lundi 8 novembre 2021

Darkman

                                                  Photo empruntée sur Google, appartenant au site Senscritique.com

de Sam Raimi. 1990. 1h36. U.S.A. Avec Liam Neeson, Frances McDormand, Colin Friels, Larry Drake, Nelson Mashita, Jessie Lawrence Ferguson, Rafael H. Robledo.

Sortie salles France: 14 Novembre 1990. U.S: 24 Août 1990

FILMOGRAPHIE: Sam Raimi est un réalisateur, acteur, producteur et scénariste américain, né le 23 Octobre 1959 à Franklin, Etats-Unis. 1981: Evil-Dead. 1985: Mort sur le Grill. 1987: Evil-Dead 2. 1990: Darkman. 1993: Evil-Dead 3. 1995: Mort ou Vif. 1998: Un Plan Simple. 1999: Pour l'amour du jeu. 2000: Intuitions. 2002: Spi-derman. 2004: Spider-man 2. 2007: Spider-man 3. 2009: Jusqu'en Enfer. 2013: Le Monde fantastique d'Oz.

En dépit de son manque d'envergure et d'un aspect parfois téléfilm, Darkman est un très bon divertissement surfant sur les influences de la Universal Monster issue du Fantôme de l'Opera avec un goût prononcé pour le cartoon débridé pour y moderniser sa mythologie du monstre tragique. Si bien qu'à la suite de son passage à tabac par les sbires de Robert G. Durant, le généticien Peyton Westlake se retrouve brûlé et défiguré au sein de son labo réduit en champ de bataille. Passé pour mort, il décide d'élaborer sa vengeance en exploitant sa nouvelle création, une peau synthétique capable de lui permettre de changer de visages durant un temps limité. Dans le rôle de Darkman, et épaulé de maquillages réussis, Liam Neeson demeure très convaincant en monstre en berne partagé entre son appétence pour la vendetta meurtrière, son amour démuni auprès de sa partenaire et son humanisme torturé de renouer avec ses nobles instincts. 

Sam Raimi accordant beaucoup d'attention à humaniser ce personnage esseulé plongé dans ses idées noires après que celui-ci essuya une terrible correction punitive. Dans celui de son ennemi juré, l'étrange Larry Drake demeure détestable en leader gouailleur ne lésinant par sur la cruauté et le sadisme auprès de ses exactions punitives dénuées de complexe. On est d'ailleurs étonné de constater la brutalité de certaines séquences, en particulier le prologue auquel Peyton Westlake est sévèrement mis à mal avec la bande de Durant lors d'une succession de châtiments corporels particulièrement sardoniques (on peu d'ailleurs prêter une certaine allusion à Robocop de Verhoeven pour sa violence incisive et sa thématique fondée sur la vengeance du point de vue du monstre maudit).

Inventif, romanesque, explosif et rocambolesque auprès d'un rythme pétulant surfant sur la bande dessinée décomplexée, Darkman est un pur divertissement débridé auquel Raimi renoue avec sa maestria technique traditionnelle (montage ultra dynamique) pour renforcer sa texture animée sous l'impulsion de personnages lunaires aussi hystérisés.  

*Eric Binford
3èx VO

Récompense: Festival international du film de Catalogne en 1990 : prix du meilleur réalisateur et des meilleurs effets spéciaux

vendredi 5 novembre 2021

Possessor. Grand Prix, Gérardmer 2021.

                                                    Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Brandon Cronenberg. 2020. Canada. 1h45 (Uncut). Avec Andrea Riseborough, Christopher Abbott, Sean Bean, Jennifer Jason Leigh, Tuppence Middleton, Rossif Sutherland 

Sortie salles France: 7 Avril 2021 (dvd). Canada: 9 Octobre 2021.

FILMOGRAPHIEBrandon Cronenberg est un réalisateur et scénariste canadien né le 10 janvier 1980. 2008 : Broken Tulips (court métrage). 2010 : The Camera and Christopher Merk (court métrage). 2012 : Antiviral. 2018 : Please Speak Continuously and Describe Your Experiences as They Come to You (court métrage). 2019 : Possessor. 


Une épreuve cérébrale nécrosée qui fera date.
Coup de massue dans la tronche passé le générique de fin couleur giallesque, tant et si bien que l'on a beau ne point saisir tous les tenants et aboutissants des personnages bicéphales ne formant plus qu'un dans leur condition soumise au goût du sang et de la rancoeur, Possessor est une expérience extrême vue nulle part ailleurs. Auréolés du Grand Prix à Gérardmer et du Meilleur Film à Catalogne, les Festivaliers ont tout de même eu une sacrée audace de récompenser une oeuvre cérébrale aussi dérangeante et malaisante, voire parfois même insoutenable pour sa brutalité graphique s'apparentant à du Fulci à ses plus belles heures gorasses. Autant dire que les scènes chocs hyper complaisantes, mais transcendées d'une mise en scène aussi maîtrisée que scrupuleuse (le montage est à couper au rasoir), se succèdent à bâtons rompus de manière aussi cinglante qu'escarpée. Autrement dit, rien ou si peu ne nous est épargné lors des missions criminelles agonisantes, Spoil ! pas même le sacrifice d'un enfant, le corps impacté et le crane explosé de balles de calibre sans l'ombre du hors-champs. Fin du Spoil.

Mais pas que, car fort d'une ambiance anxiogène à la fois clinique, austère et réfrigérante tentant (avec succès) d'hypnotiser les sens du spectateur (un peu à l'instar de Frissons de Cronenberg), Possessor nous fait participer à une expérience de cinéma atypique au sein d'une société déshumanisée déversant des répliques parfois amphigouriques auprès d'une populace lobotomisée depuis des lustres. Le pitch retraçant les exactions criminelles de Tasya Vos, dépendante d'une technologie révolutionnaire, dans la mesure où celle-ci accepte auprès d'une organisation de pénétrer dans le cerveau d'un quidam pour le pousser à commettre l'irréparable selon les injonctions d'une gente huppée sans vergogne. Or, alors qu'elle accomplit sa seconde mission auprès du sujet masculin Colin, un incident technique (ou cérébral) la contraint de rester bloqué dans son corps alors que celui-ci tentera par tous les moyens de récupérer son identité lors d'éclairs de conscience assombris par ses actes crapuleux. Le récit, tentaculaire, labyrinthique, ne cessant de nous tourmenter la rétine et l'encéphale lorsque Colin et Tasya s'interposent dans leur psyché torturée de visions morbides et cauchemardesques. Brandon Cronenberg recourant à une imagerie parfois hallucinatoire aussi dérangée qu'ensorcelante à travers des images malsaines de corps, de visages liquéfiés, tuméfiés ou décomposés.   


Une claque vitriolée indécrottable.
Complètement vrillé donc si bien que l'on perd rapidement pied avec la réalité qui nous est proposée de façon sciemment équivoque (comme la victime atone, déambulant tel un fantôme errant, nous  ressentions ses pertes de repères cérébrales au gré d'une intensité dramatique résolument cauchemardesque), Possessor traite comme nul autre cinéaste provocateur de la contagion de la violence, faute d'une perte identitaire, au coeur d'une société vampire ayant perdu toute notion d'humanité. Evidemment éprouvant et viscéralement perturbant mais irrémédiablement fascinant de par le vérisme de ses images expressives d'une acuité plus vraie que nature, Possessor est à réserver à un public préparé pour qui vénère les périples au bout de l'enfer cérébral. 

*Eric Binford
2èx VO

Récompenses

Festival international du film de Catalogne 20205 :

Meilleur film

Meilleur réalisateur

Festival international du film fantastique de Gérardmer 2021 :

Grand prix du Jury

Meilleure musique originale pour Jim Williams

jeudi 4 novembre 2021

Halloween 2 / Halloween II : The Nightmare Isn't Over

                                                     Photo empruntée sur Google, appartenant au site cinedweller.com

de Rick Rosenthal. 1981. U.S.A. 1h32. Avec Jamie Lee Curtis, Donald Pleasence, Charles Cyphers, Jeffrey Kramer, Lance Guest, Pamela Susan Shoop, Hunter von Leer, Dick Warlock, Leo Rossi, Gloria Gifford...

Sortie salles France: 16 juin 1982.  U.S: 30 octobre 1981

FILMOGRAPHIE: Rick Rosenthal est un réalisateur américain né le 15 juin 1949 à New York.
1981 : Halloween 2 ,1983 : Bad boys ,1984 : American Dreamer,1987 : Russkies ,1987 : Distant Thunder ,1994 : Les Oiseaux 2, 2002 : Halloween résurrection (Halloween 8) , Séries T.V: 2002 : Buffy contre les vampires (épisodes À la dérive et la Prédiction), 2003 à 2008 : Smallville (7 épisodes).


Un vrai film d'ambiance symptomatique des psycho-killers des années 80.
Trois ans après la sortie du succès surprise de John Carpenter, un jeune cinéaste inconnu, Rick Rosenthal, est enrôlé pour concrétiser une suite co-scénarisée et produite par son initiateur. D'ailleurs, une rumeur persistante souligne que Carpenter aurait remonté le film durant la post-production puis réalisé certaines séquences supplémentaires afin de modifier le rythme du film jugé un peu lent à son goût. En raison de l'énorme succès du 1er volet, Halloween 2 dispose d'un budget plus conséquent de 2 500 000 dollars et accédera également à une certaine notoriété publique. Le pitchAprès les terribles évènements qui ont failli coûter la vie à la baby sitter Laurie Strode, Michael Myers reste toujours déterminé à daigner l'assassiner. Confinée à l'intérieur d'un hôpital pour sa convalescence, la jeune patiente va de nouveau redoubler d'effort afin de déjouer ces agissements meurtriers. En reprenant le final équivoque du premier Halloween suggérant la disparition de Michael Myers, Halloween 2 focalise l'essentiel de son action durant la même nuit du 31 Octobre 1978 au sein d'un hôpital de l'Illinois, là où Laurie Strode est soignée pour ses blessures. Après que notre tueur eut commis un nouveau meurtre dans la région, il décide de se rendre à l'hôpital afin de la retrouver tout en assassinant tous ceux qui frayeront son chemin. Quand au Dr Loomis, dubitatif d'avoir accidentellement tué un jeune homme masqué semblable à Myers, il essaie vainement de retrouver ses traces à l'aide d'un agent fédéral et d'une infirmière. Passé une première demi-heure inquiétante auprès des déambulations nocturnes de Michael établies en vue subjective, l'intrigue prends le pas sur l'effet latent du suspense autour d'un environnement hospitalier. Une clinique paradoxalement démissionnée d'une partie de son personnel et de ses patients en convalescence. Cette situation inédite, voir franchement improbable, permet tout de même au réalisateur de distiller un climat d'étrangeté assez captivant quand bien même la présence sous-jacente du tueur mutique renforce son caractère irréel. 

                     
Ainsi, sur le même canevas qu'un Vendredi 13, le schéma narratif se contente ensuite d'aligner une succession de meurtres assez efficaces et émaillés de jump scares tout en insistant sur l'ambiance d'insécurité tantôt oppressante, tantôt angoissante. Par conséquent, à travers ces conventions pour autant soigneusement réalisées, il y a une séquence saisissante à relever lorsque Michael tapi dans l'ombre d'une chambre et planqué derrière le dos d'une infirmière nous révélera inopinément son visage spectral pour la tuer ! Par ailleurs, et grâce à son ambiance inquiétante plutôt probante, la plupart des séquences angoissantes ou celles palpitantes qui interviennent dans la seconde partie sont rehaussées du score métronomique de John Carpenter, exprimant une fois encore une belle cadence dans la vigueur des poursuites et altercations. Et pour parachever et surenchérir dans l'intensité du rythme, le dernier acte se concentre sur une traque échevelée entre Laurie et Michael Myers dans les corridors de l'hôpital. On peut aussi louer la manière efficace dont Rick Rosenthal exploite l'hostilité des recoins et souterrains du huis-clos médical alors que certains survivants tentent maladroitement de s'y échapper (Laurie compris !). Quand au Dr Loomis, toujours aussi anachronique, voir même irresponsable (sa bévue expéditive lors de sa traque contre un potentiel suspect masqué), c'est à la fin du métrage qu'il tente de faire preuve d'héroïsme lors d'une confrontation explosive avec le Boogeyman. Enfin, à travers cet imposant jeu de cache cache avec la peur de l'inconnu que symbolise le magnétique Michael Myers, un évènement majeur nous révèlera la filiation unissant Laurie Strode avec le tueur. Endossant la baby-sitter au regard tantôt contrarié, tantôt apeuré, on retrouve avec plaisir la Scream Queen Jamie Lee Curtis à nouveau inlassablement traquée par son oppresseur. A bout de souffle car en état lymphatique du fait de son traitement médicamenteux, elle doit redoubler d'effort pour arpenter les couloirs afin de déjouer les agissements irraisonnés du tueur. Jamie Lee Curtis crevant à nouveau l'écran de par la sobriété de ses expressions à la fois anxiogènes et démunies dénuées d'outrance. Quant au docteur vindicatif obsédé à l'idée d'appréhender son patient demeuré, le vétéran Donald Pleasance insuffle des réactions davantage erratiques, entre posture obtuse, excès de zèle et action réactionnaire à travers sa langoureuse traque policière.


Horror Hospital
En dépit de ces facilités tributaires d'un schéma narratif linéaire, Halloween 2 sait alterner suspense lattent, angoisse diffuse et action haletante autour de la confrontation attendue entre Laurie Strode et Michael Myers. Il y émane une série B plaisamment magnétique, de par l'autorité des comédiens communément charismatiques, du charme stylisé de son ambiance horrifico-surnaturelle et de l'impact spectaculaire des meurtres et poursuites en vase-clos. Son réalisateur reprendra d'ailleurs le flambeau lors d'un 8è volet hélas de sinistre mémoire avec son concept risible d'émission de télé-réalité tournant au fiasco.

