lundi 3 octobre 2011

Martyrs. Méliès d'Argent du Meilleur Film Européen à Sitges 2008.

                                         (Crédit photo : image trouvée via Google, provenant du site IMDb. Utilisée ici à des fins non commerciales et illustratives).

de Pascal Laugier. 2008. Canada/France. 1h37. Avec Morjana Alaoui, Mylène Jampanoï, Catherine Bégin, Robert Toupin, Patricia Tulasne, Juliette Gosselin, Xavier Dolan-Tadros, Isabelle Chasse, Emilie Miskdjian.

Sortie en salles en France le 3 Septembre 2008 (Int - 18 ans). U.S: 25 Septembre 2008

FILMOGRAPHIE: Pascal Laugier est un réalisateur Français né le 16 Octobre 1971.
Courts-Métrages:1993: Tête de Citrouille. 2001: 4è sous-sol. Longs-métrages: 2004: Saint Ange
2008: Martyrs. 2012: The Tall Man.


MARTYR: Un martyr (du grec ancien ,-υρος martus, « témoin ») est celui qui consent à aller jusqu’à se laisser tuer pour témoigner de sa foi, plutôt que d’abjurer.

"L'au-delà en ruines". 
Après Saint-Ange, œuvre fantastique intimiste baignée d’une ambiance diffuse, Pascal Laugier revient quatre ans plus tard avec un film-monstre, une expérience viscérale rarement éprouvée au plus profond de notre psyché malmenée. Tourné à la manière d’un documentaire abrupt, Martyrs se révèle un témoignage cru sur les sacrifices humains orchestrés par une bourgeoisie avide d’espoir spirituel. Un océan de douleurs, un labyrinthe de douleurs, que dis-je, un hurlement de douleurs...

Le Pitch: Dans les années 70, une jeune fille séquestrée et torturée durant des mois par d’obscurs tyrans parvient à s’échapper. Quinze ans plus tard, après un long séjour dans un hôpital spécialisé, Lucie retrouve la trace de ses anciens bourreaux. Elle décide alors de leur rendre visite pour assouvir une vengeance longuement ruminée. Son amie proche, Anna, la rejoint bientôt, pour découvrir l’horrible massacre déjà perpétré.


Dès le prologue, âpre et haletant, on est foudroyé par l’intensité émotionnelle qui s’en dégage. Une enfant à demi nue, le corps balafré de cicatrices, s’échappe d’un hangar, pieds nus, le regard hagard, consumée par la terreur. Ce préambule, d’un réalisme clinique, accentué par une photographie désaturée, nous plonge d’emblée dans l’austérité monolithique d’un réalisateur irascible. Dans une construction narrative millimétrée, Martyrs décrit sans concession le calvaire infligé à deux jeunes filles candides, vouées à un destin sacrifié. C’est d’abord Lucie qui nous est présentée, dans le refuge blafard de son centre hospitalier. Au fil des années, elle s’attache à Anna, une âme compatissante, avec qui elle tisse une amitié fusionnelle. Hantée sans répit par d’atroces visions, incarnées par une créature famélique surgie de sa psychose, Lucie demeure prisonnière de son trauma. Les bourreaux n’ont jamais été retrouvés. Jusqu’à ce qu’un événement brutal relance l’intrigue : une plongée atypique dans une survie transcendée par la foi, la résilience et la souffrance.


Jamais, dans le paysage hexagonal, un film d’horreur n’aura autant martyrisé le spectateur, corps et âme. À travers le supplice jusqu’au-boutiste de deux jeunes femmes abandonnées à l’horreur, Pascal Laugier nous entraîne au cœur d’un enfer terrestre, dans une expérience incongrue aux frontières de l’au-delà. D’une portée mystique que d’aucuns jugeront absurde, voire grotesque, Martyrs demeure un sublime poème d’amour (noir) sur la solitude et l’endurance meurtrie, entre deux sœurs de souffrance. À contre-courant d’un cinéma horrifique ludique et cynique (à la Saw ou Hostel que l'auteur défend néanmoins), Laugier nous sort de notre zone de confort en y refusant tout compromis. Sans complaisance, sans anesthésie, il nous livre une violence nue, radicale, infligée au corps, à l’âme, à notre inconfort. D’un réalisme suffocant, certaines scènes — notamment dans le deuxième acte — imposent un calvaire presque en temps réel, avec une nouvelle victime substituée à Lucie. Et si l’on ressort de Martyrs si profondément ébranlé et surtout bouleversé ad vitam (jusqu'aux larmes je vous assure), c’est que Laugier s’attache d’abord aux fêlures psychologiques de ses héroïnes, et que cette violence obscène est le reflet d’un pouvoir mystique élitiste, déshumanisé.


Lucie, Anna, et la lumière des bourreaux
Porté par le jeu à vif de deux comédiennes habitées, Martyrs s’élève au rang de chef-d’œuvre à part entière, là où l’horreur dépasse sa fonction de pur divertissement pour révéler un drame humain inoubliable. La compassion envers Lucie et Anna se mêle à l’épouvante, dans un ballet de douleur et de transcendance. Nos émotions, mises à nu, sont ici écorchées à vif. Un rappel brutal que la vie est une lutte incessante contre l’affliction, pendant que certains aristocrates vendent leur âme pour fuir leur propre médiocrité, vers un au-delà hypothétique. Reste alors à espérer un jour rejoindre Lucie et Anna, dans ce silence opaque qui suit le supplice. Profond, puissant, meurtri, inconsolable. Trouvez le courage — la lumière au bout vaut chaque pas.

A Benoît...

