jeudi 10 juillet 2014

BLUE RUIN. Prix FIPRESCI, Cannes 2013

                                                                                    Photo empruntée sur Google, appartenant au site bdzoom.com

de Jeremy Saulnier. 2013. U.S.A. 1h30. Avec Macon Blair, Devin Ratray, Amy Hargreaves, Kevin Kolack, Eve Plumb, David W. Thompson.

Récompense: Prix FIPRESCI au festival de Cannes, 2013

Sortie salles France: 9 Juillet 2014. U.S: 25 Avril 2014

FILMOGRAPHIEJeremy Saulnier est un réalisateur, scénariste et directeur de photographie américain.
2007: Murder Party. 2013: Blue Ruin.


Après Murder Party, premier essai d'une comédie horrifique restée inédite dans nos contrées, le débutant Jeremy Saulnier s'attaque au Vigilante Movie avec une ambition personnelle puisque Blue Ruin détourne les codes grâce à son intrigue sans repère et à son portrait au vitriol imparti au justicier lymphatique. Ponctué d'ironie saugrenue, le métrage joue autant la carte du naturalisme à travers sa nature sereine, une manière de contraster avec la nonchalance d'un loser aussi maladroit qu'émotif. Avec son attitude irréfléchie, sa timidité et ses exactions criminelles perpétrées avec amateurisme, c'est un peu comme si Le Distrait rencontrait Justice Sauvage ! Venant d'apprendre que le meurtrier de ses parents vient d'être libéré de prison, Dwight décide de l'assassiner en guise de vengeance. Embourbé dans une réaction en chaîne meurtrière, il tente en désespoir de cause de continuer sa dérive punitive en s'en prenant à la famille du meurtrier et en évitant les balles ennemies. 


Récompensé à Cannes du prix Fipresci à la quinzaine des réalisateurs, Blue Ruin allie film noir et cinéma d'auteur afin de tirer parti d'un canevas éculé à toutes les sauces. Si ce film indépendant brille déjà par la structure de sa réalisation peaufinant notamment le cadre environnemental, il permet surtout de transcender le portrait d'un solitaire aigri incapable d'avoir su accepter le deuil parental. Présenté d'abord comme un Sdf vivant reclus dans sa voiture insalubre depuis la mort de ses parents, Dwight va subitement changer de look afin de se fondre dans l'apparence d'un aimable citoyen après avoir appris la libération du meurtrier. Obnubilé à l'idée de se venger sans mesurer les conséquences de ses actes crapuleux, il va se laisser entraîner dans un itinéraire indécis afin de retrouver le vrai criminel, mais aussi se protéger contre l'inévitable riposte. Une contre-attaque familiale de culs-terreux incultes aussi déterminés dans leurs pulsions de haine destructrice ! Gagné par le remord et la paranoïa, Dwight songera même à tenter de préserver le destin de sa soeur si elle était amenée à devenir une cible potentielle !


Avec ses éclairs de violence crue (le 1er meurtre dans les toilettes), ses situations incongrues (l'otage du coffre), ses rencontres amicales de personnages sans morale (la soeur et l'ami d'enfance de Dwight !) et ses moments d'intimisme introspectif, Blue Ruin casse les conventions du film d'auto-défense pour dessiner l'humanisme d'un paumé dépressif incapable de canaliser son émotivité pour remonter la pente de sa déchéance. Une surprenante découverte à la limite de la parodie renfrognée et la révélation d'un acteur hanté par l'échec et le désarroi: Macon Blair !

Bruno Matéï

mercredi 9 juillet 2014

REINCARNATIONS (Dead and Buried)

                                                                              Photo empruntée sur Google, appartenant au site zombiepop.net

de Gary Sherman. 1981. U.S.A. 1h34. Avec James Farentino, Melody Anderson, Jack Albertson, Dennis Redfield, Nancy Locke, Lisa Blount, Robert Englund.

Sortie salles France: 19 Août 1981. U.S: 29 Mai 1981

FILMOGRAPHIE: Gary A. Sherman est un réalisateur, scénariste et producteur américain né en 1943 à Chicago dans l'Illinois. 1972: Le Métro de la mort, 1981: Réincarnations, 1982: Descente aux enfers, Mystérious Two (TV film), 1984: The Streets (TV film), 1987: Mort ou Vif, 1988: Poltergeist 3, 1990: Lisa, After the Shock, 1991: Murderous Vision (TV film).


Film culte de toute une génération, Réincarnations marqua une légion de jeunes cinéphiles l'ayant découvert au prémices des années 80. Tant auprès de sa sortie en salles (pour les ados qui, comme moi, furent accompagnés d'un adulte, le film étant officiellement interdit au - de 18 ans !) que de son support Vhs édité chez UGC Vidéo ! Outre l'incroyable scénario que Dan O'Bannon et Ronald Shusett nous ont soigneusement élaborés afin de redorer un sang neuf au mythe du zombie (et du Dr Frankenstein !), c'est principalement son ambiance mortifère littéralement prégnante qui saisit l'esprit du spectateur sans jamais lâcher prise. Alors que deux meurtres viennent d'être perpétrés dans une tranquille bourgade côtière, le shérif Dan Gillis piétine à retrouver le ou les responsables de ces morts particulièrement brutales. Son investigation l'amène finalement à suspecter un embaumeur de renom, le médecin-légiste William G. Dobbs. Avec sa scène d'ouverture cinglante restée dans toutes les mémoires, Gary Sherman ébranle le spectateur sans l'avertir Spoil !!! si bien que la drague préalablement improvisée au bord d'une plage entre un photographe et une tentatrice va soudainement bifurquer de ton lorsque l'homme s'opposera à une étrange confrérie. Molesté de coups et barres de fer puis aveuglé de flashs d'appareils photos, il finira brûlé vif sur un bûcher. Fin du Spoiler.


Des séquences cauchemardesques de cet acabit, Réincarnations en regorge d'autres aussi estomaquantes car radicales à travers sa verdeur requise, quand bien même le climat d'angoisse savamment entretenu ne cessera d'affluer en crescendo au fil de l'investigation du shérif Gillis. On peut d'ailleurs saluer l'interprétation spontanée de James Farentino (son plus grand rôle !) exprimant avec autant d'inquiétude que de désarroi sa lente descente aux enfers vers les méandres du vaudou. Soulignons également le charisme émacié de Jack Albertson venu incarner le médecin légiste avec une dérision macabre littéralement goguenarde ! Enfin, nous ne pouvons occulter le charme suave de Melody Anderson endossant l'épouse du shérif avec une décontraction trop affable pour être honnête ! Outre le jeu convaincant des comédiens et la maîtrise de la réalisation (Sherman ne fut jamais autant autant inspiré à crédibiliser une société de morts-vivants flegmatiques et non carnivores !), la puissance émotionnelle qui se détache de Réincarnations émane aussi de sa capacité à nous plonger dans une intrigue vénéneuse toujours plus ensorcelante. Car de manière fort originale, les scénaristes nous ont concoctés ici une épouvantable farce macabre où l'humour noir, la terreur sournoise et les revirement aléatoires ne cesseront de nous brimer ! A l'instar de son twist traumatisant finissant par remettre en cause notre propre existence (serions-nous nous aussi le pantin articulé d'un créateur imposteur ?). Mais Réincarnations, c'est également le charme d'une série B esthétiquement formelle où l'ambiance doucereuse d'une paisible bourgade nous berce au son d'une mélodie de piano (inoubliable score de Joe Renzetti !). Et ce bien avant de nous martyriser d'effroi lors d'une implacable machination titulaire d'un sacrement morbide !


Chef-d'oeuvre d'humour macabre baignant dans une atmosphère aussi lourde qu'oppressante (bande-son bourdonnante à l'appui), Réincarnations symbolise à lui seul l'archétype de la série B artisanale où toute une équipe de techniciens sont parvenus à cristalliser un pitch aussi improbable que redoutablement perspicace ! Et ce n'est pas les incroyables effets de maquillages concoctés par Stan Winston qui pourront remettre en doute l'incontestable réussite de cette farce sardonique où la violence, brutale, s'avère à la fois tranchée et justifiée ! 

Bruno Matéï
5èx

Apport du Blu-ray: 8/10

mardi 8 juillet 2014

NOE (Noah)

                                                                                 Photo empruntée sur Google, appartenant au site impawards.com

de Darren Aronofski. 2014. U.S.A. 2h18. Avec Russel Crowe, Jennifer Connely, Ray Winstone, Anthonby Hopkins, Emma Watson, Logan Lerman, Douglas Booth, Nick Nolte, Mark Margolis.

Sortie salles France: 9 Avril 2014. U.S: 28 Mars 2014

FILMOGRAPHIE: Darren Aronofski est un réalisateur américain né le 12 février 1969 à Brooklyn (New York). Il travaille aussi en tant que scénariste et producteur.
1998 : π, 2000 : Requiem for a dream, 2006 : The Fountain, 2009 : The Wrestler, 2010 : Black Swan. 2014: Noé



En conteur biblique, Darren Aronofski s'inspire ici librement du récit de l'arche de Noé pour nous bâtir une interprétation plus moderne et épique, à l'instar du film d'aventure lyrique puissamment évocateur. Alors que Dieu est sur le point d'anéantir la terre, faute de la méchanceté de l'homme féru de suprématie, Noé devient l'élu pour la construction d'une gigantesque arche afin d'y préserver la vie animale. Mais une tribu guerrière menée par Samyaza est sur le point d'investir leur forteresse. En s'inspirant d'un illustre chapitre du livre de la genèse, Darren Aronofski nous propose un blockbuster familial constamment captivant dans ses thématiques universelles abordées avec intelligence pour remettre en cause la place de l'homme sur Terre. Réflexion spirituelle et métaphysique se télescopant à renfort d'images allégoriques où Adam et Eve seraient les principaux commanditaires de notre déchéance. En alternant l'action, le fantastique, le drame et la romance, Noé nous dépeint l'incroyable destinée d'une famille unie par l'amour, leur combat ardu pour la préservation d'un nouveau monde mais aussi leur dissolution morale où la stature de l'homme n'a plus lieu d'être. C'est tout du moins la conviction de Noé, patriarche exemplaire mais soudainement envahi de visions prophétiques, persuadé d'avoir été choisi par le divin afin de refonder l'humanité.


A travers son cheminement spirituel, le réalisateur oppose les thématiques du fanatisme religieux et du sens du sacrifice lorsqu'il se résout à respecter sa mission pour préserver la cause animale au lieu de celle de l'homme. La première partie prend le soin de nous attacher à l'intimité de cette famille déférente avant leur nouveau compromis avec les géants de pierre (des anges préalablement punis par Dieu) finissant par prêter main forte à la construction de l'arche mais aussi à une hostilité guerrière. Ce qui nous vaudra une bataille furieusement épique impartie entre ces molosses et l'armée de Samyza, tentant en désespoir de cause de rejoindre le domaine avant le déluge annoncé ! Là encore, passé le chaos du fracas des armes, une vision dantesque du monde englouti nous ait évoqué avec un souffle de réalisme vertigineux. La seconde partie, beaucoup plus dense dans l'étude caractérielle, laisse place à la responsabilité humaine de Noé négligeant derrière lui le charnier de victimes innocentes, quand bien même sa dernière volonté sera de sacrifier les siens ! Face au fanatisme intransigeant de cet homme autrefois loyal, Darren Aronofski laisse débattre les témoins de sa famille avec une foi désespérée pour le rappeler à la raison. Celle de l'amour et de la compassion. A travers leur destin sont également interrogées les notions de pardon, de vengeance, d'erreur humaine, de repentance et de seconde chance afin de mettre en appui la fragilité de l'homme perpétuellement tiraillé entre l'instinct de colère et la compassion.


Superbement interprété (Russel Crowe et Jennifer Connely s'entredéchirent corps et âmes ! ), épique, intense, lyrique et parfois bouleversant, Noé confronte le blockbuster émotif avec l'intelligence d'une réflexion New-Age. Riches de thématiques toutes plus passionnantes, Noé illustre également avec poésie un hymne au respect de l'environnement et à la cause animale où le rôle difficile de l'homme est remis en cause pour sa nature aussi défectueuse que destructrice. 

Bruno Matéï


vendredi 4 juillet 2014

Enfer Mécanique / The Car

                                                      Photo empruntée sur Google, appartenant au site amoeba.com

d'Elliot Silverstein. 1977. U.S.A. 1h37. Avec James Brolin, Kathleen Lloyd, John Marley, R.G. Armstrong, Ronny Cox, Henry O'Brien, Elizabeth Thompson.

Sortie salles France: 13 Mai 1977

    FILMOGRAPHIE: Elliot Silverstein est un réalisateur et producteur américain, né le 3 Août 1927 à Boston, Massachusetts (Etats-Unis). 1962: Belle Sommers (télé-film). 1965: Cat Ballou. 1967: The Happening. 1970: Un Homme nommé Cheval. 1973: Nightmare Honeymoon. 1977: Enfer Mécanique. 1986: Betrayed by Innocence (télé-film). 1987: La Nuit de tous les Courages (télé-film). 1987: Fight for Life (télé-film). 1990: Rich Men, Single Women (télé-film). 1993: Flashfire.


