jeudi 30 septembre 2021

Fenêtre sur Cour

                                                   Photo empruntée sur Google, appartenant au site Senscritique.com

"Rear Window" d'Alfred Hitchcock. 1954. U.S.A. 1h52. Avec James Stewart, Grace Kelly, Wendell Corey, Thelma Ritter, Raymond Burr, Judith Evelyn, Ross Bagdasarian Sr., Georgine Darcy 

Sortie salles France: 25 Avril 1955 (ou 14 Septembre 1955). U.S: 1er Août 1954

FILMOGRAPHIE: Alfred Hitchcock est un réalisateur, producteur et scénariste anglo américain, né le 13 Août 1899, décédé le 29 Avril 1980. 1935: Les 39 Marches. 1936: Quatre de l'Espionnage. Agent Secret. 1937: Jeune et Innocent. 1938: Une Femme Disparait. 1939: La Taverne de la Jamaique. 1940: Rebecca. Correspondant 17. 1941: Soupçons. 1942: La 5è Colonne. 1943: l'Ombre d'un Doute. 1944: Lifeboat. 1945: La Maison du Dr Edward. 1946: Les Enchainés. 1947: Le Procès Paradine. 1948: La Corde. 1949: Les Amants du Capricorne. 1950: Le Grand Alibi. 1951: L'Inconnu du Nord-Express. 1953: La Loi du Silence. 1954: Le Crime était presque parfait. Fenêtre sur cour. 1955: La Main au Collet. Mais qui a tué Harry ? 1956: l'Homme qui en savait trop. Le Faux Coupable. 1958: Sueurs Froides. 1959: La Mort aux Trousses. 1960: Psychose. 1963: Les Oiseaux. 1964: Pas de Printemps pour Marnie. 1966: Le Rideau Déchiré. 1969: l'Etau. 1972: Frenzy. 1976: Complot de Famille.


"Quand on se sent voyeur c'est qu'on n'est pas assez proche des gens."
Modèle de mise en scène à travers un concept narratif follement original et inventif ne recourant qu'à très peu d'actions, Fenêtre sur Cour est un régal d'intelligence aux moult niveaux de lecture. Mise en abyme auprès du pouvoir du cinéma (James Stewart se confond en cinéaste novice à imprimer de son regard des tranches de vie clippesques au sein d'une quotidienneté domestique), réflexion sur les rapports délicats du couple, la peur de l'engagement mais aussi de la solitude. Mais surtout méditation sur le voyeurisme auquel nous dépendions tous, comme le souligne notre passion immodérée pour le 7 art d'y reluquer confortablement sans bouger de notre siège moults images extravagantes, Fenêtre sur Cour doit être enseigné dans toutes les écoles spécialisées tant Hitchcock, en pleine possession de ses moyens techniques (on ne compte plus les plans-séquences géométriques d'y contempler la banalité quotidienne de résidents d'un immeuble) redouble de dextérité et de créativité à travers une intrigue criminelle inusitée. Car il fallait oser façonner huis-clos aussi laconique avec, comme personnage principal, un héros grabataire cloué sur son fauteuil et tuant son ennui à épier ses voisins en compagnie quelque peu houleuse de sa compagne et de sa domestique. Or, en tant que maître incorruptible du suspense, Hitchcock leur confie sur un plateau d'argent un argument criminel redoutablement jouissif. Dans la mesure où ceux-ci vont rapidement se substituer en enquêteurs en herbe à tenter de démasquer, sans quasiment bouger de leur bercail, leur voisin probablement coupable du meurtre de son épouse aujourd'hui disparue. 

Emaillé de détails troubles et inquiétants que ces derniers reluquent à l'aide d'une jumelle et d'un téléobjectif qu'ils se relayent de temps à autre, Fenêtre sur Cour demeure un jubilatoire jeu du chat et de la souris par appartements interposés. L'entièreté du récit s'évertuant à confiner nos héros dans leur appartement restreint puisque observant méticuleusement, et dans la pénombre pour ne point être démasqués, faits et gestes des voisins et du présumé coupable avec une audace toujours plus illégale. A l'instar du stratagème badin de Grace Kelly (d'une douceur d'esprit pour autant lascive et raffinée) décidant finalement de pénétrer par effraction dans l'appartement du potentiel assassin. Quand bien même James Stewart (d'une sobriété placide en posture fureteuse et contrariée) et Thelma Ritter (en domestique sclérosée prônant le bon sens auprès de son employeur, célibataire endurci difficile à persuader) observent la situation avec une appréhension davantage ingérable. Alfred Hitchcock redoublant par ailleurs de perversité lorsque l'une des voisines de l'immeuble est sur le point de s'empoisonner au moment même où Grace Kelly demeure en très fâcheuse posture avec le propriétaire suspicieux de l'appartement. Ainsi, se pose donc la question cruciale ! Qui doivent-ils sauver ? Et donc, à travers leurs attitudes fureteuses et affrontements contradictoires à culpabiliser ou non ce mystérieux voisin de manière toujours plus affirmative, Hitchcock nous démontre à quel point l'accoutumance irrépressible du voyeurisme puisse parfois prêter à confusion à partir de préjugés. Même si en l'occurrence nos protagonistes s'avèrent sur la voie de la vérité de par leur intelligence d'esprit à cumuler de nombreux indices probants.  

Modèle de rigueur dans son suspens ciselé (en dépit de quelques longueurs lors de sa mise en place) n'omettant jamais l'humour auprès des aimables apartés des comédiens à la complicité vivace, Fenêtre sur Cour ne cesse de nous ébranler la vue et l'esprit à travers cette insensée mise en abyme  qu'Hitchcock transfigure pour mieux nous opposer aux bas instincts du "spectacle" visuel. Celui de notre appétence voyeuriste que chacun de nous reluque dans une discrétion à peine assumée.  

*Eric Binford
3èx

Récompense: Prix Edgar-Allan-Poe du meilleur scénario en 1955 pour John Michael Hayes

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