mercredi 9 novembre 2016

ALICE OU LA DERNIERE FUGUE

                                                                 Photo empruntée sur Google, appartenant au site festival-gerardmer.com

de Claude Chabrol. 1977. France. 1h33. Avec Sylvia Kristel, Charles Vanel, André Dussollier, Bernard Rousselet, Fernand Ledoux, Jean Carmet, François Perrot.

Sortie salles France: 19 Janvier 1977.


Unique incursion dans le Fantastique chez Claude Chabrol, Alice ou la dernière fugue est une invitation au rêve parmi l'errance d'une jeune itinérante piégée dans un environnement sans repères. Lassée de sa vie conjugale avec son amant, Alice décide de quitter le foyer pour s'aventurer vers une contrée inconnue. Sous une pluie battante, elle fait escale chez le propriétaire d'une vaste bâtisse à proximité d'un bois. Chaudement accueillie par le domestique, Alice sympathise avec l'occupant si bien qu'elle décide d'accepter de passer la nuit parmi leur compagnie. Mais le lendemain, interloquée de l'absence de ces derniers, elle quitte le domicile avant de se rendre compte qu'elle reste prisonnière de cet endroit reculé.


Etrange, insolite, nonsensique, Alice ou la dernière fugue constitue une expérience fantasmagorique avec l'irrationnel ! L'héroïne côtoyant des personnages tantôt excentriques, tantôt interlopes au fil de son cheminement circonvolutionnaire. Plongé dans un univers naturel où viennent s'y greffer des phénomènes singuliers (notamment cette rupture temporelle), Alice se laisse guider par son instinct aventureux avant de se laisser gagner par la lassitude de quidams volontiers provocateurs (il est interdit de leur poser des questions !). Scandé par la beauté naturelle de Sylvia Kristel, inoubliable interprète d'Emmanuelle, cette dernière insuffle une présence lascive toute en pudeur et sagesse même si Chabrol décide de nous dévoiler l'espace d'un instant sa plus simple anatomie en guise d'érotisme suave. Curieuse, fragile et placide à tenter de percer les mystères qui entourent la demeure gothique, Sylvia Kristel exprime ses émotions avec une douce inquiétude au fil d'un cheminement routinier (les évènements semblent se répéter, tant au niveau des rencontres impromptues avec des personnages badins que des phénomènes frivolement inquiétants qu'instaure la demeure !). Par le biais de sa présence fantasmatique et du brio avisé de Chabrol à crédibiliser le cadre gothique (la demeure sombre et vétuste) et naturel (son magnifique jardin solaire) d'un univers hermétique, Alice ou la dernière fugue est une immersion envoûtante dans le psyché torturé d'une victime en quête de discernement.


La vie n'est qu'un long rêve dont la mort nous réveille. 
Réflexion métaphysique sur notre perception de la réalité, catharsis sur l'acceptation de la mort, Alice ou la dernière fugue peut se targuer d'être une des rares réussites du Fantastique français dans sa faculté à nous immerger dans un rêve abscons finalement identifiable (la révélation inévitablement prévisible de son épilogue). Une véritable perle d'onirisme sensiblement ensorcelant et réconfortant que Chabrol et la divine Sylvia Kristel transfigurent avec stylisme épuré. Pour parachever, pardon d'avoir omis la complémentarité des excellents seconds-rôles impartis à Jean Carmet, André Dussollier et surtout Charles Vanel !