    Démarquage bisseux de Duel de Spielberg, Enfer Mécanique marqua toute une génération de spectateurs grâce à ces multi rediffusions projetées sur la chaîne privée (mais gratuite !), la Cinq ! Série B purement ludique où seule compte l'efficacité d'une action endiablée, Enfer Mécanique n'a point usurpé son statut de petit classique du Fantastique si bien qu'à la revoyure (4è x !) il perdure à captiver de par la vigueur d'une mise en scène à la fois soignée et attentionnée pour la caractérisation de ses personnages contrariés en proie à une menace indicible. L'aimable participation des trognes charismatiques de seconde zone (James Brolin en tête !) doit notamment beaucoup à l'extrême sympathie qui s'y détache, quand bien même chacun des protagonistes sont engagés dans la cohésion afin de contrecarrer la menace, véritable serial-killer motorisé d'une vélocité sans égale lorsqu'il s'acharne à traquer ses proies pour les écraser sur le bitume. Car c'est sous l'apparence d'une Berline noire qu'est personnifiée l'entité, véhicule sans conducteur habité par le Malin (c'est ce que nous révélera l'épilogue à renfort de visions dantesques d'un brasier rugissant !). 


    Ainsi, à l'aide de plans parfois alambiqués, le réalisateur parvient à distiller une véritable aura maléfique à travers l'étrange morphologie de cette carrosserie blindée comparable au corbillard ! Qui plus est, au son d'avertissement d'un klaxon arrogant, l'engin erratique fait preuve d'une frénésie incontrôlée pour s'élancer sur ses victimes ! Avec son environnement aussi montagneux que désertique,  Elliot Silverstein exploite une scénographie héritée du Western au sein de cette communauté reculée de Santa Ynez. Les shérifs, héroïques et serviables, tentant courageusement de protéger leur village face à l'audace du hors là loi laissant derrière lui les cadavres de touristes après son passage éclair. Mené par le capitaine Wade Parent, c'est donc une course-poursuite inlassable que nos justiciers vont emprunter sur les routes de l'Utah en usant de moult stratégies pour l'annihiler. Durant les péripéties meurtrières de la voiture, on est d'ailleurs surpris d'assister à la mort inopinée de protagonistes essentiels. Cette radicalité à laquelle fait preuve le réalisateur surprend d'autant plus que cette série B est uniquement impliquée dans le divertissement plaisant même si elle s'autorise quelques effusions de violence dénuées de concession. 


    Interprété avec une spontanéité communicative (notamment auprès de l'épouse du shérif que Kathleen Lloyd endosse avec une chaleureuse fringance) et solidement mis en scène sans avoir recours au gros budget, Enfer Mécanique n'a absolument rien perdu de son efficacité à aligner sans répit nombre de péripéties spectaculaires et dérives meurtrières. L'épique partition orchestrale de Leonard Rosenman et l'apparence spectrale de la voiture s'y combinant parfaitement afin d'iconiser un serial-killer échappé de l'enfer ! A revoir sans réserve. 

    *Bruno
    4èx (04.07.22). Vostfr

      mardi 1 juillet 2014

      RESERVOIR DOGS

                                                                     Photo empruntée sur Google, appartenant au site impawards.com

      de Quentin Tarantino. 1992. U.S.A. 1h39. Avec Harvey Keitel, Tim Roth, Michael Madsen, Steve Buscemi, Chris Penn, Lawrence Tierney, Quentin Tarantino.

      Sortie salles France: 2 Septembre 1992. U.S: 21 Janvier 1992

      FILMOGRAPHIE: Quentin (Jérome)Tarantino est un réalisateur, scénariste, producteur et acteur américain, né le 27 Mars 1963 à Knoxville dans le Tennessee.
      1992: Réservoir Dogs. 1994: Pulp Fiction. 1995: Groom Service (segment: The Man from Hollywood). 1997: Jacky Brown. 2003: Kill Bill 1. 2004: Kill Bill 2. 2007: Boulevard de la Mort. 2009: Inglorious Basterds. 2012: Django Unchained.


      En 1992, un petit film indépendant au succès commercial modeste va bousculer le paysage du polar noir et rouge et lui permettre de redorer son blason. Auréolé d'un bouche à oreille élogieux et de critiques enthousiastes, Réservoir Dogs va imposer au fil des ans son statut de film culte et asseoir la réputation d'un cinéphile enragé, Quentin Tarantino. A la suite d'un braquage de bijouterie ayant mal tourné, une poignée de gangsters se réfugient au point de rencontre d'un vieil entrepôt. Persuadé qu'ils ont été dénoncés par un membre des leurs, ils vont tenter de démasquer la taupe en attendant l'arrivée de leur boss. Polar sanguin habité par la paranoïa, la suspicion et la traîtrise, Reservoir Dogs est un concentré de violence sardonique où la suggestion prend souvent le pas sur l'ostentatoire. Car si le sang s'avère continuellement présent à l'écran, Quentin Tarantino ne nous en illustre que la résultante, les conséquences dramatiques d'un braquage raté auquel des malfrats en costard se sont malencontreusement frottés. 


      Observer en intermittence l'agonie d'un malfrat grièvement blessé à l'abdomen s'avère une expérience rigoureuse lorsqu'elle est traitée avec autant de verdeur dans son réalisme. Baignant dans la mare de son propre sang, la victime livide s'avère d'autant plus impuissante qu'elle risque de succomber à tous moments à ses blessures, quand bien même ses collègues anxieux essaient de se disculper de leur culpabilité ! Et pour en rajouter dans le grotesque improvisé, un maniaque au rasoir va notamment prendre son pied à torturer l'oreille d'un flic otage sur un tube musical de Stealers Wheel ! Cette séquence anthologique s'avère d'autant plus percutante que Tarantino utilise habilement le hors champs, la caméra déviant subitement de quelques centimètres sur la gauche afin de se diriger sur l'inertie d'une façade ! Le fait inopiné que le spectateur se retrouve inexplicablement confronté à un décor aussi trivial renforce l'impression de malaise, alors que les supplices de la victime se font écho sur une bande rock décontractée guinchée par le tueur ! Emaillé de flash-back sporadiques afin de mieux connaître les identités des malfrats et afin de savoir comment ils ont pu approcher leur patron, Reservoir Dogs ne cesse de surprendre par son accumulation de revirements aléatoires, à l'instar de l'échappée des gangsters (en mode déchronologique !) après leur défaite du braquage. Outre la construction iconoclaste de l'intrigue et la virtuosité de la caméra, le film tire notamment parti de la répartie des dialogues ciselés que Tarantino se délecte souvent à parodier ! Alternant l'humour noir et aussi la truculence comportementale de gangsters cools (vêtus de costards et lunettes noires, ils sont férus de pop-culture et de malbouffe !), le réalisateur s'épanche par exemple sur leur goûts musicaux d'un tube de Madonna ou sur leur statut moral à offrir ou refuser le pourboire d'une serveuse. 


      En privilégiant l'étude psychologique d'antagonistes en remise en question, communément confrontés à leur instinct de perspicacité pour comprendre les aboutissants de leur déroute, Quentin Tarantino brosse une galerie de gangsters hilarants tout en fignolant l'aspect réaliste de leur situation de crise vouée à l'hécatombe. Sardonique et jouissif, Reservoir Dogs baigne autant dans une violence insupportable (mais jamais outrée !) que dans une "cool attitude" générée par ses braqueurs faussement compétents !  

