jeudi 18 juin 2020

Black Snake Moan

                                                Photo empruntée sur Google, appartenant au site Allocine.fr

de Craig Brewer. 2006. U.S.A. 1h55. Avec Samuel L. Jackson, Christina Ricci, Justin Timberlake, S. Epatha Merkerson, John Cothran Jr., David Banner.

Sortie salles France: 30 Mai 2007. U.S: 9 Décembre 2006

FILMOGRAPHIECraig Brewer est un réalisateur et scénariste américain, né le 6 décembre 1971 en Virginie. 2000 : The Poor and Hungry. 2005 : Hustle et Flow. 2007 : Black Snake Moan. 2011 : Footloose. 2019 : Dolemite Is My Name. 2020 : Coming 2 America.

 
"Toi et moi, on sera toujours là quand il le faut pour croire en l’autre."
Passé inaperçu en 2006, malgré une affiche rutilante, clinquante et délibérément racoleuse, Black Snake Moan était trop atypique pour séduire le grand public. Véritable film culte à la trajectoire aussi tentaculaire que reptilienne - notamment à travers son poème musical sur la tentation du Mal - il aborde, avec une originalité couillue, les thèmes sulfureux de la nymphomanie, de l’abus sexuel et de l’anxiété la plus corrosive. Imaginez un Afro-Américain brisé sentimentalement, s’unissant à une jeune nymphomane incontrôlable pour dépasser leurs failles respectives, rongées par une colère autodestructrice, au nom d’un amour rédempteur. Et, hétérodoxie suprême, cet homme, guidé par une foi profonde, n’hésite pas à enchaîner cette femme - préalablement violée - pour l’arracher à la luxure. Tout un programme punitif et drastique, sans le consentement d’une victime déjà démunie.
 
Sur le papier, on pourrait douter qu’une telle trame - décalée, violente, presque ubuesque - dénonçant en filigrane le rigorisme du dévot, tienne la route 1h55 durant. C’était sans compter sur le talent inspiré de Craig Brewer, qui tisse une splendide étreinte amicale doublée d’une bouleversante romance, aussi épurée que torturée. Car le compagnon de la nymphomane tentera lui aussi, en dernier ressort, d’affronter ses propres démons pour réprimer ses crises d’angoisse et atteindre enfin l’équilibre dans sa relation. Son anxiété pathologique s’enracinant dans une suspicion inconsciente, nourrie par la réputation putassière de celle qu’il aime, réduite aux yeux du monde à un simple objet sexuel.

Émaillé de tubes blues entraînants - le concert au pub dégage une énergie galvanisante, jusqu’à faire onduler une foule en transe - Black Snake Moan est illuminé par le duo improbable Samuel L. Jackson (père de substitution attentionné) et Christina Ricci (Betty Boop au sex-appeal brûlant, sans artifice). Ensemble, ils crèvent littéralement l’écran, leur complémentarité vibrant au rythme de la sagesse, de la modération et du self-control. Et si la première partie, décomplexée, traite la nymphomanie avec provocation et réalisme cru, Brewer affine ensuite le portrait humain de cette esclave féminine, lestée d’un passé traumatique écrasant. L’intrigue gagne alors en densité psychologique, au moment même où le jeune Ronnie refait surface après son service militaire. On découvre aussi la sobriété étonnamment juste de Justin Timberlake, en amant en herbe pris entre réserve, indécision et timidité, dissimulées derrière le masque d’un faux rebelle en quête de force d’esprit. Brewer y esquisse un nouveau portrait d’amant torturé, en marche vers la rédemption amoureuse.

Le message de Black Snake Moan reste avant tout un poème mélomane sur l’amour le plus candide, à travers un trio impromptu meurtri par l’infortune, l’infidélité et la démission parentale - notamment dans ces échanges déchirants entre mère et fille, où la confidence devient arme tranchante.


"Cette lumière que j’ai en moi, je vais la laisser briller."
Un chant d’amour incandescent, à graver dans la pierre de l’histoire du cinéma indépendant. À ne pas manquer, ne serait-ce que pour réparer l’injustice de son échec commercial.

— le cinéphile du cœur noir

2èx

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