Photo appartenant à Bruno Matéï
de Mariano Baino. 1993. 1h32. Russie / Italie / Angleterre. Avec Valeri Bassel, Mariya Kapnist, Louise Salter, Venera Simmons, Pavel Sokolov.
Sortie salles: 16 Avril 1997
Récompenses: Prix du Public à Montréal, 1997. Vincent Price Award à Rome, 1994.
FILMOGRAPHIE: Mariano Baino est un réalisateur, scénariste et producteur italien, né le 17 Mars 1967 à Naples, Italie.
1991: Caruncula (court métrage). 1993: Dark Waters. 2004: Never Ever After (court-métrage). 2010: Based on a true life (court-métrage).
Inédit en salles en France et préalablement sorti en Dvd dans une édition somme toute banale, Dark Waters est le genre de film indépendant desservi par l'ignorance mais dont le bouche à oreille l'aura finalement acheminé vers la perle rare. Aujourd'hui, l'étendard Ecstasy of Films nous fait l'honneur de l'exhumer de sa torpeur dans une copie resplendissante afin de respecter le travail formel accompli par son auteur. Qui plus est, le film nous est aujourd'hui présenté dans une version Director's cut inédite en France et accompagnée de bonus. Je vous recommande d'ailleurs le documentaire "Deep into Dark Waters" revenant sur les conditions de tournage parmi l'équipe technique. Après la mort de son père, Elisabeth se rend sur une île afin d'en connaître un peu plus sur le couvent qu'il finançait depuis son enfance. Sur place, elle y fait la rencontre d'une étrange communauté de nonnes au comportement indéchiffrable.
Pour son premier et unique essai, l'italien Mariano Baino nous invite à un cauchemar éveillé, un poème sensoriel, une fantaisie morbide d'"Alice au pays des merveilles" égarée dans l'obscurité de chants mortuaires ! Ceux de pleurs de bambins mêlés au braillement d'une créature Lovecraftienne résonnant du fond des catacombes. Envoûtant et déroutant d'un bout à l'autre, Dark Waters est une épreuve fantasmatique hantée par l'aura funeste où chaque image onirique s'imprègne de notre âme pour tenter de nous séduire. Dans la lignée du cinéma d'Argento pour la stylisation d'une imagerie picturale au service d'un onirisme ésotérique, ou celui de Jodorowski pour son côté mystique, dérangeant et provocateur, le film n'est qu'une succession de péripéties diaphanes au fil du cheminement indécis d'Elisabeth. Hantée par d'étranges rêves depuis son enfance et cherchant l'origine de son passé à l'intérieur de ce couvent, c'est un secret de famille auquel elle va devoir se confronter parmi l'entremise des ténèbres. A travers ce huis-clos occulte régi par une assemblée majoritairement féminine et dans la caractérisation fragile de l'héroïne, on peut songer à l'opéra lyrique Suspiria. Notamment à travers sa progression initiatique lorsqu'elle tente de percer le mystère qui entoure ce couvent ! C'est également un soir de pluie qu'Elisabeth arrive dans cet endroit aussi inquiétant qu'attirant et c'est avec le soutien d'une camarade qu'elle va essayer de clarifier sa situation. Sensoriel, insolite, baroque et expérimental, Dark Waters privilégie lui aussi l'extravagance d'une bande-son à contrepoint, le délire visuel et les personnages interlopes plutôt que la futilité d'une intrigue finalement prévisible.
Elisabeth aux Enfers
En créateur d'images oniriques et morbides, Mariano Baino a accompli avec Dark Water un chef-d'oeuvre pictural où l'art gothique et l'expressionnisme ont fusionné afin de parfaire le poème incandescent. A l'instar des bougies qui illuminent chaque catacombes, Dark Water est une invitation au voyage, une odyssée naturaliste avec les ténèbres, une quête initiatique d'une fille confrontée à sa propre morale. Celui de son cheminement spirituel, son combat intrinsèque à favoriser sa nature du bien ou du mal.
Merci à Ecstasy of Films et à Mariano Baino
Bruno Matéï