mardi 6 juillet 2021

Les Guerriers de l'Enfer

                                                 Photo empruntée sur Google, appartenant au site Senscritique.com

"Who'll Stop the Rai" de Karel Reisz. 1978. U.S.A. 2h06. Avec  Nick Nolte, Jonathan Banks, Michael Moriarty, Tuesday Weld, Anthony Zerbe, Richard Masur, Ray Sharkey, Gail Strickland.

Sortie salles France: ?. U.S: 2 Août 1978

FILMOGRAPHIEKarel Reisz est un réalisateur, producteur et théoricien du cinéma puis un metteur en scène de théâtre britannique d'origine tchécoslovaque, né le 21 juillet 1926 à Ostrava (ex-Tchécoslovaquie), décédé le 25 novembre 2002 à Londres. 1955 : Momma Don't Allow (court métrage documentaire). 1958 : We Are the Lambeth Boys (documentaire). 1960 : Samedi soir, dimanche matin. 1964 : La Force des ténèbres. 1966 : Morgan. 1968 : Isadora. 1974 : Le Flambeur. 1978 : Les Guerriers de l'enfer (Who'll Stop the Rain). 1981 : La Maîtresse du lieutenant français. 1985 : Sweet Dreams. 1990 : Chacun sa chance. 1994 : Performance - épisode The Deep Blue Sea (TV). 2000 : Act Without Words I (TV).


Découvrir pour la 1ère fois en 2021, et à titre de (grande) curiosité, ce drame guerrier totalement passé aux oubliettes prouve à quel point le cinéma des années 70 reste une source intarissable de classiques inoxydables de par son âpre réalisme dénué de fioriture. Car Les Guerriers de l'Enfer a beau être honteusement non reconnu, il demeure selon moi l'un des plus forts témoignages que le cinéma ricain nous ait offert sur la guerre du Vietnam. En tout état de cause le plus intègre, le plus authentique, le plus  sombre et désespéré à travers son climat fétide transpirant haine et avarice. Omettez cependant son titre fallacieux que les français ont osé singer afin sans doute de rameuter le grand public friand d'action belliqueuse, si bien que "Qui arrêtera la pluie" "Who'll Stop the Rai" est avant tout un puissant drame psychologique que Nick Nolte (certains critiques prétendent qu'il s'agit - à raison - d'un de ses meilleurs rôles), Michael Moriarty (toujours abonné aux seconds-rôles de paumé avenant avec un talent ici au diapason !), Tuesday Weld (superbe portrait de femme fragile en junkie en devenir) impriment de leur talent avec une force d'expression tacitement sentencieuse. Par conséquent, l'intrigue tourne autour de la rivalité latente entre des agents fédéraux vénaux (principalement une paire d'engeances ne reculant devant rien pour gruger 2 kilos d'héro) et 2 combattants du vietnam tout juste rentrés au bercail. Or, livré à lui même et traumatisé par les horreurs du passé, John Converse (Michael Moriarty) se permet de passer en contrebande de l'héroïne avec l'aide de son comparse Ray Hicks (Nick Nolte), jeune loup autrement stoïque. 


Mais au moment du R.V fixé au foyer conjugal, Ray se retrouve seul avec l'épouse de John ignorant tout de leur transaction alors que 2 flics y surveillent sa demeure. Voilà pour l'exposé brillamment mis en scène si bien que Karel Reisz affiche une circonspection à la présentation de ces personnages empotés impliqués dans un pathétique compromis avec des agents sans vergogne. C'est également ce qui fait la force de l'intrigue habilement structurée (puisque TOUJOURS imprévisible) car plus le méchant est réussi, meilleur le film sera ! Autant dire que l'oeuvre à la fois insidieuse et lestement malsaine captive dès le départ avec l'entrée en matière de tous ces personnages véreux ne comptant que sur leur indépendance pour venir à bout de leur désir. Anti-manichéen quant à ses anciens combattants fascinés par le nouveau marché juteux de la drogue dure, les Guerriers de l'Enfer laisse un goût de plus en plus âcre dans la bouche lorsque ceux-ci ont décidé de passer au front lors d'un final westernien d'une originalité audacieuse. Karel Reisz  injectant une dose d'ironie acide à travers sa sinistre farce de règlements de compte sanglants. Une mise en scène "pop rock opératique" détournant le symbolique "peace and love" peinturée sur une falaise, où l'action lisible s'y confine d'autant plus de nuit ! Intense et captivant, de par son suspense aléatoire et la posture couillue de ces protagonistes aussi entêtés que suicidaires, Les Guerriers de l'Enfer suscite une émotion à la fois trouble et poignante auprès de ces laissés pour compte se réfugiant dans l'illusion de la drogue en guise d'exutoire moral. 


Remarquablement interprété par un cast vibrant d'émotions dépouillées de par le brio de la mise en scène soumise à leurs actions acharnées, les Guerriers de l'Enfer nous laisse sur une mélancolique impression de défaite en dépit de sa lueur d'espoir de dernier ressort que l'on entérine facilement. D'une intensité dramatique sobrement instillée, ce grand film âpre, violent et pessimiste cultive un sentiment d'amertume poignant à travers son réquisitoire contre les conséquences morales de la guerre du Vietnam tout en égratignant ostensiblement le piège avilissant de la drogue. C'est donc évidemment à ne pas rater afin de tenter de lui offrir une seconde vie, bouche à oreille aidant si possible. 

*Eric Binford (immense merci à buddy-movierepack, en espérant voir débarquer un jour prochain une édition blu-ray digne d'éloges, on a bien le droit de rêver !)

Ci-joint sa superbe affiche ricaine :

lundi 5 juillet 2021

Trois Heures, l'heure du crime

                                         Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

"Three O'Clock High" de Phil Joanou. 1987. U.S.A. 1h29. Avec Casey Siemaszko, Annie Ryan, Richard Tyson, Stacey Glick, Jonathan Wise, Jeffrey Tambor

Sortie salles U.S: 9 Octobre 1983. Inédit en salles en France. 

FILMOGRAPHIEPhil Joanou est un réalisateur américain, né le 20 novembre 1961 à La Cañada Flintridge en Californie (États-Unis).1984 : Last Chance Dance (court métrage). 1987 : Trois heures, l'heure du crime. 1990 : Les Anges de la nuit. 1992 : Sang chaud pour meurtre de sang-froid. 1996 : Vengeance froide. 1988 : U2: Rattle and Hum (documentaire sur U2). 1999 : Entropy. 2006 : Rédemption. 2012 : Dirty Laundry (court métrage). 2016 : The Veil. 

