Photo empruntée sur Google, appartenant au site cartelera.elperiodico.com
de Rodrigo Sorogoyen. 2016. Espagne. 2h06. Avec Antonio de la Torre, Roberto Álamo, Javier Pereira, Luis Zahera, José Luis García Pérez, Alfonso Bassave.
Sortie salles Espagne: 28 Octobre 2016
FILMOGRAPHIE: Rodrigo Sorogoyen est un réalisateur espagnol né le 16 septembre 1981 à Madrid. 2008 : 8 citas. 2013 : Stockholm. 2016 : Que Dios nos perdone.
Thriller ibérique à couper au couteau dans sa science d'un suspense émoulu émaillé de cruels rebondissements, Que dios nos perdone (que Dieu nous pardonne) nous prend aux tripes avec une vigueur hautement dérangeante. De par le portrait conféré à un maniaque sexuel s'en prenant uniquement aux retraitées septuagénaires, et les profils instables de deux flics aussi désorientés que démunis par leur déveine infatigable. Baignant dans un climat fétide à la fois pervers et vénéneux, Que dios nos pedonne parvient à se démarquer de la production courante grâce à son refus de concession si bien que son cheminement narratif a de quoi dérouter lorsque le réalisateur s'attache en parallèle de l'enquête à dépeindre les contrariétés de deux flics discrédités par leur profession mais aussi leur relation conjugale. L'un taiseux, introverti, sexuellement refoulé, s'efforçant avec une extrême maladresse d'entamer une romance avec sa voisine de palier, l'autre, dangereusement irascible et trapu, tentant fébrilement de canaliser sa violence interne. Autour de ces profils psychologiques de prime abord peu sympathiques et amicaux, le réalisateur va néanmoins parvenir à les rendre attachants au fil de leurs problèmes familiaux et d'une enquête venimeuse d'une audace narrative inouïe quant à leur destinée incertaine.
En prime, pour corser l'affaire criminelle, le contexte social d'une récession et la visite populaire du pape Benoit XVI vont influencer la hiérarchie policière à taire les détails sordides de ces homicides au mépris de l'investigation décousue. Avec le parti-pris d'un réalisme sordide éludant toutefois toute forme de complaisance, Que dios nos perdone hypnotise et suscite le malaise face aux exactions crapoteuses d'un serial-killer retors dont nous finirons par connaître les tenants et aboutissants auprès de sa pathologie mentale. Et si le réalisateur parvient intelligemment à écarter la violence graphique, une séquence effroyable nous ébranle malgré tout sous le pilier du hors-champs, de par sa situation scabreuse qu'une personne âgée endure face aux coups répétés de son agresseur. Superbement filmé dans la démographie urbaine d'un Madrid jalonné de touristes, les poursuites qui empiètent l'intrigue sont savamment chorégraphiées au rythme d'un bande son percutante, telle un battement de coeur entêtant ! Servi par une distribution méconnue (du moins dans l'hexagone), le film renforce son authenticité par leur présence aussi affirmée que naturelle et par le truchement d'une caméra mobile employant parfois le cadre subjectif.
Thriller méphitique d'une belle maturité dans son refus du conformisme et du manichéisme, Que dios nos perdonne tire parti de sa vigueur et de son aura de fascination sous l'impulsion d'une galerie de personnages torturés combattant leurs propres démons depuis un passé galvaudé. Native d'Espagne, cette nouvelle référence aussi ludique qu'auteurisante est à ne rater sous aucun prétexte.
Remerciement à Pascal Frezzato.
Bruno Dussart
Récompenses: Prix du meilleur scénario au Festival international du film de Saint-Sébastien 2016
Goya du meilleur acteur pour Roberto Álamo