*Eric Binford
08.01.11. VF
31.10.14. VF
04.11.21. VO. 7è


NOTE (wikipedia): Le film devait être tourné en relief à la demande des scénaristes et producteurs, mais à cause du coût élevé de la 3D et que la plupart des évènements du film se déroulent de nuit, la proposition fut tombée à l'eau ! Une version alternative de Halloween 2, connue sous le nom de Rick Rosenthal Version, a été diffusée à la télévision au début des années 1980. La plupart des images violentes et gores et plusieurs scènes supplémentaires ont été ajoutées. Cette autre version est parfois visible sur la chaîne American Movie Classics. À l'origine, cette version du réalisateur déplut à John Carpenter qui en fît un nouveau montage. Une édition spéciale DVD regroupant les deux versions est sortie en 2001

mercredi 3 novembre 2021

Frankenstein rencontre le Loup-Garou / Frankenstein Meets the Wolf Man

                                                  Photo empruntée sur Google, appartenant au site filmaboutit.com

de Roy William Neill. 1943. U.S.A. 1h15. Avec Lon Chaney Jr., Ilona Massey, Patric Knowles, Lionel Atwill, Bela Lugosi, Maria Ouspenskaya. 

Sortie salles France: 15 Décembre 1954. U.S: 5 Mars 1943

FILMOGRAPHIE concernant uniquement les années 40Roy William Neill, de son vrai nom Roland de Gostrie, est un producteur de cinéma et réalisateur américain né le 4 septembre 1887 sur un bateau proche des côtes d'Irlande1 (son père était capitaine de vaisseau) et mort le 14 décembre 1946 à Londres en Angleterre (Royaume-Uni) à la suite d'une rupture d'anévrisme.1940 : His Brother's Keeper. 1940 : Hoots Mon. 1940 : The Good Old Days. 1942 : Les Yeux des bas-fonds. 1942 : Madame Spy. 1942 : Sherlock Holmes et l'Arme secrète. 1942 : Frankenstein rencontre le loup-garou. 1943 : Sherlock Holmes à Washington. 1943 : Échec à la mort. 1944 : La Femme aux araignées. 1944 : La Griffe sanglante. 1944 : La Perle des Borgia. 1944 : La Fière Tzigane. 1945 : La Maison de la peur. 1945 : La Femme en vert. 1945 : Mission à Alger. 1946 : Le Train de la mort. 1946 : La Clef. 1946 : L'Ange noir. 

Faisant suite au Loup-Garou et au Fantôme de Frankenstein produits un an plus tôt, Frankenstein rencontre le Loup-garou joue clairement la carte de la série B bonnard sous la houlette de Roy William Neill, réalisateur méconnu ayant oeuvré de 1920 jusqu'aux années 40 avec pas loin de 50 métrages. Ainsi, en ayant l'audace débridée de réunir à l'écran le Loup-garou et le monstre de Frankenstein lors d'une confrontation au sommet (son final facétieux vaut assurément le détour à travers sa mise en image aussi naïve que spectaculaire !), Roy William Neill exploite un récit capillotracté pour tenir lieu des motivations désespérées du loup à trouver un remède qui pourrait le délivrer de l'immortalité. Alors que celui-ci aurait tout simplement pu se tirer une balle (d'argent) dans la tête pour mettre un terme à sa besogne criminelle. 

                                      

Mais tributaire de l'intrigue farfelue concoctée par le scénariste Curt Siodmak, il compte donc sur les archives du Dr Frankenstein ensevelis dans les vestiges de son château pour tenter de trouver une solution miracle à son fardeau, quand bien même au moment de ces fouilles il tombera sur l'apparition congelée du monstre confiné dans un bloc de glace. Un pitch improbable mais plaisamment amusant à témoigner de ses efforts risibles à endiguer la malédiction avec l'appui amiteux de la fille du Dr Frankenstein et d'un praticien altruiste bientôt atteint de mégalomanie malgré lui. Tout cela étant traité avec autant de sérieux que de légèreté, tant et si bien que l'on suit cette nouvelle aventure horrifique avec un inévitable sourire amusé. D'autant plus que la défroque du monstre de Frankenstein endossée par le cabotin Bela Lugosi demeure à la limite de la semi-parodie lorsque celui-ci tente avec le plus grand sérieux d'émuler son partenaire iconique Boris Karloff dans une posture rigide mécanique.

                                           

Baignant dans un noir et blanc magnétique parmi quelques décors macabres fascinants (le prélude dans la nécropole est juste magnifique) et porté par la présence convaincante de Lon Chaney Jr. en victime meurtrie par son sort lycanthrope, Frankenstein rencontre le Loup-Garou se décline en sympathique série B d'épouvante au charme rétro palpable (noir et blanc expressif aidant). 

*Eric Binford
2èx

mardi 2 novembre 2021

Maniac / The Maniac

                                               Photo empruntée sur Google, appartenant au site moriareviews.com

de Michael Carreras. 1963. Angleterre. 1h26. Avec Kerwin Mathews, Nadia Gray, Donald Houston, Liliane Brousse, George Pastell.

Sortie salles France: ?.  Angleterre: 20 Mai 1963

FILMOGRAPHIE: Michael Carreras est un producteur et réalisateur britannique né le 21 décembre 1927 à Londres et mort dans la même ville le 19 avril 1994. 1955 : Eric Winstone's Stagecoach. 1957: The Steel Bayonet. 1961 : Visa to Canton (en). 1961 : La Chevauchée des outlaws. 1963 : Maniac. 1963 : What a Crazy World. 1964 : Les Maléfices de la momie. 1967 : Les Femmes préhistoriques. 1968 : Le Peuple des abîmes. 1971 : La Momie sanglante. 1974 : Un dénommé Mister S.

En quête de second souffle à l'orée des années 60, la Hammer Film redore son blason en s'inspirant des Thrillers hitchcockiens si bien que 3 ans plus tôt Psychose déboulait sur les écrans pour traumatiser son public friand d'épouvante. Par conséquent, ce Maniac sorti précisément en 1963, également tourné en noir et blanc, nous entraîne dans une vénéneuse relation conjugale en compagnie d'un touriste étranger (dragueur invétéré) batifolant avec la belle-fille et la mère de celle-ci, tenancière d'un bistrot du Sud de la France. Or, 4 ans plus tôt, l'époux de cette dernière fut interné en asile psychiatrique après avoir assassiné au chalumeau (une séquence fort cruelle même si le hors-champs est de rigueur) le violeur de sa fille. Ainsi, à travers ce duo d'amants à la fois volage, sournois et perfide amorçant sans complexe leur fraîche relation face au témoignage candide de la belle-fille particulièrement influençable et chagrinée de trahison, Michael Carreras finit par nous manipuler en renchérissant les rebondissements durant l'ultime demi-heure. 