Objet d'infortune s'il en est, de par son échec public aux States, sa privation de salle chez nous et la discorde entre Spielberg, producteur ayant soutiré son nom au générique, et Phil Joanou, réalisateur néophyte l'ayant trahi à concevoir une copie de Karaté Kid, Trois heures, l'heure du crime est une perle rare comme on en voit peu dans la comédie. Autrement dit un vrai film culte que ce teen movie décalé parvenant à imprimer sa propre personnalité afin de se démarquer de l'ornière codifiée. Le réalisateur demeurant scrupuleusement attentif à sa réalisation inventive, tant en terme de souci technique (avec des effets de style alambiqués ou saccadés annonciateurs de la série Parker Lewis !) qu'idées retorses parfois génialement décomplexées (la drague improvisée entre Jerry et sa prof en plein cours afin d'espérer bénéficier d'heures de colle et ainsi rejeter le compromis de buddy). Et s'il nous faut un petit temps d'adaptation durant les 20/30 premières minutes si bien que l'on a un peu de mal à discerner son ambiance décalée et ses persos pas si attachants que cela, Trois heures, l'heure du crime demeure peu à peu stimulant, voir toujours plus captivant au fil des vicissitudes de Jerry multipliant les stratagèmes de dernier ressort afin de faire annuler son R.V avec la terreur du lycée Buddy Revell (endossé par le monolithique Richard Tyson littéralement imperturbable dans sa carrure de mastard suffisant). Celui-ci ayant proposé à son adversaire une baston de rue à 15h de l'après-midi dans la cour du lycée que tout le monde s'empressera d'y assister en espérant la victoire de Jerry. 

Tout cela parce que ce dernier eut le malheur de toucher l'épaule de son adversaire avec son index lors de leur rencontre improvisée dans les toilettes du lycée. Sorte de After Hours scolaire si j'ose dire, Trois heures, l'heure du crime demeure diablement réjouissant à travers l'épreuve morale (et physique) de Jerry pétrifié à l'idée de se faire massacrer par cet étranger de triste renommée. Phil Joanou dirigeant habilement ses comédiens, pour la plupart méconnus, à l'aide d'un parti-pris dépouillé dans leur jeu contracté de ne point s'adonner à la franche rigolade. Aucun esprit potache donc et c'est justement ce qui fait le charme du film de par son climat discrètement débridé utilisant à bon escient nombre de séquences ubuesques réalisées avec une expression sérieuse pour chacun des personnages juvéniles et chacun des profs à la mine impassible. Son côté jubilatoire émanant notamment de la progression morale de Jerry s'attirant tout compte fait la sympathie de ses camarades, le soutien indéfectible de sa soeur et la curiosité d'une gente féminine attirée par son éventuel courage de se mesurer au dur à cuire. Or, durant toute la journée, Jerry tâchera en secret de trouver astuces et combines pour fuir son ennemi juré. Et ce quitte à y braver l'interdit ! Ce qui nous vaudra de façon paroxystique un pugilat final remarquablement troussé à travers ses rebondissements cocasses (que les protagonistes expriment toujours avec le plus grand des sérieux) et cette montée en puissance du suspense en crescendo à savoir qui emportera la mise. 

Si Trois heures, l'heure du crime affiche modestement un charme aussi irrésistible que subtilement décalé à travers ses attachants personnages sans fard issus des années 80, il demeure aussi drôle qu'envoûtant sous l'impulsion du score de Tangerine Dream (pour rappel, le meilleur groupe instrumental au monde !) insufflant parfois une émotion exaltée lors d'intimités oniriques. On s'attache enfin et surtout au jeu craintif de Casey Siemaszko au physique ordinaire parvenant à nous enjailler et séduire dans sa fonction de pleutre en initiation valeureuse. A ne pas rater ! 

*Eric Binford

vendredi 2 juillet 2021

L'Homme des Hautes Plaines

                                                   Photo empruntée sur Google, appartenant au site Dvdfr.com

"High Plains Drifter" de Clint Eastwood. 1973. U.S.A. 1h45. Avec Clint Eastwood, Billy Curtis, Mitchell Ryan, Ted Hartley, Geoffrey Lewis, Verna Bloom, Walter Barnes. 

Sortie salles France: 23 Août 1973

FILMOGRAPHIE: Clint Eastwood est un acteur, réalisateur, compositeur et producteur américain, né le 31 Mai 1930 à San Francisco, dans l'Etat de Californie. 1971: Un Frisson dans la Nuit. 1973: L'Homme des Hautes Plaines. 1973: Breezy. 1975: La Sanction. 1976: Josey Wales, Hors la Loi. 1977: L'Epreuve de Force. 1980: Bronco Billy. 1982: Firefox, l'arme absolue. 1982: Honkytonk Man. 1983: Sudden Impact. 1985: Pale Rider. 1986: Le Maître de Guerre. 1988: Bird. 1990: Chasseur Blanc, Coeur Noir. 1990: Le Relève. 1992: Impitoyable. 1993: Un  Monde Parfait. 1995: Sur la route de Madison. 1997: Les Pleins Pouvoirs. 1997: Minuit dans le jardin du bien et du mal. 1999: Jugé Coupable. 2000: Space Cowboys. 2002: Créance de sang. 2003: Mystic River. 2004: Million Dollar Baby. 2006: Mémoires de nos pères. 2006: Lettres d'Iwo Jima. 2008: L'Echange. 2008: Gran Torino. 2009: Invictus. 2010: Au-delà. 2011: J. Edgar. 2014: Jersey Boys. 2015: American Sniper.


"Les dieux de la vengeance exercent en silence."
Quel bien étrange western que cet Homme des Hautes plaines filmé et interprété par Clint Eastwood alors qu'il s'agit de sa seconde réalisation. Le pitch: un étranger sans nom arrive dans un village pour y semer meurtres et désordre à la suite de la flagellation mortelle de l'ancien shérif exécuté parmi la complicité des citadins. Si le prologue jubilatoire inspire le western spaghetti à influence Léonienne à travers ses visages impassibles, son climat laconique et sa violence percutante, l'Homme des hautes plaines bifurque ensuite vers un climat hybride détonnant où l'humour (assez cruel) et le baroque se dispute ensuite au surréalisme le plus feutré. Tant auprès de son ironie métronome parfois imprégnée de machisme anti-manichéen (l'étranger ira jusqu'au viol pour y châtier la garce du village sans une once de remord) que de sa progression dramatique davantage malsaine quant aux intentions vindicatives de l'étranger nullement empathique auprès des résidents de la ville hantés de honte et de culpabilité d'avoir laissé pour mort le shérif sans broncher d'un cil. 


Et sur ce point Eastwood ne lésine pas sur la violence sanguine (quitte parfois à s'y complaire à force d'insister à plusieurs reprises au châtiment extrême du shérif lors de flash-back d'un sadisme à rude épreuve) au point de mettre à mal le spectateur voyeur malgré lui de ce lynchage crapuleux imprimé dans la pénombre. Qui plus est, accompagné d'une bande musicale tantôt inquiétante, tantôt spectrale afin de renforcer le malaise auprès de ses félons observant l'agonie d'un homme par 3 bandits sans vergogne, l'Homme des Hautes plaine nous paraît davantage fétide au fil de son cheminement punitif dénué de concession. On peut également relever le traitement misogyne imparti aux femmes du quartier d'après la posture de l'étranger se raillant d'elles avec une ironie spécialement caustique. Autant dire que ce western pas comme les autres n'a pas froid aux yeux pour y exclure la bienséance à renfort de provocations et d'idéologie réactionnaire quant aux agissements impérieux de l'étranger asservissant toute la populace (ou presque) à renfort de métaphores (les maisons peinturées en rouge avec, en guise de prologue identitaire, le mot "hell" placardé à l'entrée du village en guise d'hospitalité !). 


Vengeance d'outre-tombe
Western sardonique davantage crépusculaire et inquiétant au gré d'un rythme vif, l'Homme des Hautes plaines laisse des traces dans l'encéphale de par son ambiance pestilentielle au confins du Fantastique. Avec comme maître à penser Clint Eastwood en exterminateur fraîchement décomplexé à accomplir sa marche funeste auprès d'une confrérie d'engeances aussi pleutres qu'insidieuses. 

*Eric Binford
2èx

jeudi 1 juillet 2021

Dans la ligne de mire

                                     Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Wolfgang Petersen. 1993. U.S.A. 2h08. Avec Clint Eastwood, John Malkovich, Rene Russo, Dylan McDermott, Gary Cole, Tobin Bell, John Heard.

Sortie salles France: 8 Septembre 1993

FILMOGRAPHIE: Wolfgang Petersen est un réalisateur allemand né le 14 Mars 1941 à Emden. 1974: Einer von uns beiden. 1977: La Conséquence. 1981: Le Bateau. 1984: L'Histoire sans Fin. 1985: Enemy. 1991: Troubles. 1993: Dans la ligne de mire. 1995: Alerte ! 1997: Air force one. 2000: En pleine tempête. 2004: Troie. 2006: Poséidon. 2016 : Braquage à l'allemande

Thriller tendu comme un arc à travers l'affrontement cérébral entre un agent secret sclérosé et un tueur, ex-agent de la CIA délibéré à assassiner le président des Etats-Unis, Dans la ligne de mire s'y décline en divertissement de haut calibre sous l'impulsion d'Eastwood et Malkovich se disputant la brimade avec une ironie génialement sournoise (les réparties fusant tous azimuts même aux moments les plus précaires). Jeu du chat et de la souris impeccablement mené par un Wolfgang Petersen circonspect si bien que l'on effleure le modèle d'efficacité, Dans la ligne de mire déménage en diable entre ses actions oppressantes d'une vigueur pulsatile (les poursuites sur bitume et celle sur le toit), son suspense ciselé aux influences Hitchcockiennes (quel final anthologique en doublon !) et sa romance attachante que se partagent sans effet de manche l'agent Horrigan et l'agent Lilly Raines qu'endosse avec charme suave René Russo toute en discrétion. Autant confirmer que les genres disparates se conjuguent aisément au gré d'une ossature narrative dénuée de temps morts, qui plus est accompagnée d'une action intermittente imprévisible et jamais gratuite. 

D'où l'intensité graduelle des diverses courses-poursuites exécutées avec un brio géométrique au point de s'accrocher au siège pour ne rater aucune seconde d'inattention. Rare pour ne pas le souligner dans ce type de production Hollywoodienne ne s'embarrassant guère de subtilité et d'originalité pour appâter le grand public (souvent friand d'action décérébrée). Si bien que Dans la ligne de mire demeure fréquemment retors auprès des stratégies morales d'Eastwood s'efforçant d'appréhender son pire ennemi avec une hargne toujours plus appuyée quant à l'arrogance du tueur particulièrement machiavélique à contredire son adversaire. Un duel psychologique de longue haleine également corporel puisque Petersen s'alloue d'un masochisme assumé à mettre l'épreuve notre garde du corps dépendant de son âge avancé mais délibéré à se racheter une conduite rédemptrice en tentant de sauver le nouveau président des Etats-Unis. L'intrigue y brossant donc ce joli portrait d'homme torturé par sa culpabilité de n'avoir pu empêcher l'assassinat de Kennedy en 1963. Quand bien même on en apprend autant sur le passé accablé du tueur sociopathe avide de rancoeur contre le système politique après avoir exercé dans l'une des agences de renseignement les plus réputées des États-Unis (j'ai nommé la CIA). 

Formidable machine à tension scandée des performances infaillibles de Clint Eastwood (encore impressionnant en héros à la traîne) et John Malkovich (au sommet de sa carrière avec son flegme tranquille !), Dans la ligne de mire demeure un jouissif affrontement entre ses monstres sacrés se disputant la mise à coup de répliques et pugilats génialement vaniteux. Du grand spectacle intelligent donc conçu avec un art consommé du savoir-faire si bien que le temps n'y accuse aucun préjudice. On peut donc sans rougir adouber qu'il s'agit d'un des meilleurs thrillers des années 90 à revoir urgemment.

*Eric Binford

P.S: l'édition 4K est d'une beauté renversante.

Box Office France: 924 875 entrées. 

mercredi 30 juin 2021

Le Vampire et le Sang des Vierges

                                          
                                           Photo empruntée sur Google, appartenant au site cinemadequartier.over-blog

"Die Schlangengrube und das Pendel" de Harald Reinl. 1967. Allemagne. 1h23. Avec Lex Barker, Karin Dor, Christopher Lee, Carl Lange, Vladimir Medar, Christiane Rücker.

Sortie salles France: 5 Mars 1969. Allemagne: 5 Octobre 1967


Affichant une carrière prolifique de plus de soixante films, l'autrichien Harald Reinl est surtout connu pour les adaptations des romans d'Edgar Wallace et de Karl May, dont la série des Winnetou, ainsi que deux métrages illustrant le personnage notoire du docteur Mabuse. Mais c'est avec le Vampire et le Sang des Vierges, probablement son oeuvre la plus reconnue et méritoire, que son talent explose de par sa liberté de ton saugrenue. A titre d'anecdote morbide, Harald Reinl accuse un triste destin si bien qu'il décéda le 9 octobre 1986 à Puerto de la Cruz (Espagne), assassiné par sa femme, l'actrice tchèque  Daniela Maria Delis. Tiré d'une nouvelle d'Egard PoeLe Vampire et le sang des vierges nous narre la terrible vengeance du Comte Regula autrefois écartelé par ses bourreaux pour avoir assassiné douze  vierges innocentes 35 ans plus tôt. Mais ses obscures exactions expérimentales étaient conçues pour le compte de l'immortalité. En l'occurrence, Regula, de retour à la vie avec l'aide de son comparse, eut concocté une diabolique machination pour entraîner nos héros, (un faux prêtre, un avocat, une comtesse et sa dame de compagnie) au sein d'un dédale de tous les dangers. Et parmi ses hôtes y sont conviés le fils et la fille des ancêtres responsables de sa mort. Dans la lignée des grands films gothiques influencés par Roger Corman, Mario Bava ou encore par l'illustre firme anglaise, Hammer FilmLe Vampire et le sang des vierges, production allemande auréolée de la présence du dandy Christopher Lee, est un régal esthétique pour l'amateur d'ambiance gothique aux p'tits oignons. Un envoûtement permanent de par ses fastes décors d'une poésie morbide et d'agréments macabres qu'on nous improvise avec une insolence excentrique. 


Reprenant la trame canonique d'une vengeance spectrale héritée du Masque du Démon de Bava (le préambule avec l'idée du masque assorti de pointes pour l'écraser sur le visage de la victime), Le Vampire... se révèle à la fois atypique, fascinant et irrésistiblement ludique. Une variation germanique à l'identité propre car dépeignant un univers baroque complètement décalé à travers sa saturation formelle vue nulle part ailleurs. Ainsi donc, bienvenue dans ce corpus d'images gothiques déployant non sans raffinement des auberges alsaciennes à l'accueil douillet, des villageoises aux joues rubicondes et à poitrine opulente et des bourreaux trapus aux muscles d'airain affublés de cagoules noires. Pour les séquences marquantes, on parachève avec ce coché apeuré fuyant la mort à vive allure sur ses chevaux endiablés au sein d'une forêt enchantée, sans compter cette soudaine vision diaphane de pendus suspendus sur les branches  d'arbres quand bien même d'autres victimes nues y sont carrément ensevelis à travers l'écorce. Mais d'autres surprises encore plus débridées vont intervenir durant l'investigation de nos héros emprisonnés dans le château poussiéreux ! Si bien que l'on peut répertorier ce défilé de vierges ensanglantées affalées sur des instruments de torture ingénieux, ces cranes humains encastrés dans les murs d'un corridor, ces reptiles rampants, volatiles carnassiers et autres mammifères sortis de nulle part, ces cachots humides insalubres suintant la mort ou encore ces pièges machiavéliques planqués sous le sol et à l'intérieur des murs tapissés d'esquisses picturales. Un programme rétro singulier puisant sa force et son charme dans cette forme extravagante laissant libre court à une inventivité débordante parmi l'appui d'une intrigue  ludique truffée de chausses trappes ! Magnifiquement photographié à travers ses teintes polychromes alternant le rouge, le jaune, l'oranger ainsi qu'une touche de mauve criard afin d'exacerber sa frénésie fantasmagorique, le Vampire et le sang des vierges  détonne incessamment sous l'impulsion d'une partition folklorique parfois décalée de par ses sonorités modernes plutôt stylées pour ce type de production gothique !


Sans se compromettre à une vaine outrance formelle et au patchwork d'idées grotesques, Le Vampire et le sang des vierges parvient miraculeusement à s'y harmoniser en rêve éveillé (à la croisée du cauchemar et du merveilleux donc) au travers d'une scénographie picturale parfois novatrice, voire déjantée et souvent ensorcelante. Sans forcément de maîtrise sereine mais avec une générosité et une sincérité sans égales, le franc-tireur Harald Reinl sacralise sous des allures de train fantôme séculaire une quintessence gothique influencée par ses pairs anglais et italiens mais dont sa patte, à la fois autonome et effrontée, se démarque du tout venant ! On peut enfin avouer en guise de cerise que les personnages communément attachants affichent une spontanéité payante dans leur complémentarité solidaire dénuée de prétention. 
     
Anecdote: Le réalisateur se maria entre 1954 et 1968 avec l'actrice allemande Karin Dor, notamment connue pour avoir incarné un rôle dans la série des James Bond, On ne vit que deux fois (1967).

*Eric Binford
30.06.21
17/06/10. 453 v

FILMOGRAPHIE: Harald Reinl, né le 8 juillet 1908 à Bad Ischl, Autriche, décédé le 9 octobre 1986 à Puerto de la Cruz (Espagne), était un scénariste et réalisateur allemand.
1937: Wilde Wasser, 1939: Osterkitour in Tirol, 1948: Zehn Jahre spater, 1949: Bergkristall, 1951: Gesetz ohne Gnade, Nacht am Mont-Blanc, 1952: Hinter Klostermauern, 1952: Der Herrgottschnitzer von Ammergau, 1953: Der Klosterjager, 1954: Der Schweigende Engel, Rosen-Resli, 1955: Solange du lebst, 1956: Ein Herz schlagt fur Erika, La Fée du Bodensee, Johannisnacht, 1957: Die Prinzessin von St.Wolfgang, Die Zwillinge vom Zillertal, Almenrausch und Edelweib, 1958: Les Diables verts de Monte Cassino, U47 - Kapitanleutnant Prien, Romarei, das Madchen mit den grunen Augen, 1959: Paradies der Matrosen, La Grenouille attaque Scotland Yard, 1960: Scotland Yard contre le masque, Wir wollen niemals auseinandergehen, 1961: Der Falsher von London, Le Retour du Dr Mabuse, 1962: L'invisible Dr Mabuse, 1962: Der Teppich des Grauens, Le Trésor du Lac d'Argent, 1963: L'Araignée blanche défie Scotland Yard, Le Mystère du chateau de Blackmoor, La Révolte des Indiens Apaches, 1964: Attaque au fourgon postal, Le Trésor des Montagnes Bleues, 1965: Le Dernier des Mohicans, Winnetou - 3. Teil, 1965: Der Unheimliche Monch, 1966: Das Schwert des Nibelungen, Die Nibelungen, Teil 1: Siegfried, 1967: Die Nibelungen, Teil 2: Kriemhilds Rache, Le Vampire et le Sang des Vierges, 1968: Dynamit in gruner Seide, L'Homme à la jaguar rouge, Winnetou und Shatterhand im Tal Der Toten , 1969: Todesschusse am Broadway, Dr Med. Fabian - Lachen ist die beste Medizin, Pepe, der Paukerschreck, 1970: Erinnerungen an die Zukunft, Wir hau'n die pauker in die Pfanne, 1971: Wer zuletzt lacht, lacht am besten, Kommissar X jagt die roten Tiger, Verliebte Ferien in Tirol, 1972: Sie Liebten sich einen Sommer, Der Schrei der schwarzen Wolfe, Grun ist die Heide, 1973: In search of Ancient Astronauts (TV), Die Blutigen Geier von Alaska, Schlob Hubertus, 1974: Ein Toter Taucher nimmt kein Gold, Der Jager von fall, 1976: Botshchaft der Gotter, 1977: ...und die Bibel hat doch recht, 1982: La Jungle en Folie, 1987: Sri Lanka - Leuchtendes Land.