Dédicace à Philippe Beun-Garbe
B-M

FILMOGRAPHIE: Claude Chabrol est un réalisateur français, producteur, acteur, scénariste et dialoguiste, né le 24 juin 1930, décédé le 12 septembre 2010.
1959 : Le Beau Serge. 1959 : Les Cousins. 1959 : À double tour. 1960 : Les Bonnes Femmes. 1961 : Les Godelureaux. 1962 : Les Sept Péchés capitaux (segment L'Avarice avec J.-C. Brialy). 1962 : L'Œil du Malin. 1963 : Ophélia. 1963 : Landru. 1964 : L'Homme qui vendit la tour Eiffel
(segment dans Les Plus Belles Escroqueries du monde). 1964 : Le Tigre aime la chair fraîche. 1965 : Paris vu par... (segment La Muette). 1965 : Marie-Chantal contre docteur Kha. 1965 : Le Tigre se parfume à la dynamite. 1966 : La Ligne de démarcation. 1967 : Le Scandale. 1967 : La Route de Corinthe. 1968 : Les Biches. 1969 : La Femme infidèle. 1969 : Que la bête meure. 1970 : Le Boucher
1970 : La Rupture. 1971 : Juste avant la nuit. 1971 : La Décade prodigieuse. 1972 : Docteur Popaul
1973 : Les Noces rouges. 1974 : Nada. 1975 : Une partie de plaisir. 1975 : Les Innocents aux mains sales. 1976 : De Grey, un récit romanesque Téléfilm. 1976 : Les Magiciens. 1976 : Folies bourgeoises
1977 : Alice ou la Dernière Fugue. 1978 : Les Liens de sang. 1978 : Violette Nozière. 1980 : Le Cheval d'orgueil. 1982 : Les Fantômes du chapelier. 1984 : Le Sang des autres. 1985 : Poulet au vinaigre. 1986 : Inspecteur Lavardin. 1987 : Masques. 1988 : Le Cri du hibou. 1989 : Une affaire de femmes. 1990 : Jours tranquilles à Clichy. 1990 : Docteur M.1991 : Madame Bovary. 1992 : Betty
1993 : L'Œil de Vichy. (une sélection des actualités du régime de Vichy). 1994 : L'Enfer. 1995 : La Cérémonie. 1997 : Rien ne va plus. 1999 : Au cœur du mensonge. 2000 : Merci pour le chocolat (prix Louis-Delluc). 2002 : La Fleur du mal. 2004 : La Demoiselle d'honneur. 2006 : L'Ivresse du pouvoir
2007 : La Fille coupée en deux. 2008 : Bellamy

mardi 8 novembre 2016

DEATH WARMED UP. Licorne d'Or au rex de Paris, 1984.

                                                               Photo empruntée sur Google, appartenant au site cinemascream.com

de David Blyth. 1984. Nouvelle-Zélande. 1h23. Avec Norelle Scott, William Upjohn, Margaret Umbers, Michael Hurst, David Letch.

Sortie salles Nouvelle-Zélande: 25 Avril 1985

FILMOGRAPHIE: David Blyth est un réalisateur, scénariste et producteur néo-zélandais né 1956 à Auckland. 2013: Ghost Bride. 2010 Wound. 2004 Bound for Pleasure (Video documentary). 2001 Exposure (Video). 1997 Rouge sang. 1995 The Call Up. 1994: Kahu & Maia. 1992: My Grandpa Is a Vampire. 1990 Virus vampire. 1989 House III (non crédité). 1984 Death Warmed Up. 1983 It's Lizzie to Those Close (télé-film). 1980 A Woman of Good Character. 1978 Angel Mine.


Expérience de cinéma extrême inédite en salles dans l'hexagone mais bien connue des vidéophiles lors de sa location Vhs éditée par René Chateau, Death Warmed Up est une production néo-zélandaise façonnée par un esprit dégénéré ! David Blyth nous entraînant dans une sarabande infernale jusqu'au-boutiste dans son maelstrom d'images frénétiques où se disputent gore craspec et excentricité comportementale inscrite dans la démence ! Trip expérimental dégingandé, notamment au niveau des cadrages obliques et d'une caméra à l'épaule constamment agressive (et tantôt rotative !), Death warmed-up fait office d'ovni vitriolé si bien que son scénario à la fois foutraque et improbable n'est qu'un prétexte pour cristalliser un univers déluré afin de perdre les repères du spectateur médusé de son climat d'hystérie collective !


