Photo empruntée sur Google, appartenant au site toutlecine.com
Sortie salles France: 31 Janvier 1979. U.S: 2 Août 1978
FILMOGRAPHIE: Irvin Kershner est un réalisateur et producteur américain, né le 29 Août 1923 à Philadelphie (Pennsylvanie), décédé le 27 Novembre 2010 à Los Angeles (Californie). 1958: Stakeout on Dope Street. 1959: The Young Captive. 1961: Le Mal de vivre. 1963: Face in the Rain. 1964: The Luck of Ginger Coffey. 1966: l'Homme à la tête fêlée. 1967: Une sacré fripouille. 1970: Loving. 1972: Up the Sandbox. 1974: Les 'S' Pions. 1976: La Revanche d'un Homme nommé Cheval. 1978: Les Yeux de Laura Mars. 1980: l'Empire contre-attaque. 1983: Jamais plus jamais. 1990: Robocop 2.
Le pitch : durant le tournage d’une publicité, une photographe de renom est assaillie de visions d’horreur prémonitoires. Un tueur mystérieux s’en prend à ses proches, crevant les yeux de ses victimes avec un pic à glace. Tandis que la police piétine, le psychopathe continue ses exactions dans l’ombre. Soupçonnée à cause de ses visions, Laura Mars finit par entretenir une liaison trouble avec l’inspecteur John Neville.
S'appuyant sur un argument fantastique basé sur la prescience - thème qu’Armand Mastroianni reprendra quatre ans plus tard dans le curieux et attachant Un Tueur dans la Ville -, et porté par une intrigue criminelle solidement menée, Les Yeux de Laura Mars gagne en densité grâce à la complexité morale de son héroïne. Photographe de mode esthétisante hantée par ses délires érotico-macabres, Faye Dunaway incarne une femme déconcertée, vulnérable, qui vacille face à l’infortune de son don.
À l’instar de Christopher Walken dans Dead Zone, son calvaire imposé devient d’autant plus poignant qu’elle se révèle incapable de prévenir ou de sauver la prochaine victime. Cette impuissance face à des visions qu’elle ne contrôle pas est d’autant plus troublante que les flashs surviennent en vue subjective. Les yeux de Laura, transis d’effroi, se trouvent envahis d’images diaphanes préfigurant le crime à travers le regard même du meurtrier. Des séquences impressionnantes distillent, par ce dispositif, un climat horrifique saturé d'une bande-son stridente, dissonante.
On peut également souligner la charge charnelle des mises en scène de Laura, avec ces mannequins aux postures provocantes, à peine vêtues, incarnant une esthétique de la transgression. Entre l’empathie qu’elle éprouve pour ses modèles devenues victimes, et sa culpabilité de sublimer une violence visuelle dans ses photos, l’actrice véhicule une forme d’humanisme fragile, démuni. Même sa romance naissante avec l’inspecteur Neville semble ne lui offrir qu’un répit illusoire, avant qu’une nouvelle vision ne vienne l’alpaguer. Leur relation, pourtant, touche par sa sincérité, sa douceur retenue, sa dissonance émotive. Et le mélange de suspense et de romantisme fonctionne ici grâce à la justesse de deux comédiens habités, qui ne trichent jamais.
"Les yeux de la Terreur."
Porté par la voix envoûtante de Barbra Streisand, Les Yeux de Laura Mars reste un thriller captivant et intelligent, aussi sensuel qu’angoissant, aussi troublant qu’intense. Une allégorie du regard féminin pris au piège d'une culture saturée de violence visuelle masculine. Faye Dunaway, lumineuse et tragique, croise la route d’un Tommy Lee Jones glaçant, et tous deux insufflent à l'intrigue surnaturelle une tension charnelle et ambiguë. Au-delà de sa mécanique ludique, le film interroge la légitimité de glorifier violence et sexe à des fins artistiques dans un monde médiatisé à outrance. Et transfigure New York en un théâtre à la fois réaliste, chaotique, presque documentaire - la foule urbaine sur le qui-vive, la police débordée, l’effervescence d’une ville sans mise en scène.
Les Yeux de Laura Mars est enfin une fable trouble sur l’image comme violence, le regard comme domination, l’amour comme piège.
Un film de silence et de vertige.
Où l’on comprend que parfois, regarder, c’est déjà blesser.
Et que résister, c’est apprendre à fermer les yeux.
— le cinéphile du cœur noir
21.09.21.
08.11.12. 141 v
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