Wendy

                                                    Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Benh Zeitlin. 2020. U.S.A. 1h52. Avec Devin France, Elle Fanning, Tommie Milazzo, Allison Campbell, Yashua Mack, Gage Naquin, Gavin Naquin.

Sortie salles France: 23 Juin 2021

FILMOGRAPHIE: Benh Zeitlin est un réalisateur, scénariste, compositeur américain, né à New-York. 2012: Les bêtes du Sud Sauvage. 2020: Wendy.


“La plupart des hommes trahissent leur jeunesse.”
Reconnu pour avoir réalisé le splendide Les Bêtes du sud sauvage en 2012, Benh Zeitlin nous revient 8 ans plus tard avec Wendy. Un second chef-d'oeuvre (le terme est lâché sans rougir !) renouant avec le conte existentiel avec un similaire sens de l'improvisation et de l'impulsion musicale enjouée (on y retrouve les mêmes tonalités exaltées). Car loin de nous livrer une variation hollywoodienne du mythe de Peter Pan, Wendy y demeure le contre-pied d'une vision édulcorée dénuée de personnalité. Une oeuvre indépendante aussi fragile que bouillonnante établie du point de vue de bambins avides de tendresse et d'évasion. Le tout traité dans le non-dit, la pudeur, le sous-entendu, l'imaginaire, la poésie des mots découlant de leurs pensées les plus profondes et intimes. Avec toujours cette cantique éperdue pour la maternité que Wendy nous murmure avec mélancolie gratifiante. Il s'agit donc d'une relecture naturaliste du célèbre personnage créé par le romancier J. M. Barrie comme nul autre cinéaste ne l'eut entrepris avec autant de force de caractère et de fulgurance formelle. Ce qui aura d'ailleurs sans doute rebuté une frange de critiques et de parents responsables boudant son climat vériste dénué de fioritures et de bons sentiments à travers ses personnages plus vrais que nature jouant parfois à des jeux dangereux ou entreprenant des décisions beaucoup trop radicales (le châtiment de la main coupée d'un des protagonistes !). 

Par conséquent, ce qui frappe irrémédiablement à la vision de cette aventure éperdument lyrique émane de la posture dépouillée des enfants d'une expression innocente à donner le vertige de par cette émotion  commune ressentie sans ambages. Benh Zeitlin parvenant à capter les silences au-delà des mots pour les remplir d'humanité avec ces regards candides inscrits dans la pureté existentielle. Ainsi, à travers leur refus impératif de grandir au sein d'une île mystérieuse peuplée de vieillards décatis ayant perdu tout espoir, Wendy et ses amis vont tenter de réanimer chez eux la fougue et la passion d'autrefois (ah cette danse improvisée nous bouleversant aux larmes jouasses !) à travers le pouvoir de suggestion et l'interaction amicale. Filmant ses décors naturels avec un souffle épique sensoriel, Wendy se feuillette en splendide livret d'images estampillées "national geographic" sans jamais se laisser déborder par une quelconque outrance opportuniste. Qui plus est on y remarque dès la prémices de l'aventure les valeurs si nobles au cinéaste que symbolisent l'écologie (le volcan en semi-activité) et la cause animale (la baleine iconisée par la "mère" rédemptrice). Ainsi, regorgeant de poésie, de métaphores spirituelles et métaphysiques, Wendy se décline en invitation au rêve à travers l'instinct de la jeunesse dévorant la vie avec une curiosité insatiable. Une tribu primitive en connexion avec cette nature environnante comme s'il s'agissait de leurs propres parents. Pour autant, à travers sa puissance émotionnelle confinant au chef-d'oeuvre, Wendy parvient avec originalité à nous broder un récit d'aventures parfois sombre et sensiblement désespéré émaillé de rebondissements un tantinet cruels mais toujours rattrapés d'une poésie démiurge en harmonie avec l'enfant, l'animal et la nature étroitement liés à la jeunesse éternelle. 


"Qui aime la jeunesse, aime la mer".
Infiniment pur, archange, aimant, absolu au point de nous chavirer de larmes de la manière la plus mesurée (le dernier quart d'heure est un moment d'onirisme proprement vertigineux de par sa grâce existentielle !), Wendy est un morceau de cinéma anthologique à travers sa réflexion universelle sur une jeunesse retrouvée. Un cri du coeur d'une fulgurance humaniste libératrice si on est avant tout prêt à se réconcilier avec (la mère,) la faune et la flore.  

*Eric Binford

Ci-joint la chronique des Bêtes du sud sauvage: http://brunomatei.blogspot.fr/2012/11/les-betes-du-sud-sauvage-beasts-of.html

Remerciement à Thierry Spadino et Frederic Serbource.

lundi 28 juin 2021

Sans un bruit 2 / A Quiet Place: Part II

                                                        Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de John Krasinski. 2020. U.S.A. 1h37 (1h28 sans le générique). Avec Emily Blunt, Millicent Simmonds, Noah Jupe, Cillian Murphy, Djimon Hounsou

Sortie salles France: 16 Juin 2021. U.S: 28 Mai 2021

FILMOGRAPHIE: John Krasinski est un réalisateur, scénariste, producteur et acteur américain, né le 20 Octobre 1979 à Newton, Massachusetts, USA. 2020: Sans un bruit 2. 2018: Sans un bruit. 2016: La Famille Hollar. 2010-2012: The Office (TV Series: 3 episodes). 2009: Brief Interviews with Hideous Men.


Toujours réalisé par John Krasinski, Sans un bruit 2 tente de renouer avec le succès du 1er opus avec plus ou moins d'efficacité faute de son effet de surprise aujourd'hui rompu. Toujours bâti sur les enjeux de survie auprès de la famille Abbott contraint de se séparer pour explorer d'autres horizons en compagnie d'un survivant en quête de rédemption, Sans un bruit 2 mise surtout sur l'action de ses nombreuses créatures à la fois teigneuses et véloces en prime de nous dénicher d'autres survivants après deux jours de marche tendue. Comme le souligne d'ailleurs son implacable prologue rappelant un peu celui de la Guerre des Mondes de Spielberg lorsque les citadins ébaubis par une vision cauchemardesque venue du ciel s'empressent de fuir la menace meurtrière avec un affolement cuisant. Une séquence anthologique; la plus puissante de tout le métrage. L'intrigue, sans surprise mais modestement efficace se focalisant ensuite sur les vicissitudes de la famille Abbott toujours confinée dans des planques de fortune mais contrainte de s'extirper de leur tanière pour des motifs sanitaires et d'appels à l'aide via fréquence radio musicale. 


Emaillé de séquences d'attaques assez bien torchées, voires parfois même quelque peu terrifiantes de par la fascination qu'exercent les créatures décharnées assez crédibles, Sans un bruit 2 manque toutefois d'intensité et de suspense exponentiel en dépit de la bonne volonté du réalisateur à honorer son modèle et de ces acteurs irréprochables dans leur fonction de victime mutique en progression héroïque. Notamment en mettant en valeur la bravoure de deux adolescents retors afin de venir à bout de la menace meurtrière terriblement véloce. Sympathique donc de par le soin de sa réalisation faisant notamment intervenir avec une efficacité autrement payante 2 actions distinctes en simultanée grâce à l'habileté du montage au cordeau afin d'amplifier l'angoisse des agressions redoutées, Sans un bruit 2 demeure à terme un honorable divertissement horrifique, qui plus est visuellement expressif auprès de sa nature feutrée insécurisante.

*Bruno
22.03.24. 2èx. Vostfr

La chronique de "Sans un bruit": http://brunomatei.blogspot.fr/2018/05/sans-un-bruit.html

jeudi 24 juin 2021

Soupçons

                                                           Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

"Suspicion" d'Alfred Hitchcock. 1941. 1h39. Avec Cary Grant, Joan Fontaine, Sir Cedric Hardwicke, Nigel Bruce, Dame May Whitty, Isabel Jeans, Heather Angel.

Sortie salles France: 23 Octobre 1946. U.S: 20 Janvier 1942

FILMOGRAPHIE: Alfred Hitchcock est un réalisateur, producteur et scénariste anglo américain, né le 13 Août 1899, décédé le 29 Avril 1980. 1935: Les 39 Marches. 1936: Quatre de l'Espionnage. Agent Secret. 1937: Jeune et Innocent. 1938: Une Femme Disparait. 1939: La Taverne de la Jamaique. 1940: Rebecca. Correspondant 17. 1941: Soupçons. 1942: La 5è Colonne. 1943: l'Ombre d'un Doute. 1944: Lifeboat. 1945: La Maison du Dr Edward. 1946: Les Enchainés. 1947: Le Procès Paradine. 1948: La Corde. 1949: Les Amants du Capricorne. 1950: Le Grand Alibi. 1951: L'Inconnu du Nord-Express. 1953: La Loi du Silence. 1954: Le Crime était presque parfait. Fenêtre sur cour. 1955: La Main au Collet. Mais qui a tué Harry ? 1956: l'Homme qui en savait trop. Le Faux Coupable. 1958: Sueurs Froides. 1959: La Mort aux Trousses. 1960: Psychose. 1963: Les Oiseaux. 1964: Pas de Printemps pour Marnie. 1966: Le Rideau Déchiré. 1969: l'Etau. 1972: Frenzy. 1976: Complot de Famille.

Si Soupçons ne fait pas parti des chefs-d'oeuvre du maître du suspense Alfred Hitchock, il n'en demeure pas moins un excellent thriller misant essentiellement sur la paranoïa aigue d'une épouse aussi vulnérable que vertueuse de s'accrocher au basque de son époux gouailleur franchement immature. Et ce au point de nous irriter sans modération face à son arrogance insolente d'y brimer (sciemment ou non ? !) la jeune Lina qu'il prénomme "Ouistiti" en proie à une psychose peu à peu capiteuse. Oscar de la Meilleure Actrice un an après la sortie du film, Joan Fontaine irradie l'écran du début à la fin de par sa présence au ténue qu'attendrissante en prime de sa beauté sensuelle résolument suprême. Oasis de tendresse, de pudeur et d'angélisme de par son doux regard inspirant naturellement la pureté. Celle-ci endossant une épouse habitée par le "coup de foudre" mais davantage contrariée et démunie à suspecter son époux (un Dom Juan gentiment manipulateur) de tendances meurtrières eu égard des rebondissements qui empiètent l'intrigue au gré d'un suspense aussi latent que captivant. Celle-ci ne cessant de lui pardonner ses erreurs, ses mensonges et ses maladresses au nom de son amour irrépressible pour lui. 

Captivant et inquiétant, Soupçons tisse sa toile à suspense sans jamais ennuyer le spectateur. Et ce en dépit d'un final un chouilla décevant selon mon jugement de valeur si bien que j'aurai opté pour un revirement autrement dramatique quant aux véritables intentions du mari qu'incarne élégamment Gary Grant en joueur invétéré rarement à court de ruse pour amasser son gain et pour duper sa partenaire face à sa situation désargentée. Au niveau d'une intensité franchement éprouvante, si bien que le spectateur reste rivé au siège face à pareille poursuite effrénée, je tiens à souligner l'incroyable maîtrise d'Hitchcock d'y parfaire une escapade en voiture sillonnant les routes sinueuses à proximité des falaises. L'épouse, persuadée de trépasser dans la seconde à venir, insufflant une appréhension terrifiée au fil de la vitesse toujours plus furtive du bolide braquant sans aucune vigilance d'étroits virages. Une séquence anthologique littéralement crispante dans son art d'y provoquer une terreur à la fois sournoise et incertaine quant aux véritables intentions du suspect potentiellement criminel. Lina, fragilement éprouvée par son enchainement de suspicions se retrouvant piégée en interne du véhicule sans pouvoir crier à l'aide. 


Paranoïa criminelle.
Magnifiquement endossé par le duo infortuné Gary Grant / Joan Fontaine, Soupçons vaut avant tout pour leur prestance infaillible à travers leur vénéneuse liaison conjugale en perdition. Et ce jusqu'à sa conclusion éprouvante peut-être pas aussi percutante qu'escomptée quant au dénouement Spoil ! salvateur fin du Spoil jetant une certaine ambiguïté sur la personnalité (interrogative) de l'époux inopinément versatile. 

*Bruno

Récompenses: Deux trophées pour Joan Fontaine (tant mérités !):
- en 1941, le New York Film Critics Circle Award
- Oscar de la meilleure actrice en 1942. 

Arts-Martiaux

5 Venins Mortels: https://brunomatei.blogspot.com/.../05/5-venins-mortels.html

Bras de la Vengeance (le): https://brunomatei.blogspot.com/.../le-bras-de-la...