Fort plaisant et soigneusement filmé à travers ses décors naturels (la Camargue) ou historiques (une arène en ruine) particulièrement baroques, Maniac dégage un climat solaire à la fois séduisant et déconcertant sous l'impulsion du couple en étreinte en concertation véreuse. Mais chut, n'en dévoilons pas plus, le spectateur s'attachant à leur liaison et à la douce Annette avec une curiosité davantage expansive eu égard des retournements de situations fructueux qui relancent l'action lors de sa dernière partie. Et bien que l'on peut déplorer un dernier rebondissement too much, pour ne pas dire superfétatoire lors des 5 dernières minutes (on sent clairement à nouveau l'influence Hitchcockienne), Maniac nous laisse sur un sentiment de satisfaction somme toute réjouissant. Notamment en tenant compte de la complémentarité du casting méconnu sobrement dirigé par un Michael Carreras plutôt inspiré à émuler le maître du suspense au sein d'une intrigue à la fois incongrue et sinueuse faisant intervenir un équivoque psychopathe. 

Un excellent thriller à suspense donc injustement méconnu (il reste inédit en salles chez nous mais renait enfin de sa torpeur chez l'éditeur ESC en formats Dvd et Blu-Ray), qui plus est tourné dans un superbe scope aussi inquiétant qu'envoûtant (on se croirait même parfois dans un western pour vous donner un avant goût de la scénographie assez hybride par moments sans sombrer dans la fioriture). 

*Eric Binford

lundi 1 novembre 2021

Fanatic / Die ! die ! My darling !

                                                  Photo empruntée sur Google, appartenant au site Twitter

de Silvio Narizzano. 1965. Angleterre. 1h36. Avec Tallulah Bankhead, Stefanie Powers, Peter Vaughan, Maurice Kaufmann, Yootha Joyce, Donald Sutherland 

Sortie salles France: ?.  U.S: 19 Mai 1965

FILMOGRAPHIESilvio Narizzano, né le 8 février 1927 à Montréal au Canada et mort le 26 juillet 2011 à Londres, est un réalisateur anglophone canadien. 1965 : Fanatic. 1966 : Georgy Girl. 1968 : El Gringo (Blue). 1970 : Le Magot (The Loot). 1973 : Le Salopard (Senza ragione). 1977 : Pitié pour le prof (Why Shoot the Teacher?). 1979 : L'École ras-le-bol (The Class of Miss MacMichael). 1979 : Las flores del vicio. 1981 : Choices. 


Clairement sous influence hitchcockienne, Fanatic est un thriller à suspense tout à fait plaisant de par son intrigue criminelle insidieuse brocardant le fanatisme religieux lorsqu'une mégère, propriétaire d'une bâtisse gothique, s'en prend à son ex belle soeur depuis la mort de son fils chéri éduqué dans une doctrine catholique. Sans révolutionner le genre ou d'y laisser une empreinte indélébile, Fanatic fait tranquillement son job pour nous fournir un efficace jeu de soumission et de torture psychologique 1h36 durant. La pauvre victime féminine s'efforçant à moult reprise de s'échapper de cet enfer domestique isolé de toutes habitations. Ainsi, à travers d'intenses confrontations psychologiques que se disputent Patricia, Mme Trefole ainsi que ses deux domestiques, Fanatic use de la perversité de ces antagonistes s'efforçant de l'expier de ses pêchers en la retenant prisonnière. Et si l'intrigue habilement construite demeure toujours captivante (sans toutefois nous surprendre), elle le doit beaucoup à son étonnant casting que forment Tallulah Bankhead (divine d'austérité en mégère décatie fêlée du bulbe), la charmante Stefanie Powers (Pour l'amour du Risque) en victime éplorée auquel son sort précaire nous suscite désarroi et appréhension, Peter Vaughan / Yootha Joyce jouant le couple de domestiques avec hypocrisie vénale, et enfin Donald Sutherland en jardinier mentalement déficient. 


Inédit en salles chez nous et d'autant plus occulté, Fanatic renait de ces cendres grâce à l'éditeur ESC auquel le chaland aura la possibilité de préconiser la version SD ou HD. Pour autant non indispensable, faute du classicisme du schéma narratif mainte fois traité, mais tout à fait ludique et jamais ennuyeux à travers la sobriété de son suspense haletant, Fanatic est un sympathique exercice de style que la Hammer ne manque pas de fignoler auprès de l'exploitation de ses décors gothiques parfois inquiétants (notamment vers son final étonnamment saturé avec ce que nous réserve l'intérieur de la cave). Tout à fait fréquentable donc. 

*Eric Binford

vendredi 29 octobre 2021

Les Damnés / The Damned

                                                          Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Joseph Losey. 1963. Angleterre. 1h27. Avec Macdonald Carey, Shirley Anne Field, Oliver Reed, Viveca Lindfors, Barbara Everest, Nicholas Clay. 

Sortie salles France: 30 Septembre 1964. Angleterre: 19 Mai 1963

FILMOGRAPHIE: Joseph Losey est un réalisateur, producteur et scénariste américain, né le 14 janvier 1909 à La Crosse dans le Wisconsin et mort le 22 juin 1984 à Londres. 
1939 : Pete Roleum and His Cousins. 1941 : Youth Gets a Break. 1941 : A Child Went Forth. 1945 : A Gun in His Hand. 1947 : Leben des Galilei. 1948 : Le Garçon aux cheveux verts. 1950 : Haines. 1951 : Le Rôdeur. 1951 : M. 1951 : La Grande Nuit. 1952 : Un homme à détruire. 1954 : La bête s'éveille. 1955 : A Man on the Beach. 1956 : L'Étrangère intime. 1957 : Temps sans pitié. 1958 : Gipsy. 1959 : First on the Road. 1959 : L'Enquête de l'inspecteur Morgan. 1960 : Les Criminels. 1962 : Eva. 1963 : Les Damnés. 1963 : The Servant. 1964 : Pour l'exemple. 1966 : Modesty Blaise. 1967 : Accident. 1968 : Boom. 1968 : Cérémonie secrète. 1970 : Deux hommes en fuite. 1971 : Le Messager. 1972 : L'Assassinat de Trotsky. 1973 : Maison de poupée. 1975 : Galileo. 1975 : Une Anglaise romantique. 1976 : Monsieur Klein. 1978 : Les Routes du sud. 1979 : Don Giovanni. 1980 : Boris Godunov (TV). 1982 : La Truite. 1985 : Steaming. 


Découvrir pour la 1ère fois Les Damnés; oeuvre aussi méconnue que mal aimée alors qu'il s'agit d'une prod Hammer, est une expérience terriblement déconcertante selon mon propre jugement de valeur. Reconsidéré depuis son flop commercial et ses critiques timorées de l'époque, Les Damnés n'est nullement une oeuvre mineure vite vue vite oubliée, tant le réalisateur Joseph Losey fignole sa mise en scène auteurisante en dirigeant adroitement ses acteurs au détriment (d'une mécanique ludique) du cinéma de Genre. Le cinéaste ne cachant pas sa frilosité pour ce dernier, notamment auprès des composantes de la science-fiction et de l'horreur auquel la Hammer se fit une spécialité reconnue sur plusieurs décennies. Et cela se ressent fortement à mon sens au cours du récit apathique des Damnés filmé dans un magnifique scope monochrome tantôt envoûtant, tantôt baroque (ses statues en chiffon ou papier mâché). Le réalisateur scrupuleux prenant son temps à planter son (double) univers et ses personnages paumés au coeur d'un climat maritime éthéré sensiblement inquiétant. 


Récit d'anticipation langoureux abordant le drame, la romance et la violence à l'aide d'un parti-pris anti ludique, les Damnés est donc une oeuvre hybride difficile d'accès, de par son climat austère nonchalant et du peu d'empathie éprouvée pour les protagonistes en dépit d'un sujet brûlant stigmatisant le péril nucléaire. Ses enfants retranchés dans un labo top secret servant de cobayes pour la survie de l'humanité vouée à sa destruction. Et si sa première partie, peu à peu captivante, annonce fissa l'aura ténébreuse d'une romance à la fois désenchantée et éventuellement rassurante sur fond de règlements de compte machistes (les blousons noirs avec ce frère leader hyper protecteur envers sa soeur), la seconde partie s'avère un peu plus déroutante lorsque le couple et le frère sont contraints de s'allier au moment d'être hébergés dans une grotte par des enfants à la peau étrangement glacée. Et bien que 2/3 longueurs s'y font parfois ressentir, faute d'un rythme sporadique déstabilisant, son final nihiliste rehausse l'intérêt à travers sa dramaturgie escarpée offrant une ampleur à l'ensemble un peu plus dense et marquante. 


Remarquablement interprété (Oliver Reed en tête en blouson noir neurasthénique, la charmante Shirley Anne Field en marginale influençable) et mis en scène par l'auteur réputé Joseph Losey (Mr Klein, The Servant, le Garçon aux Cheveux Verts), Les Damnés demeure une oeuvre chorale aussi intéressante que glaçante à découvrir avec précaution faute de son climat austère limite antipathique. En tout état de cause il ne laisse pas indifférent pour les amateurs de raretés indépendantes si bien qu'un second visionnage y serait profitable afin de mieux l'apprivoiser et s'y approprier son essence hermétique. 

*Eric Binford.

jeudi 28 octobre 2021

Alone in the Dark / Dément

                                             
                                       Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imbd.com

de Jack Sholder. 1982. U.S.A. 1h33. Avec Dwight Schultz, Deborah Hedwall, Donald Pleasence, Jack Pallance et Martin Landau.

Sortie salles France: ?. U.S: 12 Novembre 1982

FILMOGRAPHIEJack Sholder est un réalisateur américain, né le 8 juin 1945 à Philadelphia. 1973: The Garden Party (court-métrage). 1982: Alone in the dark. 1985: Le Revanche de Freddy. 1987: Hidden. 1988: Vietnam War Story 2. 1989: Flic et Rebelle. 1990: By Dawn's Early Light (télé-film). 1993: 12H01: prisonnier du temps (télé-film). 1994: Sélection naturelle (télé-film). 1994: The Omen (télé-film). 1996: Generation X (télé-film). 1997: Panique sur l'autoroute (télé-film). 1999: Wishmaster 2. 2001: Arachnid. 2002: Beeper. 2004: 12 Days of terror.


Jack Sholder, modeste artisan révélé en 1987 par Hidden (Grand Prix à Avoriaz tout de même !), se fit connaître auprès des amateurs d'horreur avec ce premier long abordant le psycho-killer parmi la présence d'un trio de vénérables vétérans (Martin LandauDonal Pleasance et Jack Palance). Ainsi, à partir d'une idée simple mais originale (profitant d'une gigantesque panne électrique, quatre psychopathes s'échappent d'un asile  pour semer la terreur chez une famille ricaine), Jack Sholder réalise un petit miracle d'efficacité où terreur et humour noir se télescopent harmonieusement. Et si certaines situations s'avèrent éculées, son réalisme inopiné (renforcé du jeu étonnamment convaincant des interprètes, notamment auprès du jeu naturel de l'attachante Elizabeth Ward du haut de ses 12/13 ans) ainsi que la dérision macabre que le réalisateur emploie avec sagacité permet d'y détourner les clichés, effets de surprise en sus. Je songe surtout à la séquence du "monstre du placard" illustrant un jeune couple en étreinte réfugié sous la couette alors que l'un des tueurs est planqué à un endroit inhabituel de la chambre ! Mais bien avant ce principe ludique du huis-clos cauchemardesque, Jack Sholder cumule les séquences humoristiques ou saugrenues en nous présentant les patients de l'hôpital que le Dr Leo (Donald Pleasance toujours aussi naturellement magnétique) éduque avec un humanisme lunaire. Une première partie fort plaisante donc traité avec réalisme décalé, notamment lorsque le Dr Dan Potter (endossé avec aplomb par le méconnu Dwight Schultz) s'invite dans une boite punk sous l'influence de sa soeur et de son épouse. 


Par cette occasion débridée d'ambiance de carnaval (les chanteurs sont affublés de costumes horrifiques), les nostalgiques de cette tendance musicale marginale éprouveront les joies festives de la danse désordonnée du Pogo. Alors que dès que nos quatre demeurés se retrouvent en liberté pour se venger du suppléant Dan Potter (car persuadés que ce dernier est responsable de la mort de l'ancien praticien), le film s'adonne à une série de péripéties meurtrières renforcées d'un humour noir irrésistible. Il faut dire que nos quatre lurons s'en donnent à coeur joie pour perpétrer leurs exactions à travers leur complicité railleuse rancunière. L'ambiance horrifico-saugrenue s'affirmant davantage vers l'ultime demi-heure, home invasion affolant lorsque la famille du Dr Potter tentera de se prémunir contre la menace externe tentant de pénétrer à moult reprise en interne de leur bâtisse. Là aussi, Jack Sholder réussit à nous convaincre d'une situation rebattue au gré de rebondissements vigoureux rehaussés de la caractérisation affolée des protagonistes usant pour autant de bravoure pour venir à bout de l'intrusion dégénérée des envahisseurs au rictus diablotin (Martin Landau en tête de peloton). Or, derrière cette satire macabre fort ludique s'y dévoile  une certaine réflexion sur la réinsertion sociale des schizophrènes en y adoptant une démarche humaniste pleinement inscrite dans la tolérance. Si bien qu'au final, nous comprendrons pour quelle véritable motivation affective nos demeurés s'étaient empressés de venger la disparition du médecin altruiste particulièrement compétent pour pouvoir les comprendre, les aimer et éventuellement les guérir.


Doctor in love
Sous couvert d'une parabole sur la névrose sociétale (un dément y est tapi en chacun de nous !), Alone in the Dark demeure donc une perle (rare) d'humour noir malencontreusement occultée de nos jours en dépit de son irrévocable efficacité à jouer au jeu du chat et de la souris sous l'impulsion d'aimables vétérans désaxés s'en donnant à coeur joie dans leurs expressions décomplexées.    