      Bruno Matéï
      3èx


      lundi 30 juin 2014

      Pulsions Cannibales / Apocalypse Domani

                                                          Photo empruntée sur Google, appartenant au site en.wikipedia.org

      de Antonio Margheriti. 1980. Italie/Espagne. 1h36. Avec John Saxon, Elizabeth Turner, Giovanni Lombardo Radice, Cinzia De Carolis, Tony King.

      FILMOGRAPHIE: Antonio Margheriti (Anthony M. Dawson) est un réalisateur italien, né le 19 septembre 1930 à Rome, décédé le 4 Novembre 2002 à Monterosi.
      1960: Le Vainqueur de l'espace. 1962: Les Derniers jours d'un empire. 1963: La Vierge de Nuremberg. 1964: La Sorcière Sanglante. 1964: Les Géants de Rome. 1964: Danse Macabre. 1968: Avec Django, la mort est là. 1970: Et le vent apporta le Violence. 1971: Les Fantômes de Hurlevent. 1973: Les Diablesses. 1974: La brute, le colt et le karaté. 1975: La Chevauchée terrible. 1976: l'Ombre d'un tueur. 1979: l'Invasion des Piranhas. 1980: Pulsions Cannibales. 1980: Héros d'Apocalypse. 1982: Les Aventuriers du Cobra d'Or. 1983: Yor, le chasseur du futur. 1985: L'Enfer en 4è vitesse.


      Sorti en pleine mouvance du gore transalpin, (Blue Holocaust, Anthropohagous, l'Avion de l'Apocalypse, Zombie Holocaust), quand bien même L'Enfer des Zombies venait de remporter un succès international et que Cannibal Holocaust allait semer la controverse à travers le monde, Antonio Margheriti exploite les filons du cannibalisme et du zombie (on empruntera plutôt le thème d'infecté !) afin de rameuter les foules. Le PitchRetenus prisonniers dans un camp de Vietcongs, le sergent Bukowski et son acolyte sont subitement atteints d'anthropophagie lorsque qu'une jeune victime trébuche incidemment dans leur cachot. Sauvés in extremis par leur capitaine, les deux acolytes finissent par retourner dans leur pays pour suivre un traitement psychiatrique. Libéré de l'hôpital, Bukowski se rend dans un cinéma au moment même où ses pulsions meurtrières le rappellent à la démence. Dans le sillage de RageRambo, et VoracePulsions Cannibales nous décrit le calvaire de vétérans du Vietnam, subitement atteints d'un étrange mal, l'anthropophagie. Ainsi, en abordant les thématiques sociales du traumatisme de la guerre et de la difficile réinsertion des vétérans US, Antonio Margheriti en exploite un film d'action horrifique typiquement Bis dans sa facture débridée car laissant libre court à une poignée de séquences chocs décomplexées. 


      Inévitablement complaisant mais spectaculaire et parfois jouissif, le gore est ici traité avec générosité, d'autant plus que le travail artisanal effectué par Giannetto De Rossi s'avère encore aujourd'hui des plus impressionnants. Petite perle de l'horreur transalpine encensée par Quentin Tarantino, Pulsions Cannibales allie donc horreur sociale et action ludique parmi l'efficacité d'une mise en scène nerveuse. Car mené sur un rythme sans faille, cette série B tire parti de sa vigueur à travers sa scénographie urbaine pour osciller fusillades sanglantes, altercations musclées, poursuites et meurtres en série sous l'autorité erratique d'un quatuor de cannibales incapables de refréner leurs pulsions ! Il faut dire qu'en pleine agglomération, la pagaille est de mise depuis que le sergent Bukowski eut infecté quelques victimes de son étrange maladie. Sans doute un virus méconnu qu'il s'était choppé au fin fond de la jungle lorsqu'il n'était qu'une machine de guerre. Cette maladie contagieuse auquel les assassins sont pourvus d'une addiction incontrôlée pour dévorer la chair provoquant une fascination malsaine, de par leur comportement aussi instable qu'incontrôlé, et par leur instinct viscéral à consommer la viande humaine. Traqués par les forces de l'ordre puis finalement retranchés dans les égouts de la ville, nos cannibales n'auront de cesse d'user de bravoure et constance pour riposter et tenter de survivre. 


      En dépit de dialogues approximatifs, d'une galerie de personnages aimablement cabotins (la jeune voisine du capitaine, le chef de police et ses collègues zélés, un éminent médecin trop influençable !) et de situations peu cohérentes, de par l'attitude outrée ou ridicule de certaines protagonistes, Pulsions Cannibales réussit à divertir principalement grâce au savoir-faire d'une réalisation efficace. Enfin, les amateurs de gore aux p'tits oignons (du moins, dans sa version uncut) devraient se réjouir de l'aspect émétique de certaines situations lorsque nos cannibales usent de sadisme pour alpaguer voracement leurs proies. 

      *Bruno
      17.02.23. 
      4èx

      vendredi 27 juin 2014

      Brazil

                                                 Photo empruntée sur Google, appartenant au site sci-fimovieposters.co.uk

      de Terry Gilliam. 1985. Angleterre. 2h23 (version intégrale). Avec Jonathan Price, Robert De Niro, Kim Greist, Katherine Helmond, Ian Richardson, Michael Palin, Bob Hoskins, Ian Holm.

      Sortie salles France: 20 Février 1985. Angleterre: 22 Février 1985. Canada: 18 Décembre 1985

      FILMOGRAPHIE: Terry Gilliam est un réalisateur, acteur, dessinateur, scénariste américain, naturalisé britannique, né le 22 Novembre 1940 à Medicine Lake dans le Minnesota. 1975: Monty Python: Sacré Graal ! (co-réalisé avec Terry Jones). 1976: Jabberwocky. 1981: Bandits, bandits. 1985: Brazil. 1988: Les Aventures du Baron de Munchausen. 1991: The Fisher King. 1995: l'Armée des 12 Singes. 1998: Las Vegas Parano. 2005: Les Frères Grimm. 2006: Tideland. 2009: L'imaginarium du docteur Parnassus. 2013: Zero Theorem.


