mardi 23 juin 2020

Snake Eyes

                                         Photo empruntée sur Google, appartenant au site cinememorial.com

"Dangerous Game" d'Abel Ferrara. 1993. U.S.A. 1h49. Avec Harvey Keitel, Madonna, James Russo, Victor Argo, Nancy Ferrara.

Sortie salles France: 13 Octobre 1993. U.S: 19 Novembre 1993

FILMOGRAPHIE: Abel Ferrara est un réalisateur et scénariste américain né le 19 Juillet 1951 dans le Bronx, New-York. Il est parfois crédité sous le pseudo Jimmy Boy L ou Jimmy Laine.
1976: Nine Lives of a Wet Pussy (Jimmy Boy L). 1979: Driller Killer. 1981: l'Ange de la Vengeance. 1984: New-York, 2h du matin. 1987: China Girl. 1989: Cat Chaser. 1990: The King of New-York. 1992: Bad Lieutenant. 1993: Body Snatchers. Snake Eyes. 1995: The Addiction. 1996: Nos Funérailles. 1997: The Blackout. 1998: New Rose Hotel. 2001: Christmas. 2005: Mary. 2007: Go go Tales. 2008: Chelsea on the Rocks. 2009: Napoli, Napoli, Napoli. 2010: Mulberry St. 2011: 4:44 - Last Day on Earth. 2014: Welcome to New-York. 2014: Pasolini.


"Je ne connais pas d'autre événement qui cause autant de douleur et de destruction, et qui est aussi peu compréhensible, que la fin de l'amour."
Film choc s'il en est, Snake Eyes constitue une expérience de cinéma à rude épreuve si bien que la frontière entre fiction et réalité demeure toujours plus exigue de par son extrême réalisme d'une intensité dramatique à couper au rasoir. Et ce quitte à bousculer les repères du spectateur littéralement troublé par l'improvisation des acteurs se livrant à une déchéance psychologique d'une violence capiteuse. Car à travers l'immersion d'un tournage chaotique illustrant la confrontation morale entre un couple en perdition (l'amant désire poursuivre ses excès tous azimuts alors que sa compagne en voie de sagesse spirituelle souhaite s'en libérer), Abel Ferrara exploite la mise en abyme afin d'exorciser la propre situation véreuse d'un metteur en scène hanté de culpabilité. Ou tout du moins le résigner par le truchement de ce reflet de miroir à avouer enfin sa responsabilité et ses fautes à son épouse dénuée de suspicion à son égard. Celui-ci cumulant depuis son mariage sexe, drogue et alcool qu'il côtoie lors des tournages ou lors des soirées mondaines. Dirigé de main de maître par un Abel Ferrara toujours aussi torturé par le remord et la quête de rédemption à travers l'image divine, Snake Eyes nous laisse en état de malaise prégnant sitôt le générique bouclé.


Tant et si bien que les acteurs résolument habités par leur rôle schizo nous transmettent leurs émotions névralgiques avec une vérité (ac)crue de par la volonté psycho-rigide de Ferrara de les pousser dans leurs derniers retranchements, au risque de flirter avec la démence. Si bien que l'on peut d'ailleurs craindre le pire quant à l'ambiguïté de l'épilogue suggérant une mort en direct, via le snuf-movie, quand bien même nous venions d'assister à une oeuvre indépendante à la fois personnelle et confidentielle ! C'est donc un tableau dérisoire des coulisses du cinéma que nous assène sans concession Abel Ferrara, son envers du décor vitriolé à travers cette faune d'acteurs corrompus par leur confort et la célébrité, quitte à se laisser dériver à une descente aux enfers irréversible. Quand bien mêmes les cinéastes en quête insatiable de perfectionnisme et de soif de réalisme exploitent leurs acteurs avec soupçon de sado-masochisme. Outre l'époustouflant jeu viscéral de James Russo en amant borderline à la cime de la démence, et la force (faussement) tranquille d'Harvey Keitel en cinéaste notoire en proie à l'opprobre, on reste sidéré par l'authenticité névrosée de Madonna en victime soumise accablée de fragilité et de rébellion auprès de ses deux partenaires livrés à un machisme aussi perfide que couard. Chacun d'eux s'échangeant sans se l'avouer le corps de l'actrice dans une volonté vulgairement lubrique !


Estomaquant de vérisme ardu à point tel de confondre la technicité du reportage, Snake Eyes se décline donc en cinéma vérité brut de décoffrage de par son extrême animosité morale. Tant et si bien qu'il reste réservé à un public averti du fait de l'extrême violence des rapports conjugaux emportés dans une spirale de réprimandes dénuées d'échappatoire. Extrêmement noir, dérangeant et éprouvant, un tableau terrifiant, asphyxiant, méphitique sur l'envers du cinéma glamour dénué d'union maritale. 

*Bruno
4èx  

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