jeudi 9 octobre 2025

En première ligne / Heldin de Petra Biondina Volpe. 2025. Suisse/Allemagne. 1h33.

                          (Crédit photo : image trouvée via Google, provenant du site Imdb. Utilisée ici à des fins non commerciales et illustratives)

"Le souffle des épuisés."

Avant-propos: "D’ici à 2030, il manquera en Suisse 30 000 membres du personnel infirmier. 36 % du personnel infirmier démissionne quatre ans après sa formation. La pénurie de soignants dans le monde est une crise sanitaire planétaire. L’OMS estime qu’il manquera 13 millions de soignants d’ici à 2030."

Production germano-suisse, En première ligne suit le quotidien d’une infirmière, Floria Lind, dans un hôpital suisse en sous-effectif chronique. Par son réalisme clinique et son immersion sensorielle, le film capte d’emblée l’essence du réel : celui d’un monde épuisé, au bord de la rupture. Soutenu par le jeu d’acteurs d’une vérité presque documentaire - notamment celui, habité, de l’Allemande Leonie Benesch -, En première ligne impose une humanité brute, charnelle, portée par une lumière laiteuse, bleutée, d’une froideur presque anesthésiante.

                                             
 
De sa démarche alourdie à son regard inlassablement tourné vers l’autre, Leonie Benesch incarne une femme pugnace, ancrée dans la sollicitude et la résistance tranquille. Malgré la fatigue qui ronge, la lassitude qui creuse, elle avance - droite, entière, traversant cette journée harassante faite de gestes répétés, de douleurs reçues, d’espoirs infimes. Ses rencontres, souvent âpres - patients irrévérencieux, égoïstes, parfois enfantins - révèlent peu à peu des éclats de bonté, de fragilité, d’altruisme. Sous la provocation affleure la peur ; sous l’amertume, un sursaut de conscience.

À travers ces visages abîmés par la maladie, En première ligne bouleverse sans prévenir. Il montre comment, dans la détresse, certains retrouvent encore la lumière - celle qu’une infirmière courageuse allume par sa seule présence, son abnégation, son humanité intacte. Vibrant, sans jamais sombrer dans le misérabilisme ou la sinistrose, le film dresse un témoignage d’une rare justesse sur la fatigue morale du corps infirmier, dans une société exsangue, vidée de compassion, d'ambition et d’effectifs. 

Porté par une mise en scène d’une intensité dramatique maîtrisée - caméra fluide, mouvements circulaires d’une précision organique -, Petra Volpe signe une œuvre profondément habitée, entre docu-vérité et drame viscéral. En première ligne ébranle nos émotions, ravive notre empathie, et nous confronte à une évidence : derrière chaque blouse blanche se cache une âme au bord du gouffre, mais debout encore, par devoir d’aimer, par nécessité de soigner. Bouleversant, comme le suggère en douceur cet ultime plan d’une solidarité féminine, pudique et tendre, qui nous laisse sans voix. 

— le cinéphile du cœur noir

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