jeudi 21 février 2013

La Nuit des vers géants (Squirm)


"Squirm" de Jeff Lieberman. 1976. U.S.A. 1h33. Avec Don Scardino, Patricia Pearcy, R.A. Dow, Jean Sullivan, Peter MacLean, Fran Higgins.

FILMOGRAPHIE: Jeff Lieberman est un réalisateur et scénariste américain, né en 1947 à Brooklyn, New-York. 1972: The Ringer (court-métrage). 1976: Le Rayon Bleu. 1976: La Nuit des Vers géants. 1980: Doctor Franken (télé-film). 1981: Survivance. 1988: Meurtres en VHS. 1994: But... Seriously (télé-film). 1995: Sonny Liston: The Mysterious life and death of a champion (télé-film). 2004: Au service de Satan.


Plutôt discret et peu lucratif, Jeff Lieberman aura tout de même marqué une génération de cinéphiles avec trois séries B mineures mais plutôt originales, attachantes, captivantes, immersives, dépaysantes. Et si Survivance reste à ce jour son film le plus convaincant (en priorité au niveau de son ambiance anxiogène littéralement magnétique), notre petit maître du fantastique eut entrepris en 1976 (la même année que l'étonnant le Rayon Bleu), une production fauchée au concept délirant. Imaginez un peu une invasion de vers gluants (le titre français est tout à fait trompeur pour laisser sous entendre qu'ils sont atteints d'une taille irréelle !) après qu'un orage eut entraîné une panne d'électricité dans une bourgade champêtre. Plusieurs pylônes ayant été saccagés par la violence de la tempête, certains câbles s'y sont détachés pour extraire des décharges électriques sur le sol terreux. Dès lors, les vers sont atteints de folie meurtrière ! Mais bien avant cette inévitable invasion, un jeune couple sera témoin d'étranges évènements en lien direct avec les vers ! Avec un pitch aussi improbable que saugrenu, la Nuit des vers géants joue la carte de la pantalonnade grand guignolesque avec une conviction pittoresque (et c'est d'ailleurs parfois même délibéré !). La psychologie sommaire des comédiens déversant des tirades incohérentes laisse souvent place à un humour involontaire particulièrement attrayant. Tels ses multiples entretiens que nos deux héros sont contraints d'établir avec le shérif du coin pour tenter de le convaincre que les morts inexpliqués sont bien la cause d'une attaque de lombrics ! 


Un cliché éculé qui fonctionne encore au second degré grâce au surjeu des acteurs franchement (et étonnamment) attachants. Il y a aussi l'apparition grotesque d'un troisième personnage, un paysan déficient empli de jalousie maladive pour la compagne du héros. Un élément perturbateur finalement véreux occasionnant des conflits puérils impartis au triangle amoureux. Entre une conquête amoureuse et la découverte macabre de cadavres décharnés, il faut avouer qu'il ne s'y passe pas grand chose, nos trois témoins déambulant dans une campagne hostile durant une journée solaire. Pour autant, on ne s'ennuie jamais grâce à la bonhomie de ces protagonistes se prêtant au jeu du délire outré avec une conviction avenante lors de leur investigation fantaisiste bâti sur l'amateurisme. Il faudra ainsi attendre la nuit pour que l'attaque escomptée ait enfin lieu (les vers ne supportant pas la lumière du jour !) lors d'un final de 30 minutes aussi jouissif que très impressionnant ! Mais bien avant ces bravoures anthologiques résolument visqueuses, quelques estocades horrifiantes retiennent l'attention comme cette séquence explicite illustrant en mode focale des vers s'infiltrant sous la peau du visage de l'arriéré du village ! Un effet viscéral très efficace auquel les maquillages supervisés par Rick Backer s'avèrent particulièrement spectaculaires de par son réalisme épidermique. Et pour renforcer le caractère crédible de cette répugnante invasion, le réalisateur n'hésitera pas à utiliser de véritables invertébrés déployés en masse afin d'y provoquer une stupeur viscérale chez le spectateur. Ainsi, et j'insiste à nouveau, l'ultime demi-heure échevelée illustrant des milliers de lombrics s'infiltrant dans les parois des maisons et du bar du coin demeure infiniment fascinante à travers ses visions cauchemardesques vues nulle part ailleurs ! Effet répugnant garanti ! 


