mercredi 23 février 2022

Fou à tuer

 
                                                 Photo empruntée sur Google, appartenant au site senscritique.com

"Crawlspace" de David Schmoeller. 1986. U.S.A. 1h21. Avec Klaus Kinski, Talia Balsam, Barbara Whinnery, Carole Francis, Sally Brown, Jack Heller, David Abbott, Tane McClure.

Sortie salles France: 21 Mai 1986

FILMOGRAPHIEDavid Schmoeller est un acteur, monteur, producteur, réalisateur et scénariste américain, né le 8 décembre 1947 à Louisville, dans le Kentucky (Etats-Unis).
1976: The Spider will kill you (Court-Metrage). 1979: Le Piège. 1982: The Seduction. 1986: Fou à Tuer. 1988: Catacombs. 1989: Puppet Master. 1991: The Arrival. 1992: Le Rebelle ("Renegade"). Série TV. 1992: Netherworld. 1998: The Secret Kingdom. 1999: Please Kill Mr Kinski. 1999: Search for the Jewel of Polaris: Mysterious Museum (télé-film).


Petit maître du fantastique reconnu des vidéophiles à l 'orée des années 80 avec le désormais classique  Tourist TrapDavid Schmoeller est également responsable d'une modeste série B horrifique auquel la présence symbolique du monstre sacré Klaus Kinski y doit beaucoup. Fou à tuer décrivant les stratagèmes meurtriers et voyeuristes d'un fils de criminel nazi, Karl Gunther, résidant dans un appartement parmi ses jeunes voisines de palier. Surveillant leurs moindres faits et gestes derrière les conduits d'aération, ce dernier a également élaboré des pièges sophistiqués afin de les appréhender de la manière la plus cruelle. Dans son appartement est également retenue prisonnière une déportée juive réduite à l'état animal au sein d'une petite cage. Mais un chasseur de nazi avide de revanche rend visite à Gunther afin de lui faire savoir qu'il connait sa véritable identité. Ce pitch alléchant au cheminement néanmoins orthodoxe constitue surtout un prétexte pour brosser le fascinant portrait d'un tueur en série obsédé à l'idée de tuer avec ménagement depuis l'héritage de son paternel. Un criminel de guerre ayant autrefois endossé la fonction de médecin SS. Avec souci documentaire et par le biais de la prestance oh combien magnétique de Klaus Kinski délivrant une fois encore une fois un numéro d'acteur à la mesure de son talent, Fou à tuer parvient tour à tour à inquiéter et captiver en dépit de son absence d'intensité. 


David Schmoeller s'efforçant de crédibiliser ce personnage cynique dans la quiétude de sa plus stricte intimité. A l'instar de son journal intime où il s'applique à délivrer ses impressions subjectives sur sa fascination morbide, sa mission à perpétrer le Mal, son goût addictif à supprimer autrui et son sentiment de supériorité après y avoir commis l'irréparable. Analogie évidente sur le spectre du fascisme et les effets pervers de la débauche criminelle, Fou à tuer distille un drôle de climat malsain dans son souci scrupuleux d'y détailler l'existence solitaire de ce chirurgien aussi cynique que pervers. Nanti d'un réalisme dérangeant et parfois poignant lorsque le cinéaste s'efforce à relater l'agonie mentale d'une détenue juive, l'intrigue provoque également une forme de dérision sardonique à travers le voyeurisme de Gunther (scruter les corps féminins parmi la complicité de rats), et par le biais de son masochisme suicidaire (son goût toujours plus risqué pour la roulette russe !). Quand bien même un jeu du chat et de la souris culminera entre lui et la survivante en guise de final oppressant. David Schmoeller recourant  au caractère haletant d'une course-poursuite perpétrée dans les conduits sanitaires. 


En dépit d'une intrigue somme toute futile, Fou à tuer parvient admirablement à élever la série B horrifique en oeuvre d'auteur sous l'impériosité d'un comédien au charisme vénéneux et de par l'efficacité d'une réalisation appliquée exploitant les chausse-trapes de l'immeuble. Dérangeant, trouble et fascinant pour le portrait authentifié à son tortionnaire, Fou à tuer laisse surtout en mémoire, et sous couvert d'argument horrifique, un témoignage audacieux sur l'holocauste nazie ! A revoir d'urgence.

*Bruno Matéï
30/08/10
16/12/15. 98 v
23/02/22. 5èx.

mardi 22 février 2022

Repo Man

                                            Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Alex Cox. 1984. U.S.A. 1h32. Avec Emilio Estevez, Harry Dean Stanton, Olivia Barash, Vonetta McGee, Sy Richardson, Tracey Walter. 

Sortie salles France: 19 Juin 1985

FILMOGRAPHIEAlex Cox, né le 15 décembre 1954 à Liverpool, est un acteur, réalisateur et scénariste britannique. 1980 : Sleep Is for Sissies. 1984 : La Mort en prime. 1986 : Sid and Nancy. 1987 : Straight to Hell. 1987 : Walker. 1990 : Red Hot and Blue (TV). 1991 : Highway Patrolman (El Patrullero). 1992 : Death and the Compass. 1996 : The Winner. 1998 : Three Businessmen. 1999 : Kurosawa: The Last Emperor (TV). 2000 : A Hard Look (TV). 2002 : Revengers Tragedy. 2002 : Mike Hama, Private Detective: Mike Hama Must Die! (TV). 2004 : I'm a Juvenile Delinquent, Jail Me! (TV). 2007 : Searchers 2.0. 

Oeuvre culte au sens étymologique native des glorieuses années 80, Repo Man est une oeuvre indépendante ne ressemblant à nulle autre dans sa combinaison des genres hétéroclites au doux parfum de provocation. Alors que l'on s'étonne de retrouver sur la même affiche Emilio Estevez et Harry Dean Stanton dans des rôles perfides de voleurs de voitures gagées auprès de propriétaires incapables d'y régler leur dette, Repo Man fleure bon l'esprit libertaire issu de la mode punk à travers ses moult situations décalées où action, drôlerie et anticipation font bon ménage auprès d'une description documentée de marginaux décomplexés. 

Car si l'intrigue demeure irracontable, tant le cinéaste Alex Cox cumule les rebondissements à un rythme davantage épuisant (la dernière demi-heure, complètement hystérique vaut son pesant de cacahuètes à travers ses courses-poursuites déjantées), son climat singulier (un réalisme à mi-chemin entre le reportage et la bande-dessinée !) rehaussé de la sobriété des interprètes (prenant leur rôle très au sérieux), nous font participer à un divertissement débridé quasi indicible. C'est dire si cette série B dénuée de prétention parvient à imprimer sa propre personnalité subversive à l'aide d'une fantaisie impolie que l'on ne voit pas débarquer. D'où l'effet de surprise perpétuel que le spectateur savoure en dépit de 2/3 baisses de rythme finalement transcendées de son (long) final en apothéose. Tous les personnages, en marge de la société, se combattant mutuellement pour un enjeu pécuniaire qui leur réservera bien des surprises à la fois radicales et saugrenues. 

Inventif, borderline et imprévisible auprès d'un cheminement marginal en roue libre, Repo Man est une pépite d'insolence, de provocation et d'émancipation à travers sa fureur de vivre issue d'un contexte urbain peuplé de voyous, paumés et laissés pour compte. Alex Cox soignant notamment l'esthétisme de sa société en déliquescence par le biais d'une métropole nocturne superbement éclairée afin de mieux nous immerger dans cette odyssée noctambule où pointe une nouvelle illusion du bonheur retrouvé (Spoil ! l'échappée du duo en voiture volante sous un ciel crépusculaire Fin du Spoil). A ne point rater pour les vrais fans d'OVNI underground ! 

*Bruno Matéï
2èx

Récompenses
Saturn Awards
Meilleur second rôle pour Tracey Walter
BSFC Awards
Meilleur scénario pour Alex Cox

lundi 14 février 2022

I see you

                                              Photo empruntée sur Google, appartenant au site Allocine.fr

de Adam Randall. 2019. U.S.A. 1h37. Avec Helen Hunt, Jon Tenney, Owen Teague, Judah Lewis, Libe Barer

Sortie salles France: 22 Juin 2020. U.S: 6 Décembre 2019

FILMOGRAPHIE: Adam Randall est un réalisateur, scénariste et producteur anglais né le 3 Octobre 1980 à Londres. 2021: Night Teeth. 2019: I See You. 2017: iBoy. 2016: Under Control.


Il y a parfois des films qu'on loupe à leur sortie et qui créait l'heureuse surprise quand on ose enfin s'y confronter dans une optique aléatoire. Tant et si bien que louablement I see you est conçu sur l'effet de surprise de par l'originalité de son script retors jouant avec les codes du surnaturel pour mieux nous surprendre. Rien que le prologue (une disparition d'enfant), aussi étrange qu'inquiétant, s'adonne au simulacre lorsqu'un ado à vélo arpente une forêt au moment de s'éjecter de sa selle quelques secondes plus tard par une force invisible. Place ensuite à la caractérisation de la famille Harper dont l'épouse a bien du mal à renouer avec son fils et son époux faute de son adultère qu'elle déplore amèrement. Or, d'étranges évènements vont intenter à leur tranquillité au sein de leur foyer, que ce soit de nuit comme de jour si bien qu'une force invisible (un ectoplasme ?) semble roder dans les recoins de la maison. 


Ainsi, en tablant sur un suspense à la fois tendu, inquiétant et oppressant (scandé d'un tempo sonore clinquant !) où le spectateur ne cesse de s'interroger sur les tenants et aboutissants de cette disparition d'enfant, I see you surprend davantage au film d'une trajectoire narrative fertile en rebondissements et revirement dramatique. Adam Randall reconsidérant à mi-parcours l'action d'un point de vue autrement audacieux et effronté Spoil eu égard de voyeurs surfant sur l'illégalité Fin du Spoil. Le spectateur attentif à leurs faits et gestes revivant l'action antécédente avec un oeil plus avisé et rationnel, quand bien même l'évolution morale de ses nouveaux personnages nous convoquera ensuite l'empathie au gré d'un enjeu de survie que l'on a pas vu v'nir. 


De par sa mise en scène scrupuleuse plutôt bien gérée, le soin imparti à son ambiance ombrageuse assez envoûtante et surtout l'élaboration d'un script perfide usant habilement de rebondissements crédibles jusqu'à l'ultime image cuisante, I see you demeure une formidable série B horrifique aussi bien captivante qu'haletante. Et si l'interprétation avait gagné à être un peu plus solide, on a tout de même plaisir à retrouver Helent Hunt en épouse déconfite en proie aux moult accusations (même si pas très en forme du haut de ses 58 balais) entourée d'attachants comédiens sévèrement malmenés par une menace faisant office d'ubiquité. Des séries B aussi intègres, charmantes et inventives de cet acabit, je veux bien en souper tous les soirs.

*Eric Binford

vendredi 11 février 2022

J'ai épousé une ombre

                                     Photo empruntée sur Google, appartenant au site 

de Robin Davis. 1983. France. 1h49. Avec Nathalie Baye, Francis Huster, Richard Bohringer, Madeleine Robinson, Guy Tréjan, Victoria Abril, Humbert Balsan.

Sortie salles France: 16 Février 1983

FILMOGRAPHIERobin Davis, né le 29 mars 1943 à Marseille, est un réalisateur français. 1975 : Ce cher Victor. 1979 : La Guerre des polices. 1982 : Le Choc. 1983 : J'ai épousé une ombre. 1985 : Hors-la-loi. 1989 : La Fille des collines. 


Un joli drame romantique teinté de thriller à voir surtout pour son interprétation imparable (quel plaisir de retrouver dans la fleur de l'âge Richard Bohringer en maître chanteur cupide, Francis Huster en prétendant équivoque, Victoria April en maîtresse envieuse, Guy Tréjan en patriarche prévenant, et enfin Véronique Genest en jeune mariée accorte !). Mais c'est surtout l'omniprésence de Nathalie Baye qui irradie l'écran de par son charme discret et sa fragilité contrariée. Une usurpatrice malgré elle emportée dans un vortex de contradictions, d'indécisions, de chantage, de rivalité sentimentale et d'espoir salvateur à travers sa tendre relation avec Pierre Meyrand, frère du défunt peu à peu amoureux d'elle. L'intrigue demeurant suffisamment intéressante, solide et gentiment inquiétante en dépit de l'absence d'intensité dramatique que Robin Davis peine à insuffler autour du portrait (bicéphale) de Patricia compromise entre ses valeurs morales et sa culpabilité déconfite. Le réalisateur étant beaucoup plus préoccupé à diriger ses comédiens issus des années 80, tant et si bien que l'on reste jusqu'au final intrigué et attaché à leurs présences spontanées dénuées de théâtralisation (rare pour ne pas le souligner). Projeté en salles le 16 Février 1983 dans l'hexagone, le public se déplaça en masse pour cumuler 2 536 305 entrées. 


*Bruno Matéï

mardi 8 février 2022

After Hours. Prix de la Mise en scène, Cannes 86.

                                          Photo empruntée sur Google, appartenant au site cinedweller.com

de Martin Scorcese. 1985. U.S.A. 1h42. Avec Griffin Dunne, Rosanna Arquette, Verna Bloom, Tommy Chong, Linda Fiorentino, Teri Garr, Cheech Marin . 

Sortie salles France: 16 Mai 1986. U.S: 11 Octobre 1985

FILMOGRAPHIE: Martin Scorsese est un réalisateur américain né le 17 Novembre 1942 à Flushing (New-york). 1969: Who's That Knocking at my Door, 1970: Woodstock (assistant réalisateur), 1972: Bertha Boxcar, 1973: Mean Streets, 1974: Alice n'est plus ici, 1976: Taxi Driver, 1977: New-York, New-York, 1978: La Dernière Valse, 1980: Raging Bull, 1983: La Valse des Pantins, 1985: After Hours, 1986: La Couleur de l'Argent, 1988: La Dernière Tentation du Christ, 1990: Les Affranchis, 1991: Les Nerfs à vif, 1993: Le Temps de l'innocence, 1995: Un voyage avec Martin Scorsese à travers le cinéma américain, 1995: Casino, 1997: Kundun, 1999: Il Dolce cinema -prima partie, A Tombeau Ouvert, 2002: Gangs of New-York, 2003: Mon voyage en Italie (documentaire), 2004: Aviator, 2005: No Direction Home: Bob Dylan, 2006: Les Infiltrés,  2008: Shine a Light (documentaire), 2010: Shutter Island. 2011: Hugo Cabret.2013 : Le Loup de Wall Street (The Wolf of Wall Street); 2016 : Silence. 2019 : The Irishman. 2022 : Killers of the Flower Moon. 2024 : Grateful Dead. 2026 : Roosevelt. 

Merveille d'humour vitriolé auréolé du Prix de la Mise en scène à Cannes, After Hours déploie une fois de plus toute la mesure du talent inné de Martin Scorsese nous emballant une comédie noire sur fond de cauchemar sociétal (la peur de l'autre et de l'étranger, la peur d'aborder la femme). Tant et si bien que tous les personnages que rencontrera l'informaticien Paul Hackett sur sa trajectoire noctambule  demeurent soit instables, lunaires, borderline ou bipolaires dans leur malaise existentiel gagné de suspicion et de paranoïa influente. Car véritable cauchemar paranoïde du point de vue de cet informaticien timoré en quête de rencontre sentimentale (salvatrice), After Hours bénéficie d'un scénario délicieusement imprévisible au fil de ses errances nocturnes davantage inhospitalières. Griffin Dunne (le Loup-Garou de Londres) étant habité par son personnage infortuné plongé dans un tourbillon de calamités faute du poids de son introversion. Sorte de Pierre Richard ricain cumulant maladresses et quiproquos à un rythme si métronome que l'on pouvait craindre l'improbable ou le ridicule s'il eut été façonné par un cinéaste tâcheron. 

Le génie de Scorsese émanant de son habile capacité d'y renouveler l'intrigue (gigogne) dans de multiples virages incongrus en instaurant un réalisme à la fois dépressif et saugrenu sans céder à la gaudriole poussive. Car à travers le brio de sa mise en scène inventive (bien que j'y ai décelé un faux-raccord), celui-ci distille en prime une ambiance crépusculaire à la limite du surréalisme (pour ne pas dire à la lisière d'une horreur éthérée), tant et si bien que l'on se laisse envoûter par ce climat nocturne davantage hystérique au fil d'une épreuve de survie de tous les dangers. Paul Hackett ne cessant de s'attirer les ennuis les plus compromettants au fil de ses rencontres amicales et sentimentales avec des personnages névrosés, reflets de son profil esseulé en quête de fantasmes puisque souffrant également d'un malaise existentiel comme nous le confirme le prologue confiné dans les locaux de son entreprise. Outre l'omniprésence à la fois anxiogène et cocasse de Griffin Dunne s'efforçant comme un acharné à renouer avec sa routine quotidienneté, le charme érotisé de Rosanna Arquette ne manque pas d'attrait charnel dans sa fonction de maîtresse d'un soir hélas instable et immature auprès de ses tendances suicidaires. Quand bien même on est également fasciné par la posture autrement provocante de la vénéneuse Linda Fiorentino en sculptrice insomniaque aussi secrète que versatile. 

Chef-d'oeuvre de fantaisie sardonique s'adonnant à la satire sociétale à travers les portraits figés, tourmentés, complexés de cette jungle urbaine plongée dans une paranoïa grandissante (le spectre de l'auto-justice ne manque d'ailleurs pas à l'appel), After Hours est un modèle d'écriture sous couvert d'une intrigue incongrue beaucoup retorse et subtile qu'elle n'y parait. Le tout servi d'un cast proéminent et d'une mise en scène terriblement inspirée (caméra aussi véloce que sagace) que le score (tacitement inquiétant) d'Howard Shore transfigure fréquemment au gré de sonorités à la fois modérées, félines et badines. 

*Eric Binford
3èx

lundi 7 février 2022

Winter's Bone. Grand Prix du Jury, Sundance 2010.

Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Debra Granik. 2010. U.S.A. 1h36. Avec Jennifer Lawrence, John Hawkes, Lauren Sweetser, Garret Dillahunt, Dale Dickey 

Sortie salles France: 2 mars 2011

FILMOGRAPHIEDebra Granik (née le 6 février 1963 au Massachusetts) est une réalisatrice américaine indépendante. 1997 : Snake Feed (court métrage). 2004 : Down to the Bone. 2010 : Winter's Bone. 2014 : Stray Dog (documentaire). 2018 : Leave no Trace. 


"La solitude est une prison".
Douloureux drame psychologique implanté dans la forêt noire des Ozarkes, Winter's Bone est une oeuvre magnifique sur la survie morale d'une adolescente de 17 ans tentant de survivre avec sa mère, son frère et sa soeur depuis la disparition de son père libéré de prison en guise de caution. A la fois poignant et bouleversant sous l'impulsion sentencieuse d'une Jennifer Lawrence sans fard s'effaçant au profit de la carrure d'une ado en berne à la recherche de son père (un trafiquant de métamphétamine), Winter's Bone magnétise notre attention en dépit de son absence de situations cinétiques. Debra Granik  prenant son temps à planter son univers acrimonieux et ses personnages revêches qui y évoluent à l'aide d'un réalisme morose déshumanisé. Son climat à la fois glauque et cafardeux déteignant sur ses profils de laissés pour compte peu recommandables car issus d'une Amérique profonde engluée dans le trafic de drogue, l'individualisme et le chômage. On suit donc le parcours initiatique et les errances de Ree avec une amertume désenchantée eu égard de son destin précaire dénué d'illusions et de mains secourables en dépit du regain de scrupule du frère du disparu. Winter's Bone puisant sa force et son intensité dramatique grâce à la moralité démunie de Ree dépendante d'un univers sans tendresse ni amour mais toutefois délibérée à s'extraire de la sinistrose, aussi frêle soit son espoir de retrouver en vie son père en démission parentale. 


Auréolé de diverses récompenses (dont le fameux Grand Prix à Sundance), Winter's Bone n'a point usurpé sa réputation élogieuse d'autant plus qu'il demeure d'une sobriété hors-pair pour nous attacher à la résilience de cette ado victime d'un milieu marginal aussi sournois que délétère. Illuminé de la présence de Jennifer Lauwrence (son 4è rôle à l'écran) se dévoilant à nu face écran, Winter's Bone cristallise à l'aide d'un réalisme cru cet univers fétide où le non-dit, le mutisme sont les maîtres mots. Une oeuvre indépendante d'une digne humanité (l'image finale y est éloquente lorsque Ree compte sur sa valeur fraternelle pour s'en sortir et trouvé un nouveau sens à son existence), aussi dur et écorché soit le portrait soumis à cette ado frondeuse plombée par sa miséreuse quotidienneté.  

*Eric Binford
2èx


Récompenses: Prix du jury - Festival international du film de femmes de Salé 2011
Grand prix du Jury - Festival du film de Sundance 2010
Best Feature - Gotham Independent Film Awards 2010
Best Ensemble Performance - Gotham Independent Film Awards 2010
Prix du Jury - Festival du cinéma américain de Deauville 2010
Cheval de bronze - Festival international du film de Stockholm 2010
Meilleur acteur dans un second rôle pour John Hawkes - Film Independent's Spirit Awards 2010
Meilleure actrice dans un second rôle pour Dale Dickey - Film Independent's Spirit Awards 2010

jeudi 3 février 2022

The Fallout. Grand Prix du Jury / Prix du Public / Prix ​​​​de l'illumination Brightcove: Festival du film South by Southwest 2021

                                                  Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Megan Park. 2021. Canada. 1h36. Avec Jenna Ortega, Maddie Ziegler, Julie Bowen, Jean Ortiz, Niles Fitch, Will Ropp, Shailene Woodley

Sortie France: 24 Février 2022 uniquement en VOD

FILMOGRAPHIEMegan Park est une actrice, chanteuse et réalisatrice canadienne née le 24 juillet 1986. 2021: The Fallout. 


"Le traumatisme est une liaison à l'âme."
Drame psychologique vibrant d'intensité humaine à la fois meurtrie, fragile et torturée; The Fallout est la première oeuvre choc d'une réalisatrice (chanteuse et actrice) canadienne. Car dénonçant l'horrible phénomène sociétal des fusillades dans certains lycées ricains, The Fallout est un coup de poing dans l'estomac nullement démonstratif. A l'instar de ses premières minutes horriblement tragiques du massacre perpétré par un tireur dans son lycée que Megan Park se refuse à détailler, graphiquement parlant. Or, en misant essentiellement sur le pouvoir de suggestion, cette séquence horrifiante nous glace littéralement le sang lorsque 3 lycéens confinés dans les toilettes tentent d'y survivre en se positionnant debout sur la cuvette, quand bien même des tirs insupportables d'arme à feu leur martèlent l'ouï et l'esprit dans leur peur panique d'y trépasser dans la seconde qui suit. Mais ce qui intéresse la réalisatrice à travers son terrifiant contexte de malaise sociétal ciblant l'innocence sacrifiée émane de l'introspection de ce trio de collégiens (particulièrement Vada et Mia alors qu'à la base tout les opposent) tentant de se reconstruire après un traumatisme aussi lâche que fortuit. Ainsi donc, en s'efforçant rigoureusement d'évacuer le pathos auprès d'un sujet aussi mélodramatique,  Megan Park adopte une démarche à la fois subtile et inventive du point de vue torturé de la jeune Vada hurlant sa haine et sa rage de vivre de manière somme toute interne. 


Ses émotions bipolaires (faisant parfois intervenir des séquences étonnamment cocasses) demeurant terriblement trompeuses dans la mesure ou celle-ci s'efforce de paraître la plus spontanée possible auprès de son entourage (familial et amical) alors que derrière sa carapace de fripouille frétillante s'y éclipse une fillette profondément meurtrie, déboussolée d'avoir eu à subir l'innommable dans l'enceinte de son lycée. Et ce même si le carnage lui fut épargné de par son refuge de dernier ressort. Jenna Ortega  demeurant LA révélation du film si bien qu'à la toute fin on aurait tant aimé prolonger encore un peu son épreuve initiatique de par son caractère irrésistiblement entier et attachant. Une force de la nature de par sa personnalité affirmée, mais toute aussi bien fébrile et démunie dans son épreuve morale en porte à faux vouée à la perte de l'innocence. L'actrice déployant une expression naturelle sémillante ou véhémente au fil de ses échanges amiteux avec ses proches particulièrement hésitants à adopter telle ou telle démarche bienfaitrice afin de l'extraire de sa geôle morale. L'actrice soulevant du poids de ses frêles épaules toute l'intrigue dédiée à sa cause humaniste parmi la juste mesure de l'introversion puis de la confidence rédemptrice auprès de sa thérapeute. Et ce avant de nous quitter sur une note terriblement désarçonnant en dépit de l'écran blanc, symbole de pureté auprès d'une innocence galvaudée par une violence aussi invisible qu'aveugle.  


Cri d'alarme contre le fléau des fusillades dans les lycéens américains, The Fallout joue avec nos nerfs et nos émotions avec une inventivité constamment imprévisible. Tant et si bien que l'émotion fréquemment contenue, sous-jacente, tacite ou timorée demeure pour nous une épreuve morale terriblement déstabilisante en s'identifiant au profil instable (ou plutôt névralgique) de Vada passant par diverses étapes comportementales afin de canaliser son fardeau traumatique. Une oeuvre puissante, salutaire, candide, incandescente, personnelle, mais aussi inquiétante quant au destin précaire de cette génération Z (l'ultime image rehaussée d'une bande-son monocorde nous restent en travers de la gorge), sublimée du tempérament électrisant de
 Jenna Ortega dans sa quête désespérée de flegme et réconfort.

*Eric Binford

mercredi 2 février 2022

Les Anges du Mal / Chained Heat

                                         Photo empruntée sur Google, appartenant au site Senscritique.com

de Paul Nicolas. 1983. U.S.A/Allemagne. 1h38 (Uncut Version). Avec Linda Blair, John Vernon, Sybil Danning, Tamara Dobson, Henri Silva. 

Sortie salles France: 18 Janvier 1984 (Int - 18 ans). U.S: 27 Mai 1983

FILMOGRAPHIE: Paul Nicolas est un réalisateur, scénariste et producteur américain. 2004: Luckytown. 1994Night of the Archer. 1986 La cage aux vices. 1983 Les Anges du mal. 1983 Un amour assassin. 

"Ce qu'elle a fait pour entrer en prison n'est rien comparé à ce qu'elle fera pour en sortir".
Dixit l'accroche publicitaire, tant et si bien que Les Anges du Mal demeure un nanar des années 80 transpirant l'invraisemblance, le n'importe nawak, le risible, l'impayable et l'ubuesque à travers sa pléthore de règlements de compte entre bandes rivales féminines mais aussi géôlier(e)s perpétrant des viols crapuleux sur détenues décérébrées. Ainsi, à travers sa splendide affiche s'apparentant à un Class 84 féministe si j'ose dire (l'oeil est immédiatement attiré par la sobre posture des délinquantes au look futuriste), les Anges du mal cumule à rythme métronomes scènes de violences parfois gorasses, réparties rustres et viols itératifs (plus corsés dans sa version uncut) au sein d'un gros foutoir décomplexé. 


La faute incombant à une réalisation à la ramasse (le montage chaotique désamorce par ailleurs la plupart des effets gores en dépit de 2 scènes chocs inopinément impressionnantes) et surtout au surjeu souvent irrésistible d'un casting féminin jouant les rebelles intraitables avec une mine éberluée. L'icone  Linda Blair se compromettant dans cette bande dessinée aussi triviale qu'insolente avec une expressivité tantôt contractée et timorée (elle semble évasive lors de sa difficile insertion carcérale), tantôt frondeuse lorsqu'elle décide de passer à l'action punitive après avoir témoigné de la corruption du directeur et de ses adjointes féminines s'entretuant par ailleurs entre eux (faute de félonie) afin de pimenter l'intrigue lunaire dénuée de vraisemblance. 


Bref, Les Anges du Mal exploite donc sans passion mais aussi sans ennui le WIP le plus racoleur au sein d'un climat parfois assez malsain (les scènes de viol, plus longues et explicites dans la version longue s'avèrent étonnamment assez crédibles) que son casting féminin désamorce entre temps à force de surjouer jusqu'au ridicule (hilarant) des rebelles criminelles aussi têtes à claque que déficientes. On apprécie enfin les aimables présences (plus convaincantes) d'Henri Silva et de John Vernon endossant les machistes misogynes à l'aide d'un cabotinage moins outrancier que leurs homologues soumises. A redécouvrir d'un oeil (voyeur et) distrait.

*Eric Binford
3èx

Pleasure

                                                      Photo empruntée sur Google, appartenant au site Allocine.fr

de Ninja Thyberg. 2021. Suède. 1h48. Avec Sofia Kappel, Revika Anne Reustle, Evelyn Claire, Chris Cock, Dana DeArmond 

Sortie salles France: 20 Octobre 2021 (Int - 16 ans, avec Avertissement). Plusieurs scènes de violences et d’agression sexuelles sont susceptibles de troubler gravement le public.

FILMOGRAPHIE: Ninja Thyberg, née le 12 octobre 1984, est une cinéaste suédoise. 2021 : Pleasure


"La décadence se caractérise par l'avilissement des valeurs morales."
Du fait de son hyper réalisme aussi dérangeant que suffocant, ce docu-fiction suédois décrivant sans fard l'ascension d'une actrice néophyte (Sofia Kappel est si convaincante que l'on se demande s'il ne s'agit pas d'une véritable hardeuse en herbe !) prête à perdre sa morale et sa dignité pour le prix de la célébrité demeure constamment malaisant à travers sa pléthore de scènes de soumission et d'humiliations où le viol n'est parfois pas simulé. La cinéaste (dont il s'agit de son 1er long) dénonçant en filigrane le hardcore le plus trash et extrême dans une facture visuelle léchée afin de magnétiser les appétences du spectateur voyeuriste plongé dans une fiction à but ludique.

A vous dégoûter du cinéma porno d'apparence (faussement) décomplexé au même titre que de tenter de s'y faire une place dans ce milieu insidieux d'"icone objet" où machisme, égotisme, manipulation et duperie sont rois. Tant auprès des acteurs et (surtout) actrices envieuses se crêpant le chignon afin d'accéder à la première place que des cinéastes et producteurs cupides jouant les samaritains sans vergogne ni discernement.

P.S: pour public averti, notamment faute de séquences hard à peine suggérées (on peut d'ailleurs le classer X) si bien que l'on a envie de se doucher après la projo tant le métrage dilue sans complaisance un climat vitriolé irrespirable.

*Eric Binford 


Récompenses:
Festival international du film de Göteborg 2021 : prix FIPRESCI
Art Film Festival 2021 : meilleur film, meilleure interprétation féminine
Festival du cinéma américain de Deauville 2021 : prix du jury

Tour d'horizon de nos critiques hexagonales: 

vendredi 28 janvier 2022

The Innocents. Grand Prix Nouveau Genre, L'Etrange Festival 2021.

                                               Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Eskil Vogt. 2022. Norvège. 1h57. Avec Rakel Lenora Fløttum, Alva Brynsmo Ramstad, Sam Ashraf, Mina Yasmin Bremseth Asheim 

Sortie salles France: Février 2022

FILMOGRAPHIEEskil Vogt est un réalisateur et scénariste norvégien né en 1974. 2014 : Blind. 2021 : The Innocents. 


"Le monde est dangereux à vivre. Non pas tant à cause de ceux qui font le mal, mais à cause de ceux qui regardent et laissent faire."
KO au moment du déroulement du générique de fin. Le corps inerte, monolithique, les yeux vidés d'émotion, la mine anxiogène, tendance dépressive, au bord des larmes, de par ma fragilité névralgique d'avoir assisté à un éprouvant règlement de compte comme nul autre cinéaste ne su le retranscrire avec autant d'impact cérébral à travers sa circonspection documentée. On peut d'ailleurs aisément le rapprocher auprès du chef-d'oeuvre supplicié de Serrador, Les Révoltés de l'An 2000 auquel il entretient le point commun de l'enfant maléfique à ciel ouvert. Sauf qu'en l'occurrence, et du côté de la Norvège (réputé comme l'état le plus pacifique au monde !), ses enfants sont nantis de pouvoir surnaturel (télépathie, hallucinations prémonitoires ou encore télékinésie) que le cinéaste n'expliquera jamais quant à leurs origines. L'intérêt résidant essentiellement dans la caractérisation équivoque de 4 bambins (dont une autiste) batifolant communément au gré de jeux interdits avec la souffrance et la mort. Et ce avant que certaines consciences ne se réveillent dans leur petit corps candide d'enfant en herbe soumis à l'épreuve de la souffrance et du danger parfois invisible. D'où le sentiment d'inconfort permanent que l'on subit sans fioriture à travers son tortueux climat clinique de menace reptilienne.  

Eskil Vogt décrivant sans ambages, et ce à l'aide d'un malaise à la fois moral et viscéral terriblement déstabilisant (on peut d'ailleurs établir un rapprochement avec l'autrement malaisant l'Exorciste de Friedkin), les thèmes de l'instinct pervers et du sadisme inné en nous sous l'impulsion d'un hyper réalisme suffocant. The Innocents demeurant une épreuve de force, tant pour le spectateur que pour les protagonistes (infantiles / adultes) confronté à l'incitation au Mal du point de vue d'une innocence prenant goût rapidement à la violence grâce à une impériosité quasi indestructible. Mais outre son climat malsain infiniment perméable ne lâchant pas d'une semelle l'attention du spectateur confronté au cauchemar le plus lâche, cruel et désespéré, The Innocent est transcendé du talent naturel hors-pair de ces gamins en culotte courte dégageant un humanisme torturé ou meurtrier littéralement communicatif (on vit à travers eux, telle une entité voyeuriste !). Tant et si bien que l'on suit et subit leur parcours moral avec une appréhension constamment interrogative quant à leur évolution indécise et leurs décisions de dernier ressort à tenter ou pas d'y déjouer la menace dans leur petit corps meurtri. Une hostilité en roue libre nappée toutefois de rage et de chagrin, comme si l'innocent, le plus intolérable, prisonnier de son âge néophyte, prenait conscience de ses dérives démoniales sans pouvoir les canaliser ou les obstruer. 

Modèle de mise en scène s'apparentant au coup de maître pour un second essai (on reste autant ébahi qu'impressionné par la géométrie du cadre auscultant les visages des bambins, entre infinie douceur et inquiétude latente ! ???), The Innocent transfigure le genre Fantastique avec une maturité forçant le respect. Immortalisé par ces 4 bouilles norvégiennes exprimant "en profondeur" un humanisme à fleur de peau gangrené par l'influence et la susceptibilité du Mal le plus insidieux, The Innocents nous reste en mémoire tel un éprouvant cauchemar moral dénué d'issue et de résolution. Et ce en dépit des apparences quelques peu salvatrices de son épilogue bipolaire, si bien que nos nerfs malmenés 1h57 durant finissent par nous lâcher au moment du générique de fin. Une date du Fantastique.

Pour Public Averti (du fait de son climat capiteux constamment malaisant et de sa cruauté parfois trop réaliste).

*Eric Binford

Récompense:

L'Étrange Festival 2021 : Grand Prix Nouveau Genre

Prix du cinéma européen 2021 : Meilleur ingénieur du son

mercredi 26 janvier 2022

Projet X

                                                       Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Jonathan Kaplan. 1987. U.S.A. 1h48. Avec Matthew Broderick, Helen Hunt, William Sadler, Johnny Ray McGhee, Stephen Lang 

Sortie salles France: ?. U.S: 17 Avril 1987

FILMOGRAPHIE: Jonathan Kaplan est un réalisateur américain né le 25 novembre 1947 à Paris.1972 : Night Call Nurses. 1973 : The Student Teachers. 1974 : Truck Turner. 1975 : La route de la violence. 1977 : On m'appelle Dollars. 1979 : Violences sur la ville. 1983 : Pied au plancher. 1987 : Project X. 1988 : Les Accusés. 1989 : Immediate Family. 1992 : Obsession fatale. 1992 : Love Field. 1994 : Belles de l'Ouest. 1994 : Reform School Girl (téléfilm). 1996 : Coup de sang. 1999 : Bangkok, aller simple.

On ne vas pas se mentir. Projet X est bourré de défauts à travers le classicisme de sa réalisation impersonnelle cédant à la facilité des sentiments, aux situations naïves (jusqu'au final grotesque totalement improbable) et à la caricature auprès de vétérans militaires complices d'essais sur les chimpanzés à travers des simulations de vol. Et ce afin de tester combien de temps pourrait survivre un pilote humain exposé à une radiation nucléaire en cas de conflit belliqueux. Mais avec indulgence, et auprès de la cible des plus jeunes enfants, Projet X ne manque ni de charme, ni de tendresse ni d'émotions auprès de son réquisitoire contre les expérimentations animales que Jonathan Kaplan traite sans vigueur ni passion d'après des faits réels nous avertira son message introductif. 

Et si l'on a connu Matthew Broderick et Helen Hunt beaucoup plus inspirés et spontanés dans d'autres productions plus sincères et ambitieuses, ils parviennent gentiment à nous attacher dans leur fonction héroïque de dernier ressort à daigner préserver la survie de leur bambin simiesque doué du langage des signes (les singes authentiques étant par ailleurs particulièrement bien dirigés). Sympathique donc en dépit d'un sentiment amer de frustration, notamment faute de l'absence de dynamisme de l'intrigue prévisible, si bien que l'on se prend à rêver si pareil projet eut été entre les mains d'un Spielberg ou d'un Joe Dante à travers leur sens créatif d'émerveillement.

*Eric Binford

lundi 24 janvier 2022

Shoot the Moon / L'Usure du Temps

                                                   Photo empruntée sur Google, appartenant au site intemporel.com

de Alan Parker. 1982. U.S.A. 2h05. Avec  Albert Finney, Diane Keaton, Karen Allen, Peter Weller, Dana Hill, Viveka Davis, Tracey Gold 

Sortie salles France: 19 Mai 1982

FILMOGRAPHIE: Alan Parker (Alan William Parker) est un réalisateur, compositeur, scénariste et producteur britannique, né le 14 Février 1944 à Islington, Londres. 1975: The Evacuees (télé-film). 1976: Bugsy Malone. 1978: Midnight Express. 1980: Fame. 1982: Shoot the Moon. 1982: Pink Floyd The Wall. 1984: Birdy. 1987: Angel Heart. 1988: Mississippi Burning. 1990: Bienvenue au Paradis. 1991: Les Commitments. 1994: Aux bons soins du Dr Kellogg. 1996: Evita. 1999: Les Cendres d'Angela. 2003: La Vie de David Gale.


"L'amour se divorce à l'amiable"
Oeuvre fragile traitant du thème du divorce sous l'impulsion d'une intensité dramatique capiteuse, Shoot the moon se solda par un échec public lors de sa discrète sortie en salles alors qu'Alan Parker venait de rencontrer le succès avec Fame et Midgnight Express. Hélas sombré dans l'oubli depuis, ce magnifique drame psychologique décrivant sans ambages l'affrontement d'un couple en interrogation morale est illuminé par la présence du duo Albert Finney (en écrivain bourru et colérique refusant d'accepter et d'assumer sa séparation) / Diane Keyton (en épouse maternelle plus vaillante et censée à accepter son fardeau conjugal). Mais outre ses illustres présences jouant sans effet de manche un couple en berne tentant d'y semer un terrain d'entente passé les crises (en dépit de la scène du restaurant un peu too much selon moi, unique défaut du film dans ses changements de ton), on reste ébloui, pour ne pas dire tétaniser par le jeu terriblement expressif des enfants (au nombre de 4 !) infiniment fringants et spontanés à travers leur témoignage désoeuvré d'assister à la déliquescence amoureuse de leurs parents. Nombre de séquences intimistes nous arrachant des larmes, surtout auprès de la fille aînée terriblement isolée car repliée sur elle même après avoir surpris une conversation de son père au téléphone avec sa maîtresse. 

Sa grande fragilité morale mêlée de force de caractère rebelle nous arrachant les larmes à chacune de ses interventions affirmées. Alan Parker dirigeant à merveille l'innocence de ses fillettes turbulentes pleines de vie, de peps et de gaieté en dépit de leur nouvelle expérience existentielle plutôt rigoureuse, pour ne pas dire cruelle depuis que leur père est contraint de quitter le foyer faute d'une rupture irréconciliable. Bouleversant à plus d'un titre en éludant admirablement le pathos de par le vérisme de sa mise en scène anti voyeuriste dépeignant les tranches de vie d'une quotidienneté maternelle et conjugale, Shoot the Moon porte un regard à la fois attendri et dramatique lorsque les enfants sont contraints de subir la séparation de leurs parents pour des motifs qu'ils ne parviennent ni à comprendre, ni à admettre ni à approuver. Ainsi, durant le parcours moral du père assailli par l'échec, l'angoisse de la perte de l'être aimé et la peur d'y tourner la page; Shoot the moon nous immerge de plein fouet dans ses prises de consciences bipolaires avec une acuité émotionnelle à la fois tempétueuse et sentencieuse. Certaines séquences très impressionnantes de brutalité demeurant éprouvantes lorsque Alan Parker s'efforce d'authentifier ses discordes éhontées au gré d'affrontements physiques  littéralement improbables. 


“On se marie facilement, on se sépare difficilement.”
Grand moment de cinéma émotionnel aussi prude que brut de décoffrage face au témoignage démuni des enfants du divorce où la violence des adultes peut parfois éclater quand les paroles et les actes nous dépassent, Shoot the Moon dégage une grâce, une tendresse et une sensibilité inusitées sous l'impulsion de comédiens expressifs criants de vérité contrariée. Il y émane un témoignage aussi humble que lucide à traiter sans clichés de la thématique du divorce en privilégiant un réalisme documenté faisant office de vortex. A ne rater sous aucun prétexte si bien qu'il s'agit selon moi du plus (beau et) convaincant métrage que l'on ai vu sur l'acceptation du deuil conjugal depuis le primé Kramer contre Kramer

*Eric Binford

Récompenses: 1983 British Academy Film Awards Meilleur acteur dans un rôle principal pour Albert Finney. 

Golden Globes: Meilleur acteur dans un film dramatique pour Albert Finney

Meilleure actrice dans un film dramatique pour Diane Keaton

Writers Guild of America: Meilleur scénario original pour Bo Goldman

vendredi 21 janvier 2022

Blink

                                                     Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Michael Apted. 1993. U.S.A. 1h46. Avec Madeleine Stowe, Aidan Quinn, James Remar, Peter Friedman, Bruce A. Young, Laurie Metcalf, Matt Roth 

Sortie salles France: 10 Août 1994. U.S: 26 Janvier 1994

FILMOGRAPHIEMichael Apted, né le 10 février 1941 à Aylesbury dans le Buckinghamshire (Royaume-Uni) et mort le 7 janvier 2021 à Los Angeles, est un réalisateur et producteur de cinéma et de télévision anglais. 1972 : The Triple Echo. 1974 : Stardust. 1977 : Le Piège infernal. 1979 : Agatha. 1980 : Nashville Lady ou La Fille du mineur. 1981 : Continental Divide. 1983 : Gorky Park. 1984 : Firstborn. 1985 : Bring On The Night. 1987 : Toubib malgré lui. 1988 : Gorilles dans la brume. 1991 : Affaire non classée. 1992 : Cœur de tonnerre. 1992 : Incident à Oglala. 1994 : Blink. 1994 : Moving the Mountain. 1994 : Nell. 1996 : Mesure d'urgence. 1997 : Inspirations. 1999 : Me and Isaac Newton. 1999 : Le monde ne suffit pas. 2001 : Enigma. 2002 : Plus jamais. 2002 : Lipstick. 2006 : Amazing Grace. 2010 : Le Monde de Narnia : L'Odyssée du Passeur d'Aurore. 2012 : Chasing Mavericks. 2017 : Conspiracy. 

Thriller des années 90 aujourd'hui oublié, à l'instar de l'excellent Jennifer 8 auquel il entretient le point commun de la victime aveugle traquée par un tueur, Blink est un sympathique divertissement sauvé par l'interprétation irréprochable de Madeleine Stowe. Car outre un premier quart d'heure si prometteur à travers sa dramaturgie bouleversée (Emma retrouvant la vue uniquement de l'oeil droit après avoir été opérée demeure un moment véritablement émotif à travers le tact de sa réalisation et de la pudeur de l'actrice à fleur de peau) et ses FX très réussis (ses visions déformées, évanescentes sont saisissantes de réalisme trouble), Blink s'enfonce peu à peu dans les clichés et les conventions au fil d'une romance entre le flic et la victime dont on éprouve si peu d'attachement. La faute incombant à la caractérisation superficielle (pour ne pas dire mal développé) du flic investigateur qu'endosse spontanément Aidan Quinn en coureur de jupon à la fois arrogant, égoïste, machiste et orgueilleux. 

Tant et si bien qu'au fil de son évolution sentimentale avec Emma, il demeure constamment grisant, irritable, détaché ou autrement insidieux à travers sa posture versatile d'y privilégier finalement son enquête criminelle qu'il peine à résolver face à l'autorité d'un supérieur aussi mal charpenté que lui. Et bien que le réalisateur accorde beaucoup d'importance à cette romance à l'eau de rose (avec en prime l'intrusion du chirurgien en mal d'amour) au gré de clichés soumis aux crêpages de chignon, Blink parvient néanmoins à maintenir l'intérêt sous l'impulsion d'une Madeleine Stowe d'une force de caractère à la fois fragile et déterminée. Et ce en dépit du peu de séquences impressionnantes pour sa partie thriller du samedi soir et des mobiles téléphonés du tueur en série tributaire d'une vendetta monomane que le réalisateur exploite par dessus la manche et ce sans passion. A l'instar de la confrontation finale entre lui et sa victime délibérée à l'affronter pour y sauver sa peau si bien que la police est incapable de la protéger (d'ailleurs tous les flics si peu concernés et la  dédaignant à tout va semblent aussi stupides qu'empotés). Ce qui nous vaut lors du dénouement (timidement) tendu des séquences à suspense gentiment ludiques et orthodoxes avant le happy-end de rigueur (étreinte de réconciliation à l'appui). 

Mais bon, en dépit de tous ces défauts étalés brièvement, et notamment grâce au charme de sa scénographie urbaine plutôt bien filmée et photographiée, Blink devrait encore probablement contenter le fan des thrillers des Nineties initiés par le maître étalon: Basic Instinct. En applaudissant surtout l'interprétation si sensuelle mais jamais complaisante de la divine Madeleine Stowe

*Eric Binford
2èx