jeudi 10 mars 2022

I... comme Icare

                                   Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Henry Verneuil. 1979. France. 2h08. Avec Yves Montand, Michel Albertini, Roland Amstutz, Jean-Pierre Bagot, Georges Beller, Maurice Bénichou, Edmond Bernard, Françoise Bette, Roland Blanche. 

Sortie salle France: 19 Décembre 1979    

FILMOGRAPHIE: Henry Verneuil (de son vrai nom Achod Malakian) est un réalisateur et scénariste  français d'origine arménienne, né le 15 Octobre 1920 à Rodosto, décédé le 11 Janvier 2002 à Bagnolet. 1951: La Table aux crevés. 1952: Le Fruit Défendu. 1952: Brelan d'As. 1953: Le Boulanger de Valorgue. 1953: Carnaval. 1953: l'Ennemi public numéro 1. 1954: Le Mouton a 5 pattes. 1955: Les Amants du Tage. 1955: Des Gens sans importance. 1956: Paris, palace Hôtel. 1957: Une Manche et la belle. 1958: Maxime. 1959: Le Grand Chef. 1959: La Vache et le Prisonnier. 1960: l'Affaire d'une Nuit. 1961: Le Président. 1961: Les Lions sont lâchés. 1962: Un Singe en Hiver. 1963: Mélodie en sous-sol. 1963: 100 000 Dollars au Soleil. 1964: Week-end à Zuydcoote. 1966: La 25è Heure. 1967: La Bataille de San Sebastian. 1969: Le Clan des Siciliens. 1971: Le Casse. 1972: Le Serpent. 1975: Peur sur la ville. 1976: Le Corps de mon ennemi. 1979: I comme Icare. 1982: Mille Milliards de Dollars. 1984: Les Morfalous. 1991: Mayrig. 1992: 588, rue du Paradis.

Largement inspiré de l'assassinat de Kennedy et sa théorie du complot démultiplié, Henry Verneuil réalise avec I... comme Icare un solide thriller politique rehaussé de la présence affirmée d'Yves Montand en procureur au sens d'observation avisé à démanteler un complot de grande ampleur suite à l'assassinat du président Marc Jary. L'intérêt "ludique" de l'intrigue résidant dans l'investigation scrupuleuse de ce procureur rassemblant moult détails incohérents avec l'appui de ses acolytes afin de prouver que l'assassin (retrouvé suicidé) n'était finalement qu'un leurre, une mise en scène afin d'éclipser les vrais responsables d'un complot international (services secrets, mafia sont mis en cause). Par cette sombre machination savamment charpentée mais truffée de maladresses, Henry Verneuil souhaite notamment dénoncer en filigrane la facilité à laquelle certains complices acceptent de se soumettre à une haute autorité pour se charger d'une mission (ici) criminelle. 

Si bien que lors d'une longue séquence aussi curieuse que passionnante, celui-ci s'inspire de "l'expérience de Milgram" afin d'y radiographier les réactions morales du moniteur s'efforçant de torturer un sujet à divers degrés pour le compte d'une autorité supérieure. Quant au final que l'on redoute tragique à un moment clef (la lumière d'un ascenseur entrevue en face d'une tour d'immeuble), Verneuil fait monter très habilement la tension lorsque le procureur est sur le point de déjouer le complot avec en guise d'ultime rébus, le nom de code: I comme Icare. Ennio Morricone se chargeant d'amplifier l'émotion du suspense oppressant auprès d'une superbe mélodie hybride aux tonalités subtilement ombrageuses. Quand bien même la présence auditive de l'épouse du procureur planquée derrière son combiné du téléphone nous suscite une forme d'appréhension intuitive mêlée d'empathie face au potentiel danger invisible qui s'interpose peu à peu entre eux. Un final marquant d'une belle intensité dramatique à travers sa mise en scène studieuse. 


Rondement mené donc en prime d'être inquiétant, captivant et d'actualité.

Récompense: Grand prix du cinéma français en 1980.

*Bruno Matéï
3èx

mercredi 9 mars 2022

Fresh

                                                    Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Mimi Cave. 2022. U.S.A. 1h55. Avec Daisy Edgar-Jones, Sebastian Stan, Jonica T.Gibbs, Charlotte Le Bon, Dayo Okeniyi, Andrea Bang

Diffusé sur Disney + le 4 Mars 2022

FILMOGRAPHIEMimi Cave est une réalisatrice et scénariste américaine. 2022: Fresh. 


Que voici une formidable surprise distribuée par Disney + que l'on attendait au tournant d'oser se prêter au jeu horrifique sous la bannière d'une comédie acide très noire ! Satire caustique sur l'inanité des sites de rencontres dans l'air du temps, dans la majorité des plateformes bancables si j'ose dire, Fresh séduit et inquiète avec une efficacité modestement soutenue. Ainsi, en abordant le tabou singulier du cannibalisme sous couvert de romance culinaire esthétisante (les décors high-tech du repère du prédateur sont fastueux, jusqu'à la geôle d'un design classieux que Noa endure dans sa condition recluse, Fresh conjugue avec audace décomplexée, ironie mordante, horreur peu ragoutante et érotisme badin une confrontation au sommet entre la victime et le praticien abordé sur le net. Notamment si je me réfère à son final infernal, sorte de cartoon férocement méchant et trépidant entre victimes et tueur se combattant mutuellement l'adrénaline au ventre. Un point d'orgue terrifiant remarquablement tendu quant à notre appréhension d'y redouter les rebondissements dramatiques eu égard de son ultra violence en roue libre où tous les coups demeurent permis. 


Par conséquent, à travers son climat stylisé étrangement trouble et séduisant, Fresh parvient à instaurer un vénéneux climat de séduction et d'appréhension quant aux stratégies vicieuses de l'héroïne séquestrée, peu à peu motivée par une vendetta murement réfléchie. Et c'est autant à travers ses personnages d'amants maudits que Fresh tire son épingle du jeu eu égard de la présence naturelle de  Daisy Edgar-Jones (étoile montante, sosie d'Asia Argento !) parfaitement convaincante et brillamment dirigée dans sa fonction de victime servile à nouveau motivée par le désir de séduction en guise d'échappatoire. Et ce en dansant timidement à deux reprises une Fièvre du Samedi soir chorégraphiée dans l'attrait innocent. Jouant de son charme lestement diabolique le séducteur à qui on donnerait le bon Dieu sans confession, Sebastian Stan lui partage spontanément la vedette en cuisto cannibale à la fois serein et affirmé dans sa force d'aplomb dénuée d'inhibition. Un couple insidieux inscrit dans la contradiction donc pour des rapports de force morale que la réalisatrice dépeint efficacement en jouant de leur charme sensuel et de leur répliques sarcastiques à disserter sur les bienfaits de la chair humaine cuisinée aux p'tits oignons. 


Mené sans temps morts avec une volonté stylisée de nous envouter (sobrement) au coeur d'une comédie horrifique douteuse où pointe le bon mauvais goût, Fresh détonne agréablement sous l'impulsion d'un jeu d'acteurs résolument impliqués dans leur fonction marginale en perdition. Il y émane une savoureuse satire romantique pleine de charme, de fantaisie, d'angoisse morale et de violence épeurante que la réalisatrice s'empresse de parachever lors d'une confrontation finale dantesque (dans la mesure où nos nerfs sont mis à rude épreuve). Excellent car modestement traité avec une originalité quelque peu décapante. 

*Bruno Matéï

mardi 8 mars 2022

Le Géant de la Steppe / Илья Муромец. 1958 : Diplôme d'honneur au Festival international du film d'Édimbourg

                                                           Photo empruntée sur Google, appartenant au site Allocine.fr

de Alexandre Ptouchko. 1956. Union Soviétique. 1h32. Avec Andreï Abrikossov, An-Son-Hi, Boris Andreïev, Iya Arepina, Choukour Bourkhanov.

Sortie salles France: 22 Mai 1959. Union Soviétique: 16 Septembre 1956.

FILMOGRAPHIEAlexandre Loukitch Ptouchko (en russe : Александр Лукич Птушко) est un réalisateur de fictions et de films d'animation russe né le 6 avril 1900 à Lougansk dans l'Empire russe et décédé le 6 mars 1973 à Moscou dans la RSFS de Russie en URSS. Il est surnommé le « Walt Disney russe ».1935 : Le Nouveau Gulliver. 1939 : La Petite Clef en or. 1942 : Secrétaire du Parti. 1942 : Tête brûlée. 1944 : Zoïa. 1946 : La Fleur de pierre. 1948 : Trois Rencontres. 1953 : Le Tour du monde de Sadko. 1956 : Le Géant de la steppe. 1959 : Sampo d'après Sampo. 1961 : Les Voiles écarlates. 1964 : Le Conte du temps perdu. 1966 : Le Conte du tsar Saltan. 1972 : Rouslan et Ludmila. 

Réputé comme le film comportant le plus de figurants de l'histoire du cinéma (106 000 soldats vs 11 000 chevaux) si bien qu'il est répertorié dans The New Guinness Book of Movie Records de Patrick Robertson, publié en 1993, le géant de la Steppe est une fabuleuse curiosité en dépit d'une trame hélas assez peu captivante (une rivalité incessante entre bons et méchants jusqu'à ce que le Bien reprenne ses droits) que l'on suit toutefois avec attention eu égard des moyens déployés et de son éblouissante facture formelle, véritable rêve éveillé. Car il faut bien reconnaître que d'un niveau purement esthétique, le Géant de la Steppe est un chef-d'oeuvre enchanteur d'une beauté onirique incandescente. A l'instar de sa première demi-heure où le réalisateur (surnommé dans son pays le Walt Disney russe !) ne cesse d'y sublimer la nature (tantôt crépusculaire) et ses vastes panoramas parfois entourés d'animaux candides ou autrement étranges (les corbeaux) que les personnages psalmodient avec tendresse, alégresse et chaleur humaine. 

Et si ce pouvoir de fascinant prégnant perd toutefois de sa patine ensorceleuse au fil d'une narration épique chargée de batailles, trahisons, romance et pugilats, on reste toujours curieux d'assister à ce spectacle d'un autre âge, véritable hymne à l'amour de la patrie russe (au mépris de la fortune, de la célébrité et de la violence) que le réalisateur ukrainien ne cesse d'y glorifier à renfort de répliques et préceptes emplies de loyauté, de sens du courage dans leurs valeurs de noblesse humaine. Et si les personnages peu familiers au public occidental ont un peu de mal à nous immerger de plein fouet dans leur conflit politique, les acteurs saisissants de droiture héroïque prennent très au sérieux leur rôle iconique, en ce en dépit de plages d'humour disséminées ici et là afin d'y détendre l'atmosphère. On peut d'ailleurs sourire de certains effets spéciaux artisanaux en carton pate (certains paysages en filigrane, le dragon a 3 têtes articulé sans agilité), alors qu'à d'autres moments on reste impressionnés par des séquences singulières plus crédibles et autrement inquiétantes par leur réalisme tantôt obscur (le rossignol brigand au souffre apocalyptique), tantôt ambitieux (les scènes de foules, les champs de batailles à perte de vue à la figuration disproportionnée - bien que perfectible par certains effets translucides-, la montagne humaine que les antagonistes façonnent afin que leur leader puisse accéder du haut du sommet à une vue panoramique pour observer l'ennemi). 