Les vers étaient gluants cette nuit-là !
Maladroit, naïf et sciemment simpliste à travers son parti-pris de B movie du samedi soir, mais irrésistiblement attachant et bougrement bonnard pour les cintrés de nanar débridé, La nuit des vers géants constitue une perle du genre auquel certaines séquences couillues ne manquent pas d'y provoquer une véritable révulsion viscérale ! Très fun, voir jouissif donc si bien qu'à la revoyure la Nuit des vers géants s'avère encore plus charmeur qu'à l'époque de sa location VHS. Qu'on s'le dise ! 

*Bruno
18/06/21
21.02.13. 4èx

                                          

mercredi 20 février 2013

BAD TASTE

                                       Photo empruntée sur Google, appartenant au site myscreens.fr

de Peter Jackson. 1987. Nouvelle Zélande. 1h31. Avec Peter Jackson, Terry Potter, Pete O'Herne, Craig Smith, Mike Minett, Doug Wren.

Sortie salles France: 24 Août 1988. Nouvelle-Zélande: Décembre 1987

Récompense: Prix du Public Fantafestiva, 1989
Prix Spécial Gore au festival du film fantastique de Paris, 1989

FILMOGRAPHIE: Sir Peter Robert Jackson est un réalisateur, producteur et scénarise néo-zélandais, né le 31 Octobre 1961 à Pukerua Bay, North Island (Nouvelle-Zélande).
1987: Bad Taste. 1989: Les Feebles. 1992: Braindead. 1994: Créatures Célestes. 1995: Forgotten Silver. 1996: Fantômes contre fantômes. 2001: Le Seigneur des Anneaux. 2002: Les Deux Tours. 2003: Le Retour du Roi. 2005: King-Kong. 2009: Lovely Bones. 2012: Le Hobbit: un voyage inattendu. 2013: Le Hobbit: la Désolation de Smaug. 2014: Le Hobbit: Histoire d'un aller et retour.


Dans un petit hameau, une invasion extra-terrestre décime toute la population. Une équipe de mercenaires est déployée sur les lieux pour éradiquer ces envahisseurs d'un nouveau genre !
Tourné durant 4 ans avec l'aide de fidèles acolytes pour la modique somme de 11 000 dollars, le premier film du néo-zélandais oscarisé est un hommage parodique au cinéma gore et à la science-fiction archaïque. Avec un maximum d'efficacité, notre jeune débutant Peter Jackson réussit à créer un univers singulier dans un florilège d'action incessante et de gore outrancier. Eludant miraculeusement la redondance, la mise en scène agressive, filmée caméra à l'épaule et exploitant le zoom récursif, se révèle particulièrement inventive quand il s'agit de confronter nos héros à moult rixes contre des humanoïdes apathiques. L'action débridée se renouvelant au coeur d'une scénographie éclectique (une falaise, un jardin, une maison familiale, une route nationale, une forêt) que nos héros arpentent à l'instar d'une logistique militaire. Des mercenaires pugnaces donc délibérés à canarder de façon enjouée les zombies androïdes à l'aide de leurs mitraillettes et d'un lance-roquette !


Le lieu peu commun d'un village montagnard de la Nouvelle-Zélande participe notamment au caractère dépaysant de cette drôle d'invasion extra-terrestre confinée au sein d'une demeure familiale. Proche de l'esprit cartoonesque (préfigurant déjà les excès comiques de Brain Dead) et baignant dans un mauvais goût assumé (le festin organisé autour d'une bouillie verdâtre !), Peter Jackson rivalise d'idées grotesques pour nous amuser avec sa sarabande d'E.T cannibales adeptes de chair fraîche ! Avec de faibles moyens, il réussit adroitement à bricoler des effets gores vomitifs aussi spectaculaires qu'incongrus (Dekner se ceinturant le haut de la tête pour éviter que sa cervelle dégouline, le mouton explosé à coup de lance-roquette ou encore les multiples assauts sanguinaires perpétrés à la tronçonneuse !). Par ailleurs, la maquette élaborée pour simuler l'envol spatial de la maison se révèle bluffante de réalisme ! On peut également saluer l'originalité impartie à la confection des E.T quand ceux-ci décident de révéler leur véritable apparence lors d'un point d'orgue à nouveau belliqueux. Avec l'aide de masques en latex flexibles, leur physionomie monstrueuse provoque un effet de surprise inopiné et détonnant ! Enfin, les acteurs amateurs dénués de charisme renforcent le côté réaliste et décalé de l'entreprise et nous communiquent une spontanéité désinhibée.


