mardi 25 juin 2024

Furiosa : une saga Mad-Max / Furiosa: A Mad Max Saga

                                             Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de George Miller. 2024. U.S.A/Australie. 2h28. Avec Anya Taylor-Joy, Alyla Browne, Chris Hemsworth, Tom Burke, Lachy Hulme, George Shevtsov, John Howard, Angus Sampson, Nathan Jones, Josh Helman.

Sortie salles France: 22 Mai 2024 (Int - 12 ans). U.S: 24 Mai 2024 (Int - 17 ans).

FILMOGRAPHIE: George Miller est un réalisateur, scénariste et producteur australien, né le 3 Mars 1945 à Chinchilla (Queensland). 1979: Mad-Max. 1981: Mad-Max 2. 1983: La 4è Dimension (dernier segment). 1985: Mad-Max : Au-delà du dôme du Tonnerre. 1987: Les Sorcières d'Eastwick. 1992: Lorenzo. 1997: 40 000 ans de rêve (documentaire). 1998: Babe 2. 2006: Happy Feet. 2011: Happy Feet 2. 2014: Mad Max: Fury Road. 2022 : Trois mille ans à t'attendre (Three Thousand Years of Longing). 2024 : Furiosa : Une saga Mad Max (Furiosa: A Mad Max Saga). 

Monstrueux à part entière. Comme un air de déjà lu me direz-vous ! Or, peux pas mieux prétendre que Furiosa est bel et bien un objet de décadence d'une beauté raffinée transcendant une fois encore l'outil cinématographique pour y façonner une nouvelle réalité alternative. Euphémisme donc si Furiosa demeure un spectacle gargantuesque (2h18 quand même sans jamais émettre un battement de cil !) à la fois viscéral, sensoriel, immersif au possible, vertigineux, diaphane surtout pour sa faculté à nous faire omettre que nous sommes face à une chimère. Tant et si bien qu'un seul visionnage ne suffit point pour y déceler ses insatiables richesses tous azimuts. C'est simple, ça vacille et secoue dans toutes les directions avec fascination charnelle d'une certaine façon. Chaque détail observé dans le cadre nous hypnotisant le regard de gauche à droite, de bas en haut de manière perpétuelle si bien que l'on reste rivé à l'écran comme un rêve de gosse retrouvé. C'est d'ailleurs ce que précisément j'avais ressenti à l'époque de Mad-Max 2 lorsque j'eu l'occasion de le découvrir sur grand écran à 2 reprises. Cette similaire euphorie de tous les diables, cette excitation capiteuse sans cesse renouvelée. Car si Fury Road reste bel et bien l'un des plus grands films d'action jamais réalisés, Furiosa le supplante à bien des égards (narration plus dense, méchants lunaires encore plus haut en couleur, émotion autrement poignante, climat post-apo plus sombre, violence plus animale, scènes d'actions encore plus jouissives, cintrées et inventives, univers plus vaste, plus expressif, plus ramifié aussi en dépit de certains arrières-plans - rocailleux - en CGI). 

Un préquelle truffé d'astucieux clins d'oeil à la saga motorisée "5 étoiles", prioritairement Mad-Max 2 / Fury Road (notamment auprès d'une inversion des rôles impartis) à travers ses ambitions autrement démesurées lorsqu'une jeune fille (doit-on préciser qu'Anya Taylor-Joy s'approprie le rôle par le non-dit, la simple acuité de son regard de braise impassible ?), arrachée à sa mère, se retrouve ballotée par deux autocrates mégalos se disputant le pouvoir au sein d'un désert aride livré à l'agonie. George Miller se réappropriant les codes de Mad-Max (cascades automobiles en règle s'insérant dans l'histoire avec une fluidité à couper au rasoir) et son sempiternel discours sur la vengeance avec une intelligence assez burnée eu égard du dénouement gigogne remarquablement imprévisible au risque de déconcerter certains spectateurs peu habitués aux divertissements autonomes délibérés à s'opposer aux conventions. Et si l'on était resté sans voix à l'époque de Fury Road pour son imagerie furibarde, Furiosa double la mise (psychologique) sous l'impulsion d'un superbe portrait de femme écorchée vive en voie d'héroïsme mythologique. Jamais avare de créativité comme de coutume depuis des décennies, George Miller  relance donc les dés avec une maîtrise, un aplomb, une aisance déconcertantes du haut de ses 69 printemps. Quant à la figure du méchant tant iconisée au cinéma, c'est bien connu: "plus il est réussi, meilleur le film sera". Or ici on nous en offre deux pour le prix d'un ! Chris Hemsworth explosant lui aussi l'écran avec une force tranquille et de sureté à la fois sardonique, détestable, jubilatoire en fanfaron fourbe de tous les diables. 

Ultime chef-d'oeuvre du cinéma d'action dans son sens le plus épuré, galvanisant et personnel, Furiosa se décline en nouvelle référence plus substantielle que son prédécesseur au sein d'un réalisme cinégénique vibrant d'amour, de générosité et de dignité pour ce qu'il raconte et imprime en image. Peut-être l'opus le plus fulgurant, le plus efficient, le plus électrisant de toute la saga en y déclarant une seconde fois sa flamme à la cause féministe la plus épique et résiliente au sein d'une terre aride réduite à l'ignominie. Un cirque infernal d'une beauté féroce éminemment ensorcelante. 

*Bruno

lundi 24 juin 2024

The Offence

                                              Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Sidney Lumet. 1972. U.S.A/Angleterre. 1h52. Avec Sean Connery, Trevor Howard, Ian Bannen, Vivien Merchant, Peter Bowles.

Sortie salles France: 12 Septembre 2007. Angleterre: 11 Janvier 1972

FILMOGRAPHIE: Sidney Lumet est un réalisateur américain, né le 25 Juin 1924 à Philadelphie, décédé le 9 avril 2011 à New-York. 1957: 12 Hommes en colère. 1958: Les Feux du Théâtre. 1959: Une Espèce de Garce. 1959: l'Homme à la peau de serpent. 1961: Vu du pont. 1962: Long voyage vers la nuit. 1964: Le Prêteur sur gages. 1964: Point Limite. 1965: La Colline des Hommes perdus. 1966: Le Groupe. 1966: MI5 demande protection. 1968: Bye bye Braverman. 1968: La Mouette. 1969: Le Rendez-vous. 1970: Last of the mobile hot shots. 1970: King: A filmed record... Montgomery to Memphis. 1971: Le Dossier Anderson. 1972: The Offence. 1972: Les Yeux de Satan. 1973: Serpico. 1974: Lovin' Molly. 1974: Le Crime de l'Orient Express. 1975: Un Après-midi de chien. 1976: Network, main basse sur la TV. 1977: Equus. 1978: The Wiz. 1980: Just tell me what you want. 1981: Le Prince de New-York. 1982: Piège Mortel. 1982: Le Verdict. 1983: Daniel. 1984: A la recherche de Garbo. 1986: Les Coulisses du Pouvoir. 1986: Le Lendemain du Crime. 1988: A bout de course. 1989: Family Business. 1990: Contre Enquête. 1992: Une Etrangère parmi nous. 1993: l'Avocat du Diable. 1997: Dans l'ombre de Manhattan. 1997: Critical Care. 1999: Gloria. 2006: Jugez moi coupable. 2007: 7h58 ce samedi-là.

35 ans il eut fallu que pour que The Offence soit enfin visible chez nous en salles, précisément en 2007, faute de la société de distribution United Artists terrifiée par le résultat final. Et effectivement The Offence fait office de pavé dans la mare pour son climat blafard quasi irrespirable, pour sa violence verbale et physique en roue libre lorsqu'un flic à bout de nerf (pour ne pas dire en dépression nerveuse) se confronte au coupable présumé d'un violeur de fillette. Ainsi donc, en abordant le thème de la pédophilie avec un réalisme glaçant n'appartenant qu'au cinéma des Seventies, Sidney Lumet y extrait une réflexion sur le Mal et le refoulement auprès d'un affrontement psychologique d'une intensité davantage névralgique. Tant et si bien que passé le dénouement inqualifiable il demeure difficile de sortir indemne auprès de ce profil fragilisé par une horrible vérité. 

Sean Connery, à contre-emploi drastique (euphémisme j'vous dit), incarnant un flic antipathique, violent, condescendant, discourtois avec une force expressive acharnée. Pour ne pas dire aux cimes de la folie. Comme s'il était contraint de supporter du poids de ses épaules tous les malheurs du monde. Tout du moins les exactions impardonnables d'un pédophile aussi rusé que gouailleur. Visuellement grisonnant, voir déprimant au sein de cette banlieue british afin de renforcer la noirceur opiniâtre du récit cauchemardesque chargé de dialogues difficiles, The Offence demeure d'autant plus singulier qu'il fait appel à une narration éclatée. Entre flash-back, visions d'effroi et instant présent au coeur d'un huis-clos toujours plus tendu et escarpé. A découvrir absolument donc avec l'évident avertissement que ce drame psychologique incroyablement rigoureux est à privilégier à un public préparé tant il dilacère les codes avec une franchise épeurante.  


*Bruno

Merci à Jean-Marc Micciche et Jérôme André-Tranchant

vendredi 21 juin 2024

Le Château des Amants maudits / Beatrice Cenci

                                             Photo empruntée sur Google, appartenant au site unifrance.org

de Riccardo Freda. 1956. Italie/France. 1h33. Avec Micheline Presle, Gino Cervi, Mireille Granelli, Fausto Tozzi, Frank Villard, Claudine Dupuis.

Sortie salles France: 3 Avril 1957. Italie: 6 Avril 1956

FILMOGRAPHIE: Riccardo Freda (24.02.1909 - 20/12/1999) est un réalisateur, scénariste et acteur italien à l'origine de 27 longs-métrages réalisés entre 1942 et 1989. Il sera surtout reconnu auprès des amateurs de cinéma fantastique avec Les Vampires, Caltiki, le monstre immortel, Maciste en Enfer ainsi que ses fausses suites l'Effroyable secret du Dr Hichcock, le Spectre du professeur Hichcock.


Même si on est en droit de préférer la version autrement malsaine, glaçante et réaliste de Fulci (Liens d'amour et de sang) réalisée plus tard, Le Château des amants maudits est loin de laisser indifférent à travers son esthétisme flamboyant constamment renversant. Si bien que Dario Argento s'en est clairement inspiré pour le fameux prélude de Suspiria quant à la course effrénée d'une jeune fille s'enfonçant à travers bois au coeur de la nuit sous un éclairage bleuté. Il s'agit donc d'une excellente adaptation à la fois classique pour le traitement dépouillé de son horrible histoire familiale et baroque pour sa réalisation avisée magnifiant chaque plan à l'instar d'un tableau transalpin. Son climat historique parfois à la lisière de l'onirisme surréaliste demeurant sensiblement prégnant autour des va et vient de personnages détestables se trahissant pour leur enjeu de survie après s'être débarrassé d'un patriarche tyrannique (étonnamment campé par un Gino Cervi détestable à contre emploi de son personnage bougon dans le classique de la comédie Don Camillo -). Quant à l'actrice française Mireille Granelli (il s'agit d'une co-production entre la France et l'Italie) elle parvient à donner chair à son personnage proscrit avec une sobriété contrariée contrastant avec sa discrète beauté aussi veloutée qu'épurée. Une étrange beauté candide teintée de fragilité torturée eu égard de sa condition soumise auprès d'un père abusif dénué de vergogne. Perle rare, méconnue et oubliée, le Château des amants maudits resplendit de 1000 feux sous l'égide de son édition Blu-ray distribuée par Gaumont lui insufflant ainsi une seconde jeunesse du haut de ses 68 printemps à l'heure ou j'imprime mes impressions à chaud. Chaudement recommandé donc. 


*Bruno
2èx. Vf. 

mercredi 19 juin 2024

Exposé / The House on Straw Hill / Trauma

                                              Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de James Kenelm Clarke. 1976. 1h24. Angleterre. Avec Udo Kier, Linda Hayden, Fiona Richmond, Patsy Smart, Karl Howman, Vic Armstrong

Sortie salles Angleterre: Mai 76 (Classé X + Video Nasties).

FILMOGRAPHIE: James Kenelm Clarke est né le 5 février 1941 à Gloucestershire, Angleterre, Royaume-Uni. Il était réalisateur et producteur. 1974: Got it Made. 1976: Exposé. 1977: Hardcore. 1978: Let's get laid. 1983: Funny Money. 1985: Yellow Pages. 

A réserver prioritairement aux bissophiles amateurs de curiosités oubliées (et introuvables), Exposé est une sympathique série B érotico-horrifique, aussi rachitique soit son contenu narratif. En gros, une jeune  dactylographe est recrutée par un écrivain misanthrope au sein de sa demeure champêtre confinée à proximité d'un champs de paille afin d'y clôturer son dernier roman. Bientôt, des meurtres sauvages vont intenter à leur tranquillité. Classé X lors de sa sortie Outre-manche et estampillé "Video Nasties" (ces Vhs interdites de location), Exposé a de quoi faire sourire de nos jours pour sa violence sanguine peu crédible car dénuée d'effets spéciaux et ses séquences érotiques un tantinet effrontées qui ne choquera plus personne. 

L'intérêt résidant dans la formalité de son atmosphère d'étrangeté assez immersive pour qui raffole des films d'ambiance aujourd'hui révolus (à quelques exceptions). Et si l'intrigue parfois bizarre (le sort des 2 violeurs, les hallucinations prémonitoires de Paul Watel dénuées de sens) a tendance à se répéter, faute d'une ossature linéaire dénuée de surprises (si bien que l'on voit venir à des kilomètres son twist escompté), Exposé est heureusement renforcé de sa réalisation assez personnelle et parfois expérimentale et du jeu inquiétant d'Udo Kier en écrivain chafouin accompagné de deux charmantes anglaises souvent dévêtues et aussi détachées que lui dans leur posture d'aguicheuse décomplexée au caractère pour autant expressif. 

Exposé est donc à découvrir d'un oeil amusé bien qu'il reste bizarrement en mémoire sitôt le générique clos de par le vérisme de son atmosphère british assez indicible.

P.S: Commercialisé chez Bach Films dans une médiocre édition Dvd,  la copie est hélas d'autant plus censurée de 2 minutes (le viol et le meurtre dans la salle de bain).

*Bruno
19.06.24. 3èx. Vostf. Uncut. 

lundi 17 juin 2024

I saw the TV Glow

                                             
                                                                 Photo empruntée sur Facebook

de Jane Schoenbrun. 2024. U.S.A. 1h41. Avec Justice Smith, Brigette Lundy-Paine, Helena Howard, Lindsey Jordan, Conner O'Malley, Emma Portner

Sortie salles U.S: 3 mai 2024

FILMOGRAPHIEJane Flannery Schoenbrun est un réalisateur américain né en 1987. 2018: A Self-Induced Hallucination. 2021: We're All Going to the World's Fair. 2024: I saw the Glow TV.


                              « Parfois, The Pink Opaque semble plus réel que ma propre vie. »

Souvenez-vous que l'on n'est pas obligé de tout comprendre pour aimer, l'important c'est de rêver.
Il y a des films, et puis il y a des expériences. I saw the TV glow fait parti de cette seconde catégorie autrement plus autonome, créative, personnelle, souvent singulière. Car à mi-chemin entre le cinéma de Lynch et celui de Cronenberg (Videodrome largement en tête), I saw the TV glow traite du mal-être existentiel du point de vue de l'adolescence avec une sensibilité, une marginalité et une originalité dénué de moralisme. Si bien qu'au fil du cheminement tortueux, si fragile, de 2 adolescents à la fois taiseux, timorés et tourmentés, totalement introvertis au point de se laisser engloutir par leur série TV fétiche (voir même fétichiste), le spectateur se laisse dériver vers leur bad trip hallucinatoire parmi l'impuissance de ne pouvoir y détourner le regard. 


C'est dire si I saw the TV glow demeure aussi hypnotique et envoûtant (la bande-son élégiaque est bouleversante aux larmes) que beau, malaisant, terriblement émouvant quant à sa métaphore (universelle) sur le besoin irrépressible de se détourner de la réalité d'une quotidienneté mélancolique (thème oh combien central du récit) au profit d'une illusion télévisuelle terriblement addictive, délétère (?), fallacieuse (?). Par l'entremise de ce refuge médiatique oh combien enivrant et déconcertant s'y décline donc un discours sur le pouvoir de l'image, sur la nostalgie du souvenir et son influence sur notre psyché (ici dépressive, esseulée, suicidaire même) au sein du genre Fantastique que Jane Schoenbrun (cinéaste transgenre) transfigure au sein d'une imagerie onirique à damner un saint. Tant auprès de la quotidienneté rose fluo du duo anxiogène déambulant tels des zombies atones dans leur banlieue tranquille que des bribes Vhs qu'ils se repassent sans cesse sur la TV de leur émission attitrée, j'ai bien nommé: "l'opaque rose". Et si son final, sciemment ambigu, voir nonsensique (même si on  peut se réconforter vers la métaphore métaphysique) nous laisse autant subjugué que désarmé, I saw the TV glow vous reste imprimé dans l'encéphale au fer rouge, que l'on ait adhéré ou non.

En tout état de cause, cet OFNI déjà culte fera date (à l'instar du bouche à oreille imparti à Donnie Darko) et déchainera autant les passions que les interrogations à travers cette bouleversante étude cérébrale sur notre quête identitaire ici assujettie au besoin de se plonger dans l'évasion du petit (et grand) écran au grand dam de notre réalité imberbe déshumanisante. Avec un bel hommage (évidemment nostalgique) aux années 90 pour tenir lieu de cadre urbain rétro imbibé de nuances rose, bleues et violettes du plus bel effet insolite. 

*Bruno

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Ci-joint un p'tit mot du devoir:
Le film, dont le message n’est pas évident au premier visionnement, est une expérience avant tout sensorielle, qui prend aux tripes, bouscule et force le cerveau à s’extraire de ses propres névroses et fictions pour constater leurs dangers comme les limites de leur pouvoir. On sort de la salle la tête remplie de questions, mais certain d’avoir vécu quelque chose d’absolument unique.
Le Devoir.

vendredi 14 juin 2024

Toutes les couleurs du vice / L'Alliance Invisible / Tutti i colori del buio

                                                                                                                                          Photo empruntée sur Google, appartenant au site senscritique.com

de Sergio Martino. 1972. Italie/Espagne. 1h34. Avec George Hilton, Edwige Fenech, Ivan Rassimov, Julián Ugarte, George Rigaud, Nieves Navarro.

Sortie salles France: 3 Janvier 1974. Italie: 28 Février 1972.

FILMOGRAPHIE SELECTIVESergio Martino est un réalisateur, producteur et scénariste italien né le 19 Juillet 1938 à Rome (Italie). 1970: l'Amérique à nu. Arizona se déchaîne. 1971: l'Etrange vice de Mme Wardh. La Queue du Scorpion. 1972: Toutes les couleurs du vice. 1973: Mademoiselle Cuisses longues. 1973: Torso. 1975: Le Parfum du Diable. 1977: Mannaja, l'homme à la hache. 1978: La Montagne du Dieu Cannibale. 1979: Le Continent des Hommes poissons. Le Grand Alligator. 1982: Crimes au cimetière étrusque. 1983:2019, Après la Chute de New-York. 1986: Atomic Cyborg. 1989: Casablanca Express. 1990: Mal d'Africa. Sulle tracce del condor.


"Ces jeunes qui flottent sont des proies parfaites pour les sectes et les mouvements extrémistes. Quand on ne sait pas qui on est, on est ravi qu’une dictature vous prenne en charge et, dès l’instant où l’on se soumet à un maître, à un texte unique, on devient fanatique." Boris Cyrulnik.

Tourné un an après l'Etrange vice de Mme WardhToutes les couleurs du vice change de registre pour s'aventurer dans le thriller ésotérique eu égard de l'épreuve de force morale que Jane doit endurer afin de ne pas sombrer dans la folie. Car depuis la mort de sa mère et de son propre enfant, elle souffre  d'hallucinations intermittentes où s'y conjuguent une communauté sectaire adepte du sacrifice ainsi que la filature d'un étranger patibulaire aux yeux bleus perçants (le grand - par la taille - Ivan Rassimov  toujours intrigant à souhait à travers la force d'expression de son regard reptilien). Ainsi, en s'écartant du Giallo qui lui valu un joli succès, Sergio Martino nous structure ici une intrigue vénéneuse où cauchemar et réalité se télescopent sous le témoignage d'une victime en berne en  paranoïa progressive. Fort de son climat de mystère constamment inquiétant et de cette foule de personnages équivoques que l'héroïne fréquente avec toujours plus de méfiance, Toutes les couleurs du vice nous immerge dans un cauchemar cérébral vertigineux si bien que le spectateur, pleinement identifié à son désarroi, ne parvient lui non plus à distinguer la chimère de la réalité.


C'est dire si la réalisation solide, d'autant plus émaillée de plages d'onirisme macabre saillantes, parvient à nous faire douter de ce que nous découvrons à travers le regard épeuré de Jane ne sachant plus vraiment vers quel soutien se vouer. Portant le film sur ses épaules charnues, Edwige Fenech, omniprésente, insuffle une solide expression fragile sous l'impulsion de sa psychose exponentielle d'être persécutée par son entourage et la secte marquée d'un oeil divin sur la peau en guise de tatoo emblématique. Quand bien même nous nous interrogeons notamment sur l'éventuelle complicité de l'époux de Jane souvent absent du cocon familial et possédant un étrange recueil de magie. Un personnage bicéphale, une part de mystère irrésolu que Sergio Martino se réserve de nous divulguer ouvertement jusqu'au générique de fin. Ainsi donc, sa scénographie sensiblement envoûtante et schizophrène nous expose nombre d'images patibulaires où horreur malsaine et suspense vertigineux se chevauchant avec une égale efficacité. Même si hélas la répétition des agressions et filatures auprès d'un personnage patibulaire s'y fait ressentir 1 heure durant. 


Excellent thriller horrifico-cérébral soutenu du splendide thème solennel de Bruno NicolaiToutes les couleurs du vice traite des thèmes de l'emprise sectaire, de la cupidité et de la paranoïa à travers une narration labyrinthique jouant habilement de notre perception de la réalité. Si bien que nous nous interrogeons avec empathie sur la santé mentale de Jane péniblement ébranlée par le deuil et les conséquences pécuniaires qui en émanent.  

*Bruno
31.08.22. 
14.06.24. 4èx

jeudi 13 juin 2024

Sous la Seine

                                               Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Xavier Gens. 2024. France. 1h45. Avec Bérénice Bejo, Nassim Lyes, Léa Léviant, Sandra Parfait, Aksel Ustun, Aurélia Petit. 

Diffusé sur Netflix le 5 Juin 2024

FILMOGRAPHIEXavier Gens est un réalisateur, scénariste et producteur de cinéma français, né le 27 avril 1975 à Dunkerque (Nord-Pas-de-Calais). 2007 : Hitman. 2007 : Frontière(s). 2011 : The Divide. 2012 : The ABCs of Death (segment X is for XXL). 2017 : The Crucifixion. 2017 : Cold Skin. 2018 : Budapest. 2023 : Farang. 2024 : Sous la Seine.
 

Au vu des critiques assassines que j'ai pu lire et écouter, tant sur Youtube que sur Facebook, me suis décidé à le voir ce matin car à la base je n'étais pas vraiment emballé par ce projet improbable j'avoue alors que j'apprécie le cinéma de Xavier (et l'humain en tant que personnalité humble qu'il représente pour moi). 

Et bien j'ai trouvé cela super sympa, sans provocation aucune. 

Alors oui le schéma narratif est cousu de fil blanc indubitablement, on peut reprocher le côté caricatural de certains personnages (surtout les gentils militants écolos), l'absence d'intensité et de terreur, son montage maladroit pour les scènes d'action (alors que j'ai vu bien pire chez Fast and Furious par ex ou d'autres produits bourrins opportunistes). Mais pour moi l'intérêt est ailleurs car il s'agit d'un pur divertissement du samedi soir (comme il en pullulait lors des années VHS 80), dégingandé sans doute, certes, mais dénué d'aucune prétention, fun, ludique, voir même parfois jubilatoire.  Tant pour le côté débridé, cocasse du génial concept "zinzin" que de certains personnages sciemment parodiés (la maire de Paris apparentée à Valérie Pécresse, ah c'te blague de Carambar). 

J'ai lu aussi que l'image était dégueulasse, que Paris était mochement filmé. Ah bon ? On n'a pas du tout vu la même scénographie tant Xavier soigne cette imagerie urbaine ET sous-marine, tant il table sur son savoir-faire technique afin de rendre constamment efficace également sa narration éculée. Et puis j'ai lu aussi que les FX étaient désastreux ! ? Là encore je ne suis pas d'accord car les rares agressions d'attaques du squale (justement dosées puisque l'on mise d'abord sur l'attente, à l'instar du cinéma de Spielberg) m'ont réellement amusé, impressionné, voires même fasciné. Surtout auprès de son final catastrophiste génialement bordélique, tous azimuts. Même si j'aurai toutefois préféré des séquences chocs un peu plus longues, nombreuses et gorasses pour les arrachages de membres en bonne et due forme.

Et puis je reviens encore sur le concept d'y confiner un requin sous la seine (non mais allo quoi ! ah ah !). Rien que pour cela je trouve le film fréquemment fun, délirant et c'est justement cette idée saugrenue qui a fait que je suis resté constamment amusé, décomplexé par ce que je voyais sans jamais me prendre la tête comme beaucoup d'autres spectateurs ont pu le faire (à tort ou à raison).  Et puis il ne faut pas oublier non plus que quand on aime réellement un film on voit les belles choses (plutôt que les mauvaises), en déposant parfois (sciemment ou non) son cerveau au vestiaire. 

Au final donc il s'agit selon moi d'un bon divertissement du samedi soir que je reverrai d'ailleurs avec plaisir (innocent) en dépit de sa réputation railleuse pour moi injustifiée (ou si peu).

*Bruno

mercredi 12 juin 2024

Possession Meurtrière / The Possession of Joel Delaney

                                            Photo empruntée sur Google, appartenant au site  Imdb.com

de Waris Hussein. 1972. U.S.A. 1h45. Avec Shirley MacLaine, Perry King, Michael Hordern, David Elliott, Lisa Kohane, Míriam Colón 

Sortie salles France: 23 Octobre 1974 (sortie limitée). U.S: 24 Mai 1972.

FILMOGRAPHIE SELECTIVEWaris Hussein est un réalisateur et scénariste britannique né le 9 décembre 1938 à Lucknow (Inde).1969 : A Touch of Love. 1970 : Quackser Fortune Has a Cousin in the Bronx. 1971 : Great Performances (série télévisée). 1971 : Mercredi après-midi (Melody). 1972 : Les Six Femmes d'Henry VIII. 1972 : Possession meurtrière (The Possession of Joel Delaney). 1973 : Between the Wars (série télévisée). 1973 : Divorce (Divorce His, Divorce Hers) (TV). 1973 : Black and Blue (série télévisée). 1974 : Shoulder to Shoulder (feuilleton TV). 1974 : Notorious Woman (feuilleton TV).1976 : The Glittering Prizes (feuilleton TV). 1977 : Three Weeks (TV). 1977 : Moths (TV). 1978 :  Daphne Laureola (TV). 1978 : Rachel in Danger (série télévisée). 1978 : Edward and Mrs. Simpson (feuilleton TV). 1979 : And Baby Makes Six (TV). 1980 : Death Penalty (TV). 1980 : The Henderson Monster (TV). 1980 : Un bébé de plus (Baby Comes Home) (TV). 

 
Quelle bien étrange curiosité que cette Possession Meurtrière d'autant plus rare, introuvable et exploitée en salles en sortie limitée dans nos contrées 2 ans après son tournage issu de 72. Soit réalisé 1 an avant l'Exorciste de William Friedkin  alors qu'initialement l'actrice Shirley Mc Laine devait incarner la mère de Regan. Or celle-ci refusa le rôle au profit de cette Possession Meurtrière réalisée par l'anglais Waris Hussein, spécialiste de télé-films et séries TV. Ce qui frappe d'emblée avec cette oeuvre indépendante émane de son réalisme documenté (symptomatique des Seventies !) qui imprègne la pellicule sous l'impulsion d'un cast franchement irréprochable. Tant auprès de Shirley Mac Laine totalement investie en soeur aînée à la fois démunie, incrédule et éplorée, de Perry King rigoureusement habité dans celui du frère possédé par l'âme d'un porto-ricain ou encore des enfants filiaux sévèrement molestés lors d'un final halluciné d'une grande violence aussi bien physique que morale. 
 
 
Si bien que de nos jours ultra conservateurs cette Possession Meurtrière serait implacablement cadenassée par dame censure. Relativement lent mais plutôt soigné et assez prenant d'y suivre avec  curiosité déconcertante le périple cauchemardesque d'une soeur et d'un frère en proie avec les forces du Mal, Possession Meurtrière ne peut laisser indifférent l'amateur éclairé fan de productions déviantes délibérées d'y transgresser les règles de la morale. Comme le souligne son étrange séance d'exorcisme vue nulle part ailleurs (et dénuée d'effets grand-guignolesques) et son point d'orgue erratique illustrant sans ambages l'humiliation d'un enfant nu et d'une fillette accroupie contrainte de manger du canigou pour chien dans une gamelle. Le récit constamment inquiétant par son climat à la fois feutré et anxiogène alternant avec minutie l'étude comportementale d'un être fragilisé d'un deuil maternel (et donc facilement influençable pour être habité par le démon), l'interrogation et le témoignage de sa soeur indécise et l'enquête policière à travers ses découvertes morbides de décapitations féminines. 
 
 
Bizarrerie introuvable rarement chroniquée auprès des critiques spécifiques, Possession Meurtrière mérite d'être découvert avec intérêt pour qui apprécie les expériences horrifiques malaisantes ne ressemblant à nul autre métrage. Son intensité dramatique parfois terrifiante, oppressante et déstabilisante nous plongeant d'autant plus au sein d'une descente aux enfers dénuée d'illusion, de rédemption jusqu'au trama psychologique que cette famille préservera lors d'une ultime image évocatrice. 
 
P.S: attention toutefois à la rigueur de son climax décomplexé qui risque de heurter les personnes les plus fragiles de par son intensité psychologique sans retenue.
 
*Bruno
2èx