mardi 21 février 2017

GLORIA. Lion d'Or, Mostra de Venise, 1980.

                                                                              Photo empruntée sur Google, appartenant au site Fan-de-cinema

de John Cassavetes. 1980. U.S.A. 2h01. Avec Gena Rowlands, John Adames, Julie Carmen, Tony Knesich, Buck Henry, Lupe Garnica, Jessica Castillo, Lawrence Tierney.

Sortie salles France: 31 Décembre 1980. U.S: 1er Octobre 1980

FILMOGRAPHIE: John Cassavetes est un réalisateur, scénariste et acteur américain, né le 9 Décembre 1929 à New-York, décédé le 3 Février 1989 à Los Angeles.
1959: Shadows. 1961: Too late blues. 1963: Un Enfant attend. 1968: Faces. 1970: Husbands. 1971: Minnie et Moskowitz. 1974: Une Femme sous Influence. 1976: Meurtre d'un bookmaker chinois. 1978: Opening Night. 1980: Gloria. 1984: Love Streams. 1985: Big Trouble.


Cassavetes a mis du temps avant d'accepter Gloria. Il a longtemps décrié le film, le considérant comme un "accident" à l'intérieur de sa filmographie. Il ne faut pas écouter les cinéastes: ils sont bien moins placés qu'on ne le croit pour juger de leurs oeuvres. Devant l'effet tétanisant que produit Gloria sur le spectateur, personne ne peut supputer la moindre trahison de Cassavetes envers son cinéma.
Philippe Azoury.


Thriller à suspense oppressant où se télescope le drame psychologique, Gloria constitue un grand moment de cinéma sous l'impulsion impérieuse de la divine Gena Rowlands ! Crevant l'écran à chacune de ses apparitions, l'actrice insuffle un jeu fébrile d'autorité aussi poignant que viscéral dans sa constance désespérée de protéger un jeune orphelin, témoin gênant du massacre de sa famille par la pègre mafieuse. Possédant un important calepin de son défunt père où sont répertoriés les numéros de compte et leurs identités, le gosse devient une cible capitale pour ses tueurs sans vergogne. Mais juste avant le carnage familial, la mère de Phil pu contacter une amie call-girl pour lui confier la garde. Dès lors, dans un jeu du chat et de la souris, une traque infernale s'engage entre le duo impromptu et les tueurs.


Par le biais de ce pitch simpliste toutefois original, John Cassavetes en extirpe un survival haletant d'une efficacité optimale si bien que sous couvert de divertissement grand public le cinéaste se permet d'y cultiver sa patte personnelle ! A savoir, authentifier le cadre (détaillé) de son action urbaine en magnifiant la ville de New-York telle un dédale de tous les dangers. Dans son parti-pris d'ultra réalisme hérité du documentaire, Cassavetes enrichit l'intensité dramatique des évènements et relance l'action des confrontations par la cause instable de Phil particulièrement entêté et versatile à se laisser dompter par la blonde inconnue (sa fugue dans les cités new-yorkaises puis un peu plus tard son égarement dans le métro). Sous le pilier du thriller palpitant émaillé d'éclairs de violence, Cassavetes renchérit pour transcender le portrait à la fois fragile et pugnace d'une escort-girl réfractaire à la maternité. Récit initiatique où la perte de l'innocence du bambin influera la rédemption maternelle de sa protégée, Gloria conjugue tension et bouffées de tendresse avec une pudeur détonante. Car autour de ses échanges intimistes l'intrigue ne cède jamais aux bons sentiments d'une émotion programmée et encore moins aux dérives d'une violence injustifiée grâce à son ossature narrative dédiée aux profils du duo caractériel en apprentissage amoureux et héroïque. Outre la performance très intense de Gena Rowlands en justicière stoïque, le jeune John Adames lui partage la vedette avec un naturel, une innocence et un semblant d'autorité (il joue souvent au machiste inflexible comme son père lui a préalablement conseillé !) souvent émouvants.


Thriller à suspense d'un réalisme inopinément documenté, portrait fulgurant de femme désenchantée mais redoutablement impérieuse, Gloria dilue une intensité émotionnelle bouleversante sous l'impulsion galvanisante du duo marginal à bout de souffle. Un chef-d'oeuvre hybride d'une grande sensibilité (à l'instar de la mélodie fragile de Bill Conti aux accents lyriques proches de Rocky !) où la passion des sentiments se mêle à une révolte fielleuse. 

Bruno Dussart. 4èx

lundi 20 février 2017

STRYKER

                                                                                   Photo empruntée sur Google, appartenant au site Ohmygore

de Cirio H. Santiago. 1983. Philippines. 1h24. Avec Steve Sandor, Andrea Savio, William Ostrander
Julie Gray, Monique St. Pierre, Mike Lane.

Sortie salles France: 9 Mai 1984. U.S: 9 Février 1983


Surfant sur la vague du western post-nuke initié par Mad-Max 2, Stryker est une production Z native des philippines. Réalisateur prolifique (jetez un oeil sur son incroyable filmographie au terme de l'article), Cirio H. Santiago pompe allègrement le scénario de Mad-Max 2 (la quête de l'essence étant substituée par l'eau) avec une paresse impayable. Après la 3è guerre mondiale, divers clans s'affrontent pour la denrée de l'eau. Surgit de nulle part, le ranger solitaire Stryker vient en aide à un groupe de survivants pacifistes propriétaires d'une source. Série Z au rabais comme il en pullulait à l'orée des années 80 depuis la référence inégalée de George Miller, Stryker tente avec un minimum d'efficacité de façonner un film d'action moderne émaillé de traditionnelles poursuites et cascades de pacotille. Avec sa réalisation scolaire, ses dialogues risibles, ses trognes inexpressives et son héros taiseux aseptique dont on éprouve aucune sympathie, Stryker affiche un esprit Bis typiquement transalpin si bien que le philippin Cirio H. Santiago a bien du mal à insuffler une quelconque vigueur aux enjeux humains et héroïques en dépit d'un final belliciste. Mais au-delà de ses défauts précités et d'un manque évident de moyens (l'unité de l'action se déroulant dans des carrières en plein désert), cet épigone s'avère gentiment bonnard si on sait faire preuve d'indulgence et que l'on soit un inconditionnel du sous-genre. Certains personnages dans leur défroque excentrique (les nains badins, le "méchant" tyran aussi impassible et concis que notre héros, les amazones guerrières échappées de Mad-Max 2 !) et certaines réparties involontairement drôles valant notamment le détour par leur aspect premier degré aussi grotesque que (futilement) attachant. A voir de préférence entre amis un samedi soir arrosé ! ^^

Eric Binford. 3èx


FILMOGRAPHIE: Cirio H. Santiago est un réalisateur, producteur et scénariste né le 18 Janvier 1936 à Manila, Philippines, décédé le 26 Septembre 2008 à Makati City, Philippines.
2014: Water Wars. 2005 Bloodfist 2050 (TV Movie).  2003 When Eagles Strike.  2000 Aladdin and the Adventure of All Time (Video).  1997 Nagmumurang kamatis (as Cirio Santiago).  1997 Vulcan
1997 Anak ng bulkan. 1994 Stranglehold. 1994 Caged Heat II: Stripped of Freedom. 1994: Ultimatum. 1994 One Man Army.  1993 Live by the Fist .  1993 Kickangels .  1993 Kill Zone .  1993 Firehawk (Video).  1992 Beyond the Call of Duty .  1992 Raiders of the Sun .  1991 Field of Fire
 1991 Dune Warriors .  1989 Silk 2 .  1989 Les damnés de Lang Mei .  1989 Nam Angels .  1988 The Expendables .  1988 Fast Gun .  1988 The Sisterhood .  1987 Killer Instinct .  1987 Demon of Paradise .  1987 Apocalypse Warriors .  1987 Eye of the Eagle .  1986 Future Hunters .  1986 Silk . 1986 The Destroyers .  1985 Vengeance .  1985 Les guerriers du futur .  1984 Mission finale .  1983 Caged Fury .  1983 Stryker .  1981 Attaque à mains nues .  1980 Ang galing-galing mo, Mrs. Jones
 1980 Gabi ng lagim ngayon .  1979 Modelong tanso .  1978 Hell Hole .  1978 Le samouraï noir
 1978 Vampire Hookers .  1978 Doble kara .  1976 The Muthers .  1976 3 panthères au combat
 1976 Call Me Direnz! .  1975 Cover Girl Models .  1974 Happy Days Are Here Again .  1974 Carnival Song .  1974 TNT Jackson (as Cirio Santiago) .  1974 Fe, Esperanza, Caridad (segment "Fe") .  1974 El negro .  1973 Savage! .  1973 Impossible Dream .  1973 Fly Me (as Cirio Santiago)
 1971 Once Upon a Time   1969 Panagupa .  1967 Ang limbas at ang lawin .  1967 Alamid .  1967 Bravados .  1967 Marko aintado .  1967 Operation Impossible  . 1966 Tiagong Lundag .  1966 Room 69 .  1966 Wanted: Johnny L .  1966 Kardong Kaliwa .  1966 Pistolero .  1965 Hanapin si Leo Baron
 1965 7 Mukha ni Dr. Ivan .  1965 Darna at ang Babaing Tuod .  1965 Kaaway Bilang Uno .  1964 Scorpio.  1964 Saan Mang Sulok ng Daigdig .  1964 Bakas ng dragon .  1964 Lagalag .  1964 Ging
1963 Magnong Mandurukot .  1963 Los palikeros .  1962 Leon Marahas .  1962 Masikip ang  1962 Walang Susuko .  1961 Mga yapak na walang bakas .  1961 Nagbabagang Lupa .  1961 Konsiyerto ng kamatayan (segment "Lumuluhang Bangkay") .  1960 Sa Ibabaw ng aking Bangkay .  1960 Pagsapit ng Hatinggabi .  1960 Pautang ng Langit .  1960 Sandakot na Alabok .  1959 Hawaiian Boy .  1959 Ultimatum .  1958 Pusang itim .  1958 Laban sa lahat .  1958 Water Lily .  1958 Pepeng Kaliwete
 1957 Pusakal .  1957 Bicol Express . . 1956 Apat na Kasaysayang Ginto (30 Sandali) . 1955 Paltik

vendredi 17 février 2017

DETOUR

                                                                     Photo empruntée sur Google, appartenant au site filmosphere.com

de Christopher Smith. 2016. U.S.A. 1h41. Tye Sheridan, Emory Cohen, Stephen Moyer, Bel Powley,
Gbenga Akinnagbe, John Lynch, Jenna Saras.

Sortie salles U.S: 20 Janvier 2017. VOD France: 17/02/2017

FILMOGRAPHIE: Christopher Smith est un réalisateur et scénariste britannique, né le 16 Août 1970 à Bristol. 2004: Creep. 2006: Severance. 2009: Triangle. 2010: Black Death. 2011: Paris I'll Kill You. 2014: Get Santa. 2016: Détour.


"Quand un homme a un meurtre sur la conscience, il doit creuser deux tombes. Une pour la victime et une pour lui".

VOD honteusement banni de nos salles obscures, Détour est un thriller vitriolé redoutablement efficace sous le pilier d'une narration déstructurée truffée de fausses pistes et rebondissements. Quasi irracontable, le pitch se focalise sur la virée sauvage d'un couple de marginaux embarquant parmi eux un jeune étudiant indécis d'assassiner son beau-père, faute d'une adultère et du coma de sa mère gravement accidentée par ce dernier. Alternant continuellement flash-back et moment présent afin de confondre deux intrigues en une, Christopher Smith prend malin plaisir à brouiller les pistes, perdre nos repères et dissoudre nos hypothèses sous pivot d'un road movie fétide à la fois oppressant et malsain si bien qu'aucun personnage n'en sortira indemne. Soignant le cadre photogénique de son environnement solaire sur bitume et ses escales dans les bars à effeuilleuse, et empruntant en intermittence le procédé du Split-screen afin d'amplifier la tension des évènements imprévisibles, Christopher Smith redouble d'habileté pour charpenter un récit vénéneux sous l'autorité d'anti-héros en perdition. Le personnage coupable et victimisé (remarquablement endossé par le nouveau talent Tye Sheridan dans un jeu contrarié!) sombrant malgré lui dans une déliquescence morale à la suite d'un concours de circonstances aussi accidentelles qu'infortunées. Emaillé de saillies d'humour noir par le truchement d'un jeu de manipulation et de faux semblant, Detour surprend et captive sans jamais lâcher prise, et ce avec le ressort d'un suspense en roue libre.


Cumulant les réussites à rythme métronomique depuis le début de sa carrière, Christopher Smith nous délivre à nouveau avec Détour une excellente (pochette) surprise tirant parti de sa vigueur et de son efficacité grâce à l'audace d'une narration à la fois vrillée et ramifiée. Pour parachever sur une note suave, on peut notamment prôner la contribution musicale de Pablo Clements, James Griffith et Toydrum insufflant par moment un onirisme élégiaque autour de la destinée (précaire) du trio maudit ! 

P.S: Ne stoppez pas le film durant le générique de fin, une ultime surprise vous est réservé !

Bruno Dussart.

jeudi 16 février 2017

BOULEVARD DE LA MORT

                                                          Photo empruntée sur Google, appartenant au site www.comingsoon.net

"Death Proof" de Quentin Tarantino. 2007. U.S.A. 1h54. Avec Kurt Russell, Zoë Bell, Rosario Dawson, Vanessa Ferlito, Sydney Tamiia, Tracie Thoms, Rose McGowan.

Sortie salles France: 6 Juin 2007. U.S: 6 Avril 2007

FILMOGRAPHIE: Quentin (Jérome)Tarantino est un réalisateur, scénariste, producteur et acteur américain, né le 27 Mars 1963 à Knoxville dans le Tennessee.
1992: Réservoir Dogs. 1994: Pulp Fiction. 1995: Groom Service (segment: The Man from Hollywood). 1997: Jacky Brown. 2003: Kill Bill 1. 2004: Kill Bill 2. 2007: Boulevard de la Mort. 2009: Inglorious Basterds. 2012: Django Unchained. 2015: Les 8 Salopards.


Echec commercial à sa sortie quand bien même la presse fut plutôt partagée (bien que Wikipedia aurait tendance à me contredire), Boulevard de la Mort fait parti d'un diptyque formé avec le jouissif Planet Terror. Hommages au Grindhouse, ces cinémas de quartiers spécialisés dans les films d'exploitation, Boulevard de la mort est une éloge aux cascadeurs des Seventies cultivant des risques inconsidérés lorsqu'ils furent contraints de doubler les acteurs de séries B dans des bobines d'action aussi décomplexées qu'homériques. Signalant à moult reprises les références du genre que symbolisent La Grande Casse, Larry le dingue, Mary la garce, l'Equipée du Canonbal et Point Limite Zero, Quentin Tarantino dédie son amour à ces productions artisanales avec une sincérité qui impose le respect, sachant notamment que l'infographie des productions mainstream est ici écartée. Car en dépit d'une première partie futilement languissante s'appuyant trop sur la redondance de dialogues interminables, Boulevard de la Mort est un trip aussi biscornu que singulier. Empruntant les genres du psycho-killer et du road movie musclé, Tarantino jumelle ses composantes avec une détonante alchimie. Avec ses têtes d'affiche féminines viriles au caractère bien trempé, le climat d'insolence et de douce folie qui émanent de leur posture rebelle s'avère irrésistiblement attrayant lorsqu'un cascadeur psychotique sexuellement frustré décide de s'en prendre à elles avec couardise.


Scindé en deux parties distinctes, Boulevard de la mort s'avère en premier lieu parfois terrifiant et réaliste lors des impressionnantes scènes de violences graphiques expurgées de dérision. Je cite prioritairement l'anthologique crash automobile filmé sous divers angles (et selon moult points de vue) afin d'ébranler le spectateur immergé dans l'habitacle du véhicule des victimes tout en observant de l'extérieur l'impact cinglant des bolides se percutant de plein fouet ! Gore et sans concession, le climat subitement malsain de cette première partie déroute le spectateur quand bien même au préalable les échanges de discussion des garçonnes réunies autour d'un bar ne manquaient pas de causticité pour brocarder la gente masculine. Outre l'aspect insolite de l'intrigue (un cascadeur sclérosé prend son pied en coursant sur bitume des donzelles avec son véhicule customisé !) et le charisme proéminent de ses comédiennes pétulantes, la présence insidieuse de Kurt Russel s'en donnant à coeur joie en misogyne pervers exacerbe la facture baroque d'un climat hostile préalablement sous-jacent. Quant à la seconde partie beaucoup plus trépidante et littéralement jouissive, Quentin Tarantino nous sert généreusement une course poursuite aussi effrénée que débridée si bien que les rôles subitement inversés vont insuffler chez le spectateur un sentiment de jouissance réactionnaire lorsque nos héroïnes pugnaces auront décidé de contre-attaquer sans répit leur bourreau. Décomplexées, cocasses et déjantées, ses nouvelles héroïnes avides de vitesse et de rancoeur insufflent un sentiment euphorique de liberté lors des affrontements automobiles que Tarantino coordonne avec une maestria ébouriffante ! A l'instar de cette folle séquence au cours duquel l'une des héroïnes se cramponne désespérément sur le capot de sa voiture coursée à vive allure, la main attachée à une lanière !


Visuellement rutilant (Tarantino est pour la 1ère fois de sa carrière directeur de la photo !), référentiel comme de coutume et musicalement entraînant, Boulevard de la mort fait presque office d'ovni dans sa structure hybride et l'aura indicible d'un psycho-killer routier inscrit dans l'excentricité. En dépit de ses maladresses et d'un rythme défaillant (les dialogues néanmoins inventifs et pittoresques s'avèrent ici moins efficaces et percutants qu'au préalable durant sa première partie), Boulevard de la mort est un savoureux moment de peloche toujours plus insolent et frénétique sous le pivot d'un affrontement de survie à perdre haleine. A redécouvrir d'urgence si j'ose dire si bien qu'au second visionnage le spectacle s'avère beaucoup plus apprivoisable ! 

B-D. 2èx

mercredi 15 février 2017

ALLIES

                                                                                Photo empruntée sur Google, appartenant au site Allocine.fr

"Allied" de Robert Zemeckis. 2016. U.S.A. 2h05. Avec Brad Pitt, Marion Cotillard, Simon McBurney, Lizzy Caplan, Jared Harris, Matthew Goode, Anton Lesser, August Diehl

Sortie salles France/U.S: 23 Novembre 2016

FILMOGRAPHIE: Robert Zemeckis est un réalisateur, scénariste et producteur américain, né le 14 Mai 1951 à Chicago (Illinois). 1978: Crazy Day. 1980: La grosse Magouille. 1984: A la Poursuite du diamant vert.1985: Retour vers le Futur. 1988: Qui veut la peau de Roger Rabbit. 1989: Retour vers le Futur 2. 1990: Retour vers le Futur 3. 1992: La Mort vous va si bien. 1994: Forrest Gump. 1997: Contact. 2000: Apparences. 2000: Seul au monde. 2004: Le Pôle Express. 2007: La Légende de Beowulf. 2009: Le Drôle de Noël de Mr Scrooge. 2013: Flight. 2015: The Walk. 2016: Alliés.


Après nous avoir époustouflé avec le vertigineux The Walk, Robert Zemeckis change de registre pour renouer avec les productions hollywoodiennes d'après-guerre avec Alliés. Un thriller à suspense où se jumellent avec bonheur guerre, romance et espionnage sous l'impulsion d'un couple glamour que forment spontanément Brad Pitt (petit bémol toutefois pour son jeu contracté de mécontentement trop permanent) et l'immense Marion Cotillard (divine de naturel mais aussi bouleversante dans le rôle équivoque d'un potentielle espionne allemande). 1941, Casablanca. Après avoir achevé leur dangereuse mission d'éradiquer un ambassadeur allemand au cours d'une soirée mondaine, un couple d'espions (l'un canadien, l'une française), tombent communément amoureux. Exilés à Londres, ils se marient et donnent naissance à une fille, quand bien même l'un des supérieurs de Max lui annonce que son épouse serait probablement une espionne Nazi ! 


Entièrement bâti sur l'interrogation morale du héros à suspecter l'identité de son ancienne adjointe, Alliés insuffle un suspense remarquablement latent sous le pivot d'une paranoïa exponentielle que celui-ci tente de canaliser. Robert Zemeckis s'appuyant sur la passion des sentiments qu'ils se partagent afin d'intensifier les enjeux dramatiques culminant à une éventuelle exécution sommaire. Visuellement flamboyant, tant pour le sens consciencieux de sa reconstitution historique que de ces décors classieux, Alliés renoue avec les spectacles d'antan afin de contenter le grand public amateur de romance et de suspense quelque peu hitchcockien. Ponctué de scènes d'action percutantes, Zemeckis assure le spectacle avec vigueur sans jamais céder à la gratuité de l'esbroufe si bien que la plupart des éclairs de violence qui irriguent l'intrigue dépendent d'une mission et des motivations rebelles de Max en investigation illégale car en quête de vérité afin de disculper sa dulcinée. Qui plus est, en intensifiant les enjeux humains du couple en crise, Zemeckis se permet de clore son histoire (basée sur des faits réels !) sur une note romantique Spoiler ! littéralement bouleversante si je me réfère à la notion de sacrifice découlant d'un des protagonistes ! Fin du Spoiler.


Sans volonté de révolutionner le genre ou de parfaire un chef-d'oeuvre, Robert Zemeckis se contente de nous servir avec efficacité, formalité et sincérité un formidable divertissement avant tout bâti sur la densité morale du couple ombrageux Brad Pitt/Marion Cotillard impliqué dans la tourmente d'une éventuelle félonie. 