Drôlement gore, insolite, décomplexé et mené à un rythme effréné, le premier métrage Z de Peter Jackson est un nanar atypique, véritable ovni culte dédié au gore vomitif sous le moule d'une anticipation académique. Débordant de trouvailles visuelles et d'insolence putassière, il n'a rien perdu de sa vigueur et de sa fantaisie déjantée !

20.02.13. 3èx
Bruno matéï



mardi 19 février 2013

Popeye

                                        Photo empruntée sur Google, appartenant au site royalbooks.com

de Robert Altman. 1980. U.S.A. 1h36. Avec Robin Williams, Shelley Duvall, Paul L. Smith, Paul Dooley, Ray Walston, Wesley Ivan Hurt.

Sortie salles U.S: 12 Décembre 1980

FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Robert Altman est un réalisateur, scénariste et producteur américain, né le 20 Février 1925 à Kansas City dans le Missouri, décédé le 20 Novembre 2006 à Los Angeles. 1970: Mash. 1970: Brewster McCloud. 1971: John McCabe. 1972: Images. 1973: Le Privé. 1975: Nashville. 1976: Buffalo Bill et les Indiens. 1977: Trois Femmes. 1978: Un Mariage. 1979: Quintet. 1980: Popeye. 1982: Health. 1982: Reviens Jimmy Dean, reviens. 1987: Beyond Therapy. 1990: Vincent et Théo. 1992: The Player. 1993: Short Cuts. 1994: Prêt à porter. 1999: Cookie's Fortune. 2000: Dr T et les Femmes. 2001: Gosford Park. 2003: Company. 2006: The Last Show.


Véritable ovni dans la carrière du vénérable Robert Altman, Popeye est la transposition cinématographique du célèbre personnage de bande dessinée créé par Elzie Crisler Segar en 1929. Succès public rentable mais contesté par une majorité de la critique de l'époque, cette comédie lunaire totalement décalée fait aujourd'hui office de curiosité couillue pour son alliage d'insolence et d'extravagance en roue libre. Or, desservi d'un scénario aseptisé mais rattrapé par un humour débridé particulièrement effréné, le film de Robert Altman divisera sans doute encore une partie du public, irrité ou autrement amusé des pitreries infantiles de Popeye et de ses acolytes. Le pitch: Le marin solitaire Popeye débarque dans une petite ville côtière et fait la connaissance d'Olive, une femme éprise d'affection pour la terreur du quartier: Brutus. Leur relation de prime abord amicale attise la colère et la jalousie de ce dernier. Au fil de leur relation, les deux tourtereaux découvrent un bébé abandonné, planqué dans un panier d'osier. Doué de prescience, le bambin est rapidement enlevé par un transfuge de Brutus qui voit là l'opportunité de débusquer un fabuleux trésor caché sous l'océan. 


Comédie pittoresque à l'esprit cartoonesque euphorisant, Popeye doit son attrait sympathique grâce en priorité à l'excentricité de ses personnages tous plus saugrenus les uns que les autres. La reconstitution soignée allouée au village folklorique, les numéros musicaux chantonnés avec allégresse et les séquences de baston improvisées autour d'un ring ou dans une taverne assurant un spectacle festif souvent entraînant. Agrémenté d'une jolie photo sépia, le film séduit d'autant plus par son esthétisme rétro si bien qu'il parvient majoritairement à contenter le public au gré d'un rythme fertile en gags burlesques, calembours et bagarres homériques. Ainsi, on a souvent l'impression d'assister à un dessin animé live résolument désinhibé à travers son sens de dérision insatiable. Et pour renforcer ce sentiment déjanté, la verve impayable (et sciemment inaudible) de l'acteur Robin Williams ainsi que le charme filiforme de Shelley Duvall parviennent à donner chair à des personnages gaffeurs tout droits sortis de la fameuse bande dessinée. Enfin, dans le rôle de Brutus, l'impressionnant Paul L. Smith (Midnight Express, Mort sur le Grill, Sonny Boy) cabotine de manière furibonde afin de parfaire un antagoniste mastard particulièrement sarcastique.


Irritant pour les uns à travers son esprit décalé trop foutraque et par sa minceur narrative, enthousiasmant pour les autres de par son ton irrésistiblement folingue ainsi que la caricature cartoonesque impartie aux protagonistes déjantés, Popeye demeure un ovni atypique dans l'univers cinématographique des adaptations BD. Une oeuvre maudite mal aimée, aujourd'hui complètement sombrée dans l'oubli, faute de sa liberté de ton aussi déroutante qu'inusitée et de sa réputation injustement galvaudée. A réhabiliter d'urgence donc, au risque de persérverer à déplaire une partie du public réfractaire aux projets aussi personnels que burnés.

*Bruno
19.02.13. 3èx

lundi 18 février 2013

WAXWORK

                                     Photo empruntée sur Google, appartenant au site fr.film-cine.com

de Anthony Hickox. 1988. U.S.A. 1h31. Avec Zach Galligan, Jennifer Bassey, Joe Baker, Deborah Foreman, Michelle Johnson, David Warner, Eric Brown.

Sortie salles U.S: 17 Juin 1988

FILMOGRAPHIE: Anthony Hickox est un réalisateur, scénariste et producteur américain, né en 1964 à Londres.
1988: Waxwork. 1992: Waxwork 2. 1992: Hellraiser 3. 1993: Warlock: the Armageddon. 1993: Full Eclipse. 1995: Payback. 1996: Piège Intime. 1997: Prince Vaillant. 2000: Contamination. 2002: Témoin sous protection. 2005: Piège en eaux profondes. 2009: Knife Edge.


Un groupe d'adolescents est invité pour une soirée privée dans un étrange musée de cire consacré aux mythes horrifiques. Ils ignorent que derrière chacune des expositions est un portail vers un monde parallèle où rôde les créatures du mal.

Sympathique production des années 80, Waxwork avait su séduire son public grâce à l'originalité de son intrigue agréablement troussée, son patchwork de monstres légendaires issus de la Universal et ses effets gores généreusement explicites.
Malheureusement, il faut bien se rendre à l'évidence qu'en l'occurrence cette série B mineure a sévèrement pris la poussière pour faire figure de relique. La faute en incombe à un humour lourdingue véhiculé par des protagonistes crétins (pour ne pas dire insupportables !) et des situations souvent ridicules desservies par une mise en scène bricolée au budget trop restreint. On effet, on sent irrémédiablement le côté fauché au niveau de la reconstitution "carton-pâte" des époques éclectiques engendrées par les univers parallèles. Si certaines scènes restent gentiment attractives (son point d'orgue bordélique libérant une foule de créatures de l'enfer !) et que les effets sanglants s'avèrent jouissifs, Waxwork suscite une inévitable frustration pour tous ceux qui ont eu l'aubaine de le découvrir à la fin des années 80.
En guise de maigre consolation, reste quand même le plaisir de retrouver les aimables vétérans David Warner et Patrick McGee dans des compositions clins-d'oeil.

18.02.13.
Bruno Matéï


vendredi 15 février 2013

INSENSIBLES (Painless)

                                     Photo empruntée sur Google, appartenant au site lafilacero.com

de Juan Carlos Medina. 2012. France/Espagne. 1h45. Avec Alex Brendemühl, Irene Montalà, Derek de Lint, Tomas Lemarquis, Juan Diego.

Sorties salles France: 10 Octobre 2012. Espagne: 1er Février 2013

FILMOGRAPHIE: Juan Carlos Medina est un scénariste et réalisateur né en 1977 à Miami, en Floride. 1999: Trinidad (court-métrage). 2001: Rage (court-métrage). 2003: Mauvais jour. 2012: Insensibles



Violent réquisitoire contre le régime franquiste qui perdura de 1939 à 1977, Insensibles s'avère le premier coup de maître d'un réalisateur engagé afin de dénoncer le despotisme de la guerre espagnole. A partir d'une histoire d'enlèvement d'enfants, martyrisés et séquestrés dans de sordides cellules, parce que tributaires d'une maladie inconnue (ils ne peuvent ressentir la douleur physique et morale !), Insensibles nous entraîne dans leur calvaire avec un réalisme d'âpreté. En parallèle, à travers d'incessants flash-back alternant passé et présent, une énigme tortueuse nous ait illustré sous l'entremise d'un neurochirurgien en quête identitaire. Après avoir perdu le contrôle de son véhicule en compagnie de sa femme enceinte, David va se réveiller dans la chambre d'un hôpital pour apprendre que celle-ci n'a pas survécu. Néanmoins, les médecins ont réussi à sauver la vie du nourrisson. Brusquement atteint d'un cancer, il décide en désespoir de cause de retrouver ses parents biologiques pour le besoin d'une greffe. A travers son cheminement jonché d'interrogations, David va remonter le temps pour essayer de découvrir les origines de son passé, le traitement inhumain infligé à ses géniteurs et quelle part de responsabilité ses parents adoptifs ont pu contribuer.


