Il y a des films, et puis il y a des expériences. I Saw the TV Glow appartient à cette seconde catégorie, plus autonome, plus créative, plus personnelle, plus singulière. À mi-chemin entre Lynch et Cronenberg (Vidéodrome en étendard), I Saw the TV Glow explore le mal-être existentiel depuis la fissure adolescente, avec une sensibilité marginale, sans une once de moralisme. Si bien qu’au fil du cheminement tortueux, fragile, de deux adolescents taiseux, timorés, engloutis dans leur série fétiche — quasi fétichiste — le spectateur dérive, hypnotisé, dans leur bad trip hallucinatoire, impuissant à détourner le regard.
C’est dire si I Saw the TV Glow ensorcelle. Hypnotique, envoûtant, aussi beau que malaisant, terriblement émouvant dans sa métaphore universelle : ce besoin irrépressible de fuir la réalité d’un quotidien mélancolique pour s’engloutir dans l’illusion télévisuelle, addictive, délétère, fallacieuse. Par l’entremise de ce refuge cathodique, à la fois enivrant et troublant, se déploie un discours sur le pouvoir de l’image, la nostalgie du souvenir et son emprise sur une psyché dépressive, esseulée, suicidaire même — que Jane Schoenbrun, cinéaste transgenre, transfigure en un fantastique d’une imagerie onirique à damner un saint. Entre la quotidienneté rose fluo de ce duo zombifié errant dans une banlieue tranquille, et les bribes VHS qu’ils ressassent sur leur écran, règne The Pink Opaque.
Et si son final, sciemment ambigu, voire absurde (mais l’on se console dans la métaphore métaphysique), nous laisse autant subjugué que désarmé, I Saw the TV Glow brûle l’encéphale au fer rouge — qu’on adhère ou non.
*Bruno
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Le Devoir.
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