B-D

mardi 14 février 2017

MOONLIGHT

                                                               Photo empruntée sur Google, appartenant au site Allocine.fr

de Barry Jenkins. 2016. U.S.A. 1h50. Avec Mahershala Ali, Janelle Monáe, Naomie Harris, Trevante Rhodes, Ashton Sanders, Alex R. Hibbert, André Holland.

Sortie salles France: 1er Février 2017. U.S: 21 Octobre 2016

FILMOGRAPHIEBarry Jenkins, né le 19 novembre 1979 à Miami (Floride), est un réalisateur et scénariste américain. 2003: My Josephine. 2003: Little Brown Boy. 2008: Medicine for Melancholy
2009: A Young Couple. 2009: Tall Enough. 2011: Chlorophyl. 2016: Moonlight. 2017: Omniboat.
A Contract with God.


Dépourvu des clichés usuels au film de ghetto, un très beau portrait introspectif (et parfois sensitif) d'une quête identitaire infortunée. Chapeau bas pour la triple interprétation impartie au personnage principal et pour le réalisme de sa mise en scène épurée à la fois inventive, autonome et expérimentale.
B-D

Récompenses:
National Society of Film Critics 2016 :
Meilleur Film
Meilleur réalisateur
Meilleure révélation féminine pour Janelle Monáe
Meilleur acteur dans un second rôle pour Mahershala Ali
Meilleur Film indépendant
Top 10 des films de l'année
5e cérémonie des Boston Online Film Critics Association Awards 2016 :
Meilleur film
Meilleur acteur dans un second rôle pour Mahershala Ali
Meilleure distribution
19e cérémonie des British Independent Film Awards 2016 : Meilleur film indépendant international
26e cérémonie des Gotham Independent Film Awards 2016 :
Meilleur film
Audience Award
Special Jury Award de la meilleure distribution
88e cérémonie des National Board of Review Awards 2016 :
Meilleur réalisateur
Meilleure actrice dans un second rôle pour Naomie Harris
82e cérémonie des New York Film Critics Circle Awards 2016 :
Meilleur réalisateur
Meilleur acteur dans un second rôle pour Mahershala Ali
Meilleure photographie
74e cérémonie des Golden Globes 2016 :
Meilleur film dramatique
National Society of Film Critics 2017 :
Meilleur Film
Meilleur réalisateur
Meilleure révélation féminine pour Janelle Monáe
Meilleur acteur dans un second rôle pour Mahershala Ali
Meilleur Film indépendant
Top 10 des films de l'année
Alliance of Women Film Journalists 2017 :
Meilleur Film
Meilleur réalisateur
Meilleur scénario adapté
Meilleur acteur dans un second rôle pour Mahershala Ali
Meilleure distribution
Meilleure cinématographie pour James Laxton (en)
Meilleure rédaction pour Joi McMillon (en) et Nat Sanders (en)

lundi 13 février 2017

DR JERRY ET MR LOVE

                                                                           Photo empruntée sur Google, appartenant au site fan-de-cinema.com

"The Nutty Professor" de Jerry Lewis. 1963. U.S.A. 1h45. Avec Jerry Lewis, Stella Stevens, Del Moore, Kathleen Freeman, Howard Morris, Elvia Allman, Buddy Lester.

Sortie salles France: 4 Septembre 1963. U.S: 4 Juin 1963

FILMOGRAPHIE: Joseph Levitch, dit Jerry Lewis, est un humoriste, acteur, producteur et réalisateur de cinéma américain, né le 16 mars 1926 à Newark dans l'État du New Jersey, aux États-Unis.1949 : How to Smuggle a Hernia Across the Border. 1960 : Le Dingue du Palace. 1961 : Le Tombeur de ces dames. 1961 : Le Zinzin d'Hollywood. 1963 : Docteur Jerry et Mister Love. 1964 : Jerry souffre-douleur. 1965 : Les Tontons farceurs. 1966 : Trois sur un sofa. 1967 : Jerry la grande gueule. 1969 : The Bold Ones: The New Doctors (série TV). 1970 : One More Time. 1970 : Ya ya mon général ! 1972 : The Day the Clown Cried. 1980 : Au boulot... Jerry ! 1983 : T'es fou Jerry.


Parodie fantastique détournant le mythe de Jekyll et Hyde, Dr Jerry et Mr Love est une comédie débridée que Jerry Lewis, acteur et réalisateur, transcende sur un rythme trépidant. De par sa multitude de gags souvent visuels et d'inspiration cartoonesque et l'abattage impayable de l'acteur vedette dans un double rôle antinomique. Par son physique outrancier volontairement stéréotypé, ses mimiques exubérantes et sa maladresse intarissable, Jerry Lewis se glisse dans la peau du professeur Julius Kelp avec une conviction désarmante de naturel, quand bien même il parvient aussi brillamment à se dédoubler dans le corps de Mr Love avec distinction et égoïsme arrogants. Quant à la croquignolette Stella Stevens, cette dernière lui partage la vedette avec une douce tendresse dans son regard azur pour son empathie partagée auprès du professeur.


Timide et introverti, Julius Kelp, professeur de chimie, décide d'expérimenter une formule qui pourrait lui offrir vigueur et beauté physique. Parvenant à accomplir son utopie, il arpente le soir les bars afin de se tailler sa nouvelle notoriété puis par la même occasion courtiser la jeune Stella Purdy. Réflexion sur l'hypocrisie de l'apparence et ses artifices extravagants, Dr Jerry et Mr Love se base sur l'argument de Robert Stevenson (le dédoublement physique de personnalité) pour en extraire une comédie couillue émaillée de situations irrésistibles. Tant pour les pitreries maladroites d'un professeur extrêmement complexé de son physique lambda que pour l'égocentrisme de Mr Love cumulant jeux de drague et intimidations avec la gente masculine avec une provocation machiste. Qui plus est, à travers cette fantaisie semée de trouvailles aléatoires (l'improvisation emphatique du directeur du lycée interprétant une pièce de Shakespeare face à l'influence de Mr Love), Jerry Lewis se permet en prime de provoquer l'émotion lors d'un final bouleversant militant pour l'acceptation de soi et la beauté interne.


Tour à tour désopilant et déjanté (la convocation de Julius chez le directeur, ses séances de muscu, le sketch de son enfance auprès d'une mère abusive, l'épreuve audible qu'il endure durant un cours après une soirée d'ébriété), Dr jerry et Mr Love n'a rien perdu de sa verve, de sa cocasserie et de son énergie pour provoquer le rire avant de nous attendrir vers une conclusion aussi dramatique que rédemptrice. Un classique étonnamment moderne et astucieux que Jerry Lewis, acteur, cinéaste et scénariste, coordonne avec une insoupçonnée ambition. 

B-D. 4èx

vendredi 10 février 2017

LA PUTAIN

                                                                             Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

"Whore" de Ken Russel. 1991. U.S.A/Angleterre. 1h24. Avec Theresa Russell, Frank Smith, Gail McMullen, Benjamin Mouton, Bob Prupas, Jack Nance.

Sortie salles France: 17 Juin 1992

FILMOGRAPHIE: Ken Russell est un réalisateur, scénariste, acteur, producteur, monteur et directeur de la photographie britannique né le 3 juillet 1927 à Southampton.
1967 : Un cerveau d'un milliard de dollars, 1969 : Love , 1970 : The Music Lovers, 1971 : Les Diables, 1971 : The Boy Friend, 1972 : Savage Messiah, 1974 : Mahler, 1975 : Tommy, 1975 : Lisztomania, 1977 : Valentino, 1980 : Au-delà du réel, 1984 : Les Jours et les nuits de China Blue,1986 : Gothic, 1988 : Salome's Last Dance , 1988 : Le Repaire du ver blanc ,1989 : The Rainbow ,1991 : La Putain, 2002 : The Fall of the Louse of Usher, 2006 : Trapped Ashes segment "The Girl with Golden Breasts".


Plutôt mal aimé par le public et la critique, aussi parce que les thèmes avaient été beaucoup mieux abordés dans l'électrisant Les Jours et les Nuits de China Blue, La Putain fait office de vilain petit canard au sein de la carrière impudente de Ken Russel. Série B glauque et sordide où le pittoresque de certaines situations scabreuses se mêle à d'autres dérives d'un mauvais goût assumé, la Putain doit beaucoup de son dynamisme en la présence de son actrice vedette, Teresa Russel. L'actrice se dévoilant à nu dans la peau introspective d'une catin en quête de rédemption derrière sa condition soumise. Spontanée, désinvolte et désinhibée, elle magnétise l'écran par son bagout trivial et sa posture ultra aguicheuse à séduire les mâles dominants n'ayant aucune déférence pour la Femme. Filmé à la manière d'un documentaire si je me réfère aux monologues récursifs que notre féministe nous pérore face caméra, la Putain délivre sur l'écran insalubre ses états d'âme avec une liberté de ton qui impose le respect. Ken Russel s'autorisant de compiler moult expériences sexuelles/confrontation machistes assez crues, parfois déviantes et violentes sur un ton décalé déroutant. Par son aspect reportage inscrit dans une facture à la fois baroque et débridée émane une expérience maso assez fascinante en dépit de la vacuité d'une narration redondante tournant autour de la quotidienneté sordide d'une putain mise à mal avec sa gente masculine. En guise d'amuse gueule et afin d'appuyer le caractère saugrenu de l'ensemble, on peut notamment s'amuser des aimables caméos d'Antonio Fargas ("Huggy les bons tuyaux" de la série Starsky et Hutch) en philanthrope à la p'tite semaine et de la star du X Ginger Lynn lors d'une brève séquence morbide !


Insolent, hors norme et licencieux, La Putain est à découvrir comme une attachante curiosité dans son parti-pris personnel et provocateur d'ausculter l'introspection d'une catin pleinement lucide de sa condition avilissante. A préconiser toutefois chez l'auditoire d'un public averti. 
B-D. 3èx

MANCHESTER BY THE SEA


de Kenneth Lonergan. 2016. U.S.A. 2h17. Avec Casey Affleck, Kyle Chandler, Michelle Williams, Lucas Hedges, Gretchen Mol, C.J. Wilson, Ben O’Brien…

Sortie salles France: 14 décembre 2016. États-Unis : 18 novembre 2016

FILMOGRAPHIE: Kenneth Lonergan, né le 16 octobre 1962 à New York, est un dramaturge, scénariste et réalisateur américain. 2000 : Tu peux compter sur moi (You can count on me)
2011 : Margaret. 2016 : Manchester by the Sea.


Le Pitch :
Lee Chandler, un homme à tout faire, doit se rendre à Manchester, la ville dans laquelle il a passé la majorité de son existence, suite au décès de son frère. Désigné comme tuteur de son neveu Patrick, un adolescent de 16 ans, il se retrouve confronté à des responsabilités qui font ressurgir les fantômes d’un passé auquel il a toujours cherché à échapper…

LA CRITIQUE DE MANCHESTER BY THE SEA:
Scénariste du Gangs Of New York de Martin Scorsese et de Mafia Blues, d’Harold Ramis, Kenneth Lonergan a fait ses débuts derrière la caméra en 2000 avec Tu peux compter sur moi, un drame avec Laura Linney et Mark Ruffalo, qu’il a également écrit. 11 ans plus tard, il livrait son second long-métrage, Margaret (dont il fut d’ailleurs dépossédé). Deux films qui ne laissaient pas vraiment deviner que le réalisateur avait en lui quelque chose d’aussi profond que Manchester By The Sea


CASEY AFFLECK DANS LA TOURMENTE
Alors que son frère, Ben, a semble-t-il toujours recherché le maximum d’exposition, en s’imposant comme une star dans le sens le plus classique du terme, via ses choix cinématographiques ou sa propension, peut-être involontaire, à attirer les flashs des photographes, Casey Affleck a évolué au rythme de films plus confidentiels. Gerry, Lonesome Jim, L’Assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford, Gone Baby Gone, Les Amants du Texas ou encore Les Brasiers de la Colère étant de purs drames inscrits dans une tradition noble du septième-art américain , qui ont offert au comédien de multiples occasions de prouver son talent et sa capacité à incarner des personnages en souffrance et ô combien torturés. Avec Manchester By The Sea, Casey Affleck récidive mais réussit l’exploit de ne pas faire dans la redite facile. Son rôle est au centre de la dynamique du long-métrage de Lonergan. Il est quasiment de tous les plans et cristallise toute l’attention. Le scénario, qui s’articule autour du deuil et de la difficulté de continuer à vivre après une tragédie, à contre-courant, toujours, compte sur l’acteur pour donner du corps aux thématiques, qu’il sublime avec un naturel confondant et une aisance qui force en permanence l’admiration. Avec une économie dont il est plutôt familier, Affleck nous gratifie d’une performance incroyable, intense, toute en retenue, face à laquelle il est de bon ton de tomber en admiration. Lee, son personnage, se faisant le réceptacle d’une peine insondable mais aussi d’une résilience inouïe mais jamais propice à des débordements qui auraient pu déboucher sur un certain cabotinage.
Dirigé à la perfection, Casey Affleck donne le La aux autres acteurs qui pourtant, ne lui servent pas la soupe. Dans cette tragédie moderne baignée dans la grisaille d’un hiver américain sur la côte Est, tout le monde a son rôle à jouer et personne n’est mis au rencard. Même Michelle Williams, qui contrairement à ce que l’affiche et la promo du film veulent nous faire croire, ne tient pas l’un des premiers rôles, mais parvient à incarner l’une des nombreuses facettes de cette histoire aussi triste que belle car portée par un souffle discret mais puissant propice à l’introspection. En face d’Affleck, tour à tour, l’excellent Kyle Chandler, le solide C.J. Wilson et le jeune surdoué Lucas Hedges, entretiennent une émotion et une rythmique qui font du film ce qu’il est, à savoir une partition complexe et évidente à la fois.


MÉLANCOLIE GLACIALE
Authentique mélodrame américain, Manchester By The Sea évite habilement tous les pièges inhérents au genre et vient tutoyer les grands classiques. Très littéraire, dans le sens où ses images semblent parfois tout droit sorties d’un roman du genre de ceux qu’ont pu écrire Jim Harrison et Stephen King (avec Dolores Claiborne par exemple) ou tous ceux qui ont tenté de capturer l’essence des sentiments humains sans avoir recours aux lieux communs. Habitée par une poésie pénétrante, la prose de Kenneth Lonergan sait laisser la place aux silences, qui permettent d’ailleurs à son objectif d’exploiter le paysage, dont les contours ou encore les remous de l’océan offrent un écho à la tragédie qui se joue entre les membres de cette famille dysfonctionnelle. La mélancolie qui habite le long-métrage est ainsi d’un pudeur absolue. Elle naît de cette précision incroyable, qui caractérise à la fois la réalisation, le scénario et le jeu des acteurs et participe à cette faculté saisissante qu’a l’histoire de nous immerger pour captiver sans nous prendre en otage d’une émotion pourtant dévastatrice. Le choix de la musique est en cela important vu qu’il traduit une volonté de rester dans un registre classique, sans s’interdire de véritables envolées lyriques. Le montage est au diapason, vu qu’il construit le background des personnages sans effets superflus, là encore avec un naturel appréciable. La fluidité est totale et donne à Manchester By The Sea l’occasion de nous proposer des séquences ahurissantes, à l’image de ce flash-back entrecoupé de retours au présent, enveloppé par les nappes de l’Adagio d’Albinoni.


SAISIR L’INSAISISSABLE
Manchester By The Sea n’a rien d’un film facile. Pour ce qu’il raconte tout d’abord, certaines scènes étant particulièrement difficiles bien qu’au fond, on ne nous montre que l’essentiel sans tomber dans une complaisance un peu crasse, mais aussi pour la façon dont il a de dérouler son récit. En s’attachant à de petits détails, sans rien oublier, en laissant la place à des multiples respirations… Et c’est précisément ainsi qu’il sait au final sonner juste. Tout s’imbrique à la perfection. Y compris quand l’espoir d’un sursaut de vie intervient dans la morne routine de cet homme brisé. Car ici l’espoir est ténu et son arrivée subtile. Rien n’est évident. Ni la noirceur ni la lumière. C’est aussi pour cela que Manchester By The Sea tient du classique instantané : il sait saisir l’insaisissable sans avoir l’air de le faire. Car il touche à une certaine universalité…

En Bref…
Drame américain inscrit dans une noble tradition, Manchester By The Sea émeut autant qu’il impressionne par sa justesse et par sa pudeur. Une poésie folle se dégage de ces images où la froidure d’un hiver impitoyable fait écho à la détresse d’un homme et des siens confrontés aux tourments d’une vie impitoyable. Que ce soit au niveau du fond ou de la forme, Kenneth Lonergan a réussi. Son troisième long-métrage confine au sublime.

@ Gilles Rolland. Note: 4,5/5
En savoir plus sur http://www.onrembobine.fr/critiques/critique-manchester-by-the-sea/#t0BhoXEcq6TukDTl.99

Mon p'tit mot:
A l'instar de l'humanisme sensitif (mais dépouillé) du cinéma de James Gray et Cassavetes, un drame fragile sur le poids insurmontable de la culpabilité et du deuil infantile. Peut-être/sans doute le meilleur rôle de Casey Affleck !
B-D

Récompenses:
2016 : Festival du film de Hollywood : Prix du meilleur scénario pour Manchester by the Sea1
Boston Online Film Critics Association Awards 2016 : Meilleur scénario original pour Manchester by the Sea
National Board of Review Awards 2016 : Meilleur scénario original pour Manchester by the Sea
New York Film Critics Circle Awards 2016 : Meilleur scénario original pour Manchester by the Sea

mercredi 8 février 2017

TU NE TUERAS POINT

                                                                                 Photo empruntée sur Google, appartenant au site Allocine.fr

"Hacksaw Ridge" de Mel Gibson. 2016. U.S.A. 2h19. Avec Andrew Garfield, Vince Vaughn, Sam Worthington, Teresa Palmer, Hugo Weaving, Luke Bracey, Rachel Griffiths, Nathaniel Buzolic.

Sortie salles France: 9 Novembre 2016. U.S: 4 Novembre 2016

FILMOGRAPHIE: Mel Gibson est un réalisateur, scénariste, acteur et producteur américain, né le 3 Janvier 1956 à Peekskill (Etats-Unis).
1993: l'Homme sans visage. 1995: Braveheart. 2004: La Passion du Christ. 2006: Apocalypto. 2016: Tu ne tueras point.


Abordant pour la première fois de sa carrière le film de guerre, Mel Gibson rivalise de prouesses techniques pour authentifier l'assaut de la 77è division d'infanterie impliquée dans la bataille d'Okinawa. Sans toutefois rivaliser avec l'exploit cinématographique de SpielbergIl faut sauver le soldat Ryan lors de son anthologique débarquement de Normandie, Tu ne tueras point laisse tout de même les mains moites pour la rigueur de son intensité épique impartie aux carnages de masse. Les soldats ricains avançant tête baissée sur l'ennemi japonais avec la même démesure primitive que leurs rivaux ! Explosions de corps déchiquetés ou criblés de balles, jambes arrachées, corps calcinés par les lances-flammes, cadavres en décomposition dévorés par les rats, le théâtre de sang invoqué sous nos yeux fait froid dans le dos pour dénoncer avec un réalisme rigoureux les horreurs d'une guerre sans règles ni limite. Spectacle de folie furieuse donc à la dramaturgie escarpée, Mel Gibson parvient toutefois à éluder la complaisance pour ses scènes immersives d'affronts sanglants filmées caméra à l'épaule si bien qu'on se laisse admirablement berner par le réalisme de ces trucages, à 2/3 imperfections numérisées.


Si la première heure prend son temps à caractériser le profil d'un adventiste délibéré à devenir auxiliaire médical plutôt qu'utiliser le fusil pour sacrifier l'ennemi, c'est pour mieux nous préparer à la crédibilité de son héroïsme surréaliste par le biais de cet objecteur de conscience à la foi inébranlable ! Inscrit dans la légende des héros de guerre notoires, Desmond Doss fait office de figure messianique aux yeux de ses camarades décontenancés par sa vaillance surhumaine alors qu'au préalable il était la risée de ces derniers pour sa lâcheté à refuser l'emploi de la violence au front. Car aussi insensé que cela puisse paraître, et c'est bien là l'intérêt atypique de l'intrigue, Desmond Doss n'est pas un personnage de fiction inventé par Mel Gibson mais bel et bien une figure emblématique de la seconde guerre mondiale ayant servi sa nation avec une bravoure aussi digne que suicidaire. Car ayant évacué plus de 75 blessés de son infanterie lors de la guerre du pacifique, Desmond Doss est devenu un exemple aux yeux de l'Amérique par son parcours singulier d'avoir préservé des vies sans jamais se laisser gagner par une riposte physique. Par le biais de ses séquences à suspense empruntant le schéma du survival, Tu ne tueras point distille peu à peu une atmosphère insolite sous l'impulsion d'une idéologie religieuse littéralement rédemptrice. Les acolytes de Desmond éprouvant une telle admiration devant lui qu'ils se laisseront guider par la spiritualité de ses prières avant d'entamer le dernier assaut au combat. Le message du film manifestant également une réflexion sur la confiance, l'estime de soi et le fatum lorsque l'on est investi d'une conviction personnelle incorrigible nous empêchant de nous laisser guider par la peur.


A feu, à sang et à la sagesse
Fait divers d'exception autour d'un personnage christique habité par un courage singulier de par ses convictions religieuses, Tu ne tueras point illustre avec un réalisme trouble un hymne à la constance et à l'héroïsme au sein d'un contexte belliqueux régi par la folie humaine. L'ironie caustique émanant de ce personnage pacifiste autrefois raillé et conspué par ses pairs mais depuis reconnu comme héros proverbial grâce à son éthique mystique. Un spectacle grandiose et foudroyant qui aide à réfléchir sur notre sens existentiel. 