*Eric Binford
28.10.21. 3èx
04.04.13. 129v

mercredi 27 octobre 2021

La Proie d'une Ombre

                                                     Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

"The Night House" de David Bruckner. 2020. U.S.A. 1h47. Avec Rebecca Hall, Stacy Martin, Sarah Goldberg, Evan Jonigkeit, Vondie Curtis-Hall. 

Sortie salles France: 15 Septembre 2021. U.S: 20 Août 2021

FILMOGRAPHIEDavid Bruckner est un réalisateur, scénariste et producteur de cinéma américain né en 1977 ou 1978. 2007 : The Signal (coréalisé par Dan Bush et Jacob Gentry). 2011 : Talk Show (court métrage). 2012 : V/H/S - segment Amateur Night. 2015 : Southbound - segment The Accident. 2017 : Le Rituel (The Ritual). 2019 : Creepshow (série TV) - 2 épisodes. 2020 : La Proie d'une ombre (The Night House). Prochainement : Hellraiser. 


Qu'est-ce qu'il y a ? Y'a rien là-bas. 
- Je sais.
Après nous avoir surpris avec la production Netflix, le Rituel, David Brucker s'affirme encore plus avec son dernier né, La Proie d'une Ombre. Une ghost story intimiste d'une belle sobriété quant à sa capacité maîtrisée de nous faire croire au surnaturel par l'entremise d'une réflexion spirituelle. Celle d'une foi à l'existence du Bien et du Mal selon nos convictions tant et si bien que la protagoniste en berne qui nous est habilement esquissée sera mise à l'épreuve auprès d'une énigme filandreuse constamment captivante. Car si La Proie d'une Ombre s'avère aussi inquiétant, étrange, feutré et envoûtant, il le doit beaucoup au brio de son suspense ciselé jouant efficacement avec les codes avec originalité payante. A l'instar de son final haletant exploitant des effets spéciaux aussi réalistes que dépouillés lorsque le cinéaste met en pratique les exactions d'une présence invisible que l'on croirait extirpée du parangon l'Emprise de Sidney J. Furie

Outre son suspense charpenté ne cessant de nous interroger sur la fragilité morale de l'héroïne naviguant entre rêve (/ hallucinations) et réalité, La Proie d'une Ombre est d'autant plus renforcé du jeu fébrile de Rebecca Hall parvenant à nous retransmettre une palette d'émotions tranchées ou incertaines à travers son investigation personnelle à daigner démêler le vrai du faux au sein d'un contexte macabre d'apparence improbable. Le récit en suspens demeurant suffisamment bien mené, fertile en rebondissements vénéneux pour nous faire douter du désarroi de l'héroïne en proie à une remise en question spirituelle dans sa condition meurtrie d'espérer revoir son être aimé d'autrefois. Celle-ci combattant ses propres convictions rationnelles (tout le récit intime n'étant qu'une épreuve de force) par le biais d'un ectoplasme sciemment équivoque afin de la faire douter de ses certitudes fondées sur le néant. 


L'au-delà
Réflexion sur notre perception du Bien et du Mal sous couvert de fêlures morales éprouvantes originaires d'une love story à la fois malsaine, chétive et poignante (et ce en dépit d'un manque d'émotions et d'intensité dramatique qui auraient pu confiner à la perle rare), la Proie d'une Ombre aborde brillamment le genre horrifique avec autant de soin (formel et technique) que de réalisme sans fard pour nous interroger sur l'influence d'esprits néfastes qui nous entourent selon notre conception existentielle. En d'autre terme, le Mal est bel et bien présent d'après l'alchimiste David Bruckner.

*Eric Binford

mardi 26 octobre 2021

Médecin de Nuit

                                                         Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Élie Wajeman. 2020. France. 1h22. Avec Vincent Macaigne, Sara Giraudeau, Pio Marmaï, Sarah Le Picard, Florence Janas, Lou Lampro, Ernst Umhauer.

Sortie salles France: 16 Juin 2021

FILMOGRAPHIEÉlie Wajeman est un auteur, réalisateur et scénariste français né le 21 août 1980. 2012 : Alyah. 2015 : Les Anarchistes. 2020 : Médecin de nuit. 

"Dans chaque rue, il y a un inconnu qui rêve d'être quelqu'un. C'est un homme seul, oublié, qui cherche désespérément à prouver qu'il existe."

Probablement influencé par la série TV homonyme créée par Bernard Kouchner, Hervé Chabalier et  Gilles Bression et diffusée entre le 22 septembre 1978 et le 27 juin 1986 sur Antenne 2, Médecin de Nuit en reprend le concept de base (la virée nocturne d'un praticien soignant ses malades à leur domicile le temps d'une nuit de labeur) sous un contexte contemporain de misère sociale (la toxicomanie juvénile) et de corruption professionnelle (trafic d'ordonnances pour la prescription de Subutex). Magnifique portrait d'un individu paumé victime de sa clémence, de sa fragilité morale et de son altruisme débonnaire,  Vincent Macaigne porte le film à bras le corps au coeur de cette cité urbaine crépusculaire que l'on croirait extirpée des années 80 (alors que le film, très sombre et clinique, semble hors du temps par ce classicisme monocorde dénué de fioriture). Le réalisateur recourant avec certain souci documenté à l'ambiance anxiogène, davantage dépressive au fil des déambulations de Mickaël très attaché à prêter main forte aux plus précaires et démunis (surtout les jeunes toxicos) tout en tentant de sauver son couple en dépit de son attirance pour sa jeune maîtresse (plus lucide que lui car sans illusion). 

Tous les interprètes, criants de naturel, jouant sobrement leur humanisme contrarié, empathique autour de ce médecin lunatique plongé dans un imbroglio vénal parmi la complicité du cousin Dimitri auquel il livre ces ordonnances. Riche d'intensité dramatique pour ce profil torturé se remettant sans cesse en question dans une posture contradictoire incohérente, Vincent Macaigne apporte une aspérité psychologique captivante à tenter de s'extraire maladroitement de sa besogne peu recommandable. Car anti-héros dénué de manichéisme, celui-ci cherche désespérément du fond de sa conscience démunie une main secourable puisque accablé par sa solitude et ses remords de s'être adonné à autant de charité se retournant au final contre lui. Homme enfant si j'ose dire probablement blessé par une démission parentale lors de son enfance (ça n'est que ma réflexion personnelle) et par une société arbitraire à 2 vitesses, Mickael arpente les rues parisiennes entre angoisse morale et cri de rage externe, notamment en tenant compte de ses ripostes physiques qu'il ose opérer contre ses antagonistes dénués de morale. Une manière expéditive d'y prouver son autorité au moment d'y essuyer moult menaces et chantages toujours plus draconiens. 