      "Tous les esprits fonctionnent entre démence et imbécilité, et chacun, dans les 24 heures, frôlent ces extrêmes".
      Chef-d'oeuvre de Terry Gilliam, Brazil reste son oeuvre la plus folle, la plus fondamentale et la plus sarcastique de toute sa carrière. De par sa thématique pointant du doigt le totalitarisme et par sa frénésie visuelle faisant office de carnaval fantasque, Brazil donne autant le vertige qu'une sensation d'étouffement indécrottable. Le pitchEn essayant de résoudre un problème informatique qui valu l'arrestation d'Archibald Buttle, un bureaucrate sans histoire va rencontrer l'amour avec une frondeuse caractérielle avant de se rendre compte (mais si peu !) qu'il est tributaire d'une société aliénante.  Foisonnant, exubérant, décalé, cauchemardesque, grave, hilarant, romanesque, cruel, Brazil nous jette à la face toute une palette d'émotions contradictoires afin de mieux mettre en exergue le caractère dérisoire d'un futur aussi nocif que blafard. Oeuvre visionnaire habitée par la névrose, la paranoïa et la schizophrénie, Brazil est une peinture au vitriol de nos sociétés modernes déshumanisées, là où la bureaucratie et le capitalisme ont finit par imposer leur hégémonie. Individualistes, privés de sentiments car automatisés par leur paperasse qu'ils impriment à l'aide de machines à écran, les travailleurs de cette mégalopole rétro futuriste ont finit par perdre toute notion de sédition, de raisonnement et de réflexion.


      Et ce avec une singularité sans égale du parti-pris formel de Terry Gilliam en pleine possession de son imagination lunaire. A l'exception toutefois des terroristes perpétrant leurs exactions meurtrières dans les restaurants bondés d'une clientèle décatie (mais rafistolée au scalpel chirurgical !) et de quelques insurgés tel ce plombier casse-cou venu prêter main forte à notre duo d'amants. Chargé de décors cafardeux par ses immenses entreprises bétonnées et ses foyers aménagés de conduits et tuyauteries gargantuesques tous azimuts, c'est un périple cauchemardesque que nous dépeint Terry Gilliam à travers le cheminement d'un fonctionnaire avide d'évasion et de romance. Quotidiennement réfugié dans ses rêves édéniques, c'est uniquement par le biais du fantasme qu'il parvient à s'échapper de cette dictature. Jusqu'au jour où la chimère devient réalité par l'entremise de Jill Layton, une frondeuse impétueuse préalablement habituée à vivre en autonomie. Outre son architecture visuelle héritée de l'expressionnisme et des années 30 (notamment la tenue vestimentaire des bureaucrates) et son sens caustique d'une dérision cruelle, la force du récit émane du contraste établi entre les délires fantaisistes du bureaucrate plongé dans une aventure illusoire et la gravité des situations réelles laissant transparaître une amertume profondément cruelle (l'épilogue reste à ce titre implacable à travers son refus de rédemption !).


      Le Jour des Fous

      Parfois épuisant à suivre de par sa folie progressive en crescendo, Brazil s'avère peut-être trop généreux à travers son trop plein d'imagination et son panel d'émotions éclectiques afin d'y dénoncer avec une fulgurance inégalée une propagande fasciste. Pour autant, cette sarabande inscrite dans l'exubérance en roue libre et le dépaysement claustrophobe insuffle une grande émotion auprès de son vibrant plaidoyer pour la liberté, hymne désespéré au rêve, à l'évasion (bel hommage au cinéma d'antan par ailleurs) et à l'amour. Une oeuvre unique, d'utilité publique, à revoir absolument au fil de notre évolution existentielle cyclique. 

      *Bruno Matéï
      13.05.22. 4èx

      jeudi 26 juin 2014

      Under the Skin

                                                      Photo empruntée sur Google, appartenant au site Notrecinema.com

      de Jonathan Glazer. 2013. Angleterre. 1h47. Avec Scarlett Johansson, Paul Brannigan, Krystof Hadek, Robert J. Goodwin, Michael Moreland, Scott Dymond, Jeremy McWilliams.

      Sortie salles France: 25 Juin 2014. U.S: 4 Avril 2014

      FILMOGRAPHIE: Jonathan Glazer est un réalisateur anglais, né en 1966.
      2000: Sexy Beast. 2004: Birth. 2013: Under the Skin.


      "Je ne vois pas pourquoi les gens attendent d'une oeuvre d'art qu'elle veuille dire quelque chose alors qu'ils acceptent que leur vie à eux ne rime à rien." David Lynch.

      Dans le secteur privé des E.T prenant notre apparence humaine afin de se fondre dans la population pour apprivoiser notre planète, nous avions eu droit à quelques ovnis tels que Borrower, le voleur de tête ou encore The Brother from another Planet. En l'occurrence, le réalisateur du méconnu mais remarquable Birth nous invite à une expérience ineffable. Une épreuve contemplative si obsédante qu'après le générique de fin nous ressentions l'étrange sensation d'avoir vécu quelque chose d'intime avec "l'autre". Dans la mesure où notre psyché s'est littéralement laissée aller à l'abandon d'une épreuve ésotérique parmi l'errance d'une humanoïde. PitchUne jeune femme qu'on imagine débarquée d'une autre planète aguiche des citadins écossais pour s'en débarrasser l'instant d'après. Parmi elle, un geôlier en moto kidnappe également certaines victimes pour les lui offrir. Ce pitch linéaire, Jonathan Glazer l'étale sur une durée d'1h47 au fil des rencontres impromptues que la jeune femme s'accorde. Si les raisons pour lesquelles elle séduit les hommes pour s'en débarrasser ensuite nous ait jamais divulgué, l'intérêt d'Under the Skin est ailleurs.


      Un peu à la manière hermétique d'Eraserhead, il ne faut pas chercher une quelconque explication à ce que nous voyons et subissions, mais plutôt se laisser happer par une expérimentation cinégénique que le réalisateur maîtrise dans l'art visuel et sensitif. Tant du point de vue formel avec ces visions opaques ou psychédéliques jamais vues autrement (en cela, Jonathan Glazer se porte en créateur d'images !) que du point de vue sensoriel avec cet environnement climatique réfrigérant où la nature suinte de ses pores. Durant le cheminement hasardeux de la visiteuse, le film ne cesse de distiller un malaise trouble lorsqu'elle s'adonne à la drague pour aborder par exemple un quidam malformé lorsqu'elle laisse à l'abandon une famille submergée par les vagues ou lorsqu'elle entraîne ces victimes au sein d'un tanière faisant office d'abîme minérale. Attisés par sa sexualité charnelle, la manière transie dont les hommes dénudés se laissent envahir par l'eau sans pouvoir contester leur insuffle une impuissance irrésistible. Exacerbés de l'incroyable score dissonant de Mica Levi et de la posture lascive de Scarlett Johansson, ces séquences onirico-cauchemardesques sont parmi les plus ensorcelantes qu'on ait vues depuis longtemps au cinéma, quand bien même le châtiment agrée à certaines victimes nous laisse pantois d'inconfort ! (sans trop en dévoiler, il y est question de liquéfaction !). Outre la maîtrise de la mise en scène oscillant la facture du reportage (toutes les séquences urbaines où la population semble filmée contre leur gré et les entretiens qui s'ensuit avec les amants d'un soir) et l'irrationnel opaque (les expérimentations visuelles, la quête indécise de l'E.T face aux rapports humains), Under the Skin tire notamment parti de son pouvoir ensorcelant en la présence de Scarlett Johanssone. Symbolisant la séduction d'une femme voluptueuse mais taciturne et sans compassion car n'éprouvant pas le sentiment au prime abord, elle traverse le film à la manière du nouveau-né découvrant peu à peu un nouveau monde où sa peur finira par éclore.