B-D

La critique de Charlène Jean:

Tu ne tueras point est un réel bijou cinématographique, un film de guerre comme il en existe que très peu. Avec à sa tête Desmond T.Doss, un homme qui ne souhaite, utiliser aucunes armes sur le terrain, puisque après tout, même s'il reste volontaire pour faire la guerre (mais en tant qu'infirmier) car il est préférable de sauver les gens plutôt que de les tuer. Il faut savoir que c'est une histoire vraie et que la volonté première de Desmond T Doss est de respecter un principe biblique: tu ne tueras point, et surtout de montrer aux gens, que c'est possible.
À l'époque il réveillera la colère de l'armée américaine, car bon il faut le dire la mentalité était la suivante: <>. Alors imaginez, un homme, croyant (car même à l'époque, les convictions religieuses, étaient très peu respectées.>>, qui ne souhaite pas toucher à une arme quelle qu'elle soit et qui assure qu'il est possible de faire la guerre sans armes, et bien celui ci aura le droit à un conseil de discipline, pouvant aller même jusqu'à l'emprisonnement. C'est ce qu'on appel un objecteur de conscience <>. En ayant finalement eu gain de cause avec un acte de loi (en tout cas dans le film c'est démontré ainsi), il pourra finalement assister les soldats sur le terrain, il interviendra donc, comme infirmier et sera un des rares soldat à décrocher la medal of honor lors de la seconde guerre mondiale après avoir sauvé à lui seul et sans violence, un nombre impressionnant de personnes.

Desmond T.Doss est né le 7 février 1919 à Lychburg en Virginie et décèdera le 23 mars 2006 à Piedmont en Alabama, des suites de complications respiratoires. À son retour du champ de batailles, on lui diagnostiquera une tuberculose.
" Hacksaw ridge " est un message d'amour Mel Gibson, croyant de surcroît pour un homme qui a sauvé à l'aide de sa foi et de sa volonté, des gens des DEUX CAMPS différents, car la vie est précieuse, et il n'y a pas d'adversité.
Le film , relate finalement la vie de Desmond, son enfance, son mariage, sa préparation , sa foi, la guerre, la perte. Une interprétation biographique, réussie et émouvante. Il faut dire aussi, que Mel Gibson est un as du cinéma <<la passion du christ, apocalypto, braveheart, l'homme sans visage>> je parle essentiellement de sa carrière en tant que réalisateur, car il me faudrait au moins 100 pages pour parler du reste, acteur, scénariste...
Au niveau du casting d'exception Andrew Garfield dans le rôle de Desmond T doss (deux sœurs pour un roi, THÉ AMAZING SPIDER MAN...) je n'aurais pas imaginé quelqu'un d'autre dans ce rôle, il est exceptionnel, et sacrément émouvant, je l'adore, il est doux, gentil et plein de sagesse, on dirait que tout est naturel, et qu'il ne joue même pas, il est sincère et naturel et j'adore les gens simples.
Vince Vaughn dans le rôle du sergent Howell, il est excellent et donne un côté drôle aux situations douteuses et inquiétantes, il faut dire qu'il est régulièrement associé à des films humoristiques et surtout avec son acolyte Owen Wilson, dans la comédie américaine. Bizarrement une des scènes principales me fait penser au film de guerre full métal Jacket.
Teresa Palmer dans le rôle de Dorothy Schutte "la femme de Desmond" , que l'on voit essentiellement dans la première partie du film, elle est superbe.
Et Hugo Weaving dans le rôle de Tom Doss, le père de Desmond, qui aura un rôle émouvant, dans l'homme qui a peur de perdre ses deux fils, dans une guerre inutile pour lui et créée par l'état, une sorte de manipulation, comme il a pu perdre des amis durant la première guerre mondiale et infecté par les souvenirs de la guerre, qui entraîneront chez lui une addiction à l'alcool et de la violence, qui décousent de son mal être. Cependant dans le film il aura un rôle te!s important, qui permettra à son fils, d'aller jusqu'au bout de son choix, nous pouvons retrouver monsieur Weaving dans Matrix, le seigneur des anneaux...

Anecdotes:
Mel Gibson a toujours travaillé avec son acolyte James Horner (compositeur de musique pour plusieurs films), celui ci décèdera dans un tragique accident, ce sera donc en deuxième choix, John Debney qui sera choisit (bande son de la passion du christ),mais celle ci ne fonctionnera pas, Mel Gibson choisira donc Rupert Gregson Williams, qui devra composer en quelques semaines seulement, la bande son de tu ne tueras point, et c'est une vraie réussite, je l'écoute d'ailleurs en boucle sur mon Deezer ( la bande son est en service, sous le nom américain du film ) mes chansons préférées sont: rescues continues et hacksaw ridge. Un compositeur prometteur.
Le film parle de la guerre d'Okinawa. Nous pouvons donc voir plusieurs armes différentes.
Le film n'a pas remporté énormément d'oscars, suite à un fond de conflits, suite à des propos désobligeants de Mel Gibson, qui le suive malheureusement toujours. Il remporta tout de même :
- l'oscar du meilleur mixage
- l'oscar du meilleur montage
- mel gibson sera tout de même sacré meilleur réalisateur et Andrew Garfield meilleur acteur.

À l'heure actuelle il est pour moi le meilleur film de guerres car le message est positif. Je regrette juste un peu la fin, car elle paraît négative, alors que certains passages documentaristes nous prouve le contraire (vous pouvez me demander en privé, je ne veux pas spoiler)
Mention spéciale pour les plans filmés sur le terrain, les cartouches d'armes à feu, sont en gros plan, ce qui donne un effet vraiment sympa.

Le film comporte tout de même certaines scènes choquantes.

mardi 7 février 2017

ETERNAL SUNSHINE OF THE SPOTLESS MIND. Oscar du meilleur scénario original, Charlie Kaufman et Michel Gondry

                                                                     Photo empruntée sur Google, appartenant au site fan-de-cinema.com

de Michel Gondry. 2004. U.S.A. 1h48. Avec Jim Carrey, Kate Winslet, Kirsten Dunst, Mark Ruffalo, Elijah Wood, Tom Wilkinson

Sortie salles France: 6 Octobre 2004. U.S: 19 Mars 2004

FILMOGRAPHIEMichel Gondry est un réalisateur français, né le 8 mai 1963 à Versailles (Yvelines). 2001 : Human Nature. 2004 : Eternal Sunshine of the Spotless Mind. 2006 : La Science des rêves. 2006 : Dave Chappelle's Block Party. 2007 : Soyez sympas, rembobinez. 2010 : L'Épine dans le cœur. 2011 : The Green Hornet. 2012 : The We and the I. 2013 : L'Écume des jours. 2014 : Conversation animée avec Noam Chomsky. 2015 : Microbe et Gasoil.


Une part en moi me dit que j'ai connu cette vie sentimentale. Entre bonheur, mort et renaissance. 

Second film américain du français Michel Gondry, Eternal sunshine of the spootless Mind est une bouleversante étude de moeurs sur la complexité de l'amour et l'intensité cognitive, sur le refoulement des sentiments et l'égoïsme commun qu'un couple en étreinte va endurer dans leurs caractères bien distincts. A travers un procédé scientifique improbable (supprimer nos propres souvenirs d'un amant que l'on a autrefois chéri afin de s'épargner toute souffrance morale), Michel Gondry ausculte avec une imagination débridée les mécanismes de la passion et de l'angoisse de souffrir si on se laisse gagner par le pessimisme, l'incommunicabilité et la routine du quotidien bâtie sur la médiocrité. C'est par le procédé d'effacement des souvenirs du cerveau de Joel que le couple finira par prendre conscience de leur rapport orgueilleux car rongés par la désillusion de n'avoir su préserver leurs sentiments communs. Joel revivant chaque souvenir avec autant de souffrance que d'exaltation tout en s'exprimant à sa propre conscience afin de s'interroger sur les facteurs de son échec amoureux. Mais finalement délibéré à préserver ses plus beaux souvenirs, ce dernier s'efforce en dernier ressort à prémunir les moments de joie les plus radieux afin de graver en mémoire la personnalité extravagante de sa dulcinée habitée par le désir.


L'intolérance de la différence qu'on se résigne à ne plus accepter, c'est ce que subissent Joel et Clémentine dans leur amertume anxiogène et leur manque de confiance à consolider leur amour commun s'évaporant un peu plus chaque jour. En les plaçant notamment face à eux mêmes pour leurs erreurs d'appréciation et de jugement, pour leurs rancunes et leur susceptibilité de s'être laissés gagner par des conflits d'autorité puérils, Joel et Clémentine font face à leur responsabilité morale lors d'une mise en abyme. Mais l'amour fulgurant est intemporel, une rencontre abordée au coin d'une rue ne s'explique pas, elle se laisse guider par les vibrations émotionnelles comme nous le démontrent malicieusement Joel et Clémentine dans leur posture infantile (notamment en s'inventant de nouveaux souvenirs durant l'époque de leur enfance). Grâce à leur instinct sentimental, aucun lavage de cerveau, aucune machine à effacer les réminiscences ne pourront consumer les ressorts de la tendresse chez ses deux coeurs expansifs. La mise en scène de Gondry constamment inventive utilise l'image tel un album souvenirs aussi intenses que scintillants dans la scénographie baroque d'un onirisme candide, quand bien même deux êtres s'étaient rencontrés aux abords d'une plage pour tenter de se courtiser dans un troublant espace, entre joie et allégresse, colère et trahison, et avant de tenter de s'accorder une ultime chance pour une nouvelle acceptation d'eux mêmes ! Incandescents à l'écran dans leurs expressions mélancoliques et dépressives, dans l'exaltation de leurs sentiments et leur fougue de l'épanouissement, Jim Carrey et Kate Winslet immortalisent les amants infortunés avec une puissance émotionnelle d'une fragilité palpable. Parce qu'ils incarnent également le reflet de nous mêmes, à savoir les failles de chacun de nous pétri de névroses et de contradictions à s'affirmer dignement mais à douter des autres, ou pire, à se rejeter la faute dans son refus d'amour propre (la quête désespérée, quasi insurmontable de sonder une paix intérieure comme le clamera Clémentine !).


Que le sort de l'irréprochable vestale est heureux !
Le monde oubliant, par le monde oublié;
Éclat éternel de l'esprit immaculé !
Chaque prière exaucée, et chaque souhait décliné
De ce maesltrom d'émotions aussi lyriques que candides émanent l'un des plus beaux et singuliers poèmes sur l'amour passion et sa fragilité qui en émane, leçon d'apprentissage et de tolérance pour la fiabilité du couple contrarié par la peur d'échouer, le manque de confiance en soi, la hantise de la trahison et celle de redouter un deuil sentimental.   

A Stéphanie...

B-D. 3èx
07/02/2016
01/02/2010

Récompenses:
2005 : Oscar du meilleur scénario original pour Charlie Kaufman et Michel Gondry
2005 : BAFTA Awards :
Meilleur montage pour Valdís Óskarsdóttir
Meilleur scénario original pour Charlie Kaufman et Michel Gondry

vendredi 3 février 2017

HAINE

                                                                        Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

"Le credo de la violence" de Dominique Goult. 1980. France. 1h30. Avec Klaus Kinski, Maria Schneider, Patrice Melennec, Evelyne Bouix, Katia Tchenko, Paulette Frantz

Sortie salles France: 9 Janvier 1980 (Interdit aux - de 18 ans)

FILMOGRAPHIE: Dominique Goult est un réalisateur, scénariste, producteur, acteur français né en 1947. 1980: Haine. 1978: Lèvres gloutonnes. 1978: Partouzes perverses. 1977: Les queutardes. 1977: Les monteuses.


Sorti discrètement en salles à l'aube des années 80 puis exploité en catimini en Vhs, Haine est l'unique réalisation non pornographique du français Dominique Goult. Curiosité oubliée de tous en dépit d'une poignée de videophiles irréductibles, Haine relate la traque sauvage d'un motard par des chasseurs racistes et décérébrés. La veille, le cadavre de la petite fille du maire fut retrouvée sur le fossé d'un chemin rural, fauchée par un motard. On nous dévoilera d'ailleurs en fin de parcours le véritable visage du fameux coupable sans se surprendre de sa révélation attendue. Avec son rythme languissant digne d'une production Jean Rollin, Haine risque de laisser sur le bitume une bonne partie du public si bien que Dominique Goult peine à insuffler de l'intensité lors d'un cheminement aussi routinier que rébarbatif si on exclu sa dernière demi-heure plus haletante lors des confrontations musclées entre les paysans et l'étranger.


Monté avec les pieds et maladroitement réalisé, comme le souligne notamment sa structure narrative anarchique tentant de distiller un faux suspense quant à la culpabilité du meurtrier de la fillette, Haine tire malgré tout parti de ses défauts techniques pour faire naître une ambiance insolite assez palpable (si on reste pleinement concentré sur l'évolution du récit). Prenant pour thèmes l'auto-défense, le fascisme et le lynchage communautaire, Haine peut prêter une certaine allusion à La Traque de Serge Leroy pour la caricature impartie à ses assassins du Dimanche que rien ne soupçonnait à extérioriser une violence aussi bestiale qu'aveugle. En prime, au sein de son environnement rural épargné d'urbanisation, la réalisateur adopte le parti-pris auteurisant de façonner un climat glauque futilement captivant quand bien même ses éclairs de violence d'un réalisme assez cru précipitent le road movie vers le western rural lors d'une dernière partie rigoureusement dramatique. La victime incessamment coursée éprouvant elle aussi un sentiment rancunier d'auto-justice qui l'incitera à employer une arme afin de sauver sa peau ! Klaus Kinski se glissant dans la peau du motard à combinaison blanche avec une personnalité équivoque, tant pour ses rapports amicaux et sentimentaux partagés avec deux paysannes que de son comportement un peu trop amiteux (et tactile) auprès de la fillette du pompiste. Fascinant également de constater la complicité communautaire de tout un village (ou presque !) à tolérer lynchage aussi fourbe en prenant comme alibi la mort accidentelle d'une fillette alors qu'aucun témoin oculaire n'eut pu constater la présence de l'étranger sur les lieux !


Curiosité franchouillarde dénonçant maladroitement la haine du fascisme chez des métayers réactionnaires, Haine inspire une drôle d'impression d'amertume et de douce fascination dans sa forme brouillonne de survival compromis au vigilante movie. Un OVNI nébuleux à privilégier chez les cinéphiles les plus indulgents ou aguerris. 

B-M. 2èx