Bien connue de la génération 80 avec sa Vhs locative chez l'étendard Hollywood Video ainsi que sa diffusion au cinéma de quartier de Jean-Pierre Dionnet, le Géant de la Steppe renait de ses cendres sous l'égide d'Artus Films nous ayant concocté un sublime coffret avec livret dans une copie HD resplendissante. A redécouvrir, et à apprivoiser davantage à chaque révision car le Géant de la Steppe ne manque ni d'attrait, ni d'émotions ni de sens féerique en dépit de ses ellipses et de sa structure narrative à la fois redondante et prévisible.

*Bruno Matéï
2èx

jeudi 3 mars 2022

Un Monde. Prix FIPRESCI, Cannes: un certain regard.

                                                   Photo empruntée sur Google, appartenant au site Allocine.fr

de Laura Wandel. 2021. Belgique. 1h12. Avec Maya Vanderbeque, Günter Duret, Karim Leklou,Laura Verlinden, Thao Maerten, Lena Girard Voss 

Sortie salles France: 26 Janvier 2022. Belgique: 20 Octobre 2021

FILMOGRAPHIELaura Wandel, née en 1984, est une réalisatrice et scénariste belge. 2021 : Un monde. 


“Dans la vie, il est des rencontres stimulantes qui nous incitent à donner le meilleur de nous-même, il est aussi des rencontres qui nous minent et qui peuvent finir par nous briser.”
Lardé de récompenses (voir en fin de chronique) alors qu'il s'agit d'un premier métrage, Un monde est une oeuvre dure et douloureuse, traitée avec réserve et pudeur, du point de vue des enfants victimes de harcèlement scolaire. La réalisatrice belge Laura Wandel traitant son sujet bateau avec une grande intelligence et humilité dans son refus de se morfondre dans la facilité du misérabilisme. Car filmé à hauteur d'enfants à travers un souci de réalisme documenté que n'aurait renié François Truffaut, Un Monde demeure d'une fragilité à fleur de peau lorsqu'une fillette tente désespérément de prêter main forte à son frère aîné, souffre douleur d'une bande de harceleurs insatiables. L'intérêt de l'intrigue résidant auprès du témoignage toujours plus fragilisé de cette dernière démunie et impuissante à préserver son frère et à tenter d'alerter les adultes (parents / professeurs) moins attentifs à leurs comportements infantiles qu'ils ont parfois tendance à relativiser ou à dédramatiser dans leur responsabilité autoritaire. Dirigeant admirablement les enfants d'un naturel parfois bouleversant, Laura Wandel possède ce don inné d'y capter leurs sentiments (rebelles, amiteux, attristés, colériques, hilarants) en se focalisant sur leurs regards candides tourmentés d'une violence quotidienne au sein de la coure d'école, du patio ou encore du réfectoire. 


Celle-ci accordant une scrupuleuse attention sur les bruitages assourdissants de bambins indisciplinés batifolant lors des pauses déjeuners et des récréations, à l'instar d'un parti-pris expérimental pour mieux nous immerger dans leur quotidienneté intime. Maya Vanderbeque nous suscitant une émotion résolument empathique dans son petit corps de fillette contrariée peu à peu traumatisée par une violence contagieuse eu égard du harcelé devenant à son tour harceleur afin de se venger et d'y purger ses cicatrices morales, aussi immorales soient ses réactions d'une violence primale. Quand bien même Nora davantage recluse dans sa colère contenue se morfond ensuite dans le mutisme et la révolte pour tenir lieu de son sentiment d'injustice difficilement canalisable. Inévitablement cruel donc du point de vue ambivalent de ces enfants surfant avec le bien et le mal d'après l'influence de camarades moins recommandables, Un Monde nous éprouve moralement notre psyché auprès de cette innocence éperdue en quête d'une main secourable difficilement à l'écoute de l'autre. Ou tout du moins pas assez attentionnée pour prémunir, ou plutôt préméditer tous débordements violents du point de vue d'enfants désorientés à distinguer les valeurs dichotomiques du Bien et du Mal.  


Pour l'amour d'un frère.
Emotif et bouleversant dans une forme d'humilité sensorielle, rigoureux, grave et parfois dérangeant lors du basculement d'une violence gratuite épidémique, Un monde se décline en manifeste d'utilité publique. Cri d'alarme contre le harcèlement du point de vue d'une enfance esseulée d'une fragilité morale insoupçonnable. A diffuser urgemment dans toutes les écoles. 

*Bruno Matéï

Récompenses
Laura Wandel, Maya Vanderbeque, Günter Duret, Laura Verlinden et l'équipe du film Un monde sur les marches de la salle Debussy à Cannes.
Prix FIPRESCI du Festival de Cannes de la section Un certain regard
Magritte 2022 :
Meilleur premier film
Meilleure réalisation pour Laura Wandel
Meilleure actrice dans un second rôle pour Laura Verlinden
Meilleur espoir féminin pour Maya Vanderbeque
Meilleur espoir masculin pour Günter Duret
Meilleur son pour Mathieu Cox, Corinne Dubien, Thomas Grimm-Landsberg, David Vranken
Meilleur montage pour Nicolas Rumpl
Festival du film de Sarajevo 2021 : section Kinoscope, Special Award for promoting gender equality : Special Jury Mention.
Guanajuato International Film Festival (GIFF) 2021: Meilleur Film International.
Festival international du film de Haïfa 2021 : Golden Anchor du Meilleur Premier Film
Ourense Film Festival (OUFF) 
2021 : Calpurnia du Meilleur Film
Prix CIMA de la Meilleure Réalisatrice
BFI London Film Festival 2021 : Sutherland Award
Pingyao International Film Festival : People's Choice Award - Crouching Tigers - Best Film
Festival cine por mujeres, Madrid : Meilleur film international
Festival international du cinéma francophone en Acadie (FICFA) : Prix la Vague du meilleur long métrage de fiction international
Festival International du Film d'Amiens : Prix du Jury Jeune UPJV
Festival du film Nuits noires de Tallinn (PÖFF) : Grand Prix Just Film

mercredi 2 mars 2022

Out of Order... En dérangement / Abwärts

                                        
                                            Photo empruntée sur Google, appartenant au site moviepostershop.com

de Carl Schenkel. 1984. Allemagne. 1h27. Avec Götz George, Wolfgang Kieling, Hannes Jaenicke, Kurt Raab, Jan Groth, Claus Wennemann, Ralph Richter, Renée Soutendjik, Ekmekyemez Fierdevs.

Sortie salles France: 23 Janvier 1985 (13 Février 1985 selon d'autres sources)

FILMOGRAPHIE SELECTIVECarl Schenkel est un réalisateur et scénariste allemand, né le 8 Mai 1948 à Berne, Switzerland, décédé le 1er Décembre 2003 à Los Angeles, Californie, USA.
1979: Graf Dracula in Oberbayern. 1981: Kalt wie Eis. 1984: Out of Order. 1992: Face à face. 1995: Terror Clinic. 1998: Tarzan et la cité perdue. 2001: Le crime de l'Orient Express (télé-film).


"Deux gamins de génération opposée se prennent la tête 1h30 durant dans une cage d'ascenseur".
Sorti un an après l'Ascenseur (de Dick Maas), Out of Order en exploite le même décor restreint mais en l'étalant sur une durée d'1h30, et ce sans argument fantastique. Le pitch: Un couple, un comptable et un jeune marginal se retrouvent coincés dans un ascenseur le temps d'une soirée. L'alarme n'étant pas déclenchée et ne voyant pas les secours arriver, deux d'entre eux décident de grimper au dessus de la cage pour accéder au périmètre des câbles. Rapidement, les esprits vont s'échauffer quand bien même leur situation de survie s'avère de plus en plus alarmiste. Ainsi donc, c'est une forme de pari Hitchcockien que s'est lancé le cinéaste allemand Carl Schenkel avec ce huis-clos intense jouant autant sur la claustrophobie de son unique décor que sur l'inimitié psychologique des protagonistes. En particulier celui de deux individus de milieu social opposé, un cadre et un jeune pubard n'ayant de cesse de se provoquer verbalement afin d'imposer leur mainmise. La maîtresse du cadre étant à l'origine de leur discorde puisque facilement attendrie par l'autorité rebelle du jeune délinquant. Ainsi, la jalousie, la rancoeur et leurs sentiments de supériorité vont être les vecteurs des deux adversaires à se combattre moralement et physiquement jusqu'à ce qu'un incident capital ne vienne dramatiser la situation de claustration.


En prime, et pour pimenter l'intrigue, le témoin le plus discret, un comptable sexagénaire, possède une étrange mallette attisant inévitablement la curiosité de ces camarades ! Hormis la facilité à laquelle ils décident (trop) rapidement d'investir le périmètre technique (au lieu d'attendre comme tout un chacun les secours), Carl Schenkel parvient à insuffler un suspense constamment haletant à travers leur confrontation machiste et leur bravoure à escalader les câbles de l'ascenseur pour tenter de rejoindre une issue de secours. L'exploration de ce long couloir de cordages électriques offrant des moments intenses de haut le coeur pour le spectateur apte au vertige ! Et ce sans effets numériques si bien que l'on reste bluffé par le réalisme de ses situations de danger létal.  Qui plus est, la prestation solide des comédiens et leur caractère bien trempé permettent d'y maintenir l'intérêt de par leur esprit de désinvolture mais aussi leur hypocrisie à se rejeter la faute l'un contre l'autre (ils sont incapables de distinguer la bonne foi de l'accusé mis en cause !). Enfin, lors de sa dernière partie, le réalisateur relance à nouveau l'action vers une progression dramatique oppressante lors d'une nouvelle tentative de secours des plus vertigineuses ! Et d'y clore cette captivante séquestration sur une note amorale si bien que la cupidité aura une fois de plus corrompu chacun des protagonistes, et ce de manière plutôt cruelle pour deux d'entre eux.


Intense, étouffant, haletant et magnétique à travers sa fine étude psychologique oscillant crise conjugale, maraude et rivalité machiste, Out of Order demeure un palpitant thriller à suspense jalonné de rebondissements et exploitant à bon escient son unique décor photogénique, dédale de tous les dangers. Pour parachever, sa galerie de personnages impudents, toujours plus confrontés au stress, à la panique et à la paranoïa, prouve à nouveau qu'en situation de péril, l'homme ne peut finalement compter que sur son estime afin de remporter la mise. Mais à quel prix ?

Bruno Matéï
02.03.22. 5èx
16.05.14. 333 v

mardi 1 mars 2022

Viol et Châtiment / Lipstick

                                          Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Lamont Johnson. 1976. U.S.A. 1h30. Margaux Hemingway, Chris Sarandon, Mariel Hemingway, Perry King, John Bennett Perry, Francesco Scavullo, Robin Gammel, Anne Bancroft.

Sortie salles France: 12 Janvier 1977 (int - 18 ans)

FILMOGRAPHIELamont Johnson, né le 30 septembre 1922 à Stockton (Californie), aux États-Unis, et mort à Monterey (Californie), le 25 octobre 20101, est un réalisateur, acteur, producteur américain. 1967 : A Covenant with Death. 1968 : Kona Coast. 1968 : Call to Danger (TV). 1968 : European Eye (TV). 1969 : Haute tension dans la ville (TV). 1970 : My Sweet Charlie (TV). 1970 : L'Évasion du capitaine Schlütter. 1971 : Birdbath (TV). 1971 : Dialogue de feu. 1972 : Requiem pour un espion. 1972 : You'll Like My Mother (en). 1972 : Cet été-là (TV). 1973 : The Last American Hero. 1974 : Visit to a Chief's Son. 1974 : Exécuté pour désertion (TV). 1975 : Fear on Trial (TV). 1976 : Viol et Châtiment. 1977 : One on One (en). 1978 : Mais qui a tué mon mari ?. 1980 : Paul's Case (TV). 1980 : Off the Minnesota Strip (TV). 1981 : Crisis at Central High (TV). 1981 : Winchester et Jupons courts. 1981 : Otages à Téhéran (TV). 1982 : Dangerous Company (TV). 1982 : Life of the Party: The Story of Beatrice (TV). 1983 : Le Guerrier de l'espace. 1984 : Ernie Kovacs: Between the Laughter (TV). 1985 : Wallenberg: A Hero's Story (TV). 1986 : Unnatural Causes (TV). 1988 : Lincoln (TV). 1990 : The Kennedys of Massachusetts (feuilleton TV). 1990 : Voices Within: The Lives of Truddi Chase (TV). 1992 : Crash Landing: The Rescue of Flight 232 (TV). 1993 : La Chaîne brisée (TV). 1996 : The Man Next Door (TV). 1997 : Le Loup et le Raven (TV). 


Rape and Revenge
produit par Dino De Laurentiis que j'ai eu l'opportunité de découvrir une 1ère fois sur Canal + lors des années 80 (diffusé un Mercredi soir si je ne m'abuse), Viol et Châtiment est une oeuvre méconnue plutôt discréditée par les critiques de l'époque. Tout du moins dans mes vagues souvenirs car il demeure plutôt difficile d'y harponner aujourd'hui une critique objective sur le net, notamment du fait de son invisibilité. Autant dire que tout le monde (ou presque) à omis ce drame psychologique plutôt solidement interprété et efficacement réalisé par un vétéran de la TV, Lamont Johnson, à qui l'on doit par ailleurs le sympathique Le Guerrier de l'Espace (exploité pour le coup au cinéma). Pour en revenir au film qui nous intéresse ici, Viol et Châtiment ne manque ni de charme, ni de force, ni d'émotions pour dépeindre la descente aux enfers morale et physique d'une illustre mannequin de charme après avoir été violée par l'un des professeurs de sa soeur cadette. Chris Sarandon demeurant abjecte en violeur misogyne incapable de canaliser ses pulsions perverses si je me réfère à la tournure dramatique de l'intrigue que l'on ne voit pas arriver. L'acteur suscitant une aversion hargneuse en violeur misogyne alors que face aux jurés il optera un jeu autrement sournois en victime insurgée dénuée de remord et de responsabilité. En ce qui concerne le viol qui ouvre l'intrigue, elle s'avère pénible à regarder du fait de son réalisme et de sa brutalité que le réalisateur exploite sans complaisance. J'ai d'ailleurs été plus impressionné à la revoyure, notamment faute de sa temporalité diffuse et de la préméditation du climat déjà dérangeant fondé sur une musicalité dissonante (les expérimentations du professeur de musique qu'il sollicite à sa victime avant de passer à l'acte). 

Quand à la longue séquence du tribunal, si certains dialogues (et postures) stéréotypés prêtent un peu à sourire, on reste attentif puis inquiet, pour ne pas dire alarmé par le traitement infligé à la victime lorsque l'absence de preuves et de témoins (en dépit de sa soeur cadette survenue APRES le viol) lui portent finalement préjudice pour le jugement rendu. Margaux Hemingway demeurant crédible d'empathie en mannequin quelque peu timorée pour autant affirmée dans sa dignité morale d'y clamer son innocence face au juge, à l'avocat et à son prédateur vautré dans le cynisme et la droiture pour éclipser sa personnalité schizo. Mais faute de propositions ciné clairsemées, Margaux Hemingway, comédienne et mannequin à la ville, accusera un bien triste destin puisqu'elle se suicidera le 1er juillet 1996 à Santa Monica en Californie après une grave dépression ainsi qu'une dépendance à l'alcool du fait de sa carrière déclinante. Alors que sa soeur cadette plus sollicitée à l'écran amorcera une carrière plus fructueuse. Mariel Hemingway affichant ici sobrement une douce fragilité mêlée de sensibilité ténue du haut de ses 15 ans en témoin éprise de confiance, de loyauté et d'amour pour sa soeur aînée. Ce duo familial portant efficacement le film sur leurs épaules de par leur unité solidaire aussi attachante que sincère. Ce qui confère un bien étrange goût de souffre dans la bouche lors de son final à la fois sanglant et tragique où sa violence brutale, percutante nous extériorise un sentiment primitif d'auto-justice à ne pas reproduire (on peut entre autre concevoir cette morale douteuse comme un exutoire à nos bas instincts). 

Témoignage dense et poignant du traitement parfois arbitraire infligé à la parole des victimes de viol traumatisées par leur bourreau, Viol et Châtiment ne nous laisse pas indifférent face à l'amertume de cette dernière contrainte ici d'opérer sa propre justice au grand dam d'une juridiction partiale. Symptomatique de l'époque auquel il fut conçu, Viol et Châtiment bénéficie donc d'une charmante texture formelle auprès de son réalisme estampillé "seventie" sous l'impulsion d'un inquiétant score composé par Michel Polnareff (!?). A découvrir car quoiqu'on en dise, cette oeuvre oubliée ne méritait pas tant d'indifférence et de mépris, surtout venant de la part de la qualité indiscutable de l'interprétation dénuée d'outrance, de pathos ou encore de racolage.

A Margaux...

*Bruno Matéï
2èx

lundi 28 février 2022

Timebomb. Prix du Public, Avoriaz 1992.

                                            Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Avi Nesher. 1991. U.S.A. 1h36. Avec Michael Biehn, Patsy Kensit, Tracy Scoggins, Robert Culp, Richard Jordan.

Sortie salles France: 20 Mai 1992

FILMOGRAPHIEAvi Nesher (en hébreu : אבי נשר), né le 13 décembre 1953 à Ramat Gan (Israël), est un producteur, scénariste, réalisateur et acteur israélien. 1979 : Lahaka, Ha-. 1979 : Dizengoff 99. 1982 : She. 1983 : Pachdanim, Ha-. 1985 : Za'am V'Tehilah. 1985 : Shovrim. 1991 : Timebomb. 1993 : Le Double maléfique (Doppelganger). 1997 : Mercenary (TV). 1997 : Savage. 1998 : Taxman. 1999 : Raw Nerve. 2001 : Ritual. 2004 : Oriental. 2004 : Au bout du monde à gauche. 2007 : Ha-Sodot (The Secrets). 2010 : Paam Haiti (Le Marieur). 2013 : Wonderland. 2016 : Past life. 

Une formidable série B native des années 90 décrivant avec beaucoup d'efficacité la traque sans relâche d'un ancien émissaire de la CIA poursuivi par des tueurs sans pitié pour un enjeu terroriste. Outre l'attachante complémentarité du duo héroïque Michael Biehn / Patsy Kensit portant le film sur leurs épaules avec une énergie à perdre haleine (c'est peu de le dire !), on reste bluffé par les impressionnantes séquences d'actions impeccablement chorégraphiées et jamais gratuites. Avi Nesher n'usant jamais de racolage pour relancer l'action fulgurante qu'Eddy et Anna ont bien du mal à déjouer dans leur fonction de victimes en porte-à-faux. On s'étonne notamment de son ultra violence parfois graphique qui empiète parfois l'intrigue eu égard des méthodes criminelles de nos experts de la CIA surentrainés, tels des robots lobotomisés, s'affrontant tels des titans enragés. De par son attachant format de petite série B rondement menée au sein d'une intrigue originale (il y est question de lavage de cerveau et d'usurpation identitaire), Timebomb mérite son Prix du Public qu'il reçut à Avoriaz un an plus tard, tant et si bien qu'Avi Nesher demeure particulièrement inspiré à nous divertir sans relâche dans une mise en forme musclée dénuée de prétention. A revoir, notamment en se focalisant sur l'aspect artisanal des séquences d'action d'une incroyable vigueur visuelle. 


*Bruno Matéï
3èx. Vostfr

jeudi 24 février 2022

Batman

                                             Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Tim Burton. 1989. U.S.A. 2h06. Avec Michael Keaton, Jack Nicholson, Kim Basinger, Robert Wuhl, Michael Gough, Pat Hingle, Billy Dee Williams, Jack Palance, Jerry Hall. 

Sortie salles France: 13 Septembre 1989. U.S: 23 Juin 1989

FILMOGRAPHIE: Timothy William Burton, dit Tim Burton, est un réalisateur, scénariste et producteur américain, né le 25 Août 1958 à Burbank en Californie. 1985: Pee-Wee Big Adventure. 1988: Beetlejuice. 1989: Batman. 1990: Edward aux mains d'argent. 1992: Batman, le Défi. 1994: Ed Wood. 1996: Mars Attacks ! 1999: Sleepy Hollow. 2001: La Planète des Singes. 2003: Big Fish. 2005: Charlie et la Chocolaterie. 2005: Les Noces Funèbres. 2008: Sweeney Todd. 2010: Alice au pays des Merveilles. 2012: Dark Shadows. 2012: Frankenweenie. 2014: Big Eyes. 2016 : Miss Peregrine's Home for Peculiar Children. 2019 : Dumbo.


Infiniment plus substantiel qu'un simple divertissement de super-héros, une oeuvre d'art à la fois bâtarde et gracieuse.
Succès commercial et critique (alors que dans mes souvenirs j'en soupçonnais la controverse) rameutant plus de 2 362 087 spectateurs dans nos salles hexagonales, Batman dépasse de loin le simple cadre du film de super-héros si bien qu'il ne s'adresse point au public familial en bonne et due forme. Car portant la pate si personnelle de Tim Burton (en pleine ascension de son inspiration onirico-gothique) signant ici un chef-d'oeuvre formel (en 4K c'est même une résurrection !), Batman nous fait confronter celui-ci avec le Joker immortalisé par un Jack Nicholson déchainé mais d'une justesse imparable en bouffon sardonique d'une cruauté sans morale (alors que là aussi dans mes souvenirs un certain cabotinage parfois outrancier laissait à désirer). Les décors architecturaux, grandioses (pour ne pas dire disproportionnés) au stylisme expressionniste; ou encore classieux, telle la salle à manger de Wayne ou la réception dans son manoir, nous inondant la vue de sa fulgurance fréquemment baroque. A l'instar (en guise d'apothéose) du final infiniment crépusculaire dans l'immensité d'une église longiligne (peu de le dire !). Tim Burton densifiant autour de son esthétisme parfois horrifique (quelle audace donc au sein du film de super-héros !) et du genre du film noir d'après-guerre la confrontation morale entre le Bien et le Mal que se disputent Batman et le Joker reliés par un passé meurtrier qui changeront à jamais leur destinée. 

L'intrigue aussi obscure que dramatique nous dévoilant finalement leur point commun d'une vengeance à double tranchant, notamment eu égard de la suspicion des citadins de Gotham envers l'homme chauve-souris aussi discret que mystérieux. Le Joker reportant la faute de ses crimes sur lui afin de s'attirer la sympathie du public en liesse. Outre la puissance de jeu imparable de Nicholson très à l'aise dans son rôle de mégalo diablotin, on peut autant prôner l'incroyable charisme de Michael Keaton aussi prudent et distingué en milliardaire prétendant qu'impassible et renfrogné en super héros ténébreux au latex saillant. Une posture photogénique qui laisse pantois d'admiration le spectateur sous l'impulsion de cadrages obliques ou de plans serrés ombrageux. Tim Burton sublimant chacune de ses présences bipolaires à l'aide d'un onirisme baroque littéralement hypnotique (souvent en harmonie avec une nature sombre et mystérieuse). On peut également relever la présence gironde de Kim Basinger envoûtant le spectateur de sa posture de blonde classieuse en dépit de ses expressions laconiques un tantinet perfectibles. Quoiqu'il en soit, l'actrice parvient à se détacher de sa simple apparence sensuelle en imprimant une fragilité attendrie non négligeable pour le super-héros frappé d'un passé traumatique (et donc en requête de tendresse rédemptrice). Et si les scènes d'actions sont loin d'être légions (le jeune ado actuel risque de trouver le spectacle ennuyeux !), elles n'en demeurent pas moins agréablement troussées, notamment auprès de ses effets spéciaux artisanaux résolument soignés (à 1 ou 2 plans conçus en maquettes). Alors que les moyens de déplacement de Batman font appel à un attirail technologique au pouvoir de fascination clinquant. 


Une oeuvre d'art malade
Pur film fantastique à la croisée des genres (film noir, horreur, science-fiction, romance, action, féérie, et animation s'entrechoquent dans la fluidité), Batman demeure une oeuvre hybride d'une beauté funeste à damner un saint. A la fois grandiose, somptueux, décadent, décalé et doté d'un humour noir parfois déconcertant (notamment l'incroyable séquence horrifique de la mort des parents de Wayne sous un brouillard couard), Batman transcende le simple film de super-héros de par la personnalité hétérodoxe de son auteur féru d'amour pour un macabre enchanteur. A revoir d'urgence donc, avec la surprenante impression que cette oeuvre quasi inclassable s'est bonifiée au fil du temps de par sa scénographie littéralement picturale et le charisme de ses acteurs dirigés entre la réserve et l'insolence.   

*Bruno Matéï
3èx

Ci-joint la chronique de Batman le défi: http://brunomatei.blogspot.fr/2015/11/batman-le-defi.html

Récompenses:
62e cérémonie des Oscars : Meilleure direction artistique pour Anton Furst
17e cérémonie des Saturn Awards : prix du président du jury

mercredi 23 février 2022

Fou à tuer

 
                                                 Photo empruntée sur Google, appartenant au site senscritique.com

"Crawlspace" de David Schmoeller. 1986. U.S.A. 1h21. Avec Klaus Kinski, Talia Balsam, Barbara Whinnery, Carole Francis, Sally Brown, Jack Heller, David Abbott, Tane McClure.

Sortie salles France: 21 Mai 1986

FILMOGRAPHIEDavid Schmoeller est un acteur, monteur, producteur, réalisateur et scénariste américain, né le 8 décembre 1947 à Louisville, dans le Kentucky (Etats-Unis).
1976: The Spider will kill you (Court-Metrage). 1979: Le Piège. 1982: The Seduction. 1986: Fou à Tuer. 1988: Catacombs. 1989: Puppet Master. 1991: The Arrival. 1992: Le Rebelle ("Renegade"). Série TV. 1992: Netherworld. 1998: The Secret Kingdom. 1999: Please Kill Mr Kinski. 1999: Search for the Jewel of Polaris: Mysterious Museum (télé-film).


Petit maître du fantastique reconnu des vidéophiles à l 'orée des années 80 avec le désormais classique  Tourist TrapDavid Schmoeller est également responsable d'une modeste série B horrifique auquel la présence symbolique du monstre sacré Klaus Kinski y doit beaucoup. Fou à tuer décrivant les stratagèmes meurtriers et voyeuristes d'un fils de criminel nazi, Karl Gunther, résidant dans un appartement parmi ses jeunes voisines de palier. Surveillant leurs moindres faits et gestes derrière les conduits d'aération, ce dernier a également élaboré des pièges sophistiqués afin de les appréhender de la manière la plus cruelle. Dans son appartement est également retenue prisonnière une déportée juive réduite à l'état animal au sein d'une petite cage. Mais un chasseur de nazi avide de revanche rend visite à Gunther afin de lui faire savoir qu'il connait sa véritable identité. Ce pitch alléchant au cheminement néanmoins orthodoxe constitue surtout un prétexte pour brosser le fascinant portrait d'un tueur en série obsédé à l'idée de tuer avec ménagement depuis l'héritage de son paternel. Un criminel de guerre ayant autrefois endossé la fonction de médecin SS. Avec souci documentaire et par le biais de la prestance oh combien magnétique de Klaus Kinski délivrant une fois encore une fois un numéro d'acteur à la mesure de son talent, Fou à tuer parvient tour à tour à inquiéter et captiver en dépit de son absence d'intensité. 


David Schmoeller s'efforçant de crédibiliser ce personnage cynique dans la quiétude de sa plus stricte intimité. A l'instar de son journal intime où il s'applique à délivrer ses impressions subjectives sur sa fascination morbide, sa mission à perpétrer le Mal, son goût addictif à supprimer autrui et son sentiment de supériorité après y avoir commis l'irréparable. Analogie évidente sur le spectre du fascisme et les effets pervers de la débauche criminelle, Fou à tuer distille un drôle de climat malsain dans son souci scrupuleux d'y détailler l'existence solitaire de ce chirurgien aussi cynique que pervers. Nanti d'un réalisme dérangeant et parfois poignant lorsque le cinéaste s'efforce à relater l'agonie mentale d'une détenue juive, l'intrigue provoque également une forme de dérision sardonique à travers le voyeurisme de Gunther (scruter les corps féminins parmi la complicité de rats), et par le biais de son masochisme suicidaire (son goût toujours plus risqué pour la roulette russe !). Quand bien même un jeu du chat et de la souris culminera entre lui et la survivante en guise de final oppressant. David Schmoeller recourant  au caractère haletant d'une course-poursuite perpétrée dans les conduits sanitaires. 


En dépit d'une intrigue somme toute futile, Fou à tuer parvient admirablement à élever la série B horrifique en oeuvre d'auteur sous l'impériosité d'un comédien au charisme vénéneux et de par l'efficacité d'une réalisation appliquée exploitant les chausse-trapes de l'immeuble. Dérangeant, trouble et fascinant pour le portrait authentifié à son tortionnaire, Fou à tuer laisse surtout en mémoire, et sous couvert d'argument horrifique, un témoignage audacieux sur l'holocauste nazie ! A revoir d'urgence.