*Bruno

Dédicace à Mathias Chaput 

03.10.11
24.04.25. 3èx

Récompenses: Mélies d'Argent du Meilleur Film Européen et Prix du Meilleur Maquillage au Festival de Sitges en 2008.

POLEMIQUE: Le 29 Mai 2008, à 13 voix contre 12, la commission de classification des oeuvres cinématographiques avait décidé d'interdire Martyrs aux moins de 18 ans. Suite à cette décision, de nombreuses voix se sont élevées, et une manifestation contre la censure et pour soutenir le cinéma de genre en France, s'était déroulée le 13 Juin 2008 devant le ministère de la culture à Paris. Y étaient présent, le metteur en scène Fernando De Azevedo, l'actrice Morjana Alaoui, ainsi que les membres de l'association du Club du Vendredi 13. Début juin, après que le réalisateur est venu défendre la question artistique de son film, la ministre de la Culture, Christine Albanel, a demandé à la commission une révision du classement, ce qu'elle fit le 1er juillet, en proposant une mesure d'interdiction du film aux moins de 16 ans avec avertissement.

Le point de vue de Olivier Strecker (réalisateur et passionné de cinéma de genre):
"Martyrs" c un film inclassable... au même titre que "baise moi" et "irreversible".... les FX de Benoit lestang sont et resterons mémorables puisque jamais en France personne n'avait créé un "costume" (à l'instar de prods US "hellraiser" ou italienne "La Chiesa" où benoit est d'ailleurs sous "la bête")..... Quant à la superbe musique de Seppuku Paradigm elle reste une des plus glaciale, triste et mémorable dans la tête des fans du genre..... tout ceci fait de "martyrs" une oeuvre à part ! un chef d'oeuvre ? (c quoi d'abord un "chef d'oeuvre "?) en tous cas "martyrs" est et restera une oeuvre majeure dans le cinéma français... on nous a habitué à un cinéma frileux et gracement subventionné pour faire des nazeries... avec plus de 25 ans de ciné en tant qu'exploitant en salles de ciné "martyrs" EST le film de la controverse !!!!! et ça c'est bon..."
Et si je peux me permettre en sus, "martyrs" est une perle rare dans le cinéma français....j'avais les larmes aux yeux sur la scène finale... des larmes pour la violence du film... des larmes pour Benoit...


Mathias Chaput:
Véritable film « coup de poing », « Martyrs » réconcilie avec le cinéma de genre tricolore, jusqu’ici bien moribond…
Laugier parvient à capter la viscéralité de ses personnages de façon si dense et habile que l’on ne peut qu’éprouver une immense empathie pour ces derniers.
Des plans-séquences d’une fluidité hors du commun confèrent à instaurer une grâce rarement atteinte jusqu’alors…
Un vrai électrochoc, mais parfaitement mesuré et exempt du moindre voyeurisme, ici on fonctionne sans parti pris ni scènes outrancières mais bien dans la beauté du décharnement, dans l’accomplissement de deux destinées que tout oppose et sépare, jusqu’à une conciliation du fait des événements, tenants et aboutissants d’une vengeance ancrée à postériori…
Lucie et Anna (jouées magistralement par Mylène Jampanoi et Morjana Alaoui) sont des filles perdues à jamais, confrontées dans une spirale dédalesque où l’issue ne peut qu’être funeste et la souffrance omniprésente…
Mesurant cet aspect de ses personnages, Laugier a pris le choix de jouer la carte de l’émotionnel et le tout fonctionne de façon sidérante !
Il faut y voir un immense professionnalisme de sa part et une originalité s’articulant avec une histoire super casse gueule si on l’appréhende sans talent…
Mais Laugier a su insuffler la grâce par le biais de sa direction d’acteurs, précise et méticuleuse, et par une approche mystique justifiant le dénouement du métrage, bluffant le spectateur par son culot et l’aspect novateur qu’elle procure au genre…
Il n’y a pratiquement rien à redire devant cette maestria cinéphilique, humaine, juste et d’un aspect certes perturbant pour certains, mais qui restera une pierre angulaire du cinéma contemporain, dont on sort « collapsé » et bizarrement, rassuré et vidé…
Une vision expérimentale du septième art en quelque sorte mais en tous points maitrisé via une réalisation épurée et des passage très marquants qui vous hanteront à jamais…
Morjana si un jour tu lis ces lignes, « Je t’aime »…

10/10



4 commentaires:

  1. chef d'oeuvre viscéral d'une puissance émotionnelle assez rare au cinéma.

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  2. film surestimée dans un paysage cinématographique morne...

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  3. Film choc qui traumatise à jamais, mis en scène avec les tripes, interprété par des actrices habitées par leurs personnages. Forcément les spectateurs intelligents en sortiront marqués à jamais.
    Pour les autres, comme cet anonyme aux propos risibles, il reste toujours CAMPING avec Franck Dubosc et mon majeur bien levé qui les accompagne respectueusement, puisque c'est ce genre de commentaire et de réaction qui fait qu'aujourd'hui les producteurs français alignent les merdes cinématographiques qui font notre fierté nationale et probablement la tienne cher anonyme.
    Magnifique critique Bruno, d'un vrai passionné éclairé, qui lui aime le cinéma, le vrai, et le défend avec cœur.
    Les autres y a aussi le RAID et LE BOULET, alors abstenez-vous de balancer votre haine gratuitement ici pour faire de l'esprit et retournez regarder TF1, où au moins argumentez un minimum (et je reste poli!)

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  4. Moi j'ai aimé mais oui c'est un film assez traumatisant, son effet met du temps à se dissiper

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