jeudi 30 septembre 2021

Fenêtre sur Cour

                                                   Photo empruntée sur Google, appartenant au site Senscritique.com

"Rear Window" d'Alfred Hitchcock. 1954. U.S.A. 1h52. Avec James Stewart, Grace Kelly, Wendell Corey, Thelma Ritter, Raymond Burr, Judith Evelyn, Ross Bagdasarian Sr., Georgine Darcy 

Sortie salles France: 25 Avril 1955 (ou 14 Septembre 1955). U.S: 1er Août 1954

FILMOGRAPHIE: Alfred Hitchcock est un réalisateur, producteur et scénariste anglo américain, né le 13 Août 1899, décédé le 29 Avril 1980. 1935: Les 39 Marches. 1936: Quatre de l'Espionnage. Agent Secret. 1937: Jeune et Innocent. 1938: Une Femme Disparait. 1939: La Taverne de la Jamaique. 1940: Rebecca. Correspondant 17. 1941: Soupçons. 1942: La 5è Colonne. 1943: l'Ombre d'un Doute. 1944: Lifeboat. 1945: La Maison du Dr Edward. 1946: Les Enchainés. 1947: Le Procès Paradine. 1948: La Corde. 1949: Les Amants du Capricorne. 1950: Le Grand Alibi. 1951: L'Inconnu du Nord-Express. 1953: La Loi du Silence. 1954: Le Crime était presque parfait. Fenêtre sur cour. 1955: La Main au Collet. Mais qui a tué Harry ? 1956: l'Homme qui en savait trop. Le Faux Coupable. 1958: Sueurs Froides. 1959: La Mort aux Trousses. 1960: Psychose. 1963: Les Oiseaux. 1964: Pas de Printemps pour Marnie. 1966: Le Rideau Déchiré. 1969: l'Etau. 1972: Frenzy. 1976: Complot de Famille.


"Quand on se sent voyeur c'est qu'on n'est pas assez proche des gens."
Modèle de mise en scène à travers un concept narratif follement original et inventif ne recourant qu'à très peu d'actions, Fenêtre sur Cour est un régal d'intelligence aux moult niveaux de lecture. Mise en abyme auprès du pouvoir du cinéma (James Stewart se confond en cinéaste novice à imprimer de son regard des tranches de vie clippesques au sein d'une quotidienneté domestique), réflexion sur les rapports délicats du couple, la peur de l'engagement mais aussi de la solitude. Mais surtout méditation sur le voyeurisme auquel nous dépendions tous, comme le souligne notre passion immodérée pour le 7 art d'y reluquer confortablement sans bouger de notre siège moults images extravagantes, Fenêtre sur Cour doit être enseigné dans toutes les écoles spécialisées tant Hitchcock, en pleine possession de ses moyens techniques (on ne compte plus les plans-séquences géométriques d'y contempler la banalité quotidienne de résidents d'un immeuble) redouble de dextérité et de créativité à travers une intrigue criminelle inusitée. Car il fallait oser façonner huis-clos aussi laconique avec, comme personnage principal, un héros grabataire cloué sur son fauteuil et tuant son ennui à épier ses voisins en compagnie quelque peu houleuse de sa compagne et de sa domestique. Or, en tant que maître incorruptible du suspense, Hitchcock leur confie sur un plateau d'argent un argument criminel redoutablement jouissif. Dans la mesure où ceux-ci vont rapidement se substituer en enquêteurs en herbe à tenter de démasquer, sans quasiment bouger de leur bercail, leur voisin probablement coupable du meurtre de son épouse aujourd'hui disparue. 

Emaillé de détails troubles et inquiétants que ces derniers reluquent à l'aide d'une jumelle et d'un téléobjectif qu'ils se relayent de temps à autre, Fenêtre sur Cour demeure un jubilatoire jeu du chat et de la souris par appartements interposés. L'entièreté du récit s'évertuant à confiner nos héros dans leur appartement restreint puisque observant méticuleusement, et dans la pénombre pour ne point être démasqués, faits et gestes des voisins et du présumé coupable avec une audace toujours plus illégale. A l'instar du stratagème badin de Grace Kelly (d'une douceur d'esprit pour autant lascive et raffinée) décidant finalement de pénétrer par effraction dans l'appartement du potentiel assassin. Quand bien même James Stewart (d'une sobriété placide en posture fureteuse et contrariée) et Thelma Ritter (en domestique sclérosée prônant le bon sens auprès de son employeur, célibataire endurci difficile à persuader) observent la situation avec une appréhension davantage ingérable. Alfred Hitchcock redoublant par ailleurs de perversité lorsque l'une des voisines de l'immeuble est sur le point de s'empoisonner au moment même où Grace Kelly demeure en très fâcheuse posture avec le propriétaire suspicieux de l'appartement. Ainsi, se pose donc la question cruciale ! Qui doivent-ils sauver ? Et donc, à travers leurs attitudes fureteuses et affrontements contradictoires à culpabiliser ou non ce mystérieux voisin de manière toujours plus affirmative, Hitchcock nous démontre à quel point l'accoutumance irrépressible du voyeurisme puisse parfois prêter à confusion à partir de préjugés. Même si en l'occurrence nos protagonistes s'avèrent sur la voie de la vérité de par leur intelligence d'esprit à cumuler de nombreux indices probants.  

Modèle de rigueur dans son suspens ciselé (en dépit de quelques longueurs lors de sa mise en place) n'omettant jamais l'humour auprès des aimables apartés des comédiens à la complicité vivace, Fenêtre sur Cour ne cesse de nous ébranler la vue et l'esprit à travers cette insensée mise en abyme  qu'Hitchcock transfigure pour mieux nous opposer aux bas instincts du "spectacle" visuel. Celui de notre appétence voyeuriste que chacun de nous reluque dans une discrétion à peine assumée.  

*Eric Binford
3èx

Récompense: Prix Edgar-Allan-Poe du meilleur scénario en 1955 pour John Michael Hayes

La Momie

                                Photo empruntée sur Google, appartenant au site sallesobscures2.over-blog.fr

"The Mummy" de Stephen Sommers. 1999. U.S.A. 2h04. Avec Brendan Fraser, Rachel Weisz, John Hannah, Arnold Vosloo, Kevin J. O'Connor, Jonathan Hyde, 

Sortie salles France: 21 Juillet 1999 

FILMOGRAPHIEStephen Sommers (né le 20 mars 1962) est réalisateur, producteur et scénariste américain. 1989: Catch Me If You Can. 1993: Les Aventures de Huckleberry Finn. 1994: Le Livre de la Jungle. 1998: Un Cri dans l'Océan. 1999: La Momie. 2001: Le Retour de la Momie. 2004: Van Helsing. 2009: G.I. Joe : Le Réveil du Cobra. 2013: Odd Thomas. 


Les aventuriers de la Momie Perdue n'a rien à envier aux cinémas de quartier révolus. 
Jouissive récréation du Samedi soir beaucoup plus inspirée par la saga d'Indiana Jones que de la Momie d'Universal immortalisée par Karloff, La Momie ne nous laisse nul répit 2h04 durant. Puisque délibéré à contenter un public familial à travers son savant dosage de romance, d'actions, d'aventures, d'humour et d'horreur (docile), La Momie transpire la série B de luxe sous l'impulsion de l'orchestration effrénée de Jerry Goldsmith et de personnages extravagants jouant les drilles avec une mine frétillante. Tant auprès de ceux tributaires de leur périple héroïque (Brendan Fraser en aventurier de seconde zone, regard assuré / mâchoire serrée en mode semi-parodique, Rachel Weisz en bibliothécaire gentiment godiche) que des secondes têtes (John Hannah endossant le frère de la bibliothécaire dans une carrure fluette aussi empotée qu'étourdie, Arnold Vosloo se fondant dans le corps mastard de la momie avec une sobriété patibulaire où perce la dérision tacite, et enfin Kevin J. O'Connor endossant le félon récidiviste dans une expression chafouine gentiment détestable). 

Ainsi, tous ces personnages bonnards se prêtent aimablement à l'aventure trépidante (parfois traversée de souffle-épique comme le souligne son incroyable séquence d'ouverture digne d'une offensive chevaleresque de Lauwrence d'Arabie !) avec un goût du risque, de l'audace, de la bévue et de la compétition eu égard des rivalités entre clans se disputant le trésor (pour la mise du livre des morts et  du livre d'or !) lors d'une inimitié cocasse. Stephen Sommers parvenant en toute efficacité à relancer l'action et le récit dans de multiples directions exotiques ou caverneuses, notamment par l'entremise des Medjaÿ, descendants des gardes des pharaons uniquement préoccupés à préserver la nécropole maudite que se disputent les 2 clans adverses. Magnifiés de somptueux décors égyptiens, tant naturels que domestiques, faisant office de seconds-rôles parmi l'appui d'effets numériques tantôt crédibles, tantôt perfectibles, La Momie est toutefois un ravissement formel rehaussé qui plus est d'une photo sépia subtilement nuancée (tout du moins en version 4K plus jaunâtre, moins rutilante qu'en format Dvd). Et si certains CGI s'avèrent complètement foirés (les scarabées pénétrant sous la peau des victimes sans aucun réalisme), d'autres parviennent in extremis à fasciner (la régénération corporelle de la Momie passant de squelette à différents stades de métamorphoses afin de reconstituer son corps de chair et de sang qu'il sustente grâce à ses proies). 

Spectacle exhaustif d'actions et d'aventures familiales sous le pilier d'un humour bonnard à la fois attachant et rafraîchissant, la Momie rend hommage à Universal (en toute modestie), à Ray Harryhausen (son final belliqueux qu'amorce une armée de squelettes fusant tous azimuts autour de nos héros haletés) et surtout Indiana Jones à travers une pléthore de savoureux clins d'oeil jamais vulgaires ou contrefaits. Stephen Sommers vouant plutôt une prédilection amoureuse au cinéma de quartier avec l'appui d'un budget autrement substantiel. D'ailleurs, le public avide de manège à sensations ne s'y trompera pas, la Momie se hissant 6è au Box-Office français avec 3 millions d'entrées, sans compter ses 416 millions de dollars de recettes cultivées à travers le monde. 

 *Eric Binford
3èx

Récompenses:

1999 Écran d'or Prix de l'Écran d'or -

Prix Bogey d'or

Prix international de la critique de musique de film

2000 Académie des films de science-fiction, fantastique et d'horreur - Saturn Awards Saturn Award du meilleur maquillage Nick Dudman et Aileen Seaton

Prix BMI du cinéma et de la télévision Prix BMI de la meilleure musique de film Jerry Goldsmith

mardi 28 septembre 2021

Humongous (la Malédiction de l'île aux chiens)

                                             
                                          Photo empruntée sur Google, appartenant au s ite Imdb.com

de Paul Lynch. Canada. 1982. 1h35. Avec Janet Julian, David Wallace, John Wildman, Janit Baldwin, Joy Boushel, Layne Coleman.

Sortie US : 11 Juin 1982

FILMOGRAPHIE SELECTIVEPaul Lynch est un réalisateur, scénariste et producteur britannique de films et séries TV, né en 1946 à Liverpool (Royaume-Uni). 1973 : The Hard Part Begins, 1978 : Blood & Guts, 1980 : Le Bal de l'horreur (Prom Night), 1982 : La Malédiction de l'île aux chiens (Humongous), 1983 : Cross Country, 1986: Blindside, 1997 : No Contest II, 1999 : More to Love, 2004: The Keeper.


Série B d'exploitation surfant sur les succès d'Anthropophagous et, à moindre échelle, de la Tour du DiableHumongous fut dans les années 80 un hit des vidéo-clubs que certains spectateurs n'hésitèrent pas à qualifier d'oeuvre culte, aussi mineur soit son contenu linéaire. Exhumé de l'oubli grâce à l'éditeur français Uncut Movies, il est enfin disponible en support Dvd plus de 30 ans après sa sortie ! Une aubaine que les nostalgiques s'empresseront d'acquérir dans une copie plutôt correcte, quand bien même la jeune génération pourra se faire une opinion sur sa petite renommée. Reprenant le même pitch que l'oeuvre scandale de Joe d'Amato (une poignée de vacanciers échoués sur une île devront se mesurer à un tueur cannibale),  Humongous lorgne davantage du côté de Survivance et de Vendredi 13 pour le cadre naturel de son environnement forestier résidé par un fou et auquel une bande de gamins vont évidemment tenter de se dépêtrer pour un enjeu de survie. Et si l'argument eut été maintes fois rebattu et que les clichés usuels, tels les personnages cabotins ne plaident pas en sa faveur, Humongous tire-parti de son attraction par l'entreprise d'une ambiance envoûtante laissant planer un suspense latent. Car jouant sur l'attente de la menace invisible et des estocades meurtrières, Paul Lynch insuffle avec minutie une angoisse diffuse en retardant l'apparence (hideuse) du tueur. 