Après avoir purgé 7 ans en psychiatrie, faute d'avoir assassiné ses parents, Michael est déterminé à retrouver le responsable de son internement. Un savant fou perfide ayant comme unique dessein de découvrir le secret de l'immortalité en pratiquant d'horribles expériences sur des cobayes humains. Avec sa compagne et un couple, Michael parvient à retrouver sa trace au sein d'une archipel reculée. Mais sur place, ils sont rapidement agressés par des marginaux motorisés avant d'être poursuivis par des zombies et des infirmiers persifleurs ! Un pitch incongru digne d'une série Z que David Blyth parvient à transcender par une inventivité formelle (même si les décors standards sont réduits au minimum) et une avalanche de situations horrifiques d'une vigueur dérangeante ! Le cinéaste insistant abusivement de plans serrés sur l'expression déjantée des comédiens avant d'exacerber la violence des corps à corps entre survivants et agresseurs ! Parmi l'impulsion névrosée de ces interprètes amateurs inconnus du public français, leur surjeu se prête harmonieusement au climat bisseux de cette production indépendante de souche néo-zélandaise. Sous le faisceau de spots de lumières criards, d'une partition dissonante et d'une scénographie fétide érigée autour d'une clinique chirurgicale (dissection en gros plan de boites crâniennes !), Death warmed-up nous confine dans un dédale malsain en chute libre. A l'instar de sa dernière demi-heure apocalyptique aussi explosive et méchamment sanglante que tragique et vertigineuse (notamment ce plan final d'une vigueur émotionnelle en berne !).


Une expérience schizophrène en roue libre animée par une démence contagieuse !
Totalement fou, saugrenu et nonsensique (ou alors si peu !), Death warmed-up transcende l'expérience atypique d'un cauchemar sur pellicule aussi glauque que bigarré. Un authentique film culte justement récompensé de la Licorne d'Or à Paris prouvant en l'occurrence que son impact visuel reste toujours aussi probant que dépaysant ! (on peut d'ailleurs aussi relever en arrière plan - et en guise d'ironie - l'environnement contrairement rassurant de ces vastes plaines verdoyantes). 

B-M. 4èx
08.11.16
08.03.11. (161)

Récompense: Licorne d'Or au festival du film fantastique du Rex à Paris, 1984.

lundi 7 novembre 2016

LES CONTES DE LA NUIT NOIRE. Grand Prix, Avoriaz 91.

                                                                           Photo empruntée sur Google, appartenant au site luv-movies.com

"Tales from the Darkside: The Movie" de John Harrison. 1990. U.S.A. 1h37. Avec Deborah Harry, David Forrester, Matthew Lawrence, Christian Slater, Steve Buscemi, Julianne Moore, James Remar, Rae Dawn Chong.

Sortie salls France: 15 Mai 1991.

FILMOGRAPHIEJohn Harrison est un réalisateur américain et compositeur de musique de films né en 1948. Au cinéma: 1979 : Effects. 1990 : Darkside, les contes de la nuit noire. 2009: Livres de sang. A la télévision: 1995 : Donneur inconnu. 1996 : The Assassination File. 2000 : Dune (mini-série). 2005 : Supernova (téléfilm). 2008: Blank Slate. Discographie: 1983 : Creepshow. 1986 : Le Jour des morts-vivants. 1990 : Tales from the dark Side, the Movie. 2007 : Effects (B.O. du film de 1979).


N'y allons pas par quatre chemins, Les Contes de la Nuit constitue un film à sketchs (déclinaison de la série TV Histoires de l'autre monde) de ce qu'il y a de plus élémentaire, faute à des scénarios peu surprenants et d'une carence de suspense et de tension. A titre de comparaison, n'importe quel épisode des Contes de la Crypte s'avère largement plus fréquentable ! Je me demande alors comment une oeuvre aussi mineure ait pu autant convaincre le jury d'Avoriaz au point de lui décerner le fameux Grand Prix malgré ses qualités techniques ? Outre le plaisir de retrouver à l'écran Christian Slater, Steve Buscemi et Julianne Moore et de s'impressionner de la cruauté de certaines mises à morts, le 1er sketch concernant la résurrection d'une momie par des étudiants peine à captiver, faute d'un cheminement meurtrier routinier.


