jeudi 8 mars 2012

BUTTERFLY KISS. Double Prix d'interprétation Féminine à Dinard 1995.


de Michael Winterbottom. 1995. Angleterre. 1h25. Avec Amanda Plummer, Kathy Jamieson, Saskia Reeves, Des McAleer, Lisa Riley, Freda Dowie, Paula Tilbrook, Fine Time Fontayne, Elizabeth Mc Grath, Joanne Cook.

Sortie salles France: 10 Janvier 1996. Angleterre: 26 Avril 1996

Récompenses: Double Prix d'interprétation Féminine au Festival du film Britannique de Dinard en 1995.

FILMOGRAPHIE: Michael Winterbottom est un monteur, producteur, réalisateur et scénariste britannique, né le 29 Mars 1961.
1990: Forget about me. 1992: Under the Sun. 1995: Butterfly Kiss. 1995: Go now. 1996: Jude. 1997: Bienvenue à Sarajevo. 1998: I want you. 1999: Wonderland. 1999: With or without you. 2000: Rédemption. 2002: 24 Hour Party People. In this World. 2003: Code 46. 2004: 9 Songs. 2005: Tournage dans un jardin anglais. 2006: The Road to Guantanamo. 2007: Un Coeur invaincu. 2009: Un Eté Italien. 2010: La Stratégie du choc. 2010: The Killer inside me. 2011: The Trip. 2011: Trishna.

                                               "Il y a du bon et du mauvais chez tout le monde".
 
"Road movie au vitriol : la dérive déchirante de Butterfly Kiss".
En 1995, sort dans l’indifférence générale le troisième long-métrage d’un réalisateur polygraphe aujourd’hui reconnu. Récompensé d’un double prix d’interprétation féminine au Festival de Dinard, respectivement attribué à Amanda Plummer et Saskia Reeves, Butterfly Kiss s’est forgé, au fil des années, une réputation de film culte, introuvable et destiné à un public marginal. Histoire d’amour écorchée vive, œuvre austère, inclassable et hermétique, ce road movie au vitriol laisse une empreinte méchante dans l’encéphale sitôt l’épilogue brutalement achevé.

Une vagabonde saphique erre sur les autoroutes d’Angleterre, cherchant une certaine Judith aux abords des stations-service. Sur sa route, elle rencontre Miriam, serveuse introvertie et naïve. Ensemble, elles entament un périple meurtrier contre les quidams machistes, avant de tomber amoureuses. Film choc, profondément dérangeant, par son ambiance malsaine au confins du marasme et le profil torturé d’un duo de lesbiennes complices de meurtres en série, Butterfly Kiss est un ovni subversif qui bouleversa nombre de spectateurs, déconcertés par cette relation amoureuse sous formol.

Une serial killeuse obsédée par la quête d’une Judith croisée au hasard croise Miriam, serveuse solitaire cloîtrée avec sa mère dans un appartement sombre.

C’est le début d’une tendre relation qu’Eunice va lentement entraîner dans des pérégrinations meurtrières, punissant cavaleurs de jupons. Voilà pour la synthèse de ce road movie blafard, où les décors glauques des autoroutes anglaises renforcent son côté dépressif, amplifiant la grisaille d’un climat maussade. On ne saura rien du passé de ces deux femmes paumées ni pourquoi Eunice s’acharne à retrouver Judith, probablement une idylle déchue, tandis qu’elle s’entête à chercher le tube d’une chanson sur l’amour. Le réalisateur s’attache surtout à décrire avec un humanisme désespéré leur union fragile, inscrite dans la rancœur morale et le meurtre gratuit.

C’est une élégie désenchantée, une odyssée aux teintes sombres, qui nous est livrée avec verdeur, peignant sans détour leurs vicissitudes sordides, présageant en fin de parcours une rédemption nihiliste. Comme si ces deux héroïnes incomprises s’empressaient, par l’acte meurtrier, de rejoindre les ténèbres pour s’extraire au plus vite de leur univers absurde.

Jalonné de tubes pop-rock — Cranberries, P.J. Harvey, Björk —, le film exacerbe cette ambiance terne pour magnifier l’amertume suicidaire de ces deux paumées incapables de s’assumer ou d’accepter le bonheur.

Amanda Plummer incarne Eunice dans ce rôle magnétique et délicat, traduisant avec acuité désespérée la tueuse en série répugnée par sa propre personnalité. Pour expier ses crimes, elle martyrise son corps, orné de piercings, tatouages et chaînes de métal, marquant ses stigmates d’hématomes. Saskia Reeves partage la vedette, incarnant avec naïveté candide une femme-enfant en perte de repères. Une célibataire inflexible, dénuée d’ambition, influencée par la misanthropie sordide d’Eunice faute de leur intense liaison amoureuse.

"Sous le voile noir : tendresse et violence d’un amour brisé".
Magnifiquement interprété par deux comédiennes à la beauté naturelle, Butterfly Kiss est une virée cafardeuse, une odyssée romantique invoquant l’opacité des ténèbres comme délivrance. Son épilogue traumatique, brutal et inopiné, frappe le spectateur d’une émotion incontrôlée. On s’étonne de ressentir soudain une profonde empathie pour ces deux protagonistes fragiles et besogneuses. Passé cet exutoire cinglant et indélébile, il devient impossible de sortir indemne d’une œuvre aussi fragile, malsaine et désenchantée. À réserver néanmoins à un public averti, tant pour son climat perturbant que son final cathartique — d’où son interdiction aux moins de 16 ans.
 
*Bruno 
A Isabelle Pica
08.03.12

ATTENTION SPOILER POUR CET EXTRAIT DEVOILANT SON FINAL IMPLACABLE !



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