mercredi 16 juillet 2014

INCENDIES

                                                              Photo empruntée sur Google, appartenant au site atlasmedias.com

de Dennis Villeneuve. 2010. Quebec. 2h10. Avec Lubna Azabal, Mélissa Désormeaux-Poulin, Maxim Gaudette, Rémy Girard, Abdelghafour Elaaziz, Allen Altman.

Sortie salles France: 12 Janvier 2011. U.S: 22 Avril 2011

FILMOGRAPHIE: Denis Villeneuve est un scénariste et réalisateur québécois, né le 3 octobre 1967 à Trois-Rivières.
1996: Cosmos. 1998: Un 32 Août sur terre. 2000: Maelström. 2009: Polytechnique. 2010: Incendies. 2013: An Enemy. 2013: Prisoner


Réalisateur prodige reconnu du public par le thriller haletant, Prisoners, Denis Villeneuve avait pourtant déjà prouvé son talent de technicien avisé avec Enemy, thriller personnel autrement hermétique sur le thème du double, et le film qui nous intéresse aujourd'hui, Incendies.


Drame psychologique dénonçant les horreurs de la guerre, l'obscurantisme, l'instinct de vengeance et le fanatisme religieux, Incendies relate la quête de vérité de deux jumeaux fouinant le passé de leur défunte mère afin de rencontrer un père et un frère qu'ils n'ont jamais connu. Contraints de leur remettre deux enveloppes, Jeanne décide de regagner son pays d'origine, la Palestine, avant que son frère Simon ne la rejoigne. Alternant évènements du présent et du passé à travers de nombreux flash-back, Dennis Villeneuve met en parallèle leur périple et leur investigation de longue haleine dans un pays marqué par la violence de tensions religieuses, tout en retraçant le douloureux parcours de cette mère catholique, abdiquée par sa propre famille après avoir eu l'audace de fréquenter un jeune musulman. A travers ces secrets de famille bafoués par l'intolérance et la barbarie de conflits entre chrétiens et musulmans, le cinéaste dépeint le chemin de croix d'une femme violentée et humiliée, réduite à la déchéance, mais d'une dignité insolente dans sa stoïcité à ne pas se laisser vaincre par la défaite. Quand au cheminement imprécis de Jeanne et Simon, de fil en aiguille, et avec le soutien d'aimables enquêteurs, ils vont réussir à percer la vérité sur leur mère au moment même d'être bouleversés par leur véritable identité. Autour de ce trio galvaudé par la vendetta et le terrorisme, le frère méconnu pâtira notamment de sa révolte belliqueuse avant de se confronter à une révélation des plus licencieuses.


Outre le magnifique portrait maternel asséné à cette femme inflexible, Incendies nous illustre avec autant de retenue que de réalisme éprouvant sa descente aux enfers et celle de ses enfants de la honte. Autour des sentiments d'injustice, de haine et de révolte engendrés par les divergences de religion, Dennis Villeneuve décortique les conséquences dramatiques de la rancoeur et de la vengeance avant de nous réconcilier avec les notions d'amour, de paix et de pardon. Un témoignage éminemment bouleversant pour cette oeuvre fragile dont le climat austère et étouffant nous reste à la gorge bien au-delà du générique de fin. 

Bruno Matéï

Récompenses:
35e Festival international du film de Toronto (Toronto), meilleur film canadien
30e Festival international du film de l'Atlantique (Halifax), meilleur film canadien
25e Festival international du film francophone de Namur (Belgique), prix du public
55e Semaine du cinéma international de Valladolid (Espagne), prix du public, prix du meilleur scénario et prix du jury des jeunes
26e Festival du film de Varsovie (Pologne), Grand prix du jury
40e Festival international du film de Rotterdam (Pays-Bas), prix du public
Prix du Centre national des Arts du Canada
31e Prix Genie, huit statuettes :
Meilleur film
Meilleure réalisation
Meilleur actrice (Lubna Azabal)
Meilleure adaptation
Meilleure direction-photo
Meilleur son d'ensemble
Meilleur montage sonore
Meilleur montage
13e cérémonie des Jutra, neuf prix :
Meilleur film
Meilleure réalisation : Denis Villeneuve
Meilleure actrice : Lubna Azabal
Meilleur scénario : Denis Villeneuve, avec la collaboration de Valérie Beaugrand-Champagne
Meilleure direction de la photographie : André Turpin
Meilleure direction artistique : André-Line Beauparlant
Meilleur son : Sylvain Bellemare, Jean Unamsky et Jean-Pierre Laforce
Meilleur montage : Monique Dartonne
Meilleurs costumes : Sophie Lefèbvre
Prix Lumières 2012 : Meilleur film francophone
Meilleure actrice au Magritte du cinéma

mardi 15 juillet 2014

Horrible / Rosso sangue / Absurd / Antropophagus 2

                                           Photo empruntée sur Google, appartenant au site bloodygoodhorror.com

de Joe d'Amato / Peter Newton. 1981. 1h32. Italie. Avec George Eastman, Annie Belle, Charles Borromel, Katya Berger, Kasimir Berger, Hanja Kochansky, Ian Danby, Ted Rusoff, Edmund Purdom, Carolyn De Fonseca, Cindy Leadbetter, Lucia Ramirez, Mark Shannon, Michele Soavi, Martin Sorrentino, Goffredo Unge.

Sortie salles France: 6 Juillet 1983. Italie: Octobre 1981

FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Joe d'Amato (né Aristide Massaccesi le 15 décembre 1936 à Rome, mort le 23 janvier 1999) est un réalisateur et scénariste italien. 1977 : Emanuelle in America, 1977 : Viol sous les tropiques, 1979: Buio Omega (Blue Holocaust), 1980: Anthropophagous, La Nuit Erotique des morts-vivants, Porno Holocaust, 1981: Horrible, 1982: 2020, Texas Gladiator, Caligula, la véritable histoire, Ator l'invincible, 1983: Le Gladiateur du futur.

 
"Horrible : L’Anthropophage ressuscité".
Un an après le succès sanglant d'Anthropophagous, Joe D’Amato rempile avec un psycho-killer, bien décidé à pousser l’hémoglobine plus loin encore. Recrutant de nouveau Georges Eastman, Horrible pourrait presque passer pour une suite dégénérée : le tueur ressemble à s’y méprendre au cannibale famélique d’alors. À la différence près qu’ici, nul appétit de chair humaine, mais une pure frénésie homicide, doublée d’un pouvoir de régénération dont on se demande encore par quel miracle il se relève, éventré, après avoir escaladé la grille d’un portail, pourchassé par un prêtre. Sa nationalité grecque et son exil précipité laissent d’ailleurs planer le doute : serait-ce bien notre anthropophage ?

Doté d’un pitch aussi grotesque qu’improbable, Joe D’Amato se moque de la cohérence, préférant exhiber la dérive sanguinaire d’un fou échappé d’un hôpital. Après avoir occis infirmière, homme d’entretien et motocycliste, le monstre gagne la campagne et jette son dévolu sur une maison isolée, proie idéale : un enfant, une nourrice, une tétraplégique y sont livrés à lui, à huis clos.

Titre racoleur à souhait, Horrible embrasse sans scrupule son horreur pornographique : le scénario n’est qu’un prétexte pour égrener des meurtres gratinés, à la lisière du sadisme complaisant. Comme cette inoubliable séquence où une jeune femme, piégée dans sa cuisine, finit la tête dans le four — supplice d’asphyxie interminable, combustion en prime. D’autres réjouissances macabres s’égrènent : crâne fendu à la scie circulaire, tympan perforé à la perceuse, gros plans cradingues garantis.

Les comédiens, figés dans une apathie lunaire, n’en sont pas moins attachants par leur naïveté candide — mention spéciale au marmot insupportable de six ans, qui cabotine ses crises et ses larmes, terrorisé par « l’ogre ». Plus omniprésent encore, Georges Eastman cabale à nouveau en tueur ahuri, conférant à son regard lambda une étrangeté presque solennelle. L’atmosphère fétide qui faisait la sève d’Anthropophagous se dissipe ici au profit d’une angoisse latente, qui explose dans un dernier acte haletant : un jeu de cache-cache malsain entre l’enfant, la nourrice, la tétraplégique et le monstre, ponctué de sursauts et d’hémoglobine, dans un esprit de dégénérescence hystérique.

 
"D’Amato déchaîne la boucherie".
Mieux rythmé qu’Anthropophagous, mais plus absurde encore dans sa narration tirée par les cheveux (comme le laisse entendre son titre US !), Horrible privilégie l’horreur sanguinolente et l’action suffocante, culminant dans le huis clos domestique. Au-delà de ses défauts criants, de ses incohérences et de ses maladresses de série Z, il charme par son jusqu’au-boutisme, ses effets gore artisanaux et son score de Carlo Maria Cordio, tantôt lugubre, tantôt mélancolique, jusqu'à l'envoûtement.
À redécouvrir, sans distance, pour le plaisir d’un Z viscéral jusqu’à la moelle.
 
*Bruno
27.04.21
15.07.14
06.03.11
5èx  

vendredi 11 juillet 2014

Le Retour des Morts-Vivants (The Return of the Living Dead)

                                                Photo empruntée sur Google, appartenant au site projectdeadpost.com

de Dan O'Bannon. 1985. U.S.A. 1h31. Avec Clu Gulager, James Karen, Don Calfa, Thom Matthews, Linnea Quigley, Beverly Randolph, Jewel Shepard, John Philbin, Miguel A. Nunez Jr.

Sortie salles France: 15 Mai 1985

FILMOGRAPHIE: Dan O'Bannon est un scénariste et réalisateur américain, né le 30 Septembre 1946 à Saint-Louis, dans le Missouri (Etats-Unis), décédé le 17 Décembre 2009 à Los Angeles en Californie.
1985: Le Retour des Morts-vivants. 1991: The Resurrected


Sorti la même année que Le Jour des Morts-vivants, à quelques semaines près, Le Retour des Morts-vivants se décline en parodie du mythe que le célèbre scénariste Dan O'Bannon s'entreprend de mettre en image pour une première réalisation. On peut d'ailleurs presque évoquer un coup de maître tant ce dernier s'avère aussi à l'aise et inspiré à exploiter horreur et dérision en interne d'un huis-clos converti en train fantôme ! Si bien que dans un esprit BD clairement hérité des EC. Comics (photo rutilante à l'appui !), le film nous offre une patine visuelle assez cartoonesque pour la tenue vestimentaire impartie aux adolescents punks mais aussi pour le look décalé de certains cadavres putrescents (le zombie liquéfié planqué au sous-sol !), juste après nous avoir rendu un hommage cocasse à la Nuit des morts-vivants.  C'est le sujet de discussion amorcé entre l'employé d'un entrepôt, Frank, et son apprenti, Freddy, afin de convaincre ce dernier que la trame de la nuit des morts-vivants était authentique mais romancée par son auteur puisque contraint par l'armée de ne pas ébruiter sa véracité. Car si à une certaine époque, les morts sont bels et bien revenus à la vie, c'est sous les effluves de déchets toxiques expérimentés par les forces militaires. Stoqués depuis la fin des années 60 dans le sous-sol même de l'entrepôt, Frank invite alors l'adolescent à aller visiter ses conteneurs. 


Mais par une maladresse de ce dernier, une fuite d'un des contenants va libérer le gaz toxique pour les empoisonner et ramener à la vie tous les cadavres à proximité ! Pendant ce temps, les amis du jeune Freddy, une bande de punks gentiment rebelles, s'introduisent dans la nécropole d'à côté pour s'y saouler en attendant son retour ! Divertissant et jouissif en diable, Le Retour des Morts-vivants dégage une énergie insolente de par son concours de circonstances malchanceuses auquel la complicité fraternelle des protagonistes décuplera une fougue offensive. Parmi cette dynamique de groupe, les comédiens expansifs s'en donnent à coeur joie à nous retransmettre leur état de panique face à la menace, quand bien même la bande de Freddy viendra rejoindre nos quatre survivants confinés dans un salon funéraire. Outre ses idées inventives émaillées de gags hilarants (la dégénérescence de Frank et Freddy les réduisant à l'état inversé de vivant-mort, les multiples traquenards invoqués aux ambulanciers et aux policiers !), la truculence des situations émane également du comportement débridé des morts-vivants. Car ici, ils courent massivement vers leurs proies et sont doués de parole pour réclamer de la cervelle qu'ils consomment uniquement afin de se soulager de leur état de décomposition !


Soutenu d'une bande-son rock entêtante et pourvu d'effets-spéciaux soignés assez convaincants, Le Retour des Morts-Vivants doit beaucoup de sa vitalité de par l'habileté d'une intrigue structurée au montage rigoureux et par la complicité impayable des comédiens épatants de spontanéité. Il s'en dégage une telle bonne humeur et un sens de dérision respectueux au genre que les multiples visionnages n'écornent nullement son pouvoir euphorique ! Un classique légitime donc dont le mélange horreur/comédie fonctionne à point nommé, quand bien même le nihilisme de son épilogue nous surprend sans prévenir de son audace sardonique ! 

*Eric Binford
10.09.21. 6èx

jeudi 10 juillet 2014

BLUE RUIN. Prix FIPRESCI, Cannes 2013

                                                                                    Photo empruntée sur Google, appartenant au site bdzoom.com

de Jeremy Saulnier. 2013. U.S.A. 1h30. Avec Macon Blair, Devin Ratray, Amy Hargreaves, Kevin Kolack, Eve Plumb, David W. Thompson.

Récompense: Prix FIPRESCI au festival de Cannes, 2013

Sortie salles France: 9 Juillet 2014. U.S: 25 Avril 2014

FILMOGRAPHIEJeremy Saulnier est un réalisateur, scénariste et directeur de photographie américain.
2007: Murder Party. 2013: Blue Ruin.


Après Murder Party, premier essai d'une comédie horrifique restée inédite dans nos contrées, le débutant Jeremy Saulnier s'attaque au Vigilante Movie avec une ambition personnelle puisque Blue Ruin détourne les codes grâce à son intrigue sans repère et à son portrait au vitriol imparti au justicier lymphatique. Ponctué d'ironie saugrenue, le métrage joue autant la carte du naturalisme à travers sa nature sereine, une manière de contraster avec la nonchalance d'un loser aussi maladroit qu'émotif. Avec son attitude irréfléchie, sa timidité et ses exactions criminelles perpétrées avec amateurisme, c'est un peu comme si Le Distrait rencontrait Justice Sauvage ! Venant d'apprendre que le meurtrier de ses parents vient d'être libéré de prison, Dwight décide de l'assassiner en guise de vengeance. Embourbé dans une réaction en chaîne meurtrière, il tente en désespoir de cause de continuer sa dérive punitive en s'en prenant à la famille du meurtrier et en évitant les balles ennemies. 


Récompensé à Cannes du prix Fipresci à la quinzaine des réalisateurs, Blue Ruin allie film noir et cinéma d'auteur afin de tirer parti d'un canevas éculé à toutes les sauces. Si ce film indépendant brille déjà par la structure de sa réalisation peaufinant notamment le cadre environnemental, il permet surtout de transcender le portrait d'un solitaire aigri incapable d'avoir su accepter le deuil parental. Présenté d'abord comme un Sdf vivant reclus dans sa voiture insalubre depuis la mort de ses parents, Dwight va subitement changer de look afin de se fondre dans l'apparence d'un aimable citoyen après avoir appris la libération du meurtrier. Obnubilé à l'idée de se venger sans mesurer les conséquences de ses actes crapuleux, il va se laisser entraîner dans un itinéraire indécis afin de retrouver le vrai criminel, mais aussi se protéger contre l'inévitable riposte. Une contre-attaque familiale de culs-terreux incultes aussi déterminés dans leurs pulsions de haine destructrice ! Gagné par le remord et la paranoïa, Dwight songera même à tenter de préserver le destin de sa soeur si elle était amenée à devenir une cible potentielle !


Avec ses éclairs de violence crue (le 1er meurtre dans les toilettes), ses situations incongrues (l'otage du coffre), ses rencontres amicales de personnages sans morale (la soeur et l'ami d'enfance de Dwight !) et ses moments d'intimisme introspectif, Blue Ruin casse les conventions du film d'auto-défense pour dessiner l'humanisme d'un paumé dépressif incapable de canaliser son émotivité pour remonter la pente de sa déchéance. Une surprenante découverte à la limite de la parodie renfrognée et la révélation d'un acteur hanté par l'échec et le désarroi: Macon Blair !

Bruno Matéï

mercredi 9 juillet 2014

Réincarnations / Dead and Buried

                                                    Photo empruntée sur Google, appartenant au site zombiepop.net

de Gary Sherman. 1981. U.S.A. 1h34. Avec James Farentino, Melody Anderson, Jack Albertson, Dennis Redfield, Nancy Locke, Lisa Blount, Robert Englund.

Sortie salles France: 19 Août 1981. U.S: 29 Mai 1981

FILMOGRAPHIE: Gary A. Sherman est un réalisateur, scénariste et producteur américain né en 1943 à Chicago dans l'Illinois. 1972: Le Métro de la mort, 1981: Réincarnations, 1982: Descente aux enfers, Mystérious Two (TV film), 1984: The Streets (TV film), 1987: Mort ou Vif, 1988: Poltergeist 3, 1990: Lisa, After the Shock, 1991: Murderous Vision (TV film).

Film culte d’une génération entière, Réincarnations a marqué une légion de jeunes cinéphiles l’ayant découvert au tout début des années 80. Tant lors de sa sortie en salles (les ados comme moi durent s’y rendre accompagnés d’un adulte, le film étant interdit aux moins de 18 ans !) que grâce à sa mythique édition VHS chez UGC Vidéo.
Au-delà de l’incroyable scénario concocté par Dan O’Bannon et Ronald Shusett pour insuffler un sang neuf au mythe du zombie — et à celui de Frankenstein — c’est surtout l’ambiance mortifère, littéralement prégnante, qui saisit l’esprit du spectateur pour ne plus jamais le lâcher.

Alors que deux meurtres secouent une tranquille bourgade côtière, le shérif Dan Gillis piétine à retrouver le ou les responsables de ces morts d’une brutalité inouïe. Son enquête le conduit bientôt à soupçonner l’embaumeur local, le médecin-légiste William G. Dobbs.
Dès sa scène d’ouverture cinglante — restée gravée dans toutes les mémoires — Gary Sherman ébranle le spectateur sans sommation : une drague anodine sur la plage entre un photographe et une jeune tentatrice bascule soudain dans l’horreur la plus frontale lorsqu’un homme s’oppose à une confrérie invisible.

Des séquences cauchemardesques de cet acabit, Réincarnations en regorge. Toutes aussi estomaquantes que radicales, elles déploient une violence sèche, une verdeur nécessaire, tandis que le climat d’angoisse, subtilement distillé, monte crescendo au fil de l’enquête du shérif.
On salue au passage l’interprétation fiévreuse de James Farentino (sans doute son plus grand rôle), exprimant une lente dégringolade vers les méandres d’un vaudou tapi dans l’ombre.
À ses côtés, Jack Albertson, au charisme émacié, incarne le médecin-légiste avec une dérision macabre, presque goguenarde. Et que dire de la présence trouble de Melody Anderson, épouse trop affable pour ne pas éveiller les soupçons...

Outre la justesse du casting et la maîtrise glaciale de la mise en scène (Sherman n’a jamais autant brillé dans sa capacité à crédibiliser une société de morts-vivants impassibles et non carnivores), la puissance émotionnelle de Réincarnations tient surtout à sa manière de nous plonger dans une intrigue vénéneuse, toujours plus envoûtante.
Les scénaristes nous offrent ici une farce macabre d’une cruauté délicieuse, où l’humour noir se mêle à la terreur sourde, et où chaque revirement vient mordre dans la chair du récit. Jusqu’au twist final, traumatisant, qui remet en cause notre propre réalité. Serions-nous, nous aussi, les pantins articulés d’un créateur imposteur ?

Mais Réincarnations, c’est aussi le charme d’une série B esthétiquement formelle, baignée dans l’illusion paisible d’une bourgade côtière. Une ville bercée par une mélodie de piano — inoubliable score de Joe Renzetti — avant d’être ravagée par l’onde noire d’un sacrement morbide, implacable.

 
Chef-d’œuvre d’humour macabre, baignant dans une atmosphère aussi lourde qu’oppressante (bande-son bourdonnante à l’appui), Réincarnations incarne l’archétype d’une série B artisanale où toute une équipe s’emploie à cristalliser un pitch improbable… et pourtant redoutablement clairvoyant.
Et ce ne sont pas les maquillages spectaculaires de Stan Winston qui viendront contredire la réussite incontestable de cette farce sardonique, où la violence — brutale, tranchante — s’impose, justifiée.
Inoubliable.

*Bruno
5èx

Apport du Blu-ray: 8/10

mardi 8 juillet 2014

NOE (Noah)

                                                                                 Photo empruntée sur Google, appartenant au site impawards.com

de Darren Aronofski. 2014. U.S.A. 2h18. Avec Russel Crowe, Jennifer Connely, Ray Winstone, Anthonby Hopkins, Emma Watson, Logan Lerman, Douglas Booth, Nick Nolte, Mark Margolis.

Sortie salles France: 9 Avril 2014. U.S: 28 Mars 2014

FILMOGRAPHIE: Darren Aronofski est un réalisateur américain né le 12 février 1969 à Brooklyn (New York). Il travaille aussi en tant que scénariste et producteur.
1998 : π, 2000 : Requiem for a dream, 2006 : The Fountain, 2009 : The Wrestler, 2010 : Black Swan. 2014: Noé



En conteur biblique, Darren Aronofski s'inspire ici librement du récit de l'arche de Noé pour nous bâtir une interprétation plus moderne et épique, à l'instar du film d'aventure lyrique puissamment évocateur. Alors que Dieu est sur le point d'anéantir la terre, faute de la méchanceté de l'homme féru de suprématie, Noé devient l'élu pour la construction d'une gigantesque arche afin d'y préserver la vie animale. Mais une tribu guerrière menée par Samyaza est sur le point d'investir leur forteresse. En s'inspirant d'un illustre chapitre du livre de la genèse, Darren Aronofski nous propose un blockbuster familial constamment captivant dans ses thématiques universelles abordées avec intelligence pour remettre en cause la place de l'homme sur Terre. Réflexion spirituelle et métaphysique se télescopant à renfort d'images allégoriques où Adam et Eve seraient les principaux commanditaires de notre déchéance. En alternant l'action, le fantastique, le drame et la romance, Noé nous dépeint l'incroyable destinée d'une famille unie par l'amour, leur combat ardu pour la préservation d'un nouveau monde mais aussi leur dissolution morale où la stature de l'homme n'a plus lieu d'être. C'est tout du moins la conviction de Noé, patriarche exemplaire mais soudainement envahi de visions prophétiques, persuadé d'avoir été choisi par le divin afin de refonder l'humanité.


A travers son cheminement spirituel, le réalisateur oppose les thématiques du fanatisme religieux et du sens du sacrifice lorsqu'il se résout à respecter sa mission pour préserver la cause animale au lieu de celle de l'homme. La première partie prend le soin de nous attacher à l'intimité de cette famille déférente avant leur nouveau compromis avec les géants de pierre (des anges préalablement punis par Dieu) finissant par prêter main forte à la construction de l'arche mais aussi à une hostilité guerrière. Ce qui nous vaudra une bataille furieusement épique impartie entre ces molosses et l'armée de Samyza, tentant en désespoir de cause de rejoindre le domaine avant le déluge annoncé ! Là encore, passé le chaos du fracas des armes, une vision dantesque du monde englouti nous ait évoqué avec un souffle de réalisme vertigineux. La seconde partie, beaucoup plus dense dans l'étude caractérielle, laisse place à la responsabilité humaine de Noé négligeant derrière lui le charnier de victimes innocentes, quand bien même sa dernière volonté sera de sacrifier les siens ! Face au fanatisme intransigeant de cet homme autrefois loyal, Darren Aronofski laisse débattre les témoins de sa famille avec une foi désespérée pour le rappeler à la raison. Celle de l'amour et de la compassion. A travers leur destin sont également interrogées les notions de pardon, de vengeance, d'erreur humaine, de repentance et de seconde chance afin de mettre en appui la fragilité de l'homme perpétuellement tiraillé entre l'instinct de colère et la compassion.


Superbement interprété (Russel Crowe et Jennifer Connely s'entredéchirent corps et âmes ! ), épique, intense, lyrique et parfois bouleversant, Noé confronte le blockbuster émotif avec l'intelligence d'une réflexion New-Age. Riches de thématiques toutes plus passionnantes, Noé illustre également avec poésie un hymne au respect de l'environnement et à la cause animale où le rôle difficile de l'homme est remis en cause pour sa nature aussi défectueuse que destructrice. 

Bruno Matéï


vendredi 4 juillet 2014

Enfer Mécanique / The Car

                                                      Photo empruntée sur Google, appartenant au site amoeba.com

d'Elliot Silverstein. 1977. U.S.A. 1h37. Avec James Brolin, Kathleen Lloyd, John Marley, R.G. Armstrong, Ronny Cox, Henry O'Brien, Elizabeth Thompson.

Sortie salles France: 13 Mai 1977

    FILMOGRAPHIE: Elliot Silverstein est un réalisateur et producteur américain, né le 3 Août 1927 à Boston, Massachusetts (Etats-Unis). 1962: Belle Sommers (télé-film). 1965: Cat Ballou. 1967: The Happening. 1970: Un Homme nommé Cheval. 1973: Nightmare Honeymoon. 1977: Enfer Mécanique. 1986: Betrayed by Innocence (télé-film). 1987: La Nuit de tous les Courages (télé-film). 1987: Fight for Life (télé-film). 1990: Rich Men, Single Women (télé-film). 1993: Flashfire.


    Démarquage bisseux de Duel de Spielberg, Enfer Mécanique marqua toute une génération de spectateurs grâce à ces multi rediffusions projetées sur la chaîne privée (mais gratuite !), la Cinq ! Série B purement ludique où seule compte l'efficacité d'une action endiablée, Enfer Mécanique n'a point usurpé son statut de petit classique du Fantastique si bien qu'à la revoyure (4è x !) il perdure à captiver de par la vigueur d'une mise en scène à la fois soignée et attentionnée pour la caractérisation de ses personnages contrariés en proie à une menace indicible. L'aimable participation des trognes charismatiques de seconde zone (James Brolin en tête !) doit notamment beaucoup à l'extrême sympathie qui s'y détache, quand bien même chacun des protagonistes sont engagés dans la cohésion afin de contrecarrer la menace, véritable serial-killer motorisé d'une vélocité sans égale lorsqu'il s'acharne à traquer ses proies pour les écraser sur le bitume. Car c'est sous l'apparence d'une Berline noire qu'est personnifiée l'entité, véhicule sans conducteur habité par le Malin (c'est ce que nous révélera l'épilogue à renfort de visions dantesques d'un brasier rugissant !). 


    Ainsi, à l'aide de plans parfois alambiqués, le réalisateur parvient à distiller une véritable aura maléfique à travers l'étrange morphologie de cette carrosserie blindée comparable au corbillard ! Qui plus est, au son d'avertissement d'un klaxon arrogant, l'engin erratique fait preuve d'une frénésie incontrôlée pour s'élancer sur ses victimes ! Avec son environnement aussi montagneux que désertique,  Elliot Silverstein exploite une scénographie héritée du Western au sein de cette communauté reculée de Santa Ynez. Les shérifs, héroïques et serviables, tentant courageusement de protéger leur village face à l'audace du hors là loi laissant derrière lui les cadavres de touristes après son passage éclair. Mené par le capitaine Wade Parent, c'est donc une course-poursuite inlassable que nos justiciers vont emprunter sur les routes de l'Utah en usant de moult stratégies pour l'annihiler. Durant les péripéties meurtrières de la voiture, on est d'ailleurs surpris d'assister à la mort inopinée de protagonistes essentiels. Cette radicalité à laquelle fait preuve le réalisateur surprend d'autant plus que cette série B est uniquement impliquée dans le divertissement plaisant même si elle s'autorise quelques effusions de violence dénuées de concession. 


    Interprété avec une spontanéité communicative (notamment auprès de l'épouse du shérif que Kathleen Lloyd endosse avec une chaleureuse fringance) et solidement mis en scène sans avoir recours au gros budget, Enfer Mécanique n'a absolument rien perdu de son efficacité à aligner sans répit nombre de péripéties spectaculaires et dérives meurtrières. L'épique partition orchestrale de Leonard Rosenman et l'apparence spectrale de la voiture s'y combinant parfaitement afin d'iconiser un serial-killer échappé de l'enfer ! A revoir sans réserve. 

    *Bruno
    4èx (04.07.22). Vostfr

      mardi 1 juillet 2014

      RESERVOIR DOGS

                                                                     Photo empruntée sur Google, appartenant au site impawards.com

      de Quentin Tarantino. 1992. U.S.A. 1h39. Avec Harvey Keitel, Tim Roth, Michael Madsen, Steve Buscemi, Chris Penn, Lawrence Tierney, Quentin Tarantino.

      Sortie salles France: 2 Septembre 1992. U.S: 21 Janvier 1992

      FILMOGRAPHIE: Quentin (Jérome)Tarantino est un réalisateur, scénariste, producteur et acteur américain, né le 27 Mars 1963 à Knoxville dans le Tennessee.
      1992: Réservoir Dogs. 1994: Pulp Fiction. 1995: Groom Service (segment: The Man from Hollywood). 1997: Jacky Brown. 2003: Kill Bill 1. 2004: Kill Bill 2. 2007: Boulevard de la Mort. 2009: Inglorious Basterds. 2012: Django Unchained.


      En 1992, un petit film indépendant au succès commercial modeste va bousculer le paysage du polar noir et rouge et lui permettre de redorer son blason. Auréolé d'un bouche à oreille élogieux et de critiques enthousiastes, Réservoir Dogs va imposer au fil des ans son statut de film culte et asseoir la réputation d'un cinéphile enragé, Quentin Tarantino. A la suite d'un braquage de bijouterie ayant mal tourné, une poignée de gangsters se réfugient au point de rencontre d'un vieil entrepôt. Persuadé qu'ils ont été dénoncés par un membre des leurs, ils vont tenter de démasquer la taupe en attendant l'arrivée de leur boss. Polar sanguin habité par la paranoïa, la suspicion et la traîtrise, Reservoir Dogs est un concentré de violence sardonique où la suggestion prend souvent le pas sur l'ostentatoire. Car si le sang s'avère continuellement présent à l'écran, Quentin Tarantino ne nous en illustre que la résultante, les conséquences dramatiques d'un braquage raté auquel des malfrats en costard se sont malencontreusement frottés. 


      Observer en intermittence l'agonie d'un malfrat grièvement blessé à l'abdomen s'avère une expérience rigoureuse lorsqu'elle est traitée avec autant de verdeur dans son réalisme. Baignant dans la mare de son propre sang, la victime livide s'avère d'autant plus impuissante qu'elle risque de succomber à tous moments à ses blessures, quand bien même ses collègues anxieux essaient de se disculper de leur culpabilité ! Et pour en rajouter dans le grotesque improvisé, un maniaque au rasoir va notamment prendre son pied à torturer l'oreille d'un flic otage sur un tube musical de Stealers Wheel ! Cette séquence anthologique s'avère d'autant plus percutante que Tarantino utilise habilement le hors champs, la caméra déviant subitement de quelques centimètres sur la gauche afin de se diriger sur l'inertie d'une façade ! Le fait inopiné que le spectateur se retrouve inexplicablement confronté à un décor aussi trivial renforce l'impression de malaise, alors que les supplices de la victime se font écho sur une bande rock décontractée guinchée par le tueur ! Emaillé de flash-back sporadiques afin de mieux connaître les identités des malfrats et afin de savoir comment ils ont pu approcher leur patron, Reservoir Dogs ne cesse de surprendre par son accumulation de revirements aléatoires, à l'instar de l'échappée des gangsters (en mode déchronologique !) après leur défaite du braquage. Outre la construction iconoclaste de l'intrigue et la virtuosité de la caméra, le film tire notamment parti de la répartie des dialogues ciselés que Tarantino se délecte souvent à parodier ! Alternant l'humour noir et aussi la truculence comportementale de gangsters cools (vêtus de costards et lunettes noires, ils sont férus de pop-culture et de malbouffe !), le réalisateur s'épanche par exemple sur leur goûts musicaux d'un tube de Madonna ou sur leur statut moral à offrir ou refuser le pourboire d'une serveuse. 


      En privilégiant l'étude psychologique d'antagonistes en remise en question, communément confrontés à leur instinct de perspicacité pour comprendre les aboutissants de leur déroute, Quentin Tarantino brosse une galerie de gangsters hilarants tout en fignolant l'aspect réaliste de leur situation de crise vouée à l'hécatombe. Sardonique et jouissif, Reservoir Dogs baigne autant dans une violence insupportable (mais jamais outrée !) que dans une "cool attitude" générée par ses braqueurs faussement compétents !  

      Bruno Matéï
      3èx


      lundi 30 juin 2014

      Pulsions Cannibales / Apocalypse Domani

                                                          Photo empruntée sur Google, appartenant au site en.wikipedia.org

      de Antonio Margheriti. 1980. Italie/Espagne. 1h36. Avec John Saxon, Elizabeth Turner, Giovanni Lombardo Radice, Cinzia De Carolis, Tony King.

      FILMOGRAPHIE: Antonio Margheriti (Anthony M. Dawson) est un réalisateur italien, né le 19 septembre 1930 à Rome, décédé le 4 Novembre 2002 à Monterosi.
      1960: Le Vainqueur de l'espace. 1962: Les Derniers jours d'un empire. 1963: La Vierge de Nuremberg. 1964: La Sorcière Sanglante. 1964: Les Géants de Rome. 1964: Danse Macabre. 1968: Avec Django, la mort est là. 1970: Et le vent apporta le Violence. 1971: Les Fantômes de Hurlevent. 1973: Les Diablesses. 1974: La brute, le colt et le karaté. 1975: La Chevauchée terrible. 1976: l'Ombre d'un tueur. 1979: l'Invasion des Piranhas. 1980: Pulsions Cannibales. 1980: Héros d'Apocalypse. 1982: Les Aventuriers du Cobra d'Or. 1983: Yor, le chasseur du futur. 1985: L'Enfer en 4è vitesse.


      Sorti en pleine mouvance du gore transalpin, (Blue Holocaust, Anthropohagous, l'Avion de l'Apocalypse, Zombie Holocaust), quand bien même L'Enfer des Zombies venait de remporter un succès international et que Cannibal Holocaust allait semer la controverse à travers le monde, Antonio Margheriti exploite les filons du cannibalisme et du zombie movie (on empruntera plutôt ici le thème d'infecté !) afin de rameuter les foules. 

      Le PitchRetenus prisonniers dans un camp de Vietcongs, le sergent Bukowski et son acolyte sont atteints d'anthropophagie lorsque qu'une jeune victime trébuche incidemment dans leur cachot. Sauvés in extremis par leur capitaine, les deux acolytes finissent par retourner dans leur pays pour suivre un traitement psychiatrique. Libéré de l'hôpital, Bukowski se rend dans un cinéma au moment même où ses pulsions meurtrières le rappellent à la démence. 

      Dans le sillage de RageRambo, et VoracePulsions Cannibales nous décrit le calvaire de vétérans du Vietnam subitement atteints d'un étrange mal, l'anthropophagie. Ainsi, en abordant les thématiques sociales du traumatisme de la guerre et de la difficile réinsertion des vétérans US, Antonio Margheriti  en exploite un film d'action horrifique typiquement Bis dans sa facture débridée laissant libre court à une poignée de séquences chocs décomplexées. 


      Sciemment complaisant mais spectaculaire et jouissif, le sang est ici traité avec générosité, d'autant plus que le travail artisanal effectué par Giannetto De Rossi demeure encore aujourd'hui des plus impressionnants. Petite perle de l'horreur transalpine encensée par Quentin Tarantino, Pulsions Cannibales allie donc horreur sociale et action ludique parmi l'efficacité d'une mise en scène nerveuse. Car mené sur un rythme sans faille, cette série B tire parti de sa vigueur à travers sa scénographie urbaine pour osciller fusillades sanglantes, altercations musclées, poursuites et meurtres en série sous l'autorité erratique d'un quatuor de cannibales incapables de refréner leurs pulsions ! Il faut dire qu'en pleine agglomération, la pagaille est de mise depuis que le sergent Bukowski infecta quelques victimes de son étrange maladie. Sans doute un virus méconnu qu'il choppa au fin fond de la jungle lorsqu'il n'était qu'une machine de guerre. Cette maladie contagieuse auquel les assassins sont pourvus d'une addiction incontrôlée pour dévorer la chair provoquant une fascination malsaine, de par leur comportement aussi instable qu'incontrôlé, et par leur instinct viscéral à consommer la viande humaine. Traqués par les forces de l'ordre puis finalement retranchés dans les égouts de la ville, nos cannibales n'auront de cesse d'user de bravoure et constance pour riposter et tenter de survivre. 


      De par son attachante galerie de personnages aimablement cabotins (la jeune voisine du capitaine, le chef de police et ses collègues zélés, l'éminent médecin trop influençable ainsi que notre quatuor criminel commandé par un John Saxon sobrement impliqué), Pulsions Cannibales parvient à divertir grâce au savoir-faire de sa réalisation aussi efficace que nerveuse déployant des séquences horrifiques du plus bel effet sanguinolent. Si bien que les amateurs de gore aux rognons (du moins, dans sa version uncut) continueront de se réjouir de l'aspect émétique de certaines situations scabreuses lorsque nos cannibales usent de sadisme pour alpaguer voracement leurs proies. 

      *Bruno
      07.11.24. vf. 5èx
      17.02.23. 

      vendredi 27 juin 2014

      Brazil

                                                 Photo empruntée sur Google, appartenant au site sci-fimovieposters.co.uk

      de Terry Gilliam. 1985. Angleterre. 2h23 (version intégrale). Avec Jonathan Price, Robert De Niro, Kim Greist, Katherine Helmond, Ian Richardson, Michael Palin, Bob Hoskins, Ian Holm.

      Sortie salles France: 20 Février 1985. Angleterre: 22 Février 1985. Canada: 18 Décembre 1985

      FILMOGRAPHIE: Terry Gilliam est un réalisateur, acteur, dessinateur, scénariste américain, naturalisé britannique, né le 22 Novembre 1940 à Medicine Lake dans le Minnesota. 1975: Monty Python: Sacré Graal ! (co-réalisé avec Terry Jones). 1976: Jabberwocky. 1981: Bandits, bandits. 1985: Brazil. 1988: Les Aventures du Baron de Munchausen. 1991: The Fisher King. 1995: l'Armée des 12 Singes. 1998: Las Vegas Parano. 2005: Les Frères Grimm. 2006: Tideland. 2009: L'imaginarium du docteur Parnassus. 2013: Zero Theorem.


      "Tous les esprits fonctionnent entre démence et imbécilité, et chacun, dans les 24 heures, frôlent ces extrêmes".
      Chef-d’œuvre de Terry Gilliam, Brazil demeure son film le plus fou, le plus fondamental, le plus sarcastique. Par sa thématique visant le totalitarisme et par sa frénésie visuelle érigée en carnaval fantasque, il donne à la fois le vertige et une sensation d’étouffement irrévocable.

      Le pitch : en tentant de résoudre une erreur informatique ayant conduit à l’arrestation d’Archibald Buttle, un bureaucrate sans histoire croise l’amour auprès d’une frondeuse caractérielle, avant de réaliser - mais si peu ! - qu’il est prisonnier d’une société aliénante.

      Foisonnant, exubérant, décalé, cauchemardesque, grave, hilarant, romanesque, cruel, Brazil nous projette à la face un tumulte d’émotions contradictoires, révélant le caractère dérisoire d’un futur aussi nocif que blafard. Visionnaire, habité par la névrose, la paranoïa et la schizophrénie, le film peint au vitriol nos sociétés modernes déshumanisées, là où bureaucratie et capitalisme règnent en maîtres. Individualisés à l’extrême, privés de sentiments car automatisés par leur paperasse et leurs machines, les travailleurs de cette mégalopole rétrofuturiste ont perdu toute notion de révolte, de raisonnement et de réflexion.

      Le parti-pris formel de Gilliam, porté par une imagination lunaire à son apogée, confère au film une singularité inégalée. Hormis quelques figures d’insoumission - les attentats de terroristes frappant des restaurants peuplés d’une clientèle décatie, rafistolée au scalpel chirurgical, ou ce plombier casse-cou venant au secours du couple -, l’univers reste saturé de décors cafardeux : entreprises-mastodontes de béton, foyers oppressés par des réseaux de tuyauteries gargantuesques. Ce périple cauchemardesque suit un fonctionnaire avide d’évasion et de romance, qui ne trouve refuge que dans ses rêves édéniques. Le fantasme devient réalité le jour où Jill Layton, frondeuse indépendante, croise sa route.

      Héritée de l’expressionnisme et des années 30, la direction artistique - tenues vestimentaires, architectures démesurées - se marie à une ironie caustique et cruelle. La force du récit réside dans le contraste entre les envolées fantaisistes du bureaucrate et la gravité des situations réelles, où perce une amertume implacable. L’épilogue, refusant toute rédemption, glace le sang.

      Le Jour des Fous
      Parfois épuisant par sa folie en crescendo, Brazil déborde peut-être de son trop-plein d’imagination et d’émotions éclectiques. Mais cette sarabande, nourrie d’exubérance et de claustrophobie dépaysante, insuffle une émotion profonde à son plaidoyer vibrant pour la liberté : hymne désespéré au rêve, à l’évasion - bel hommage au cinéma d’antan - et à l’amour. Une œuvre unique, d’utilité publique, à revoir à chaque boucle de notre cycle existentiel.

      — le cinéphile du cœur noir

      13.05.22. 4èx

      jeudi 26 juin 2014

      Under the Skin

                                                      Photo empruntée sur Google, appartenant au site Notrecinema.com

      de Jonathan Glazer. 2013. Angleterre. 1h47. Avec Scarlett Johansson, Paul Brannigan, Krystof Hadek, Robert J. Goodwin, Michael Moreland, Scott Dymond, Jeremy McWilliams.

      Sortie salles France: 25 Juin 2014. U.S: 4 Avril 2014

      FILMOGRAPHIE: Jonathan Glazer est un réalisateur anglais, né en 1966.
      2000: Sexy Beast. 2004: Birth. 2013: Under the Skin.


      "Je ne vois pas pourquoi les gens attendent d'une oeuvre d'art qu'elle veuille dire quelque chose alors qu'ils acceptent que leur vie à eux ne rime à rien." David Lynch.

      Dans le secteur privé des E.T prenant notre apparence humaine afin de se fondre dans la population pour mieux apprivoiser notre planète, nous avions eu droit à quelques ovnis parmi lesquels Borrower, le voleur de tête ou encore The Brother from another Planet. En l'occurrence, le réalisateur du méconnu mais (oh combien !) remarquable Birth nous invite à une expérience ineffable. Une épreuve contemplative si obsédante qu'après le générique de fin nous ressentions l'étrange sensation d'avoir vécu quelque chose d'intime avec "l'autre". Dans la mesure où notre psyché s'est littéralement laissée aller à l'abandon d'une épreuve ésotérique parmi l'errance d'une humanoïde. 

      PitchUne jeune femme qu'on imagine débarquée d'une autre planète aguiche des citadins écossais pour s'en débarrasser l'instant d'après. Parmi elle, un geôlier en moto kidnappe également certaines victimes pour les lui offrir. 

      Ce récit linéaire, Jonathan Glazer l'étale sur une durée d'1h47 au fil de rencontres impromptues que la jeune femme s'accorde. Si les raisons pour lesquelles elle séduit les hommes pour s'en débarrasser ensuite nous ait jamais divulgué, l'intérêt d'Under the Skin est ailleurs.


      Un peu à la manière hermétique d'Eraserhead, il ne faut pas chercher une quelconque explication à ce que nous voyons et subissions, mais plutôt se laisser happer par une expérimentation cinégénique que le réalisateur maîtrise dans l'art visuel et sensitif. Tant du point de vue formel avec ces visions opaques ou psychédéliques jamais vues autrement (en cela, Jonathan Glazer se porte en créateur d'images !) que du point de vue sensoriel de cet environnement climatique réfrigérant où la nature suinte de ses pores. Si bien que durant le cheminement hasardeux de la visiteuse, le film ne cesse d'y distiller un malaise trouble lorsqu'elle s'adonne à la drague pour aborder un quidam malformé, lorsqu'elle laisse à l'abandon une famille submergée par les vagues ou lorsqu'elle entraîne ces victimes au sein d'un tanière faisant office d'abîme minérale. Attisés par sa sexualité charnelle, la manière transie dont les hommes dénudés se laissent envahir par l'eau sans pouvoir contester leur insuffle une impuissance irrésistible. Exacerbés de l'incroyable score dissonant de Mica Levi et de la posture lascive de Scarlett Johansson, ces séquences onirico-cauchemardesques sont parmi les plus ensorcelantes que l'on ait vues depuis longtemps, quand bien même le châtiment agrée à certaines victimes nous laisse dans l'inconfort ! (sans trop en dévoiler, il y est question de liquéfaction). Outre la maîtrise de la mise en scène oscillant la facture du reportage (toutes les séquences urbaines où la population semble filmée contre leur gré et les entretiens qui s'ensuit avec les amants d'un soir) et l'irrationnel opaque (les expérimentations visuelles, la quête indécise de l'E.T face aux rapports humains), Under the Skin tire notamment parti de son pouvoir ensorcelant en la présence de Scarlett Johansson. Symbolisant la séduction d'une femme voluptueuse mais taciturne et sans compassion car n'éprouvant pas le sentiment au prime abord, elle traverse le film à l'instar du nouveau-né découvrant peu à peu un nouveau monde où sa peur finira par éclore.


      Phantasm
      Si vous souhaitez éprouver l'expérience sensorielle du "bad trip", Under the Skin est conçu pour vous provoquer cette sensation éperdue d'ailleurs et d'incompréhension. Ou plus viscéralement vous faire participer à une expérience cinématographique comparable à l'avènement existentiel d'une seconde naissance. Attention toutefois à l'hermétisme du projet ! Ca passe ou ça casse. 

      *Bruno
      04.12.24.
      2èx. Vost.

      mercredi 25 juin 2014

      Au-delà du Réel / Altered States

                                                       Photo empruntée sur Google, appartenant au site deathbymovies.com

      de Ken Russell. 1980. U.S.A. 1h45. Avec William Hurt, Blair Brown, Bob Balaban, Charles Haid, John Larroquette, George Gaynes, Olivia Michelle.

      Sortie salles France: 30 Septembre 1981. U.S: 25 Décembre 1980

      FILMOGRAPHIE: Ken Russell est un réalisateur, scénariste, acteur, producteur, monteur et directeur de la photographie britannique né le 3 juillet 1927 à Southampton. 1967 : Un cerveau d'un milliard de dollars, 1969 : Love , 1970 : The Music Lovers, 1971 : Les Diables, 1971 : The Boy Friend, 1972 : Savage Messiah, 1974 : Mahler, 1975 : Tommy, 1975 : Lisztomania, 1977 : Valentino, 1980 : Au-delà du réel, 1984 : Les Jours et les nuits de China Blue,1986 : Gothic, 1988 : Salome's Last Dance , 1988 : Le Repaire du ver blanc ,1989 : The Rainbow ,1991 : La Putain, 2002 : The Fall of the Louse of Usher, 2006 : Trapped Ashes segment "The Girl with Golden Breasts".

       
      "L’Homme qui Toucha l’Absolu".
      Réalisé par le visionnaire (et fou) Ken Russell, Au-delà du réel n’a pas volé son statut de film culte à l’orée des années 80, bien qu’il soit aujourd’hui relégué à une discrétion curieuse parmi les initiés. C’est une véritable épreuve métaphysique que nous inflige ici le cinéaste, dans sa tentative vertigineuse de démystifier les secrets de l’existence à travers les yeux d’un anthropologue en transe.

      Le pitch : enfermé dans un caisson d’isolation sensorielle, Edward Jessup libère ses fantasmes les plus enfouis sous l’effet d’une puissante drogue hallucinogène ramenée du Mexique. Hanté de visions mystiques, de figures divines et de ténèbres archaïques — avec en point d’orgue une imagerie infernale dantesque — il se lance dans une quête dévorante : atteindre l’origine de la vie par les tréfonds de sa propre conscience. Mais un jour, alors qu’il renouvelle l’expérience, son corps se met à régresser génétiquement, amorçant une transformation simiesque irréversible.

      Trip sensoriel et expérimental, Au-delà du réel interroge avec furie l’essence même de notre existence — jusqu’à faire émerger l’amour comme unique lumière au bout du tunnel. Oscillant entre science-fiction, fantastique et romance, le film convoque un vertige digne d’un épisode fiévreux de La Quatrième Dimension.

      Fascinant et fulgurant par ses thématiques abyssales, ce cheminement intérieur nous happe dans l’une des expériences ésotériques les plus insensées du cinéma. William Hurt, transi d’émotion en anthropologue possédé, devient le vecteur d’un récit inquiétant qui épouse peu à peu la forme d’un cauchemar éveillé. À mesure que son esprit chavire, son corps se plie aux hallucinations, jusqu’à muter. Réduit à l’état de primate velu, le voilà errant dans les rues nocturnes, traquant une biche dans l’instinctuel chaos. Mais cette drogue n’ouvre pas seulement la porte du divin : elle fait déborder l’au-delà sur notre monde, libérant un autre plan d’existence, régi par une énergie brute et sans nom. Vision du néant, lumière aveuglante, implosion du moi — Au-delà du réel devient une plongée dans l’abîme hermétique du tout début, là où naît l’effroi primitif de l’être.

      À travers l’obsession d’un homme prêt à se perdre pour atteindre l’absolu, Ken Russell sonde aussi l’idée d’une révolution scientifique aux frontières de la folie, susceptible de réconcilier l’homme avec sa foi… ou de l’anéantir. Seuls l’amour, la tendresse et l’instant présent permettent, peut-être, de ne pas sombrer tout entier.

      Car l’ultime vérité, c’est qu’il n’y a pas de vérité ultime.


      L'ultime vérité, c'est qu'il n'y a pas de vérité ultime.
      Au-delà du réel, au-delà de sa réflexion sur l’orgueil scientifique et son vertige métaphysique, s’érige aussi en poème d’amour. Celui d’Edward et Emily, deux âmes entremêlées dans la tempête. Débridé, ensorcelant, le film nous confronte à nous-mêmes — et grave dans notre « moi conscient » le souvenir d’une expérience inclassable.

      *Bruno
      4èx