Fureur de Vaincre (la): http://brunomatei.blogspot.com/…/…/la-fureur-de-vaincre.html

Griffes de Jade (les): https://brunomatei.blogspot.com/.../les-griffes-de-jade.html

Hirondelle d'Or (l'): https://brunomatei.blogspot.com/2021/05/lhirondelle-dor.html


Kill Bill 1: http://brunomatei.blogspot.com/2012/01/kill-bill-volume-1.html
Kill Bill 2: http://brunomatei.blogspot.com/2012/01/kill-bill-volume-2.html

Légende du Lac (la): https://brunomatei.blogspot.com/.../la-legende-du-lac.html


Ombre du Fouet (l'): https://brunomatei.blogspot.com/2021/05/lombre-du-fouet.html



Retour de l'Hirondelle d'Or (le): https://brunomatei.blogspot.com/.../le-retour-de...

mercredi 23 juin 2021

Duo Mortel

                                                  
                                                Photo empruntée sur Google, appartenant à Dvdfr.com

"Shuang xia" de Cheh Chang. 1971. Hong-Kong. 1h21. Avec David Chiang, Lung Ti, Feng Ku, Lei Cheng, Sing Chen

Sortie salles Hong-Kong: 22 Décembre 1971

FILMOGRAPHIE: Chang Cheh (張徹 en chinois, Zhāng Chè en hànyǔ pīnyīn) est un réalisateur chinois hongkongais, né en 1923 à Hangzhou en Chine et mort le 22 juin 2002 à Hong Kong. 1966 : Le Trio magnifique. 1967 : Un seul bras les tua tous. 1968 : Le Retour de l'hirondelle d'or. 1969 : The Singing Thief. 1969 : Le Bras de la Vengeance. 1969 : The Flying Dagger. 1969 : Le Sabreur solitaire. 1970 : Vengeance. 1970 : Les Treize Fils du Dragon d’Or. 1971 : La Rage du tigre. 1971 : Duel aux poings. 1971 : Duo Mortel. 1972 : Le Justicier de Shanghaï. 1972 : La Légende du lac. 1972 : Le Nouveau justicier de Shanghaï. 1973 : Frères de sang. 1974 : Ceinture noire contre kung-fu. 1974 : Les Cinq Maîtres de Shaolin. 1978: 5 Venins Mortels. 1982 : The Brave Archer and His Mate. 1984 : Shanghai 13. 1993 : Ninja in Ancient China.


Réalisé par le spécialiste du genre Chang Cheh qu'on ne présente plus; Duo Mortel, (réalisé la même année que la Rage du Tigre), demeure un incontournable de la Shaw Brothers pour tous les fans d'action homérique d'une vélocité sans égale. Le pitch: Un prince de la dynastie Sing est retenu en otage auprès du clan des Yuan réputé pour leur barbarie insidieuse. Après un 1er essai infructueux de daigner le sauver, Pao Ting Tien et ses comparses vont à nouveau tenter une opération de sauvetage en compagnie d'un expert en arts-martiaux inébranlable. Intrigue simpliste mais redoutablement efficace, Duo Mortel brille de 1000 feux de par l'ampleur de sa mise en scène au plus près des combats épiques que Chang Cheh filme parfois en oscillant plusieurs combats à la fois. Et ce sans jamais perdre de vue la chorégraphie (tatillonne) des moults affrontements sanglants épaulés de l'ultra dynamisme du montage où rien n'est laissé au hasard. Des combats parfois ternaires à nous donner le tournis de par l'agilité de la caméra se réjouissant d'y parfaire les arts martiaux auprès de ces chevaliers aguerris maniant le sabre, la lance, la hache ou encore d'autres outils singuliers comme nulle autre guerrier.


Qui plus est, le métrage se permet une violence gore permanente avec parfois l'utilisation du ralenti pour y parfaire des tableaux baroques à travers ses morts exclamant un dernier cri de rage (ou de haine, c'est selon). Mais au-delà de la vigueur des nombreux combats martiaux qui émaillent sans cesse le récit, Chang Cheh s'intéresse autant à ses personnages, loyaux ou fourbes selon le clan ciblé, en mettant en appui un sens du sacrifice ébouriffant si je me réfère à la posture d'un des duos mortels au paroxysme de l'héroïsme suicidaire. On se réjouit également des stratégies offensives de certains membres de la dynastie Sing lorsqu'ils doivent par exemple traverser un pont pour accéder au manoir d'où est retenu prisonnier le prince Kang. Et ce avant qu'un premier groupe eut essuyé une sévère déroute macabre particulièrement escarpée. Des stratagèmes retors à répétition jusqu'à ce que le groupe supervisé par le duo "mortel" parvient à se faire accepter au fief des Yuan avec une audace extrêmement périlleuse.


Spectacle d'une fulgurance formelle à faire pâlir de jalousie le dernier actionner bourrin issu de l'industrie Hollywood "chewing-gum", Duo Mortel n'a pas pris une ride du haut de ses 50 ans d'âge (1971). Comme quoi les vrais classiques perdurent au-delà des frontières temporelles lorsqu'il s'agit d'y imprimer avec ferveur passionnelle une simple rivalité belliqueuse faisant honneur à la perspicacité, à l'amitié, au courage, à l'héroïsme et surtout au sens du sacrifice.

*Bruno
2èx

mardi 22 juin 2021

Blue Valentine

Photo empruntée sur Google, appartenant Facebook

de Derek Cianfrance. 2010. U.S.A. 1h54. Avec Ryan Gosling, Michelle Williams, Mike Vogel, John Doman, Jen Jones, Ben Shenkman

Sortie salles France: 15 Juin 2011

FILMOGRAPHIE Derek Cianfrance est un réalisateur et scénariste américain, né le 23 Janvier 1974.
1998: Brother Tied. 2010: Blue Valentine. 2012: The Place Beyond the Pines. 2016 : Une vie entre deux océans. 2020 : I Know This Much Is True (mini-série). 


"Les histoires d'amour finissent mal en général".
Sous les conseils d'une amie, il m'aura fallu plus de 10 ans d'hésitation à découvrir ce mélo pour des raisons perplexes qui m'échappent un peu aujourd'hui (en dépit de l'aspect bluette pour ados de l'affiche initiale). A l'arrivée, cet électrochoc émotionnel est probablement l'un des plus beaux et déchirants mélos qu'il m'ait été donné de voir de par son intensité dramatique scrupuleusement instillée, son réalisme documenté influencé du cinéma vérité de Cassavettes et du jeu authentique des acteurs sidérants d'expression bipolaire si je me réfère aux flash-back interférant aux phases du présent pour établir un parallèle entre leurs jours heureux et leur évolution déclinante de couple à la dérive. Ainsi, de par son pitch éculé souvent tributaire d'un cinéma mielleux tartiné de spleen, de pathos ou de sinistrose, on pouvait craindre le pire de nous ressasser une énième rupture conjugale à l'épilogue fatalement irréversible. A l'arrivée, on en ressort secoué, vidé, abattu, commotionné d'avoir assisté en direct (c'est en tous cas l'impression ressentie au moment du visionnage) à ce moment de cinéma clinique qu'immortalise Ryan Gosling (peut-être - ou sans doute - son meilleur rôle à l'écran à travers sa névralgie mise à nu et sa prise de conscience qu'il se refuse d'adouber) / Michelle Williams (littéralement bouleversante en mère démunie habitée par le malaise, le dépression, la lassitude, la déréliction et la langueur mélancolique). Et sur ce point l'actrice déploie une palette d'émotions à la fois fragiles et sensibles avec une mesure sentencieuse dénuée d'une once de complaisance. 


Quand bien même à d'autres moments plus jouasses (la séquence anthologique de la danse improvisée dans une ruelle urbaine), elle nous exprime une fougue candide doucement irrésistible en petite fille affectueuse gagnée par la séduction de son amant mélomane. Derek Cianfrance filmant ces êtes éperdus de leur routine avec une extrême pudeur forçant le respect comme en témoigne nombre de séquences d'une banalité quotidienne vécue en stricte intimité. C'est bien simple, Blue Valentine s'érige en album souvenirs sous forme documentée (souvent filmé caméra à l'épaule) afin de nous immerger dans  l'appréhension grandissante du couple en perdition que tout un chacun eut déjà connu dans sa propre vie sentimentale. Ainsi donc, inévitablement, certaines séquences clefs (souvent imprimées de gros plans sur les visages aigres) nous remémore nos propres souvenirs les plus épineux de par la vigueur de ces situations orageuses d'un couple en crise convergeant vers l'inéluctable séparation. Et quelque soit les véritables motifs de leur séparation que l'on peut théoriser à travers la naissance précipitée de l'enfant (avec désir ravisé d'avortement) et d'une tromperie en début de liaison, l'intérêt de Blue Valentine est d'y  souligner de la manière la plus fiable et scrupuleuse la douleur insurmontable qu'un couple endure pour un motif de routine après avoir connu la passion. Cette lassitude quotidienne que tout un chacun peut un jour engendrer lorsque le manque de communication s'y fait ressentir alors que le couple évolue parfois vers des directions contradictoires (comme tel est le cas dans Blue Valentine) dans leur maturité et personnalité propre. 


Crève-coeur oecuménique.
A la fois beau et poétique (rien que le générique de fin, luminescent, est à ne pas rater !), attendrissant et mélancolique, bouleversant et déchirant avec toujours cette juste mesure d'une émotion éperdument naturelle, Blue Valentine demeure un sommet de mélo que Ryan Gosling et Michelle Williams immortalisent de leur empreinte avec une vérité humaine sans ambages. Derek Cianfrance filmant prudemment ces amants infortunés (inscrits dans l'introversion) avec un parti-pris vériste parfois presque dérangeant quant à l'acuité du climat docu vérité. Et si je peux me permettre de t'émettre un ultime conseil en m'adressant directement à toi ami lecteur (et surtout lectrice !), ne rate pas Blue Valentine, tu ne l'oublieras jamais si tu es doué d'une certaine sensibilité. 

Dédicace à Margotte Shoumi

*Bruno

lundi 21 juin 2021

Oscar

                                                            Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Edouard Molinaro. 1967. France. 1h25. Avec Louis de Funes, Claude Rich, Claude Gensac, Agathe Natanson, Paul Préboist, Sylvia Saurel.

Sortie salles France: 11 Octobre 1967

FILMOGRAPHIE: Edouard Molinaro est un réalisateur et scénariste français, né le 13 Mai 1928 à Bordeaux, en Gironde, décédé le 7 Décembre 2013 à Paris.1958: Le Dos au mur. 1959: Des Femmes disparaissent. 1959: Un Temoin dans la ville. 1960: Une Fille pour l'été. 1961: La Mort de Belle. 1962: Les Ennemis. 1962: Les 7 Pêchers capitaux. 1962: Arsène Lupin contre Arsène Lupin. 1964: Une Ravissante Idiote. 1964: La Chasse à l'Homme. 1965: Quand passent les faisans. 1967: Peau d'Espion. 1967: Oscar. 1969: Hibernatus. 1969: Mon Oncle Benjamin. 1970: La Liberté en Croupe. 1971: Les Aveux les plus doux. 1972: La Mandarine. 1973: Le Gang des Otages. 1973: L'Emmerdeur. 1974: L'Ironie du sort. 1975: Le Téléphone Rose. 1976: Dracula, père et fils. 1977: L'Homme pressé. 1978: La Cage aux Folles. 1979: Cause toujours... tu m'intéresses ! 1980: Les Séducteurs. 1980: La Cage aux Folles 2. 1982: Pour 100 briques t'as plus rien... 1984: Just the way you are. 1985: Palace. 1985: L'Amour en douce. 1988: A gauche en sortant de l'ascenseur. 1992: Le Souper. 1996: Beaumarchais, l'insolent. 1996: Dirty Slapping (court-métrage).

Vaudeville mené sur un train d'enfer, Oscar n'a pas volé ses 6 122 387 entrées dans l'hexagone (second au box-Office derrière Les Grandes Vacances !) après avoir triomphé au théâtre à l'orée des années 60. Si bien que la pièce de Claude Magnier est adapté au cinéma par le spécialiste Edouard Molinaro avec autant d'efficacité en roue libre. Car outre son scénario irracontable multipliant à un rythme effréné les quiproquos et rebondissements en pagaille autour de l'enjeu pécuniaire d'une valise ballotée tous azimuts, les comédiens affichent communément une spontanéité frétillante à se crêper le chignon et à se pardonner pour une cause maritale. Louis De Funès, omniprésent, monopolisant l'écran avec une énergie galvanisante infatigable. 

Maître de la répartie, celui-ci s'oppose à ses partenaires avec une expansivité exubérante au point de nous donner le vertige à force d'outrances verbales fréquemment hilarantes. Car si Oscar dégage une bonne humeur et un entrain formidablement communicatifs, les éclats de rire qui irriguent l'intrigue s'interposent violemment pour nous donner des crampes aux fossettes. C'est dire si le spectacle conçu par Molinaro demeure jubilatoire à travers ses allers et venues de convives et d'étrangers surprises se précipitant dans la demeure de Bertrand Barnier (De Funes) avec un art consommé du bagout. Claude Rich dans le rôle de Christian Martin demeurant indétrônable à tenter d'amadouer et de duper son adversaire Bertrand Barnier avec une force tranquille et de sureté enclin à l'ironie. Quand bien même les seconds-rôles impartis aux domestiques (Paul Préboist en tête) reluquent leur cacophonie conjugale dans une posture soumise amiteuse. 

Authentique classique de la comédie populaire alloué au huis-clos domestique, Oscar parvient à s'extirper du carcan théâtral grâce à la mise en scène efficace du cinéaste, au sens du détail architectural et au jeu lunaire des acteurs semant le désordre avec une expressivité sémillante. Sa drôlerie en roue libre émanant surtout de la gestuelle de De Funes mais aussi de ses comparses déversant sans aucune modération une verve impayable pour tenter de s'y réconcilier. Et signe que cette comédie pulsatile demeure bel et bien une réussite probante du genre, elle n'a aujourd'hui pas pris une ride ! 

*Bruno
2èx

Box-Office France: 6 120 862 entrées (d'autres sources évoquent 6 122 387)