Si le second segment bénéficie d'un montage inventif, d'un pitch un peu plus original (la vengeance d'un chat noir et les morts qu'il accumule malgré le recrutement d'un tueur à gage) et une fois encore d'effets spéciaux convaincants (l'incroyable séquence du félin pénétrant à l'intérieur de la gorge d'une victime !), son manque de rebondissements et la monotonie des situations d'appréhension peinent à surprendre. Pour clore, on se console un peu avec sa dernière histoire dépeignant sous l'impulsion d'un score envoûtant l'histoire d'amour impossible entre un peintre et une jeune inconnue. Ce dernier ayant préalablement conclu un étrange pacte avec une créature ailée ! Celui de lui promettre de garder à jamais le silence sur sa sauvage agression en guise de clémence. Bien que son cheminement narratif ne cultive pas non plus de surprises, il s'avère un peu mieux conté et étoffé au niveau de la caractérisation du couple en étreinte amoureuse, notamment grâce aux attachantes prestances de James Remar et Rae Dawn Chong. Sa conclusion épouvantable et ses séquences impressionnantes sublimant l'iconographie d'une créature mythologique rehaussant l'aspect tragique de ce conte horrifique émotionnellement empathique.


Si Les Contes de la nuit noire se laisse suivre sans ennui avec une éventuelle indulgence, il s'avère aussitôt oublié sitôt le générique bouclé, et ce en dépit de la présence sarcastique de la chanteuse Deborah Harry entrevue lors des interludes ludiques. 

B-M. 3èx

Récompense: Grand Prix au Festival international du film fantastique d'Avoriaz 1991

vendredi 4 novembre 2016

LA MAIN SUR LE BERCEAU. Grand Prix, Cognac 92.

                                                                            Photo empruntée sur Google, appartenant au site subscene.com

"The Hand That Rocks the Cradle" de Curtis Hanson. 1992. 1h50. Avec Annabella Sciorra, Rebecca De Mornay, Matt McCoy, Ernie Hudson, Julianne Moore, Madeline Zima, John de Lancie

Sortie salles France: 9 Septembre 1992. U.S: 10 Janvier 1992

FILMOGRAPHIE: Curtis Hanson, né le 24 mars 1945 à Reno (Nevada) et mort le 20 septembre 2016 à Los Angeles (Californie), est un réalisateur, producteur et scénariste américain. 1973 : Sweet Kill. 1980 : The Little Dragons. 1983 : American Teenagers. 1987 : Faux témoin. 1990 : Bad Influence. 1992 : La Main sur le berceau. 1994 : La Rivière sauvage. 1997 : L.A. Confidential. 2000 : Wonder Boys. 2002 : 8 Mile. 2005 : In Her Shoes. 2007 : Lucky You. 2012 : Chasing Mavericks (coréalisé avec Michael Apted).


En pleine vogue du thriller érotico-horrifique initié par Liaison fatale et Basic Instinct, La Main sur le Berceau fit sensation au festival de Cognac si bien qu'il remporte le Grand Prix, le Prix d'interprétation Féminine pour Rebecca De Mornay et le Prix du Public durant l'année de sa sortie. A la suite du suicide de son époux gynéco dénoncé par une de ses patientes pour attouchements sexuels, sa défunte épouse décide de se faire passer pour une nourrice auprès de cette dernière afin de se venger. A partir de ce pitch limpide préfigurant un divertissement formaté bâti sur l'efficacité de confrontations tendues entre une nurse psychotique et une famille prévenante, Curtis Hanson élude adroitement les conventions dans sa faculté d'instaurer un suspense latent au fil progressif d'une vengeance circonspecte. Epaulé de la prestance désarmante de naturel de Rebecca De Mornay littéralement habitée par sa fonction sournoise et par sa haine contenue (si on élude son accès de fureur extériorisée dans les toilettes et sa punition expéditive finale !), La Main sur le Berceau cultive des situations particulièrement cohérentes.


De par la perversité de cette mégère experte en art de la manipulation, de l'humiliation (la scène de la surprise-party) et du chantage jusqu'aux stratégies meurtrières (le piège à verre dans la serre, les inhalateurs d'asthme vidés de leur gaz). Tant auprès du domestique déficient (la proie la plus facile à incriminer) que du couple Bartel et de leurs enfants inévitablement naïfs d'apprivoiser sa fausse bonhomie. Cette dernière usant notamment de son charme raffiné et de son regard azur pour endormir ses victimes dans un jeu tacite de séduction. Grâce à la sobriété des seconds-rôles se partageant la sérénité dans la cohésion familiale, Curtis Hanson fait naître une tension en ascension depuis leur dégénérescence morale à s'opposer au simulacre de la félonie. Au travers de cette cellule conjugale en implosion, le réalisateur insiste surtout sur le témoignage démuni de l'épouse Bartel brillamment manipulée par la nourrice si bien qu'elle finit par y délaisser son époux et ses enfants. Dans ce jeu roublard de manipulation, la tournure cauchemardesque des évènements va monter d'un échelon lorsque la mort viendra frapper à leur porte. Curtis Hanson culminant cette déchéance vindicative vers un point d'orgue terrifiant dans son jeu de cache-cache rigoureusement charpenté ! (et ce en dépit de clichés usuels du genre).


Thriller à suspense mené avec savoir-faire et rehaussé d'une efficacité ciselée dans sa tension subtilement oppressante (l'incroyable séquence claustro d'une asphyxie asthmatique !), La Main sur le berceau bénéficie en outre d'un casting convaincant afin de crédibiliser les enjeux humains sévèrement molestés par une psychopathe maternelle (son unique dessein n'étant que de fonder une nouvelle famille, à l'instar du Beau-Père de Joseph Ruben !). Une mécanique frissonnante redoutablement pernicieuse et viciée ! 

3èx

Récompenses: Grand Prix, Prix du public et Prix de la meilleure actrice (Rebecca De Mornay), lors du Festival du film policier de Cognac 1992.

jeudi 3 novembre 2016

INCIDENTS DE PARCOURS

                                                                           Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

"Monkey Shines" de George A. Romero. 1988. U.S.A. 1h52. Avec Jason Beghe, John Pankow, Kate McNeil, Joyce Van Patten, Christine Forrest, Stephen Root, Stanley Tucci, Janine Turner.

Sortie salles France: 25 Janvier 1989

FILMOGRAPHIE: George Andrew Romero est un réalisateur, scénariste, acteur, auteur américain, né le 4 Février 1940 à New-York. 1968: La Nuit des Morts-vivants. 1971: There's Always Vanilla. 1972: Season of the Witch. 1973: The Crazies. 1977: Martin. 1978: Zombie. 1981: Knightriders. 1982: Creepshow. 1985: Le Jour des Morts-vivants. 1988: Incidents de parcours. 1990: Deux Yeux Maléfiques. 1992: La Part des Ténèbres. 2000: Bruiser. 2005: Land of the Dead. 2008: Diary of the Dead. 2009: Survival of the Dead. 2011: Deep Red.


Thriller horrifique d'une grande intensité psychologique autour des thèmes de la télépathie, la mégalomanie (l'orgueil de l'homme jouant à l'apprenti sorcier), l'exploitation animale (la vivisection) et notre instinct animal (notre nature délétère), Incidents de Parcours décuple son pouvoir de fascination sous l'impulsion d'une narration vitriolée d'une rare originalité. Devenu tétraplégique à la suite d'un accident, Allan établit la connaissance amiteuse d'un capucin, Ella, que son acolyte Geoffrey lui a offert pour lui prêter assistance. Peu à peu, une étrange relation irascible s'instaure entre eux depuis que Geoffrey continue d'expérimenter sur l'animal un sérum à base de cerveau humain afin d'altérer ses gênes.Variation tacite de la Planète des Singes si je me réfère à l'insurrection du capucin délibéré à transcender notre intelligence par le biais de l'autorité, de la domination et de la vengeance, Incidents de parcours nous entraîne dans un troublant jeu de pouvoir entre l'animal et son maître communément capables de communiquer par télépathie depuis l'expérimentation d'une potion frelatée.


D'un réalisme détonnant dans sa mis en scène studieuse si bien que le capucin se fond dans le corps d'un vrai comédien dans une posture rebelle en apprentissage criminel, Incidents de parcours distille un climat malsain redoutablement vénéneux par le biais d'un cheminement narratif vertigineux. Car si de prime abord, la relation amicale entamée entre eux s'avère gentiment ludique et que l'ambiance sereine préfigure une forme de divertissement convenu (clichés inévitables à l'appui), la tournure cauchemardesque des évènements converge à un vigoureux jeu de soumission entre l'animal et Allan littéralement envahi par la haine de sa compagne. Cette dernière étant inconsciemment déterminée (par l'effet du sérum) à prendre sa revanche sur l'homme depuis sa condition esclave ! A savoir, l'instrument de vivisection de chirurgiens sans vergogne qu'expérimentent Geoffrey ainsi que son adjoint fureteur. Parvenant à pénétrer à l'intérieur de l'esprit du singe par sa faculté mentale, Allan emmagasine toute sa colère interne et parvient même à visionner ses moindres déplacements lors de ses escapades nocturnes. Par le biais de ce sérum dérivé du cerveau humain, Ella finit donc par adopter nos sentiments perfides de tricherie, de vice, de trahison et de méchanceté engendrées par notre nature autocrate.


Epreuve de force à la fois corporelle et morale entre un tétraplégique et un primate, Incidents de Parcours transcende de manière bougrement singulière une réflexion sur l'instinct bestial de l'homme ("c'est ça le diable, c'est l'instinct" déclare Allan) et sa nature orgueilleuse à daigner exploiter plus faible qu'autrui. Passionnant, intense et immersif lorsque Allan et Ella ne font (cérébralement) plus qu'un jusqu'à s'entredéchirer pour un enjeu de survie, Incidents de parcours provoque un malaise psychologique quant à notre condition infortunée (l'influence du Mal sur notre raison !) sous couvert d'argument fantastique métaphysique. Une perle rare aussi ensorcelante que dérangeante, à redécouvrir d'urgence ! 

4èx

mercredi 2 novembre 2016

L'INCONNU DU NORD EXPRESS

                                                                        Photo empruntée sur Google, appartenant au site fan-de-cinema.com

"Strangers on a Train" d'Alfred Hitchcock. 1951. U.S.A. 1h37 (US)/1h39(Angleterre). Avec Farley Granger, Ruth Roman, Robert Walker, Marion Lorne, Leo G. Carroll, Patricia Hitchcock, Jonathan Hale.

Sortie salles France: 9 Janvier 1952. U.S: 3 Juillet 1951

FILMOGRAPHIE: Alfred Hitchcock est un réalisateur, producteur et scénariste anglo américain, né le 13 Août 1899, décédé le 29 Avril 1980.
1935: Les 39 Marches. 1936: Quatre de l'Espionnage. Agent Secret. 1937: Jeune et Innocent. 1938: Une Femme Disparait. 1939: La Taverne de la Jamaique. 1940: Rebecca. Correspondant 17. 1941: Soupçons. 1942: La 5è Colonne. 1943: l'Ombre d'un Doute. 1944: Lifeboat. 1945: La Maison du Dr Edward. 1946: Les Enchainés. 1947: Le Procès Paradine. 1948: La Corde. 1949: Les Amants du Capricorne. 1950: Le Grand Alibi. 1951: L'Inconnu du Nord-Express. 1953: La Loi du Silence. 1954: Le Crime était presque parfait. Fenêtre sur cour. 1955: La Main au Collet. Mais qui a tué Harry ? 1956: l'Homme qui en savait trop. Le Faux Coupable. 1958: Sueurs Froides. 1959: La Mort aux Trousses. 1960: Psychose. 1963: Les Oiseaux. 1964: Pas de Printemps pour Marnie. 1966: Le Rideau Déchiré. 1969: l'Etau. 1972: Frenzy. 1976: Complot de Famille.


Enième classique du thriller dirigé par le maître inégalé du suspense, L'inconnu du Nord-Express doit beaucoup de sa vigueur et de son pouvoir de fascination grâce au roman de Patricia Highsmith qu'Hitchock retranscrit sur pellicule avec sa maestria traditionnelle (le meurtre par strangulation saisissant de réalisme feutré, la chute du briquet dans l'égout, la tentative d'assassinat du père de Bruno, l'altercation musclée entre l'assassin et la victime communément piégés entre les chevaux d'un manège détraqué, le forain tentant d'y stopper le mécanisme en se faufilant sous le carrousel, etc...). Nanti d'un scénario aussi pervers que redoutablement machiavélique, l'Inconnu du Nord-express alterne suspense et tension sous l'impulsion d'une confrontation ardue entre un tueur sans vergogne et une victime subordonnée à son odieux chantage. Durant son voyage ferroviaire, le champion de tennis Guy Haisnes fait l'étrange connaissance de Bruno Anthony. Ce dernier lui proposant avec enthousiasme le compromis d'un échange de meurtres. A savoir supprimer l'épouse de Guy en instance de divorce contre l'assassinat du père de Bruno qu'il déteste immodérément. Conscient d'avoir affaire à un fou, Guy met un terme à la conversation au moment même où le train arrive à destination. Durant sa sortie précipitée, il omet son briquet sur la table que Bruno s'est empressé de dérober pour tenir lieu de preuve. Quelques jours plus tard, Bruno passe véritablement à l'acte si bien que l'épouse de Guy est retrouvée étranglée à proximité d'une fête foraine. 


Ce pitch déjanté d'une audace incongrue est notamment l'occasion de dresser le portrait glaçant d'un assassin psychotique avide de notoriété car désespérément solitaire depuis une démission parentale. Et pour incarner ce rôle désaxé, Robert Walker crève littéralement l'écran avec un désarmant naturel dans sa posture aussi décontractée qu'erratique. A l'instar de cette séquence à la fois intense et dérangeante lorsqu'il propose à une sexagénaire de lui simuler une strangulation face au témoignage d'une jeune fille ressemblant à la victime ! Par le biais de cette spectatrice intriguée par son comportement transi, Hitchcock décuple un intense malaise, notamment face au témoignage distingué des hôtes particulièrement gênés du numéro morbide. Assurément, l'une des séquences les plus impressionnantes et troubles quant au comportement pathologique du tueur incapable de refréner ses pulsions depuis sa réminiscence criminelle. On peut également vanter la densité psychologique impartie à la maîtresse de Guy (Ruth Roman, criante d'élégance épurée !) car soupçonnant avec désarroi et amertume l'éventuelle culpabilité de cet inconnu en concertation avec son propre amant. Quant à Guy Haisnes perpétuellement malmené par ce maître-chanteur mais s'efforçant dignement de se dépêtrer de la conjuration, Hitchcock le caractérise avec vibrante émotion sous l'impulsion sentencieuse du charismatique Farley Granger. 



Chef-d'oeuvre de suspense d'une perversité vénéneuse si bien que l'intensité des enjeux culmine vers un épilogue incroyablement catastrophiste, l'Inconnu du Nord-Express scande un fabuleux numéros d'acteurs dans leur caractérisation fébrile d'une tourmente criminelle. 

3èx 

mardi 1 novembre 2016

LES DEMONS DU MAIS. Prix du Meilleur film fantastique, Bruxelles 84.

                                                                   Photo empruntée sur Google, appartenant au site horrorfreaknews.com

"Children of the Corn/Horror Kid" de Fritz Kiersch. 1984. U.S.A. 1h32. Avec Peter Horton, Linda Hamilton, Robby Kiger, Anne Marie McEvoy, John Franklin, Courtney Gains, R. G. Armstrong.

Sortie salles France: 30 Janvier 1985

FILMOGRAPHIE: Fritz Kiersch est un réalisateur et scénariste américain né en 1951 à Alpine, Texas. 1984 : Les Démons du maïs. 1985 : Quartier chaud. 1987 : Winners Take All. 1988 : Gor. 1989 : Under the Boardwalk. 1992 : Into the Sun. 1995 : The Stranger. 1997 : Crayola Kids Adventures: Tales of Gulliver's Travels. 2006 : Surveillance. The Hunt


Série B oubliée des années 80 d'autant plus méprisée par les critiques dès sa sortie, les Démons du Maïs obtint pourtant le succès commercial en Amérique du Nord puisqu'il rapporta 14 568 000 $ contre un budget de 3 000 000 $. D'après un roman de Stephen King, l'intrigue linéaire quelque peu confuse n'est pas le point fort du métrage, à l'instar d'une direction d'acteurs maladroite, d'FX aujourd'hui cheaps et d'une caractérisation naïve des personnages. Pour le synopsis, un couple en villégiature se retrouve pris au piège au sein d'un village fantôme entièrement régi par des enfants tueurs. Ces derniers ayant sacrifié leurs parents sous l'allégeance du porte-parole Isaac afin d'invoquer leur Dieu au milieu d'un champs de maïs. Dès lors, dans un instinct de survie, le couple tente de leur échapper tout en contrecarrant en dernier recours les ambitions occultes des garnements. Ce pitch interlope dénué de surprise (en dehors de son final haletant et explosif !) parvient miraculeusement à impliquer le spectateur dans une étrange incantation de masse proférée par des enfants irresponsables.


Métaphore sur l'intégrisme, les Démons du Maïs bénéficie de quelques séquences-chocs percutantes (son prologue meurtrier plutôt déjanté, le meurtre d'un jeune adulte dans le champs de Maïs et l'accident automobile qui s'ensuit) et d'une ambiance d'étrangeté assez malsaine (comme le souligne l'appréhension du pompiste confiné dans sa station service et prochainement livré au lynchage) derrière le thème du sectarisme. Le réalisateur s'efforçant de distiller un climat ombrageux au sein d'une bourgade bucolique soumise aux forces du Mal depuis que les enfants se sont jurer d'y accueillir un Dieu sauveur ! Sous l'impulsion d'une bande-son vigoureuse (le souffle explicite du vent fouettant les épis de maïs !) et d'un score envoûtant de choeurs maléfiques, les Démons du Maïs fascine avec assez de réalisme quant à la description de cette confrérie ésotérique plutôt singulière (et ce en dépit d'une structure narrative émaillée d'ellipses). Si le couple formé par Peter Horton et Linda Hamilton (son rôle le plus efféminé de sa carrière !) manque d'épaisseur psychologique dans leur posture gogo parfois incohérente, ces derniers y manifestent tout de même de la volonté à se fondre dans la peau de victimes molestées si bien que l'on s'attache finalement à leur condition démunie, notamment parmi leur ressort humaniste de se confier auprès de deux enfants candides. Qui plus est, on peut également prôner la figuration infantile des seconds-rôles inhospitaliers (d'autant plus affublés d'armes blanches acérées !) sous le pilier de deux leaders perfides se disputant la prise du pouvoir. Sur ce point, l'inquiétant John Franklin se taille une carrure patibulaire de "petit homme" dans celui d'Isaac avec une mine contorsionnée, quand bien même son partenaire rouquin Courtney Gains se glisse dans le personnage instable de Malachai avec une expression révoltée.


Série B mineure pâtissant d'un script prémâché et d'une caractérisation approximative des personnages, Les Démons du Maîs constitue pourtant un fort sympathique divertissement horrifique par son climat d'étrangeté prégnant et la bonhomie du couple Burton/vicky en proie à une hostilité infantile au charisme délétère. 

3èx

Récompense: Prix du meilleur film fantastique au Festival international du film fantastique de Bruxelles, 1984.

Note (Wikipedia): La Finlande et l’Islande ont interdit le film sur leur territoire lors de sa sortie parce qu’il était jugé trop violent.