jeudi 24 mai 2012

Le Cauchemar de Dracula / Dracula / Horror of Dracula

                                          Photo empruntée sur Google, appartenant au site papyblues.com/

de Terence Fisher. 1958. Angleterre. 1h22. Avec Peter Cushing, Christopher Lee, Michael Gough, Melissa Stribling, Carol Marsh, Olga Dickie, John Van Eyssen, Valérie Gaunt, Janina Faye, Barbara Archer.

Sortie Salles France: 4 Février 1959. U.S: 8 Mai 1958

FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Terence Fisher est un réalisateur britannique né le 23 février 1904 à Londres (Maida Vale), et décédé le 18 juin 1980 dans la même ville. 1957 : Frankenstein s'est échappé, 1958 : Le Cauchemar de Dracula , 1958 : La Revanche de Frankenstein , 1959 : Le Chien des Baskerville , 1959 : L'Homme qui trompait la mort , 1959 : La Malédiction des pharaons, 1960 : Le Serment de Robin des Bois , 1960 : Les Étrangleurs de Bombay, 1960 : Les Maîtresses de Dracula, 1960 : Les Deux Visages de Docteur Jekyll , 1961 : La Nuit du loup-garou, 1962 : Le Fantôme de l'Opéra , 1962 : Sherlock Holmes et le collier de la mort, 1963 : The Horror of It All, 1964 : La Gorgone , 1965 : The Earth Dies Screaming, 1966 : L'Île de la terreur, 1966 : Dracula, prince des ténèbres , 1967 : La Nuit de la grande chaleur , 1967 : Frankenstein créa la femme, 1968 : Les Vierges de Satan, 1969: Le Retour de Frankenstein, 1974 : Frankenstein et le monstre de l'enfer.
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Un an après l’immense succès de Frankenstein s’est échappé, Terence Fisher renoue avec la même équipe technique (directeur photo, décoriste, scénariste, compositeur) et enrôle les deux vétérans de l’épouvante, Cushing et Lee, pour réactualiser sa version de Dracula, librement inspirée du roman de Bram Stoker. À l’arrivée, ce titre emblématique de la Hammer, concrétisé en 1958, demeure LE chef-d’œuvre absolu du mythe vampirique — maintes fois copié, jamais égalé !

Le pitch : Jonathan Harker se rend au château du comte Dracula sous couverture de bibliothécaire. Résolu à l’éliminer, il attend la tombée du jour pour le sacrifier dans son cercueil. Mais une jeune femme vampire, asservie par le comte, l’attaque et le mord. Le docteur Van Helsing part alors à sa recherche, craignant que son acolyte ne soit tombé à son tour sous l’emprise du prince des ténèbres.

Le Cauchemar de Dracula ! Titre culte qu’une génération de fantasticophiles découvrit, un mardi soir de 1985, dans La Dernière Séance d’Eddy Mitchell — il était 23h ! Que reste-t-il aujourd’hui de ce souvenir mythique, gravé dans le cœur des passionnés, où Van Helsing tentait encore de sauver le monde en traquant inlassablement le comte des Carpates ? Si les diamants sont éternels, le chef-d’œuvre de Fisher brille lui aussi d’un éclat immuable, porté par une mise en scène d’une rigueur géométrique, d’une pureté saisissante.

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Beauté gothique des décors architecturaux, environnement champêtre d’un onirisme tranquille, teinte sépia d’une photographie picturale, narration structurée avec un sens aigu du vraisemblable. Mais surtout: un affrontement légendaire entre deux gentlemans de l’horreur — Peter Cushing / Christopher Lee. En revoyant l’œuvre, encore et encore, on mesure à quel point la fascination que suscitent ses images flamboyantes tient de la sidération pure.

À travers une atmosphère gothique d’un érotisme brûlant, les femmes soumises deviennent l’objet du désir d’un prince des ténèbres en quête de revanche. Ici, à l’inverse du roman de Stoker ou des adaptations futures, Dracula n’est jamais épris — il violente, il contamine, il souille. Sa morsure est un acte de domination charnelle, sa mégalomanie : propager le Mal. Deux séquences magistrales montrent des femmes, alanguies dans leur lit de soie, gagnées par un vertige sexuel irrésistible, prêtes à accueillir leur bourreau. Cet érotisme rampant est exacerbé par leur posture : craintive ou extatique, elles redoutent, autant qu’elles désirent, l’irruption orgueilleuse du prince. Ce trouble de répulsion/attraction, cette impuissance face à un désir inextinguible, nous fascine — car il touche à l’obscène, à l’interdit, à l’éternel.

                              

Mais au-delà de cette sensualité exaltée, le récit suit aussi la quête salvatrice de Van Helsing, épaulé par Arthur Holmwood, frère de la première victime, dans une traque semée d’embûches. Une maîtresse vampirisée rôde la nuit, cherchant à attirer la petite Tania dans un sous-bois brumeux. Dracula, bien décidé à contaminer la compagne d’Arthur, multiplie les subterfuges pour éliminer ses adversaires. Ce pouvoir d’envoûtement inaltéré, Le Cauchemar de Dracula le doit aussi à l’élégance virile de ses deux protagonistes.

Dans le rôle du vampire, Christopher Lee livre une performance insidieuse, en aristocrate glacé au regard noyé de perversité, son corps hiératique drapé d’une cape immense. Face à lui, Peter Cushing incarne un Van Helsing loyal et pugnace, imposant par sa prestance et sa ferveur héroïque à vouloir anéantir un damné.


Mis en scène avec une virtuosité fulgurante, alliance de gothisme funèbre et de sensualité torride, Le Cauchemar de Dracula illustre la vision d’un créateur convaincu du pouvoir érotique de son mythe. Tandis que deux gentlemans, au charisme souverain, impriment leur duel dantesque dans la rétine du spectateur.
Quoi de plus belle déclaration d’amour au mythe de Dracula que cette version luminescente, vouée à nous hypnotiser ad vitam aeternam ? 

*Bruno

La critique de Dracula, Prince des Ténèbreshttp://brunomatei.blogspot.fr/2013/11/dracula-prince-des-tenebres-dracula.html

Dédicace à Eugène Rocton
24.05.12. 5èx


1 commentaire:

  1. The Horror of Dracula s'offre comme le premier film d'horreur gothique (et baroque)** de la Guerre Froide (après une bonne dizaine d'années de trouille nucléaro-envahissante, nourrie aux profanateurs de sépultures, aux damnés blondinets, aux mutations génétiques et, pour faire court, aux zitis de toutes sortes) et, fidèle et frivole avec l'orthodoxie du mythe, le lustre d'un érotisme évident tout en en gommant le manichéisme que le passé avait, à tort, retenu du texte de Stoker: difficile de soutenir aveuglément le « justicier » tristement intègre que s'avère être Van Helsing autant qu'il est délicat d'encourager trop bruyamment les frasques du Comte gominé... l'ambiguïté règne et les sens sont troublés au plus haut point: victimes craignant autant que s'offrant (morsures en alcôves) et confusion générale entre le bien (austère) et le mal (sexy) !
    Outre ce fond, inédit et rigoureusement excitant, la forme, so Hammer !, y est exposée on ne peut mieux, faisant tinter le La cristallin et putréfié à la fois d'un parfait diapason: foisonnants décors (velours rouge, boiseries encaustiquées), chaleur des lumières indoor (candélabres généreux),... une ligne artistique hautement identifiable du studio que reprendra scrupuleusement Polanski dans son Bal des Vampires (même si c'est plutôt, a priori, des Maîtresses de Dracula (Fisher, 60) et du Baiser du Vampire (Sharp, 63) que le réalisateur poignardé par la Suisse traîtresse semble s'être inspiré).
    Pépite mordorée (dont la BO ne traverse hélas pas très bien le temps, elle: ses hautbois d'angoisse flirtent avec le cartoon scoobydesque), à l'influence durable (y compris sur la carrière de ses acteurs, vite enfermés dans ses charismatiques mais étroits emplois) et à l'autorité indiscutable chez nombre de cinéphiles de genre, The Horror of Dracula demeure un égal enchantement à chaque visionnage.

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