parmi l'extravagance d'antagonistes sardoniques et l'appui d'une sorcière avenante. Niveau interprétation, outre la panoplie de seconds-rôles familiers issus de la filmographie de Stuart Gordon, l'excellent Lance Henriksen se prête au jeu de l'inquisition avec un cabotinage outré dans sa posture royale, irascible et désaxée. Il faut d'ailleurs le voir s'essayer aux pratiques SM parmi la complicité d'un acolyte lors d'une sulfureuse séance de flagellation. 


Dispensable et lorgnant parfois vers le ridicule lors de séquences improbables, Le Puits et le Pendule devrait néanmoins satisfaire les fans de Tortur'porn historique dans ce sympathique produit d'exploitation rehaussé d'attachants seconds couteaux (sans compter l'apparition clin d'oeil d'Oliver Reed !).


Bruno Matéï