A travers deux intrigues parallèles parfaitement structurées, Juan Carlos Medina adopte une démarche baroque à titre d'originalité pour illustrer le traitement infligé aux enfants martyrs de la guerre. Parce que ces bambins sont malencontreusement destinés à ne pas ressentir la douleur, un médecin nazi décide de les expérimenter en faveur d'une race supérieure destinée à régir l'univers ! (le thème avait déjà été évoqué par Franklyn J. Schaffner dans l'audacieux Ces Garçons qui venaient du Brésil). Avec l'humanisme désespéré de cette innocence galvaudée par le fascisme,  Insensibles est une épreuve de force auquel le spectateur est contraint de suivre scrupuleusement pour comprendre les tenants et aboutissants. L'endurance inépuisable d'un enfant monstre mutique (symbole de toutes les souffrances) engendré par le conservatisme des nationalistes et finalement conditionné à infliger les pires tortures aux otages anarchistes. A travers le destin martyr de ce monstre rongé par la déchéance, la réalisateur adopte notamment une réflexion sur l'éducation parentale et l'encadrement familial. Sur la manière disciplinaire, intolérante, dont certains enfants sont élevés dès leur plus jeune âge avant d'extérioriser eux mêmes les effets délétères que la haine eut engendré. Sur la quête identitaire de l'enfant en gestation et leur besoin instinctif d'amour maternel prémuni au sein de la cellule familiale.


Chronique de la douleur
Superbement écrit à travers une intrigue riche de thématiques, Insensibles est un chef-d'oeuvre aussi passionnant qu'hypnotique auquel sa rudesse psychologique risque d'en chavirer plus d'un. Une métaphore sur l'endoctrinement du mal, une oeuvre humaniste profondément désespérée, un cri d'alarme pour la postérité des enfants maltraités. S'il s'avère parfois insupportable dans sa verdeur réaliste, le réalisateur adopte l'intelligence d'utiliser le hors-champs afin d'éluder une violence crapuleuse (les innommables tortures infligées aux partisans). Il se révèle en tous cas difficile de sortir indemne d'une oeuvre aussi abrupte et bouleversée car fustigeant la candeur la plus vertueuse, l'enfance violée. 

15.02.13
* Bruno

jeudi 14 février 2013

LA ROSE ECORCHEE

                                           Photo empruntée sur Google, appartenant au site reeldistraction.com

"Devil's Maniac / The Blood Rose" de Claude Mulot. 1969. France. 1h32. Avec Philippe Lemaire, Annie Duperey, Elizabeth Teissier, Olivia Robin, Michèle Perello, Valérie Boisgel, Jean-Pierre Honoré, Gérard Antoine Huart, Howard Vernon.

FILMOGRAPHIE: Claude Mulot (Frédéric Lansac) est un réalisateur et scénariste français, né le 21 août 1942 à Paris, décédé le 13 Octobre 1986 à Saint-Tropez. 1968: Sexyrella. 1969: La Rose Ecorchée. 1971: La Saignée. 1973: Profession : Aventuriers. 1974: Les Charnelles. 1975: Le Sexe qui parle. 1976: La Rage de jouir. 1977: Suprêmes jouissances. 1977: La Grande Baise. 1977: Belles d'un soir. 1978: Le Sexe qui parle 2. 1980: La Femme Objet. 1980: l'Immorale. 1980: Les Petites écolières. 1981: Le jour se lève et les conneries commencent. 1983: Black Venus. 1986: Le Couteau sous la gorge.