      Phantasm
      Si vous souhaitez éprouver l'expérience sensorielle du "bad trip" originaire d'une drogue synthétique, Under the Skin est conçu pour vous provoquer cette sensation éperdue d'ailleurs et d'incompréhension. Ou plus viscéralement vous faire participer à une expérience cinématographique comparable à l'avènement existentiel d'une seconde naissance. Attention toutefois à la hantise des effets secondaires.

      *Bruno

      mercredi 25 juin 2014

      Au-delà du Réel / Altered States

                                                       Photo empruntée sur Google, appartenant au site deathbymovies.com

      de Ken Russell. 1980. U.S.A. 1h45. Avec William Hurt, Blair Brown, Bob Balaban, Charles Haid, John Larroquette, George Gaynes, Olivia Michelle.

      Sortie salles France: 30 Septembre 1981. U.S: 25 Décembre 1980

      FILMOGRAPHIE: Ken Russell est un réalisateur, scénariste, acteur, producteur, monteur et directeur de la photographie britannique né le 3 juillet 1927 à Southampton. 1967 : Un cerveau d'un milliard de dollars, 1969 : Love , 1970 : The Music Lovers, 1971 : Les Diables, 1971 : The Boy Friend, 1972 : Savage Messiah, 1974 : Mahler, 1975 : Tommy, 1975 : Lisztomania, 1977 : Valentino, 1980 : Au-delà du réel, 1984 : Les Jours et les nuits de China Blue,1986 : Gothic, 1988 : Salome's Last Dance , 1988 : Le Repaire du ver blanc ,1989 : The Rainbow ,1991 : La Putain, 2002 : The Fall of the Louse of Usher, 2006 : Trapped Ashes segment "The Girl with Golden Breasts".


      Réalisé par le visionnaire (fou) Ken Russel, Au-delà du Réel n'a pas usurpé son statut de film culte à l'aube des années 80, même si aujourd'hui il fait gage de discrétion chez les amateurs. C'est donc une épreuve métaphysique que nous relate ici le réalisateur afin de démystifier les secrets de la vie du point de vue d'un anthropologue. Le pitchEntassé à l'intérieur d'un caisson, Edward Jessup fantasme à plein régime après avoir absorbé une puissante drogue hallucinogène ramenée du Mexique. Hanté par des visions mystiques de Dieu et des forces obscures (image dantesque de l'enfer à l'appui !), il se résigne à découvrir l'origine de la vie au travers de sa conscience. Mais un jour, alors qu'il perpétue une nouvelle séance, son corps se met subitement à régresser génétiquement à l'instar d'une transformation simiesque. Trip expérimental afin de méditer sur l'intérêt de notre existence (celui de l'amour nous évoquera le héros en guise d'épilogue !), Au-delà du Réel allie science-fiction, romance et fantastique à l'aide d'un pitch digne d'un épisode de la 4è Dimension


      Inévitablement fascinant et passionnant de par ces thématiques abordées et sa fulgurance psychédélique, le cheminement scientifique d'Edward (William Hurt, transi d'émoi en anthropologue obstiné !) nous confine dans l'expérience ésotérique la plus insensée de l'histoire ! Ainsi, par l'ossature habile d'un récit toujours plus inquiétant, Ken Russel insuffle mystère insondable et épreuves palpitantes lorsque Edward est confronté aux diverses hallucinations jusqu'à ce que son corps en pâtisse, car génétiquement modifié ! Réduit à la taille d'un primate velu, il faut le voir déambuler dans les rues nocturnes pour tenter de débusquer une biche afin de s'y nourrir. Mais par l'entremise de cette drogue hallucinogène inconnue, notre chercheur va non seulement jouer aux apprentis sorciers afin de débusquer Dieu mais également ramener de l'au-delà un autre univers sous la pression d'une masse d'énergie ! Visions oniriques du néant et de la lumière divine, Au-delà du réel demeure un voyage au coeur de l'inconnu, celui d'un abîme hermétique, l'ultime moment de terreur qu'est le début de l'existence ! Ainsi, à travers l'obsession d'un homme destiné à aller jusqu'au bout de ses ambitions pour embrasser l'absolu, c'est également le projet d'une révolution scientifique qui pourrait à jamais réconcilier la foi de l'homme ou, au contraire, lui faire perdre la raison. Dès lors, la rédemption de l'amour et la réalité tangible du moment présent restent les valeurs bien-fondé afin de préserver notre équilibre mental.


      L'ultime vérité, c'est qu'il n'y a pas de vérité ultime.
      Au-delà de sa réflexion sur l'orgueil de la science et de son étude métaphysique laissant fusionner un florilège d'images hallucinées (FX adroits à l'appui !), Au-delà du Réel s'érige notamment en poème d'amour à travers la destinée d'Edouard et d'Emily. Débridé et ensorcelant, c'est finalement une expérience avec nous même que nous confronte Ken Russel si bien que la vérité sera imprimée dans notre "moi conscient". 

      *Bruno
      4èx



      mardi 24 juin 2014

      Sisters

                                                             Photo empruntée sur Google, appartenant au site classic-horror.com

      de Douglas Buck. 2006. U.S.A. 1h32. Avec Lou Doillon, Stephen Rea, Chloe Sevigny, William B. Davis, Gabrielle Rose, Whittni Wright, Talia Williams, Rachel Williams, Erica Van Briel.

      Sortie Dvd: 2 Octobre 2008

      FILMOGRAPHIE: Douglas Buck est un réalisateur, scénariste et producteur américain, né le 3 Septembre 1966. 2003: Prologue. 2003: Family portraits. 2006: Sisters. 2011: The Theatre Bizarre (The Accident).


      En 2006 sort dans l'indifférence générale, et en catimini chez nous puisque directement passé par la case Dvd, Sisters, remake du classique éponyme de Brian De Palma. Outre le refus du copié-collé, l'intérêt de cette déclinaison "moderne" émane de son ambiance aussi terriblement malsaine qu'oppressante et de ces thématiques beaucoup mieux développées chez Douglas Buck. Réalisateur iconoclaste déjà responsable du dérangeant Family Portrait (une anthologie de 3 courts illustrant la frustration existentielle de familles ricaines) et du segment, The Accident (poème bouleversant sur l'injustice de la mort) entraperçu dans le film à sketch, The Théâtre Bizarre, Douglas Buck cherche à provoquer le spectateur avec un réalisme acéré. Dérive cauchemardesque au confins de la folie schizophrène, Sisters relate l'épreuve psychologique de deux soeurs siamoises qu'elles endurent à propos d'un traitement médicamenteux illégal prescrit par l'inquiétant docteur Lacan. Le pitchEprise d'affection pour un jeune médecin lors de sa visite en clinique, Angélique l'entraîne quelques heures plus tard dans l'intimité de sa demeure. Le lendemain, après avoir couché ensemble et commandé un gâteau d'anniversaire, l'amant se fait sauvagement assassiné par la probable soeur jumelle d'Angélique. Témoin du meurtre, une journaliste scrupuleuse entame une investigation de longue haleine avec l'entraide d'un de ses proches collègues.  Film d'horreur clinique entièrement dédié à son ambiance austère, Sisters provoque déjà une aura trouble dès le prologue illustrant un spectacle pour enfants sous une autorité adulte, et ce dans le jardin d'un établissement psychiatrique. En filmant avec attention les jeux de regards équivoques échangés entre Angélique, le jeune médecin et le docteur Lacan, Douglas Buck y distille une atmosphère anxiogène qui ne fera qu'amplifier au fil du cheminement psychologique des soeurs siamoises. 


      La première partie insufflant avec habile maîtrise un climat éthéré de tension autour de la relation amoureuse amorcée entre Angélique et le jeune médecin, ce dernier ne cessant de suspecter son comportement versatile. La caméra s'attarde ensuite sur les corps charnels avec sensualité mais aussi avec fascination viscérale mêlée de répulsion lorsque celui-ci caresse de ses doigts l'étrange cicatrice d'Angélique (on se croirait chez Cronenberg). Qui plus est, afin d'accentuer le côté voyeuriste, des caméras de video-surveillance sont installées dans chaque pièce de l'appartement afin que le docteur Lacan puisse espionner les faits et gestes d'Angélique et d'Annabelle. Pour la séquence du meurtre qui s'ensuit, Douglas Buck coordonne un suspense haletant autour du personnage de la journaliste, Grace Collier, imbriquée dans trois situations alertes. Celle de sa fouille illégale opérée chez le docteur Lacan, celle d'assister impuissante à l'agonie du médecin située à la fenêtre de l'appartement d'en face, et enfin celle de tenter de convaincre deux policiers qu'un homicide vient d'être commis. L'interrogatoire qu'elle tentera de pratiquer auprès d'Angélique pour lui soutirer une info s'avère notamment équivoque lorsque cette potentielle coupable hésite à dénoncer la vérité. La suite des évènements tire parti des profils psychologiques établis entre les soeurs siamoises, dissociées entre le Bien (Angélique) et le Mal (Annabelle), quand bien même Grace Collier entamera une investigation approfondie au sein de l'établissement psychiatrique. Ainsi, à l'aide d'un climat de malaise péniblement malsain et exponentiel, Douglas Buck nous entraîne dès lors dans un cauchemar schizophrène où illusion et réalité s'entrecroisent. Spoiler ! Celles de visions hallucinogènes manifestées par l'esprit intoxiqué de l'enquêteuse. Un sentiment prégnant de démence va alors lentement se distiller à travers son esprit afin de se confondre avec l'identité d'Annabelle et ainsi venger sa mort Fin du Spoiler. En déflorant un secret de famille, le réalisateur nous assène l'horrible vérité d'une liaison amoureuse compromettante où les thématiques du double, de la hantise, de la pédophilie, du traumatisme, de la toxicomanie et de la schizophrénie nous questionnent sur la responsabilité morale d'Angélique ainsi que son rapport intime avec la chair (Cronenberg n'est encore pas loin).


      La Chair et le Sang
      De par la densité d'une intrigue dérangeante entièrement dédiée aux profils torturés d'une relation siamoise, Douglas Buck entretient le mystère et laisse ensuite éclater la vérité autour d'une idylle pervertie par la chair et le sang. Superbement campé par un trio d'acteurs au charisme contrarié (Lou Doillon, Stephen Rea et Chloe Sevigny forment un trio indéfectible !), Sisters distille un malaise éprouvant proche de l'asphyxie de par leurs liaisons imposées. Ainsi donc, autour de leur dérive meurtrière et l'amertume d'une conclusion quasi surnaturelle y découlent une réflexion sur l'influence des sentiments, le pouvoir de persuasion, l'exploitation médicale et notre part indissociable du bien et du mal combiné dans un même corps. Un cauchemar baroque faisant office d'objet maudit (bien que la revue Mad Movies le défendit bec et ongle lors de son exploitation Dvd), à réserver à un public adulte, notamment auprès de son imagerie sanglante de dernier ressort franchement malaisante. 

      *Bruno
      23/12/23. Vostfr
      24/06/14
      22/12/11

       


      lundi 23 juin 2014

      THE RAID 2: BERANDAL

                                                                                                Photo empruntée sur Google, appartenant au site marvelll.fr

      de Gareth Evans. 2014. Indonésie. 2h28. Avec Iko Uwais, Tio Pakusodewo, Julie Estelle, Yayan Ruhian, Arifin Putra.

      Sortie salles France: 23 Juillet 2014. Indonésie: 28 Mars 2014

      FILMOGRAPHIE: Gareth Evans est un producteur, scénariste et réalisateur américain.
      2006: Footsteps. 2009: Merantau. 2011: The Raid. 2013: V/H/S 2 (segment "Safe Haven"). 2014: The Raid 2. 2015: The Raid 3.


      Après la révélation The Raid, découverte en 2011, Gareth Evans remet le couvert avec une suite encore plus ambitieuse dans son lot de bastons et cascades ébouriffantes où l'intrigue gagne légèrement en profondeur et où l'esthétisme se fait plus stylisé. Après les évènements du précédent volet, le jeune flic Rama est à nouveau recruté pour une dangereuse mission, celle d'infiltrer un clan mafieux de Jakarta. Pour cela, il doit purger une peine de prison afin d'approcher Uco, le fils d'un leader indonésien. Etalé sur une durée excessive de 2h30, Gareth Evans prend son temps à bâtir une intrigue éculée en mettant en place une galerie d'antagonistes issues de la pègre locale et de la corruption policière. Celle des mafias et des yakuzas érigés sous l'allégeance de magnats du crime organisé.


      Pour la conduite du récit, si elle s'avère sans surprise et se focalise sur la lutte de clans mafieux que notre héros tente de piéger, la caractérisation des personnages d'Uco et de son père est le centre d'intérêt dans leur rapport de divergence qui entraînera une déroute. S'il y avait au préalable un code de conduite à respecter au sein de leur tradition criminelle, Uco va oser transgresser cette loi avec une audace inédite dénuée de vergogne. Ce jeune tueur d'apparence distinguée est l'attraction principale du film puisqu'il s'avère inévitablement détestable dans son comportement sournois et mégalo, quand bien même ses exactions criminelles (trancher la gorge à 5 otages en toute décontraction !) nous provoquent dégoût et injustice. Si la direction d'acteur aurait mérité à être perfectible, notamment le héros trop discret dans son attitude mutique, les comédiens endossant les rôles de méchants réussissent néanmoins à imposer une stature fielleuse dans leur costard tacheté de sang ! Si le réalisateur n'improvise pas une grosse tension autour du sort réservé à Rama s'il était amené à se faire épingler par ses alliés, le coup de théâtre improvisé à mi-parcours déploie une vigueur vertigineuse lors d'une réaction en chaîne d'incidents meurtriers. Avec l'efficacité de l'action encourue et l'agilité d'une réalisation aussi virtuose qu'inventive, le réalisateur se déchaîne à étaler quotidiennement des séquences de bastons furieusement dantesques. D'une barbarie inouïe dans son ultra violence générée, les confrontations physiques perpétrées à main nue ou à l'arme blanche nous donnent le vertige par la rapidité des coups assénés, quand bien même l'audace visuelle déploie souvent un gore décomplexé. Toutes ses séquences clefs chorégraphiées avec une fluidité inédite dans des décors parfois restreints (ceux d'une allée de couloir, de l'intérieur d'une voiture, d'un compartiment ou d'une cellule de prison !) n'ont aucune peine à figurer dans les anthologies de bastonnades les plus sauvagement exécutées sur un écran !


      En dépit d'une intrigue et d'une psychologie sommaires ainsi qu'une direction d'acteurs amendable, The Raid 2 est suffisamment bien troussé par sa réalisation alerte déployant avec efficacité moult séquences d'action au paroxysme de l'ultra violence. Rien que pour cette démesure d'affrontements sanglants souvent régis en masse, The Raid 2 fait office de spectacle frénétique !

      Bruno Matéï


      vendredi 20 juin 2014

      HAPPY BIRTHDAY (Happy Birthday to me)

                                                                                          Photo empruntée sur Google, appartenant au site Ecranlarge.com

      de Jack Lee Thompson. 1981. Canada. 1h52. Avec Melissa Sue Anderson, Glenn Ford, Lawrence Dane, Sharon Acker, Frances Hyland.

      Sortie France: 06 Janvier 1982, sortie U.S: 15 Mai 1981

      FILMOGRAPHIE SELECTIVE: J. Lee Thompson, de son vrai nom John Lee Thompson, est un réalisateur, scénariste et producteur britannique né le 1er août 1914 à Bristol (Royaume-Uni), décédé le 30 août 2002 à Sooke (Canada).
      1961 : Les Canons de Navarone, 1962 : Les Nerfs à vif , Tarass Boulba, 1972 : La Conquête de la planète des singes, 1973 : La Bataille de la planète des singes, 1974 : Huckleberry Finn, 1978 :L'Empire du Grec,1979 : Passeur d'hommes,1980 : Caboblanco , 1981 : Happy Birthday to Me, 1983 :Le Justicier de minuit , 1984 : L'Enfer de la violence, 1984 : Chantage en Israël , 1985 : Allan Quatermain et les Mines du roi Salomon, 1986 : La Loi de Murphy ,1986 : Firewalker. 1987 : Le justicier braque les dealers,1988 : Le Messager de la mort , 1989 : Kinjite, sujets tabous.


      En plein essor du psycho-killer inauguré par Halloween et Vendredi 13, Happy Birthday exploite le filon avec l'efficacité d'une intrigue un peu plus substantielle que la traditionnelle. Imperméable au genre, on est surpris de retrouver derrière la caméra l'aimable vétéran Jack Lee Thompson, maître d'oeuvre des Canons de Navarone et d'une flopée de films d'auto-défense incarnés par son acteur fétiche, Charles Bronson. Mais ce n'est pas tout, aussi improbable que cela puisse paraître, les comédiens Glenn Ford et Melissa Sue Anderson sont également de la partie pour s'afficher ici dans le genre horrifique avec décontraction. D'ailleurs, le charme suave de l'interprète de la Petite Maison dans la Prairie doit beaucoup au facteur psychologique du film en dépit de clichés et certaines maladresses narratives. Alors qu'un mystérieux tueur frappe un à un les amis de Virginia, celle-ci consulte son médecin du fait de sa fragilité psychologique. En effet, depuis un terrible évènement antérieur, elle souffre d'un traumatisme lui empêchant de retrouver la mémoire. Qui plus est, sujette à des visions et cauchemars morbides, elle finit par se persuader qu'elle pourrait être l'assassin. 


      Avec son pitch classique utilisant situations éculées et personnages stéréotypés, Happy Birthday n'échappe pas à la redite lors de sa première partie puisque le réalisateur ne cesse de miser sur la suspicion des faux suspects sans aucune notion de suspense. Le spectateur ayant une longueur d'avance pour deviner que le potentiel coupable ne peut pas être l'inévitable auteur des homicides. Néanmoins, sans jamais céder à l'ennui, et grâce à la fragilité névrosée de l'héroïne, on suit l'intrigue avec intérêt pour tenter de comprendre les aboutissants de son ancien traumatisme et les implications éventuelles de ses proches amis. Si la psychologie sommaire des personnages secondaires n'échappe pas à la caricature, ils s'avèrent tout de même sympathiques dans leur naïveté à se chamailler et s'éclater dans la bonne humeur en se jouant communément de farces macabres. Passé les premiers meurtres en série plutôt inventifs (prioritairement le coup des altères sur l'haltérophile et celui, anthologique, de la brochette plantée dans la gorge !), l'action se concentre davantage sur le profil torturé de Virginia avec l'entremise du fidèle médecin. L'empathie qu'on lui éprouve est alors inévitable puisque la jeune fille se retrouve piégée dans la tourmente de sa paranoïa avec toujours plus d'instabilité malgré son soutien médical et paternel. Le film adopte alors un rythme et un suspense plus intenses qui ira crescendo jusqu'à la fameuse révélation de son passé traumatique ainsi que l'identité du vrai coupable. Avec l'ironie macabre d'une fête d'anniversaire, Jack Lee Thompson honore le tableau grand guignolesque d'une réunion mortuaire et parachève son épilogue en usant d'un ultime coup de théâtre. Si cette digression n'avait pas vraiment besoin d'en rajouter dans l'inattendu, elle s'avère tout de même plausible SPOIL !!! si on accepte que la vraie coupable réussissait à duper son entourage à l'aide d'un ingénieux masque de latex. Fin du spoil.


      En dépit des clichés traditionnels au genre, d'une première partie sans surprises et d'un twist en demi-teinte, Happy Birthday trouve son rythme et son intérêt dans une bonne intrigue où la fragilité psychologique de l'héroïne prime plus que l'effet choc. Avec une certaine indulgence et un peu de nostalgie, il demeure même l'un des meilleurs représentants du psycho-killer des années 80. 

      Dédicace à Gérald Giacomini
      Bruno Matéï
      4èx