Une manière leste d'y gérer le mystère et de jouer auparavant sur le bruitage de menaces perceptibles par l'ouïe ! A l'instar des hurlements de chiens que l'on entend la nuit du fond de la forêt ou de cette respiration rauque (établie comme de coutume en vue subjective !) épiant faits et gestes des vacanciers. Mais le clou de la révélation et des visions d'effroi (cadavres décharnés à l'appui !) émanent de la découverte d'une demeure familiale renfermant un lourd secret. Ce qui nous ramène au prélude redoutablement cruel, violent, pervers et malsain lorsqu'un homme en ébriété viola l'une de ses amies avant d'être dévoré par une meute de chiens ! Sans nul doute le moment le plus impressionnant du film grâce au vérisme de sa dramaturgie escarpée. Ainsi, par le biais de simples détails, telle la découverte d'un journal intime et de photos souvenirs, Paul Lynch crédibilise une affaire familiale souillée par le viol et l'homicide ! Spoil !!! Ce qui engendrera comme conséquence l'enfantement d'un ogre difforme vivant reclus sous la cave, tel un animal enchaîné. Fin du Spoil. Et si certains comédiens au physique ordinaire s'avèrent superficiels dans leur fonction de victime démunie, ils réussissent malgré tout à impliquer l'attachement auprès de leur vaillance, leur foi à pénétrer au coeur d'un endroit malfaisant et leur solidarité amicale à contrecarrer une menace toujours plus perceptible. On peut d'ailleurs saluer le jeu tout à fait convaincant de Janet Julian en héroïne en herbe insufflant un charisme aigre dans sa condition appréhensive pour autant chargée de certaines audaces lors de sa confrontation avec l'ogre des bois.  


Modestement efficace, quelque peu angoissant et parfois violent et haletant (les meurtres s'avèrent brutaux et le final ne déçoit pas dans l'affrontement échu à la dernière survivante en dépit de ses clichés éculés !), Humongous est surtout valorisé d'une ambiance mortifère plutôt prégnante que le cinéma actuel peine à reproduire avec autant d'intensité, de musicalité (score au synthé) et de photogénie blafarde. Un sympathique survival horrifique donc d'autant mieux scandé d'un score dissonant des plus lugubres que les nostalgiques se délecteront encore à estimer, si bien qu'Humongous tient toujours la route dans sa capacité à nous immerger dans un environnement forestier aussi ombrageux que licencieux, alors que certains cadrages alambiqués étonnent par leur formalité.     

Salutation à Uncut Movies (http://www.uncutmovies.fr/)

*Eric Binford
05.08.14. 158 v
26.09.21. 3èx

lundi 27 septembre 2021

Zombie Holocaust / La Terreur des Zombies

                                                      Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Marino Girolami. 1979. Italie. 1h24. Avec Ian McCulloch, Alexandra Cole, Sherry Buchanan, Peter O'Neal, Donald O'Brien 

Sortie salles France: 22 Avril 1981. Italie: Décembre 1979

FILMOGRAPHIE: Marino Girolami (aussi connu sous les pseudonymes de Franco Martinelli, Frank Martin, Jean Bastide, Fred Wilson ou Bernado Rossi) est un réalisateur italien né le 1er février 1914 à Rome et mort à Naples le 20 février 1994. Il est le père d’Ennio Girolami et Enzo G. Castellari et a pour frère l’acteur Romolo Guerrieri. 1951 : Milano miliardaria. 1951 : Il mago per forza. 1951 : Terre de violence (Amore e sangue). 1951 : Quelles drôles de nuits (Era lui... sì! sì!). 1975 : Rome violente. 1976 : Opération jaguar. 1979 : La Terreur des zombies.  

Croisement improbable de Cannibal Holocaust et l'Enfer des Zombies (dont il reprend même quelques décors et acteurs), Zombie Holocaust est une série Z transalpine qui vaut essentiellement pour ses scènes gores assez réussies et crapoteuses. Dommage que le récit ridicule, ses dialogues risibles, la posture contractée des acteurs de seconde zone et les zombies peu convaincants finissent (très) rapidement par plomber toute ambition ludique. 

*Eric Binford
2èx

mercredi 22 septembre 2021

Serpico

                                                         Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Sidney Lumet. 1973. U.S.A/Italie. 2h10. Avec Al Pacino, John Randolph, Jack Kehoe, Biff McGuire, Barbara Eda-Young, Cornelia Sharpe, Tony Roberts, Allan Rich. 

Sortie salles France: 22 Mai 1974. U.S: 5 Décembre 1973

FILMOGRAPHIE: Sidney Lumet est un réalisateur américain, né le 25 Juin 1924 à Philadelphie, décédé le 9 avril 2011 à New-York. 1957: 12 Hommes en colère. 1958: Les Feux du Théâtre. 1959: Une Espèce de Garce. 1959: l'Homme à la peau de serpent. 1961: Vu du pont. 1962: Long voyage vers la nuit. 1964: Le Prêteur sur gages. 1964: Point Limite. 1965: La Colline des Hommes perdus. 1966: Le Groupe. 1966: MI5 demande protection. 1968: Bye bye Braverman. 1968: La Mouette. 1969: Le Rendez-vous. 1970: Last of the mobile hot shots. 1970: King: A filmed record... Montgomery to Memphis. 1971: Le Dossier Anderson. 1972: The Offence. 1972: Les Yeux de Satan. 1973: Serpico. 1974: Lovin' Molly. 1974: Le Crime de l'Orient Express. 1975: Un Après-midi de chien. 1976: Network, main basse sur la TV. 1977: Equus. 1978: The Wiz. 1980: Just tell me what you want. 1981: Le Prince de New-York. 1982: Piège Mortel. 1982: Le Verdict. 1983: Daniel. 1984: A la recherche de Garbo. 1986: Les Coulisses du Pouvoir. 1986: Le Lendemain du Crime. 1988: A bout de course. 1989: Family Business. 1990: Contre Enquête. 1992: Une Etrangère parmi nous. 1993: l'Avocat du Diable. 1997: Dans l'ombre de Manhattan. 1997: Critical Care. 1999: Gloria. 2006: Jugez moi coupable. 2007: 7h58 ce samedi-là.

"Ma présence ici aujourd'hui me donne l'espoir qu'à l'avenir les membres de la police n'éprouveront plus les déception et les angoisses que j'ai subi par la faute de mes supérieurs parce que j'essayais de dénoncer la corruption. Ils m'ont fait sentir que je les chargeais d'une tâche dont ils ne voulaient à aucun prix. Ce qui importe c'est de mettre un terme à cette ambiance et à cet état d'esprit, il faut qu'un policier honnête puisse agir sans avoir peur du ridicule ou des représailles de ces collègues. La corruption de la police ne peut exister que si elle est tolérée par les plus hautes autorités. Votre devoir le plus important c'est de redonner confiance à tous, c'est de convaincre le personnel de la police que de grands changements interviendront. C'est pour assurer cette garantie que la création d'un comité permanent et indépendant enquêtant sur la corruption comme l'a fait cette commission est essentielle." Serpico. 

Une date dans l'histoire du cinéma policier symptomatique du cinéma vérité des Seventies sous l'impulsion d'un Pacino aussi fébrile que vulnérable. 

Sortir à nouveau de la projo de Serpico après une dizaine d'années d'abstinence prouve à quel point le cinéma des années 70 demeure un vivier inépuisable de classiques inoxydables eu égard de la puissance émotionnelle qui s'y dégage sans fioritures. Mais pas que, car son réalisme documenté, sa violence âpre ne sont pas en reste lorsqu'il s'agit d'y pratiquer un cinéma engagé auprès du profil stoïque d'un représentant de l'ordre à la fois burné, dubitatif et anticonformiste. Ainsi donc, en s'inspirant de l'histoire vraie du jeune recrue Serpico délibéré 11 années durant à tenter de percer au grand jour la corruption policière au sein de son propre commissariat, l'immense Sidney Lumet déploie son talent de conteur et de metteur en scène studieux au gré d'une intensité dramatique lestement exposée. Pour ce faire, on peut évidemment compter sur la présence (déjà) iconique d'Al Pacino tout en sobriété pour se fondre dans le corps d'un policier néophyte réfutant les conventions à travers sa tenue vestimentaire baba cool, longs cheveux bruns et barbe en sus afin de se démarquer de ses confrères et ainsi mieux alpaguer la faune urbaine. 


Omniprésent à l'écran, Al Pacino dégage une force d'expression à la fois irascible, langoureuse et soucieuse de par son parcours de longue haleine à dénoncer le corps policier complice de corruption, entre violences policières, pots de vin, abus de pouvoir, racket, malversations (et non assistance à personne en danger). L'intérêt de l'intrigue soigneusement charpentée dépeignant l'acharnement de ce jeune flic seul contre tous, qui plus est exploité par quelques bienfaiteurs sournois, se démenant à ébruiter la vérité au grand dam de sa liaison conjugale en perdition. Sidney Lumet accordant notamment beaucoup d'intérêt (tout du moins à un moment propice du récit) à radiographier la dépression morale de Serpico peu à l'écoute de l'être aimé, car peu enclin à considérer son épouse en détresse affective. Celui-ci demeurant hélas tiraillé par sa résilience, ses risques suicidaires et ses efforts disproportionnés à tenter de réunir des mains secourables dans sa prise de position contestataire à dénoncer ses pairs au mépris de sa hiérarchie davantage hostile. Le film débutant par l'agression probablement mortelle de Serpico, Sidney Lumet instaurant durant tout le récit un suspense dramatique tacite quant au sort précaire de celui-ci. Quand bien même nous nous interrogions autant sur les conditions qui ont pu engendrer son agression et quels en étaient les complices osant commanditer pareil guet-apens ?

Puissant réquisitoire contre toute forme de corruption policière, Serpico est un grand moment de cinéma à la fois humaniste et engagé à travers l'inoubliable profil de ce jeune flic vaillant (quelle leçon de courage !) sacrifiant sa vie (professionnelle et conjugale) au profit de sa droiture d'esprit. Inoubliable. 

*Eric Binford. 
3èx

mardi 21 septembre 2021

Les Yeux de Laura Mars

                                                                                                                                               Photo empruntée sur Google, appartenant au site toutlecine.com


"Eyes of Laura Mars" d'Irvin Kershner. 1978. U.S.A. 1h43. Avec Faye Dunaway, Tommy Lee Jones, Brad Dourif, René Auberjonois, Raul Julia, Frank AdonisSal, Lisa Taylor, Darlanne Fluegel, Rose Gregorio.

Sortie salles France: 31 Janvier 1979. U.S: 2 Août 1978

FILMOGRAPHIEIrvin Kershner est un réalisateur et producteur américain, né le 29 Août 1923 à Philadelphie (Pennsylvanie), décédé le 27 Novembre 2010 à Los Angeles (Californie). 1958: Stakeout on Dope Street. 1959: The Young Captive. 1961: Le Mal de vivre. 1963: Face in the Rain. 1964: The Luck of Ginger Coffey. 1966: l'Homme à la tête fêlée. 1967: Une sacré fripouille. 1970: Loving. 1972: Up the Sandbox. 1974: Les 'S' Pions. 1976: La Revanche d'un Homme nommé Cheval. 1978: Les Yeux de Laura Mars. 1980: l'Empire contre-attaque. 1983: Jamais plus jamais. 1990: Robocop 2.


Deux ans avant l'Empire contre-attaque, Irvin Kershner succéda au metteur en scène Michael Miller pour élaborer un thriller fantastique parmi la présence d'une des plus illustres stars d'Hollywood, Faye Dunaway. Avec l'entremise d'un scénario concocté par David Zelag et le maître de l'horreur, John Carpenterles Yeux de Laura Mars est une efficace machine à suspense de par son savant dosage de thriller, fantastique, érotisme et angoisse. Le pitchDurant le tournage d'une pub, une éminente photographe est l'objet de visions d'horreur prémonitoires. Un mystérieux tueur s'en prend à son entourage en crevant les yeux des victimes à l'aide d'un pic à glace. Il semblerait qu'un psychopathe soit à l'origine de cette vague de meurtres mais le coupable continue ses exactions en toute impunité. A cause de ses visions, Laura Mars est suspectée par l'inspecteur John Neville avec qui elle finit par entretenir une liaison sentimentale. A travers un argument fantastique basé sur la prescience (un thème qu'Armand Mastroianni reprendra quatre ans plus tard avec le curieux et sympathique Un Tueur dans la Ville), tributaire d'une intrigue criminelle honorablement menée, les Yeux de Laura Mars s'enrichit en prime d'une densité psychologique auprès de son héroïne en perdition morale. Car en photographe de mode esthétisante auprès de ses délires érotico-macabres, Faye Dunaway insuffle une fragilité humaine déconcertée face à l'infortune de son don.


A l'instar de Christopher Walken dans Dead Zone, son calvaire imposé est d'autant plus perturbant qu'elle s'avère incapable de pouvoir avertir ou prémunir la prochaine victime pourchassée. En prime, cette impuissance de ne pouvoir refréner ses visions cinglantes de clairvoyance demeure d'autant plus trouble que les flashs imposés sont perçus en vue subjective. Dans la mesure où les yeux de Laura, transis d'effroi, sont subitement envahis d'images diaphanes préfigurant le crime par le truchement du regard du meurtrier ! Des séquences spectaculaires impressionnantes distillant à travers ses visions un climat horrifico-surnaturel saturé d'une bande-son stridente et dissonante. On peut également souligner le côté charnel de l'entreprise de Laura lors des postures provocantes des mannequins arborant lors des séances photos une tenue aussi déshabillée qu'effrontée. Ainsi, parmi l'empathie suscitée pour ses victimes familières et sa culpabilité contrariée de mettre en avant une exubérance artistique, l'actrice véhicule un humanisme davantage chétif auprès de sa vulnérabilité démunie. Quand bien même sa tendre relation amorcée avec l'inspecteur John Neville lui permettra pour autant de retrouver un certain équilibre et un réconfort avant qu'une énième vision morbide ne revienne l'alpaguer. Leur romance partagée est d'autant plus sincère, attachante et harmonique que nous nous éprenons facilement de compassion pour eux. Par conséquent, l'alliage de suspense criminel et de romance fonctionne plutôt bien sous l'impulsion de comédiens doués donnant chair à leur personnage sans effet de manche.


Les yeux de la Terreur. 
Agrémenté de la mélodie envoûtante de Barbara Streisand, Les Yeux de Laura Mars demeure un captivant thriller, aussi trouble et intense que sexy et angoissant. Le talent infaillible de Faye Dunaway accompagnée de l'inquiétant Tommy Lee Jones insufflant charme et vigueur à l'intrigue (surnaturelle) par le biais d'une liaison dangereuse. Au-delà de sa facture ludique aussi bien captivante que fascinante, le réalisateur en profite notamment pour y tisser une réflexion morale sur la nécessité ou non de glorifier la violence et le sexe à des fins artistiques au sein du paysage médiatisé pubard. Qui plus est en y filmant la ville de New-York de manière à la fois réaliste, détaillée et improvisée (la foule urbaine constamment fureteuse de ce qui s'y déroule lorsque la police est dépêchée !). 

* Eric Binford
21.09.21. 4èx
08.11.12. 141 v



lundi 20 septembre 2021

Sueur Froide dans la Nuit

                                                           Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

"Fear in the Night" de Jimmy Sangster. 1972. Angleterre. 1h34. Avec Joan Collins , Peter Cushing , Judy Geeson , Ralph Bates , James Cossins.

Sortie salles France: 8 Octobre 1975. Angleterre: 9 Juillet 1972.

FILMOGRAPHIE: Jimmy Sangster est un réalisateur, scénariste et producteur de cinéma britannique né le 2 décembre 1927 dans le North Wales (Pays de Galles), décédé le 19 août 2011 à Londres. 1970 : Les Horreurs de Frankenstein. 1971 : Lust for a Vampire. 1972 : Sueur froide dans la nuit.


Thriller à suspense produit par la Hammer au moment de nous livrer leurs derniers fleurons à l'orée des Seventies, Sueur froide dans la Nuit est réalisé par Jimmy Sangster ayant déjà oeuvré pour la firme à 2 antécédentes reprises avec Les Horreurs de Frankenstein et Lust of a Vampire. Deux oeuvres horrifiques plutôt mal aimées par la critique si bien que l'on peut avouer sans rougir que Sueur froide dans la nuit est de loin sa plus franche réussite. Clairement influencé par Hitchcock à travers ses thèmes du simulacre et de la machination, le récit s'articule autour des efforts infructueux de Peggy Heller tentant de convaincre son mari qu'un mystérieux individu l'eut agressée à deux reprises. Un manchot à main ganté s'efforçant de la molester alors que celle-ci venait d'être soignée pour dépression après avoir séjourné en psychiatrie. Isolée dans la propriété de son époux à proximité d'une école enseignée par le professeur Michael Carmichael, elle remarque que celui-ci, manchot, ne transmet aucun cours dans une classe vide d'élèves. 


Soigneusement réalisé et sobrement interprété par des acteurs irréprochables se délectant à martyriser notre héroïne avec une duplicité détestable, Sueur Froide dans la nuit est d'autant mieux construit pour entretenir un certain suspense latent au fil du parcours parano de Peggy en proie à des agressions nébuleuses eu égard que l'agresseur n'a pas pour fonction de l'occire. Judy Geeson (inoubliable interprète d'Inseminoïd) endossant la pauvre victime démunie avec une fragilité  névralgique expressive auprès de sa gestuelle communicative. Quand bien même Ralph Bates lui partage la vedette en époux réservé assez peu attentionné au comportement angoissé de son épouse tan et si bien que l'acteur demeure épatant d'orgueil et de charisme impassible pour des raisons probablement suspicieuses. On peut d'ailleurs autant suspecter la fonction secondaire de Peter Cushing en professeur taiseux plutôt snob mais avenant à travers son langage courtois. Enfin, Joan Collins est une fois de plus délicieuse d'arrogance, de cruauté (le coup de fusil sur le lapin) et de condescendance à mépriser notre Peggy bien esseulée à tenter de se faire une petite place amicale auprès de ce trio altier. 


Inquiétant et captivant dans une juste mesure avant d'amorcer un rythme plus nerveux au fil de son ultime demi-heure fertile en rebondissements escomptés, Sueur Froide dans la Nuit demeure tout à fait plaisant à travers sa mécanique huilée de suspense Hitchcockien. Son atmosphère d'angoisse éthérée et sa dramaturgie graduée gagnant du terrain au fil d'une cruauté morale à la fois perverse et humiliante quant au sort inéquitable de l'héroïne recluse sur elle même (comme le souligne l'épilogue évocateur dénué d'illusion). 

*Eric Binford
3èx

vendredi 17 septembre 2021

Bac Nord

                                                        Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Cédric Jimenez. 2021. France. 1h45. Avec Gilles Lellouche, Karim Leklou, François Civil, Adèle Exarchopoulos, Kenza Fortas, Cyril Lecomte, Michaël Abiteboul.

Sortie salles France: 18 Août 2021

FILMOGRAPHIE: Cédric Jimenez est un réalisateur, producteur et scénariste français né le 26 juin 1976 à Marseille. 2012 : Aux yeux de tous. 2014 : La French. 2017 : HHhH. 2021 : BAC Nord. 2022: Novembre. 

“On ne sert plus à rien... plus je fais mon métier, moins je le fais.”
Uppercut émotionnel à couper le souffle, Bac Nord est une épreuve morale comme peu de métrages ont sur le parfaire avec autant de réalisme documenté à travers sa délinquance urbaine aujourd'hui rendue incontrôlable (c'est peu de le dire et c'est du jamais vu dans le paysage français). Il faut d'ailleurs remonter à mon sens au percutant la Haine de Kassovitz (et non aux Misérables auquel j'émets quelques réserves) pour retrouver cette dimension dramatique malaisante, cette fulgurance rigoureuse parfois résolument terrifiante eu égard de la guerre sans merci que se livrent flics et voyous s'acharnant à monopoliser leur autorité dans un brouhaha suicidaire. C'est dire si l'efficacité de la mise en scène au cordeau de Cédric Jimenez rivalise avec les productions ricaines les plus musclées dans son sens du cadrage, dynamisme du montage, caméra portée à l'épaule, pour nous immerger de plein fouet dans l'hystérie collective de ces règlements de compte où le pire est sur le point d'éclater lors de tirades d'affolement communautaire. Certaines situations incongrues filmées dans l'urgence demeurant d'une tension paroxystique quant au sort précaire de nos policiers confrontés à l'arrogance des délinquants prêts à se sacrifier pour défendre leur territoire de deal coordonné dans une directive militaire. Tant et si bien que depuis des décennies, politique, justice et membres pédagogues semblent avoir démissionné de leur fonction impérieuse de par le sentiment d'affranchissement d'une délinquance mineure et majeure parvenant communément à imposer leur dictature au sein de leur fief ghettoïsé.   

Et de mémoire, à moins d'y avoir loupé une oeuvre référence, je ne connais aucun métrage ricain ayant su inscrire avec tel souffle belliqueux moult péripéties effrénées de par le vérisme frénétisé des acteurs aussi bien amateurs que professionnels s'affrontant physiquement / verbalement les nerfs à vif. Tous demeurant communément époustouflants de charisme névralgique dans leur fureur animale décomplexée. D'où l'incroyable sentiment d'immersion morale que procure le métrage traitant avec souci de véracité de la hiérarchie délinquante aussi coordonnée et studieuse que leur homologues policiers. Tant et si bien que la frontière entre le Bien et le Mal est rompue, et que certains flics à bout de nerfs dans leur posture humiliée, pour ne pas dire avilissante, finissent par perdre pied avec le sens des valeurs au point de se comporter comme leur rivaux haineux et d'adopter leur gestuelle, leur orgueil démesuré faute de cette violence primale fatalement contagieuse. Ainsi, à travers cette cacophonie désaxée où complices et indics se mêlent également à la partie du gendarme et voleur, Bac Nord jette un effrayant pavé dans la mare. Un effrayant constat d'amertume, de désillusion et de déroute auprès d'une corruption humaine déchue de leurs codes moraux. Et ce tout en romantisant la situation finalement désoeuvrée de ce trio de flics aussi véreux qu'héroïques (leurs burnes s'avèrent aussi grosses que des boules de billards à travers leurs risques encourus, leur course poursuite à bout de souffle et leur stoïcité radicale !) abandonné par leur propre confrère pour un enjeu de racket et de trafic de stupéfiants pas aussi préjudiciable que prévu. 


"Quand on lutte contre des monstres, il faut prendre garde de ne pas devenir monstre soi-même. Si tu regardes longtemps dans l'abîme, l'abîme regarde aussi en toi."
Impulsé du véhément trio Gilles Lellouche, Karim Leklou et surtout François Civil (en fringant jeune loup fumeur de joint), accompagné du talent plus vrai que nature d'Adèle Exarchopoulos en jeune maman intuitive; Bac Nord met les nerfs à rude épreuve au coeur d'un western urbain en déliquescence séditieuse d'où perce l'animosité d'une jeunesse criminelle davantage azimutée, pour ne pas dire quasi invincible. Un constat d'échec évidemment effrayant car sans lueur d'espoir alors que la génération prochaine osera inévitablement relever le défi d'imposer leur loi avec plus de cran, d'autonomie et de bassesse. 

*Eric Binford

jeudi 16 septembre 2021

Candyman (2021)

                                  Photo empruntée sur Facebook par l'entremise de Thierry Spadino

de Nia DaCosta. 2021. U.S.A. 1h31. Avec Yahya Abdul-Mateen II, Teyonah Parris, Nathan Stewart-Jarrett, Colman Domingo, Vanessa A. Williams, Tony Todd, Rebecca Spence.

Sortie salles France: 29 Septembre 2021. U.S: 27 Août 2021

FILMOGRAPHIENia DaCosta est une réalisatrice et scénariste américaine, née le 8 novembre 1989 à New York. 2018 : Little Woods (réalisation et scénario). 2021 : Candyman (réalisation et scénario). 2022 : The Marvels (réalisation). 


La corruption du Mal par la rancoeur. 
Sortir de la projo de Candyman 2021 n'est point une mince affaire de par sa vénéneuse noirceur et son nihilisme sociétal davantage déclinant. Vendu comme un Remake du chef-d'oeuvre de Bernard Rose, Candyman 2021 n'est nullement l'épigone réactualisé au goût du jour pour contenter le chaland en mal de sensations fortes. Tant et si bien que Candyman, LA SUITE, s'adresse avant tout à un public à la fois mature et responsable tant son climat austère, hermétique n'est pas à la merci de tous afin de l'approcher dans un strict premier degré (pas une once d'humour à relever à l'horizon). Rare pour ne pas le souligner en cette année catastrophique (selon moi évidemment) pour le genre horrifique réduit au produit de consommation. C'est dire si cette version résolument personnelle ne fera l'unanimité auprès du public peu habitué à fréquenter une oeuvre intime dénuée de fard puisque s'intéressant avant tout à nous caractériser une galerie de personnages afro-américains hantés par leur condition esclavagiste auprès d'une civilisation blanche incapable de s'extraire de la haine de l'étranger auprès des ignorants et extrémistes épeurés par la différence. Formellement stylisé à travers ses ombres chinoises, ses figures géométriques, ses tableaux picturaux et ses éclairages flashy compromis au baroque épuré, Candyman 2021 est un éblouissement esthétique en perpétuelle créativité. Et à ce niveau, on peut clamer le chef-d'oeuvre formel aussi moderne qu'atypique (certains plans évoquant par ailleurs une scénographie futuriste tout à fait appropriée et non conçu comme une fioriture de remplissage). 


Un parti-pris idoine d'y dénoncer en filigrane l'exploitation des noirs dans le domaine de l'art auprès de la suprématie blanche quand bien même les violences policières demeurent davantage factuelles si je me réfère à son final horrifique à la dramaturgie malaisante. On quitte donc l'épreuve horrifique avec un arrière goût de souffre et d'amertume dans la bouche eu égard de son dénouement mortifié militant pour une vendetta, faute de la fracture irréversible entre blancs et noirs d'où la communication est feinte faute de simulacre prodigué. Ainsi, derrière son contexte social amer, Candyman 2021 dégage une atmosphère d'angoisse sous-jacente quasi indicible au fil d'un cheminement moral indécis ponctué de bipolarité et de revirements fréquemment malaisants. Sans compter ses scènes de terreur sournoises, démoniales, acrimonieuses lorsque apparaît derrière la victime le croquemitaine appréhendant ses proies de manière éthérée. Sa présence souvent invisible (mais brièvement visible au fond du miroir par le spectateur !) provoquant chez nous une peur viscérale à la fois malsaine et étouffante d'y redouter l'inévitable, renforcée qui plus est d'un goût pour une certaine crudité sanguine à travers son réalisme gore littéralement cinglant. Quant aux interprètes hétéros (mais aussi gays pour y défendre leur cause plus qu'actuelle), quelle judicieuse idée d'avoir sélectionné des comédiens pour la plupart méconnus du public pour mieux se familiariser, s'impliquer dans leurs tourments moraux sous l'impulsion d'une rigueur dramatique (parfois trop) inconfortable. D'où l'aspect  régulièrement déconcertant, voir quelque peu antipathique de ce Candyman autonome n'adjurant nullement à être aimé et exploitant la trame de Bernard Rose avec une intelligence on ne peut mieux intègre, pour ne pas dire déférente. 


No Futur. 
Persuadé qu'un second visionnage permettra encore mieux d'apprivoiser cette séquelle difficile d'accès, mais lestement captivante (sans que l'on s'en aperçoive), Candyman 2021 demeure en tout état de cause une réelle surprise inattendue dans le paysage imberbe du remake aseptique souvent tributaire du copié-collé. Tant et si bien qu'ici c'est tout l'inverse qui se produit en mode (véritable)"séquelle" pour attirer le chaland et (surtout) le passionné du genre en manque de 1er degré. Et ce au point d'y rejoindre les meilleurs spécimens du genre parmi lesquels trônent probablement sur vos étagères fétichistes, The Thing, La Mouche, Maniac, L'Invasion des Profanateurs, La Colline a des Yeux, Le Cauchemar de Dracula, La Féline, Suspiria et quelques autres pépites... 
A découvrir avec précaution donc en étant averti du contenu à la fois opaque, cérébral, hermétique, au point de sortir de la projo avec une certaine gueule de bois... (je me demande d'ailleurs encore ce à quoi je viens d'assister ce soir là ! ?).

*Eric Binford. 

mardi 14 septembre 2021

Les Longs Manteaux

                                               Photo empruntée sur Google, appartenant au site placedeslibraires

de Gilles Béhat. 1986. France/Argentine. 1h33. Avec Bernard Giraudeau, Claudia Ohana, Robert Charlebois, Federico Luppi

Sortie salles France: 19 Février 1986

FILMOGRAPHIEGilles Béhat (Gilles Marc Béat) est un réalisateur et acteur français, né le 3 Septembre 1949 à Lille (Nord). 1978: Haro. 1981: Putain d'histoire d'amour. 1984: Rue Barbare. 1985: Urgence. 1986: Charlie Dingo. 1986: Les Longs Manteaux. 1988: Le Manteau de Saint-Martin. 1990: Dancing Machine. 1994: Le Cavalier des nuages. 1997: Un Enfant au soleil. 2000: Une Mère en colère. 2009: Diamant 13.

Le Pitch: Loïc Murat, un géologue français, installe son campement dans la montagne bolivienne. Il y croise la route d'un groupe fasciste, Les Longs Manteaux, qui tentent d'assassiner un écrivain, Juan Mendez. Murat fait également la connaissance de Julia, la fille de Mendez.

Un sympathique récit d'aventures sur fond de western contestataire qui doit beaucoup à la force tranquille et de sureté de Bernard Giraudeau, un des meilleurs acteurs des années 80 plutôt omis de nos jours, et c'est fort dommage eu égard de son charisme magnétique aux yeux azurs. Accompagnée de la méconnue Claudia Ohana, cette charmante actrice brésilienne ne démérite pas dans sa posture de fille fragile mais résiliente à escompter la liberté de son père, écrivain emprisonné par son régime totalitaire 2 ans avant la nouvelle mise en place d'un gouvernement démocratique. Tourné en scope afin de transcender ses magnifiques paysages boliviens, Les Longs Manteaux est notamment ponctué de scènes d'actions aussi nerveuses que réussies, rare pour ne pas le souligner au sein de notre paysage français peu habitué à émuler celui du ciné ricain. Peut-être pas le haut du panier du divertissement musclé des années 80 mais un honnête spectacle conduit avec savoir-faire par Gilles Béhat, inoubliable auteur de Rue Barbare (déjà accompagné de Bernard Giraudeau), sous l'impulsion du superbe score de Jean-François Léon aussi entêtant qu'un tantinet langoureux.

*Eric Binford

lundi 13 septembre 2021

Malignant

                                           Photo empruntée sur Google, appartenant au site Allocine.fr

de James Wan. 2021. U.S.A. 1h52. Avec Annabelle Wallis, Jake Abel, George Young, Jacqueline McKenzie, Mckenna Grace, Maddie Hasson, Michole Briana White.

Sortie salles France: 1er Septembre 2021

FILMOGRAPHIE: James Wan est un producteur, réalisateur et scénariste australien né le 27 Février 1977 à Kuching (Malaisie), avant de déménager à Perth (Australie). 2004: Saw, 2007: Dead Silence, Death Sentence, 2010: Insidious. 2013: The Conjuring. 2013: Insidious 2. 2016: The Conjuring 2. 2021: Malignant. 


         Avertissement ! Sans toutefois spoiler, il est préférable d'avoir vu le film avant de lire ce qui        va suivre.

Quand James Wan se télescope à Bruno Mattei et Frank Henenlotter.
Peut-être lassé de s'adonner au film de Hantise (Conjuring / Insidious), James Wan détourne quelque peu le genre avec son nouveau métrage, Malignant transcendé d'un bouche à oreille plutôt euphorisant à défaut de rassembler les critiques assez partagées. Histoire de s'écarter des conventions du film de maison hantée commanditée d'un esprit frappeur, Malignant demeure donc efficacement troussé lors de sa première heure misant sur l'inquiétude (l'attente d'un éventuel danger, d'une menace incertaine), l'appréhension diffuse (via le silence) et l'expectative que le spectateur adoube avec une attention fureteuse quant à l'enjeu de cette énigme filiale. Le récit cumulant à rythme métronome quelques séquences chocs gratinées parmi le témoignage de Madison impuissante d'observer en direct des mises à mort surnaturelles que le tueur la contraint d'observer par télépathie (on peut aussi parler de téléportation de par l'invention de la mise en scène immersive substituant un décor domestique par un autre sans effet de coupe, sorte de fondu enchainé limpide). Alors que la police piétine, la soeur de Madison s'empare de l'enquête épineuse en se dirigeant dans l'ancienne clinique lorsque Madison fut sujette à diverses expérimentations médicales en 1993 (ce que nous suggérait le prologue déjà incongru lors de ses règlements de compte surnaturels). Celle-ci ayant été abdiquée par sa mère lors de sa naissance pour des motifs que nous ne connaîtrons que vers l'ultime étape apocalyptique. Ainsi, si le mode du thriller horrifique s'avère plutôt bien géré et formellement soigné 1 heure durant (à l'instar de son hallucinant plan séquence en surplomb dans une demeure ou de son onirisme macabre de l'extérieur d'une bâtisse ou d'un hôpital); la suite opte pour un virage à 180 degrés afin de relancer le mystère de cette vague de crimes à renfort de vendetta hyperbolique. 

Et c'est ainsi que Malignant dévoile tout son potentiel à la fois homérique et horrifique tout en rendant depuis le départ un sublime hommage au Giallo où plane l'ombre d'Argento. Et ce de la manière la plus épurée et saugrenue qui soit à travers le charisme iconique du tueur affublé d'un poignard en or massif. Le spectacle borderline, décérébré, décomplexé, frénétisé demeurant ultra jouissif auprès de ses affrontements dantesques entre le "diable" et nos héros déconcertés par une révélation aussi ubuesque qu'après tout bien réel. Bref, on marche à plein tube les yeux écarquillés en dépit de son concept totalement allumé, et c'est cela qui s'avère proprement jubilatoire. Car c'est justement ce qui fait que Malignant dégage une véritable puissance visuelle par sa folie improbable redoutablement adroite et percutante, notamment auprès de l'ultra dynamisme du montage, de l'agilité des plans s'enchainant sans répit. On peut également saluer à travers le jeu (bicéphale) de l'interprète très convaincant (dont je tairai le patronyme) sa manière éraillée de communiquer avec ses interlocuteurs par le biais du téléphone et de postes radios. Un tueur iconique donc infiniment fascinant auprès de son élégance hermétique alors que ses confrontations véloces techniquement soignées (j'insiste encore, c'est méritoire) auprès de l'inventivité des effets de caméra (parfois alambiqués) nous plaquent au siège de par son réalisme tranché. Quand bien même la jeune Annabelle Wallis dégage un véritable charme vénéneux aussi magnétique que fragilement sensuel en victime démunie tentant de s'extraire de sa prison mentale en concertation avec le tueur. Son attachante présence (quasi omniprésente) permettant notamment d'instaurer un certain suspense et une densité psychologique à travers ses fêlures morales frappées d'amnésie et de désir du dépassement de soi. Notamment pour la 1ère partie thérapeutique et ses rapports empathiques avec son entourage familial mais aussi policier (même si suspicieux du point de vue d'une lieutenant sur le qui vive quant à ses allégations farfelues). On peut enfin saluer ses crises d'hystéries horrifiées, ses hurlements stridents magnifiquement expressifs tant l'actrice insuffle un vénéneux charisme féminin de par sa tenue vestimentaire ténébreuse et son regard subtilement épeuré que Wan transfigure par la maestria de sa caméra scrupuleuse, à l'écoute de ses souffrances morales traduites dans l'impuissance. 


Basket Case.
A la fois efficacement étrange et inquiétant (en dépit de son classicisme liminaire pour autant maîtrisé avec savoir-faire comme de coutume chez Wan), puis complètement vrillé, singulier, alerte et incroyablement fascinant auprès de son imagerie horrifiante nous agressant les mirettes grâce au parti-pris décomplexé de Wan en totale roue libre (pour le plus grand bonheur des fans de Bis en ébullition), Malignant se décline en tour de montagne russe qu'il est impossible d'interrompre dès le rouage amorcé. James Wan parvenant comme par miracle par son degré de folie incorrigible à conjuguer délire saugrenu et réalisme brut de décoffrage à travers l'audace d'un twist anthologique érigé en bombe à retardement. Déjà culte, assurément, tout du moins chez les fans de délire insensé, qui plus est fier de l'être. 

*Bruno
27.08.22. 2èx

samedi 11 septembre 2021

L'alter Ego


Réalisé par Monsieur K, scénarisé par Näamlock. 2021. France. Bande dessinée éditée par ARTUS FILMS.

En exclusivité, je me permets aujourd'hui cet écart d'y chroniquer une bande-dessinée hexagonale. Les raisons premières ? Parce que le scénariste Näamlock est un proche ami que je côtoie via le réseau Facebook, parce que j'apprécie particulièrement la boite éditrice Artus Films et parce que je suis friand de BD horrifico-fantastique, tout du moins lorsque je parviens facilement à m'immerger dans l'aventure dépaysante. Tant et si bien que je suis loin d'être un spécialiste en la matière (à contrario de ma passion indéfectible pour le ciné), et que donc je tenterai ici de dévoiler mes petites impressions subjectives avec modestie, et ce en tenant compte de mon inculture pour la BD et l'architecture des dessins.


Sans trop déflorer l'intrigue, L'Alter Ego nous dépeint lors d'une scrupuleuse attention chronologique (chaque case est équivalente à la journée quotidienne de tel ou tel personnage), la nouvelle relation amoureuse entre Martin, fraîchement séparé, avec Alice rencontrée via le site de rencontres Meetic. Alors que celui-ci tente difficilement de monter le projet cinématographique d'un Giallo, Alice est peu à peu délaissée au moment d'y apprendre une triste nouvelle. Quand bien même, Hélène, fille de Martin, tente vainement de l'interpeller de par son absence paternelle. Ainsi, ce qui surprend fissa lors de la lecture monochrome de L'Alter Ego c'est le soin consciencieux imparti à sa structure narrative littéralement hypnotique. C'est simple, chaque case charpentée ne déborde jamais pour ce concentrer sur le développement de l'intrigue au moment de donner chair à ses personnages remarquablement dessinés. C'est aussi la grande force et l'intérêt du récit tentaculaire que d'y caractériser avec ambiguïté ce  triangle fragile lors de leurs relations humaines en perdition. Tant auprès de Martin toujours plus irritable à tenter d'approcher un producteur et parfaire son projet, d'Alice en détresse affective que de la jeune Hélène aussi délaissée, tendrement parlant. 


Ceux-ci ayant comme point commun une contrariété morale anxiogène à mi-chemin de la dépression. Et ce sans que cela nous soit dévoilé de manière explicite. Naamlock se motivant farouchement à les rendre énigmatique au fil d'un récit reptilien où plane les ombres de Nicolas Roeg, d'Hitchcock et de David Cronenberg. Car les références ciné sont plutôt nombreuses lors du cheminement imprévisible des personnages, à l'instar de la chambre de Martin ornementée d'affiches de classiques du Fantastique. Mais ce qui fascine et captive lors de ce récit à suspense effilé émane de son ambiance d'étrangeté sous-jacente alors qu'à d'autres moments on se confronte à des situations dérangeantes autrement explicites (Spoil ! je songe aux désagréments corporels ! Fin du Spoil). Le récit adoptant par ailleurs un revirement radical lors de sa seconde partie (nouvelle teinte monochrome en sus !) puisque établi cette fois ci du point de vue de la fille de Martin, Hélène en position d'investigatrice en herbe. Un 2è acte plus morbide, détaillé, frénétique et barré prouvant que l'ambition des auteurs (Naamlock et le dessinateur Monsieur K) était de nous plonger dans une sorte de vertige filandreux, un cauchemar moral assez perméable bien que ce soit par moments confus (notamment en y infiltrant le genre espionnage). 


Une allégorie de l'amour consumériste.
Perfectible, déstabilisant et déconcertant (car il manque un "je ne sais quoi" pour l'estampiller "incontournable" du genre), hypnotique, ombrageux et ramifié auprès de son scénario sournois soumis à la psychologie torturée de ses personnages, à l'instar du canard hallucinatoire que Martin perçoit lors de ses inquiétantes névroses, l'Alter Ego ne laisse indifférent le lecteur pris dans la tourmente d'une débâcle davantage malsaine, viscérale, persifleuse, nécrosée.

L'album est en vente à partir du 22 octobre 2021 au prix de 14.90 Euros. 

*Eric Binford