Claude Mulot, spécialiste du porno durant les années 70, réalise avec son second long-métrage un fleuron bisseux du fantastique français. L'une des rares incursions dans le gothisme flamboyant hérité des cinéastes transalpins Bava et Freda. Le casting étant constitué de comédiens hétérogènes parmi lesquels Annie Duperey (plus gracile que jamais !), notre future voyante astrale Elizabeth Tessier (!!!???), le vétéran Howard VernonPhilippe Lemaire, puis enfin les deux nabots Roberto et Johnny Cacao. Sans occulter à moindre échelle le charme de demoiselles dénudées d'une beauté particulièrement lascive (Olivia Robin en tête pour son physique particulièrement longiligne et ensorcelant). Ainsi, la trame de la Rose Ecorchée est une déclinaison à peine voilé des Yeux sans Visages de Franju. La femme d'un riche peintre se retrouve défigurée suite à un accident volontairement perpétré par la maîtresse jalouse. Éperdument amoureux mais anéanti par le chagrin, Frédéric se calfeutre à l'intérieur de son château parmi la présence monstrueuse de son épouse. Jusqu'au jour où l'un de ses amis botaniques, ancien chirurgien, lui offre l'opportunité de tenter une greffe de visage afin qu'Anne puisse retrouver sa beauté d'antan. Or, ils ont besoin de kidnapper une jeune pèlerine afin de pouvoir lui prélever des tissus vivants.


Esthétiquement splendide, la Rose Ecorchée s'avère de prime abord un régal formel tant Mulot s'attarde à fignoler ses cadrages, ses éclairages baroques à travers des décors d'architecture aux nuances polychromes. Le tout filmé en interne d'un château ancestral (comme le souligne le générique liminaire !). Baignant constamment dans une ambiance mélancolique, le film est une élégie romantique auprès de deux amants maudits séparés par la jalousie d'une mégère capricieuse. Les protagonistes principaux qui évoluent durant le récit (Frédéric, Anne et le docteur Romer) étant caractérisés par des individus meurtries et égoïstes davantage gagnés par le désagrément du remord. Spoiler ! C'est d'ailleurs avec la remise en question du docteur Romer (incarné par Howard Vernon étonnamment sobre !), épris de contrition, que l'opération tant escomptée convergera vers une débâcle familiale. Fin du Spoiler. D'un érotisme timoré pour contempler la présence suave de filles déshabillées, et frileux en terme d'effusions gores, la Rose Ecorchée déploie pour autant en de brèves occasions une certaine violence impudente auprès des altercations commises sur des femmes démunies. L'ambition de Claude Mulot n'est donc pas de nous façonner un film d'exploitation plagiant sans vergogne les thèmes chers à Georges Franju mais de nous narrer avec lyrisme prude une cruelle histoire d'amour. La présence saugrenue des deux nains peut parfois prêter à sourire dans leur jeu quelque peu inexpressif mais ils réussissent néanmoins à véhiculer une présence insolite autour des agissements d'antagonistes altiers !


Le château des amants maudits
Oublié de tous mais défendu bec et ongle par une poignée de fantasticophiles puristes, La Rose Ecorchée est l'une des rares réussites françaises à avoir su faire preuve d'ambition formelle en empruntant le patrimoine du gothisme italien. Le soin alloué à la mise en scène, la sincérité des comédiens et surtout l'esthétisme stylisé émanant des intérieurs du château convergent au conte aussi bien scintillant qu'infortuné. 

* Gaïus
14.02.13. 2èx

mercredi 13 février 2013

LE LOCATAIRE (The Tenant)



                                       Photo empruntée sur Google, appartenant au site cinecube.wordpress.com
de Roman Polanski. 1976. France. 2h05. Avec Roman Polanski, Isabelle Adjani, Melvin Douglas, Shelley Winters, Bernard Fresson, Claude Dauphin, Jo Van Fleet, Rufus, Josiane Balasko, Michel Blanc, Gérard Jugnot, Bernard Pierre Donnadieu.

Sortie salles France: 26 Mai 1976 (interdit - de 18 ans). U.S: 11 Juin 1976

FILMOGRAPHIERoman Polanski (né le 18 août 1933 à Paris) est un comédien, metteur en scène de théâtre et d'opéra puis un producteur, scénariste et réalisateur de cinéma franco-polonais
1962 : Le Couteau dans l'eau , 1965 : Répulsion, 1966 : Cul-de-sac, 1967 : Le Bal des vampires, 1968 : Rosemary’s baby, 1971 : Macbeth, 1972 : Quoi ?, 1974 : Chinatown, 1976 : Le Locataire ,1979 : Tess, 1986 : Pirates, 1988 : Frantic, 1992 : Lunes de fiel ,1994 : La Jeune Fille et la Mort , 1999 : La Neuvième Porte ,2002 : Le Pianiste,2005 : Oliver Twist, 2010 : The Ghost Writer 2011 : Le Dieu du carnage.


Troisième film consacré au cycle des appartements, le Locataire est la dernière denrée du fantastique paranoïaque dominée par la prestance (erratique) du réalisateur himself, Roman Polanski. D'après le roman Le Locataire chimérique écrit par Roland Topor en 1964, cette descente aux enfers d'un résident gagné par la folie ne cesse d'interroger le spectateur par son ambiguïté rationnelle et surnaturelle. Alors que l'ancienne locataire s'est défenestrée du 3è étage, un jeune célibataire timoré loue son appartement malgré l'exigence du voisinage réfractaire au moindre potin. Peu à peu, l'homme constamment épié et réprimandé par ses occupants sombre dans une paranoïa schizophrène. Ambiance feutrée au sein d'un immeuble hermétique rempli de vieillards acariâtres, le Locataire nous plonge dans la lente dégénérescence paranoïaque d'un locataire introverti, incessamment persécuté par son entourage. En dehors du suicide inexpliqué de Madame Choule et du harcèlement quotidien de ces occupants, la découverte d'une dent encastrée dans la brèche d'un mur, la réception d'une carte postale et l'inscription de symboles égyptiens sur le muret des toilettes vont être les éléments déclencheurs pour la dérive schizophrène de Trelkovsky.


De prime abord, Roman Polanski utilise la dérision pittoresque afin de brimer son locataire, constamment critiqué par des sexagénaires renfrognés incapables de supporter tout vacarme. A cause de sa timidité et de son absence d'aplomb, Trelkovsky sera notamment contraint de supporter l'impertinence de ces amis (la fiesta improvisée au sein de son appartement) au péril de sa bonne foi à daigner respecter la tranquillité des voisins. Par le biais d'une photo désaturée et d'une mise en scène avisée, le réalisateur entretient un climat d'étrangeté particulièrement insolite au sein d'un bâtiment archaïque où des silhouettes de vieillards semblent figées par derrière leur fenêtre ! Au fil de ces contrariétés grandissantes, davantage angoissé par le comportement étrange et l'intolérance drastique de certains voisins (sans compter l'influence du tenancier lui suggérant de boire un chocolat et fumer des marlboros comme Madame Choule l'eut sollicité chaque matin !), Trelkovsky finit par se convaincre qu'il est victime d'un complot meurtrier. Peu à peu, l'angoisse et la terreur vont finalement intenter à sa psychologie régressive !


Chargé d'inquiétude et d'étrangeté dans son climat de claustration, la densité psychologique du Locataire réside par ailleurs dans cette faculté que Polanski, réalisateur, entreprend pour nous faire douter de la pathologie mentale de son protagoniste. S'agit-il de l'influence (diabolique) de l'ancienne locataire suicidée, ou celle, tyrannique, des voisins bourrus ? L'appartement est-il maudit par une malédiction égyptienne lors d'un voyage entrepris par Mme Choule ? Ou n'est-ce que la simple dérive paranoïde d'un homme esseulé, incapable de réfréner ses névroses et obsessions ? Par le truchement d'hallucinations, le réalisateur improvise des séquences cauchemardesques particulièrement délirantes et cruelles afin de mettre en exergue la folie aliénante de son locataire (les voisins sont caractérisés par des reptiles démoniaques et organisent un spectacle théâtral afin de prôner sa future mort !). Une victime martyrisée par l'affres de la frayeur, littéralement envoûtée par la personnalité trouble de Mme Choule, et donc contraint de se travestir en femme Spoiler !!! pour éventuellement finir par se jeter par la fenêtre ! Fin du Spoil.


Effrayant par son réalisme obscur mais aussi débridé par son caractère sardonique, le Locataire fait presque office de documentaire pour ausculter l'introspection mentale d'un schizophrène rongé par sa paranoïa. En tant qu'acteur, Roman Polanski détonne et réussit à donner chair à son personnage torturé avec une dimension humaine toute en pudeur. Tandis que l'ambiance opaque qui émane des parois de cet immeuble sclérosé laisse en suspens une énigme aussi indécise qu'irrésolue !

13.02.13. 4èx
Bruno Matéï