mercredi 8 octobre 2025

Monster: Ed Gein. 2025. U.S.A. 8 épisodes.

                 (Crédit photo : image trouvée via Google, provenant du site Imdb. Utilisée ici à des fins non commerciales et illustratives)

"Larmes sur un visage de cuir."

Tout bien considéré, que penser de cette série scindée en huit épisodes à la fois troubles, malaisants, équivoques, expérimentaux, voire bouleversants - si je me réfère au dernier, déchirant, à ma grande stupeur ? Car je n’ai jamais ressenti de véritable empathie durant ces sept premiers épisodes inégaux, où je ne savais trop où les créateurs souhaitaient nous mener. Est-ce un portrait psychologique ? Un commentaire culturel ? Un hommage à la starification des serial killers, confondant admirablement fiction et réalité - avec ces scènes de tournage de Massacre à la Tronçonneuse et Psychose ?

Pourtant, l’épisode final m’a tétanisé. Une émotion brute, à vif. Jamais, dans ma vie de cinéphile, un tueur en série n’avait su me faire pleurer - par la force tragique de son humanité. Les créateurs prétendent l’humaniser tout en persévérant dans l’extravagance de ses hallucinations morbides, où Ed Gein se starifie auprès des pires monstres de l’histoire, par absence d’amour, de soutien, de réconfort - dans une société normalisée, incapable de concevoir que, parfois, derrière un monstre, se cache une part d’homme.


Ed Gein est bel et bien une victime : des sermons de sa mère bigote, de sa misanthropie - autant de haine pour l’homme que pour la femme - et d’une solitude qui ne trouve refuge que dans les délires fuyants d’une nécrophilie galopante passée sa fascination pour le génocide juif. Le contenu de cette série hors norme bouscule nos habitudes : déstabilisante, rarement immersive (en dépit d’un final cathartique flirtant avec le chef-d’œuvre élégiaque), elle conjugue - avec un soin formel et une efficacité technique remarquables - scènes psychologiques, horreurs sardoniques et mythologie du mal, de façon volontairement incohérente.

La plupart des épisodes fascinent autant qu’ils empêchent toute immersion, nous laissant perplexes devant le sens de ce que nous voyons et subissons - notamment dans le partage quelque peu commun, dans cette relation romanesque entre Eddie et une jeune fille à la nécrophilie refoulée (superbement incarnée par la force de vérité naturelle de Suzanna Son). Le rythme, parfois langoureux, détaché, effleure l’émotion sans l’étreindre. Et pourtant, impossible de détourner le regard : Charlie Hunnam, habité, transperce l’écran, jusqu’à m’arracher les larmes d’une délivrance, lors d’un adieu inoubliable.
 
 
La série interroge notre instinct voyeuriste, la fascination pour ces monstres que la société a engendrés, l’héritage d’une violence perverse et sadique, sans cesse reproduite, jusque dans l'ombre, le spectre du nazisme, la starification du crime que le cinéma érige en mythe. Ed Gein, lui, nous désarme dans sa condition de victime criminelle, recluse, incomprise, consumée par sa schizophrénie maternelle.

Alors que penser de cette série malade, qui nous invite à sonder le monstre tapi en chacun de nous ? Que la valeur d’un homme se juge peut-être à la manière dont il affronte ce monstre enfoui. Quoi qu’on en dise, Ed Gein est à revoir : il ne laisse pas indifférent, nous extirpe de notre zone de confort sans anesthésie, bouleverse notre quotidien cinéphile de par son réalisme trouble, glauque (en mode léché) et équivoque. Une œuvre libre, décalée, putassière, d’un humanisme aussi torturé que désespéré. On en sort impassible, bien que miné, comme une tragédie moisie.

 
Quant à ceux et celles qui ont détesté, les raisons argumentées tiennent la route.

— le cinéphile du cœur noir
 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire