Sortie salles France: 14 Juillet 2021. U.S: 1er Octobre 2021
FILMOGRAPHIE: Julia Ducournau est une réalisatrice et scénariste française née le 18 novembre 1983 à Paris. 2011 : Mange (téléfilm co-réalisé avec Virgile Bramly). 2016 : Grave. 2021: Titane.
Révélé par l'oeuvre choc Grave et son Grand Prix (mérité) à Gérardmer, Julia Ducournau n'en finit plus de déranger les consciences avec sa nouvelle provocation, Titane, pour le coup couronné de la Palme d'Or à Cannes ! Ca-rré-ment ! Aussi improbable que cela puisse paraître comme ont pu le souligner le public de la croisette médusé par son contenu indocile. Une hérésie diront certains, une farce de mauvais goût vociférèrent d'autres ! A tort mais aussi à raison si bien que l'on se demande ce qui a bien pu passer par la tête des membres du jury d'ovationner une oeuvre trash aussi marginale, aussi décalée, aussi viscéralement malaisante, pour ne pas dire dérangeante ad nauseam (principalement pour la séquence finale anthologique relevant de l'impensable Spoil ! en mode Tetsuo si je puis dire Fin du Spoil). Car d'une rutilante beauté à travers sa photo clinquante, ses effets de style baroques et sa sensualité sulfureuse jonglant avec la bisexualité, Titane ne ressemble à rien de connu bien que certaines références au cinéma de Cronenberg et à Crash sont sciemment nécessaires par sa réalisatrice férue de passion amoureuse pour le maître canadien adepte de la nouvelle chair. Parlons en de cette nouvelle chair qui semble prendre possession du corps de cette tueuse en série contrainte d'apprendre à aimer un père de substitution afin d'échapper à la police suite à ces homicides sanguins (violence crue à l'appui en mode Gaspard Noe).
L'actrice Agathe Rousselle se vouant corps et âme à se tailler une carrure dégingandée de monstre transgenre afin de taire sa véritable identité souillée par le sang et la démission parentale. Portant le film à bout de bras, celle-ci parvient autant à nous enivrer qu'à nous déstabiliser dans sa psychopathie irrévocable à la suite du traumatisme accidentel de son enfance. Sa transformation corporelle donnant lieu à un climat de malaise à la fois sous-jacent puis tangible au fil de son évolution morale à changer d'identité pour l'amour du nouveau père. Constamment inquiétant, vénéneux, toujours imprévisible (d'où le plaisir constamment éprouvé au fil de l'intrigue reptilienne dont on ignore l'issue éventuelle de rédemption !), décalé et parfois déjanté, Titane tire parti de son pouvoir attractif de par la mise en scène infiniment inspirée de Julia Ducournau déclarant sa flamme au cinéma hétérodoxe conçu pour diviser le public. Vous voilà donc à nouveau prévenu après le controversé Grave que certains ont radicalement discrédité (ce qui ne risque pas de les réconcilier avec Titane). Car outre l'intensité expressive de son étonnant casting (notamment Vincent Lindon monopolisant l'écran en pompier toxico incapable d'assumer sa perte filiale - son meilleur rôle à l'écran -), Titane demeure aussi original que constamment inventif à nous servir sur un plateau faisandé une intrigue sinueuse faisant office d'expérimentation viscérale. La réalisatrice s'efforçant de troubler, déranger par le brio de sa mise en scène parfois frontale (sa violence incisive) ainsi que par les comportements physiques des 2 anti-héros du récit (Alexia / Vincent s'apprivoisant mutuellement) martyrisant leurs corps par les effets laxatifs de la drogue et du sexe.
Plaidoyer pour le droit à la différence et à la liberté sexuelle (quelque soit notre orientation) dans une mise en forme sciemment marginale et burnée, Titane se décline en authentique oeuvre culte à travers sa capacité formelle et viscérale d'y transfigurer (le verbe est sciemment un peu fort !) un amour paternel désespéré où la tendresse humaniste ne peut se concevoir qu'à partir d'une nouvelle chair scarifiée de plaies inguérissables. Une oeuvre bâtarde au demeurant n'ayant jamais la prétention de divertir son public pour le caresser dans le sens du poil. Car comme avec l'éclatant Grave et sa satire du végétarisme, Titane ne cessera de diviser faute de sa subtile outrance aussi malaisante que fascinante. En tout état de cause, il s'agit selon moi d'une vraie proposition de cinéma biologique sortant des sentiers battus (au risque délibéré de me réitérer) si bien que l'on s'extrait de la séance, entre soulagement, catharsis, ivresse et interrogation de ce à quoi nous venons de vivre et de participer.
P.S: Julia, si tu me lis demain (soyons un tantinet perché), je t'aime les yeux fermés 💗
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