Un monde sans pitié
Séance intime de cinéma vérité anti diction théâtrale (rare pour ne pas le souligner dans le paysage du cinéma Français), Médecin de Nuit se décline en odyssée urbaine désenchantée (de triste actualité) à travers son climat de déréliction tangible que les interprètes insufflent avec un humanisme désargenté. La mise en scène, prude et personnelle, étant entièrement soumise à leurs actions fébriles au sein de cette cité atone évanescente (avec un dénouement bipolaire laissant libre choix au spectateur d'y opérer sa propre conclusion). Un des meilleurs films de 2021, toutes nationalités confondues.

*Eric Binford

vendredi 22 octobre 2021

Total Recall

                                                           Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Paul Verhoeven. 1990. U.S.A. 1h53. Avec Arnold Schwarzenegger, Rachel Ticotin, Sharon Stone, Ronny Cox, Michael Ironside, Marshall Bell, Mel Johnson Jr.

Sortie salles France: 17 Octobre 1990 (Int - 12 ans). U.S: 1er Juin 1990

FILMOGRAPHIE: Paul Verhoeven est un réalisateur néerlandais, né le 18 Juillet 1938 à Amsterdam. 1971: Business is business. 1973: Turkish Delices. 1975: Keetje Tippel. 1977: Le Choix du Destin. 1980: Spetters. 1983: Le Quatrième Homme. 1985: La Chair et le Sang. 1987: Robocop. 1990: Total Recall. 1992: Basic Instinct. 1995: Showgirls. 1997: Starship Troopers. 2000: l'Homme sans Ombre. 2006: Black Book. 2016: Elle. 2021 : Benedetta. 

Blockbuster inspiré d'une nouvelle de Philip K. Dick sous la houlette du hollandais Paul Verhoeven, Total Recall demeure un excellent film d'action transplanté dans le cadre d'une anticipation schizophrène. Et ce en dépit d'effets spéciaux aujourd'hui kitchs mais néanmoins réussis, ce qui renforce aujourd'hui un charme rétro non négligeable. Le scénario irracontable relatant la tentative houleuse de Douglas Quaid à récupérer sa mémoire après avoir (peut-être) participé à un voyage sur Mars grâce à ses vagues réminiscences. En dépit d'un récit sciemment confus ne cessant de semer le doute sur ce que nous voyons et interprétons au fil du parcours moral du héros en constante interrogation identitaire, Total Recall est avant tout un généreux film d'action mené de main de maître par un Paul Verhoeven assez décomplexé à travers le parti-pris de sa violence sanguine à la fois caustique et sardonique. Arnold Schwarzenegger se prêtant au jeu du héros pugnace avec une aisance confirmée si bien que l'on peut prétendre qu'il s'agit sans doute d'un de ses rôles les plus probants à travers sa détermination acharnée à récupérer son profil en compagnie d'une brune aussi farouche que solidaire. 

La méconnue Rachel Ticotin lui partageant la vedette dans une expression spontanée en guerrière latino soutenant le héros pour tenter de dénicher le réacteur à oxygène appartenant à la planète Mars que l'ignoble Cohaagen prive de ses habitants mutants en dictateur mégalo. Quand bien même Sharon Stone participe à la trouble aventure en vénéneuse traitresse usant autant de son charme torride que de son bagout afin de convaincre Quaid qu'il est bel et bien son époux souffrant de grave paranoïa. Enfin, le génial Michael Ironside use lestement de son charisme hostile pour alpaguer durant tout le périple le retors Quaid (notamment grâce à ces gadgets futuristes - à l'instar de l'hologramme - qu'il actionne contre ses ennemis) épaulé de ses sbires armés jusqu'aux dents. Le récit extrêmement nerveux ne lésinant pas sur les gunfights sanglants au gré de chairs déchiquetées par les déflagrations. 


Voyage au centre de la mémoire. 
Inventif, dépaysant, drôle et sans prétention de par ses délirants effets de surprises, rebondissements et détails visuels émanant d'une rutilante scénographie stellaire, généreux en diable pour son action ultra violente impeccablement coordonnée (le dynamisme du montage n'a pas pris une ride !), Total Recall déménage en diable auprès de sa course poursuite effrénée que Schwarzenegger domine avec sa traditionnelle carrure mastard. Le tout servi par un dédale narratif assez captivant de Philip K. Dick nous interrogeant sur la part ambivalente de rêve et de réalité issue d'une schizophrénie que tout un chacun pourrait subir sans s'en apercevoir. 

P.S: Copie 4k fastueuse redorant assurément une seconde jeunesse au métrage. 

*Eric Binford. 
5èx

jeudi 21 octobre 2021

Un Faux Mouvement. Grand Prix / Prix de la Critique, Cognac 93.

                                         Photo empruntée sur Google, appartenant au site Senscritique.com

"One False Move" de Karl Franklin. 1992. U.S.A. 1h46. Avec Bill Paxton, Cynda Williams, Billy Bob Thornton, Michael Beach, Jim Metzler 

Sortie salles France: 5 Mai 1993. U.S: 8 Mai 1992

FILMOGRAPHIECarl Franklin, né Carl Michael Franklin, est un réalisateur et acteur américain né le 11 avril 1949 à Richmond (Californie). 1989 : Nowhere to Run. 1989 : Eye of the Eagle 2: Inside the Enemy. 1990 : Full Fathom Five. 1992 : Un faux mouvement. 1993 : Laurel Avenue (TV). 1995 : Le Diable en robe bleue. 1998 : Contre-jour. 2002 : Crimes et Pouvoir. 2004 : Out of Time. 

Loin d'être passé inaperçu, tant par la critique unanime de l'époque (celles des journaux, internet étant apparu dans les foyers en 94) que de son Grand Prix et Prix de la Critique à Cognac, Un faux Mouvement ne nous laisse pas indemne sitôt le générique bouclé. Ca démarre fort avec un prologue meurtrier proprement insoutenable lorsque trois malfrats, une métisse, son compagnon blanc et un black de type intello déciment les membres d'une soirée festive pour un enjeu de cocaïne. La violence, rigoureuse, abjecte, crapuleuse, purement gratuite nous horrifiant la vue de par l'exaction sadique d'un des tueurs recourant au self control afin de parfaire sa besogne. Une séquence abominable qui me hantera personnellement à jamais tant son réalisme cru, mais non complaisant, parvient à retranscrire avec souci de vérité le désarroi de la victime féminine aussi impuissante que suppliante face à son tortionnaire. Eprouvant et profondément malsain, ce carnage domestique ne laissera nul répit aux victimes bâillonnées réduites comme objets de soumission. La suite n'est qu'une traque langoureuse entre ce trio de psychopathes poursuivi par 2 flics émérites et un jeune shérif champêtre, et qui, durant l'enquête, tentera de prouver à ces policiers de la ville qu'il est à la hauteur de les appréhender après les avoir surpris de railleries contre lui. 


Bill Paxton
endossant à la perfection ce shérif naïf et inconséquent à l'évolution morale plus complexe qu'elle n'y parait, notamment si je me réfère aux rapports étroits qu'il eut entamé autrefois avec l'un des 3 malfrats. Ainsi, en conjuguant le film noir âpre et désespéré avec le drame familial d'une intensité dramatique graduelle, Un faux Mouvement nous immerge de plein fouet dans cette équipée immorale par le biais d'une ambiance crépusculaire davantage élégiaque. Tant et si bien que l'on redoute inévitablement l'issue de cette sordide virée criminelle avec un désarroi appréhensif, la gorge nouée au bord des larmes. Notamment en s'attachant aux personnages les plus paumés et infortunés que personnifient le shérif Dale Dixon et Lila, jeune métisse influençable, lâche et pathétique mais pour autant nantie d'une affectation maternelle franchement poignante. Karl Franklin se chargeant d'humaniser ses personnages complexés Spoil ! par le biais de leur passé conjugal à la fois chaotique, déviant, équivoque, désargenté. Autrement dit un couple raté n'ayant jamais su remonter la pente, faute de sermons et cruelle rancoeur d'origine xénophobe Fin du Spoil

Virée criminelle d'une grave intensité dramatique, tant auprès de ses éclairs de violence incontrôlés que le public subit avec dégoût et amertume, que des rapports psychologiques des personnages les plus torturés et vulnérables, Un Faux Mouvement s'édifie en chef-d'oeuvre crépusculaire (l'ambiance solaire envoûtante cède ensuite place aux nuits viciées de la façon la plus imprévue) sous l'impulsion d'un cast irréprochable faisant parfois froid dans le dos à travers leur perversité d'un flegme glaçant (Billy Bob Thornton et surtout Michael Beach plus dépouillé que son partenaire formant un tandem résolument insidieux et décomplexé). Un des plus grands polars des années 90 d'une saveur d'âpreté toujours intacte, si bien qu'il se doit d'être réservé à un public averti.

*Eric Binford
21.10.21. 4èx
28.03.01

mercredi 20 octobre 2021

Titane. Palme d'Or, Cannes 2021

                                                   Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Julia Ducournau. 2021. France/Belgique. 1h48. Avec Vincent Lindon, Agathe Rousselle, Garance Marillier, Laïs Salameh, Dominique Frot, Myriem Akheddiou, Bertrand Bonell.

Sortie salles France: 14 Juillet 2021. U.S: 1er Octobre 2021

FILMOGRAPHIE: Julia Ducournau est une réalisatrice et scénariste française née le 18 novembre 1983 à Paris. 2011 : Mange (téléfilm co-réalisé avec Virgile Bramly). 2016 : Grave. 2021: Titane. 

Révélé par l'oeuvre choc Grave et son Grand Prix (mérité) à Gérardmer, Julia Ducournau n'en finit plus de déranger les consciences avec sa nouvelle provocation, Titane, pour le coup couronné de la Palme d'Or à Cannes ! Ca-rré-ment ! Aussi improbable que cela puisse paraître comme ont pu le souligner le public de la croisette médusé par son contenu indocile. Une hérésie diront certains, une farce de mauvais goût vociférèrent d'autres ! A tort mais aussi à raison si bien que l'on se demande ce qui a bien pu passer par la tête des membres du jury d'ovationner une oeuvre trash aussi marginale, aussi décalée, aussi viscéralement malaisante, pour ne pas dire dérangeante ad nauseam (principalement pour la séquence finale anthologique relevant de l'impensable Spoil ! en mode Tetsuo si je puis dire Fin du Spoil). Car d'une rutilante beauté à travers sa photo clinquante, ses effets de style baroques et sa sensualité sulfureuse jonglant avec la bisexualité, Titane ne ressemble à rien de connu bien que certaines références au cinéma de Cronenberg et à Crash sont sciemment nécessaires par sa réalisatrice férue de passion  amoureuse pour le maître canadien adepte de la nouvelle chair. Parlons en de cette nouvelle chair qui semble prendre possession du corps de cette tueuse en série contrainte d'apprendre à aimer un père de substitution afin d'échapper à la police suite à ces homicides sanguins (violence crue à l'appui en mode Gaspard Noe).  

L'actrice Agathe Rousselle se vouant corps et âme à se tailler une carrure dégingandée de monstre transgenre afin de taire sa véritable identité souillée par le sang et la démission parentale. Portant le film à bout de bras, celle-ci parvient autant à nous enivrer qu'à nous déstabiliser dans sa psychopathie irrévocable à la suite du traumatisme accidentel de son enfance. Sa transformation corporelle donnant lieu à un climat de malaise à la fois sous-jacent puis tangible au fil de son évolution morale à changer d'identité pour l'amour du nouveau père. Constamment inquiétant, vénéneux, toujours imprévisible (d'où le plaisir constamment éprouvé au fil de l'intrigue reptilienne dont on ignore l'issue éventuelle de rédemption !), décalé et parfois déjanté, Titane tire parti de son pouvoir attractif de par la mise en scène infiniment inspirée de Julia Ducournau déclarant sa flamme au cinéma hétérodoxe conçu pour diviser le public. Vous voilà donc à nouveau prévenu après le controversé Grave que certains ont radicalement discrédité (ce qui ne risque pas de les réconcilier avec Titane). Car outre l'intensité expressive de son étonnant casting (notamment Vincent Lindon monopolisant l'écran en pompier toxico incapable d'assumer sa perte filiale - son meilleur rôle à l'écran -), Titane demeure aussi original que constamment inventif à nous servir sur un plateau faisandé une intrigue sinueuse faisant office d'expérimentation viscérale. La réalisatrice s'efforçant de troubler, déranger par le brio de sa mise en scène parfois frontale (sa violence incisive) ainsi que par les comportements physiques des 2 anti-héros du récit (Alexia / Vincent s'apprivoisant mutuellement) martyrisant leurs corps par les effets laxatifs de la drogue et du sexe. 

Plaidoyer pour le droit à la différence et à la liberté sexuelle (quelque soit notre orientation) dans une mise en forme sciemment marginale et burnée, Titane se décline en authentique oeuvre culte à travers sa capacité formelle et viscérale d'y transfigurer (le verbe est sciemment un peu fort !) un amour paternel désespéré où la tendresse humaniste ne peut se concevoir qu'à partir d'une nouvelle chair scarifiée de plaies inguérissables. Une oeuvre bâtarde au demeurant n'ayant jamais la prétention de divertir son public pour le caresser dans le sens du poil. Car comme avec l'éclatant Grave et sa satire du végétarisme, Titane ne cessera de diviser faute de sa subtile outrance aussi malaisante que fascinante. En tout état de cause, il s'agit selon moi d'une vraie proposition de cinéma biologique sortant des sentiers battus (au risque délibéré de me réitérer) si bien que l'on s'extrait de la séance, entre soulagement, catharsis, ivresse et interrogation de ce à quoi nous venons de vivre et de participer.  

P.S: Julia, si tu me lis demain (soyons un tantinet perché), je t'aime les yeux fermés 💗

Récompense: People's Choice Award du Festival de Toronto. 
Palme d'Or, Cannes 2021
- (En attendant son éventuelle récompense aux Oscars)

                                  Ce qu'en a conclu l'ensemble de la critique :