*Bruno Matéï
30/08/10
16/12/15. 98 v
23/02/22. 5èx.

mardi 22 février 2022

Repo Man

                                            Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Alex Cox. 1984. U.S.A. 1h32. Avec Emilio Estevez, Harry Dean Stanton, Olivia Barash, Vonetta McGee, Sy Richardson, Tracey Walter. 

Sortie salles France: 19 Juin 1985

FILMOGRAPHIEAlex Cox, né le 15 décembre 1954 à Liverpool, est un acteur, réalisateur et scénariste britannique. 1980 : Sleep Is for Sissies. 1984 : La Mort en prime. 1986 : Sid and Nancy. 1987 : Straight to Hell. 1987 : Walker. 1990 : Red Hot and Blue (TV). 1991 : Highway Patrolman (El Patrullero). 1992 : Death and the Compass. 1996 : The Winner. 1998 : Three Businessmen. 1999 : Kurosawa: The Last Emperor (TV). 2000 : A Hard Look (TV). 2002 : Revengers Tragedy. 2002 : Mike Hama, Private Detective: Mike Hama Must Die! (TV). 2004 : I'm a Juvenile Delinquent, Jail Me! (TV). 2007 : Searchers 2.0. 

Oeuvre culte au sens étymologique native des glorieuses années 80, Repo Man est une oeuvre indépendante ne ressemblant à nulle autre dans sa combinaison des genres hétéroclites au doux parfum de provocation. Alors que l'on s'étonne de retrouver sur la même affiche Emilio Estevez et Harry Dean Stanton dans des rôles perfides de voleurs de voitures gagées auprès de propriétaires incapables d'y régler leur dette, Repo Man fleure bon l'esprit libertaire issu de la mode punk à travers ses moult situations décalées où action, drôlerie et anticipation font bon ménage auprès d'une description documentée de marginaux décomplexés. 

Car si l'intrigue demeure irracontable, tant le cinéaste Alex Cox cumule les rebondissements à un rythme davantage épuisant (la dernière demi-heure, complètement hystérique vaut son pesant de cacahuètes à travers ses courses-poursuites déjantées), son climat singulier (un réalisme à mi-chemin entre le reportage et la bande-dessinée !) rehaussé de la sobriété des interprètes (prenant leur rôle très au sérieux), nous font participer à un divertissement débridé quasi indicible. C'est dire si cette série B dénuée de prétention parvient à imprimer sa propre personnalité subversive à l'aide d'une fantaisie impolie que l'on ne voit pas débarquer. D'où l'effet de surprise perpétuel que le spectateur savoure en dépit de 2/3 baisses de rythme finalement transcendées de son (long) final en apothéose. Tous les personnages, en marge de la société, se combattant mutuellement pour un enjeu pécuniaire qui leur réservera bien des surprises à la fois radicales et saugrenues. 

Inventif, borderline et imprévisible auprès d'un cheminement marginal en roue libre, Repo Man est une pépite d'insolence, de provocation et d'émancipation à travers sa fureur de vivre issue d'un contexte urbain peuplé de voyous, paumés et laissés pour compte. Alex Cox soignant notamment l'esthétisme de sa société en déliquescence par le biais d'une métropole nocturne superbement éclairée afin de mieux nous immerger dans cette odyssée noctambule où pointe une nouvelle illusion du bonheur retrouvé (Spoil ! l'échappée du duo en voiture volante sous un ciel crépusculaire Fin du Spoil). A ne point rater pour les vrais fans d'OVNI underground ! 

*Bruno Matéï
2èx

Récompenses
Saturn Awards
Meilleur second rôle pour Tracey Walter
BSFC Awards
Meilleur scénario pour Alex Cox

lundi 14 février 2022

I see you

                                              Photo empruntée sur Google, appartenant au site Allocine.fr

de Adam Randall. 2019. U.S.A. 1h37. Avec Helen Hunt, Jon Tenney, Owen Teague, Judah Lewis, Libe Barer

Sortie salles France: 22 Juin 2020. U.S: 6 Décembre 2019

FILMOGRAPHIE: Adam Randall est un réalisateur, scénariste et producteur anglais né le 3 Octobre 1980 à Londres. 2021: Night Teeth. 2019: I See You. 2017: iBoy. 2016: Under Control.


Il y a parfois des films qu'on loupe à leur sortie et qui créait l'heureuse surprise quand on ose enfin s'y confronter dans une optique aléatoire. Tant et si bien que louablement I see you est conçu sur l'effet de surprise de par l'originalité de son script retors jouant avec les codes du surnaturel pour mieux nous surprendre. Rien que le prologue (une disparition d'enfant), aussi étrange qu'inquiétant, s'adonne au simulacre lorsqu'un ado à vélo arpente une forêt au moment de s'éjecter de sa selle quelques secondes plus tard par une force invisible. Place ensuite à la caractérisation de la famille Harper dont l'épouse a bien du mal à renouer avec son fils et son époux faute de son adultère qu'elle déplore amèrement. Or, d'étranges évènements vont intenter à leur tranquillité au sein de leur foyer, que ce soit de nuit comme de jour si bien qu'une force invisible (un ectoplasme ?) semble roder dans les recoins de la maison. 


Ainsi, en tablant sur un suspense à la fois tendu, inquiétant et oppressant (scandé d'un tempo sonore clinquant !) où le spectateur ne cesse de s'interroger sur les tenants et aboutissants de cette disparition d'enfant, I see you surprend davantage au film d'une trajectoire narrative fertile en rebondissements et revirement dramatique. Adam Randall reconsidérant à mi-parcours l'action d'un point de vue autrement audacieux et effronté Spoil eu égard de voyeurs surfant sur l'illégalité Fin du Spoil. