lundi 24 janvier 2022

Shoot the Moon / L'Usure du Temps

                                                   Photo empruntée sur Google, appartenant au site intemporel.com

de Alan Parker. 1982. U.S.A. 2h05. Avec  Albert Finney, Diane Keaton, Karen Allen, Peter Weller, Dana Hill, Viveka Davis, Tracey Gold 

Sortie salles France: 19 Mai 1982

FILMOGRAPHIE: Alan Parker (Alan William Parker) est un réalisateur, compositeur, scénariste et producteur britannique, né le 14 Février 1944 à Islington, Londres. 1975: The Evacuees (télé-film). 1976: Bugsy Malone. 1978: Midnight Express. 1980: Fame. 1982: Shoot the Moon. 1982: Pink Floyd The Wall. 1984: Birdy. 1987: Angel Heart. 1988: Mississippi Burning. 1990: Bienvenue au Paradis. 1991: Les Commitments. 1994: Aux bons soins du Dr Kellogg. 1996: Evita. 1999: Les Cendres d'Angela. 2003: La Vie de David Gale.


« L’amour se divorce à l’amiable »

Œuvre fragile abordant le thème du divorce sous l’impulsion d’une intensité dramatique capiteuse, Shoot the Moon se solda par un échec public lors de sa sortie discrète, alors même qu’Alan Parker venait d’enchaîner les succès avec Fame et Midnight Express. Hélas sombré dans l’oubli, ce magnifique drame psychologique dépeint sans ambages l’affrontement d’un couple en pleine crise morale, illuminé par la présence du duo Albert Finney — écrivain bourru et colérique, refusant d’accepter la séparation — et Diane Keaton, épouse maternelle, plus vaillante et lucide face au fardeau conjugal.

Au-delà de leurs interprétations d’une justesse poignante (malgré une scène de restaurant un peu « too much », seul faux pas du film dans ses changements de ton), on reste ébloui — pour ne pas dire tétanisé — par le jeu terriblement expressif des quatre enfants. D’une spontanéité bouleversante, ils traduisent avec une sincérité désarmante la détresse de voir leurs parents sombrer dans la déliquescence amoureuse. Nombre de séquences intimistes nous arrachent des larmes, notamment celles centrées sur la fille aînée, terriblement isolée depuis qu’elle a surpris son père au téléphone avec sa maîtresse.


Sa fragilité morale, mêlée à une force rebelle, déchire le cœur à chacune de ses interventions. Alan Parker dirige avec une justesse miraculeuse l’innocence de ses fillettes turbulentes — pleines de vie, de peps, de gaieté — malgré cette épreuve existentielle aussi rigoureuse que cruelle, depuis que leur père a quitté le foyer, victime d’une rupture irréconciliable. Bouleversant à plus d’un titre, Shoot the Moon évite habilement le pathos grâce à la véracité de sa mise en scène, pudique et anti-voyeuriste, capturant des tranches de vie où s’entrelacent tendresse maternelle et naufrage conjugal.

Le film porte un regard à la fois attendri et dramatique sur ces enfants contraints de subir la séparation de leurs parents pour des raisons qu’ils ne peuvent ni comprendre, ni admettre, ni approuver. À travers le parcours moral du père — assailli par l’échec, la peur de la perte et l’incapacité à tourner la page —, Parker nous plonge au cœur d’une conscience bipolaire, d’une tempête émotionnelle d’une justesse vertigineuse. Certaines séquences, d’une brutalité saisissante, frappent par leur authenticité : les disputes éclatent, les corps se heurtent, et la douleur se fait matière.


“On se marie facilement, on se sépare difficilement.”

Grand moment de cinéma émotionnel, aussi pudique que brut, Shoot the Moon expose sans fard le désarroi des enfants du divorce, là où la violence des adultes surgit quand les mots ne suffisent plus. Parker y déploie une grâce, une tendresse, une sensibilité inusitée, portée par des comédiens criants de vérité contrariée. Il en émane un témoignage aussi humble que lucide, refusant le cliché pour mieux explorer la déchirure conjugale avec un réalisme quasi documentaire, aspirant le spectateur dans son vortex intime.
À ne rater sous aucun prétexte : sans doute le plus beau, le plus convaincant film que l’on ait vu sur l’acceptation du deuil conjugal depuis le primé Kramer contre Kramer.

— le cinéphile du cœur noir

Récompenses: 1983 British Academy Film Awards Meilleur acteur dans un rôle principal pour Albert Finney. 

Golden Globes: Meilleur acteur dans un film dramatique pour Albert Finney

Meilleure actrice dans un film dramatique pour Diane Keaton

Writers Guild of America: Meilleur scénario original pour Bo Goldman

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire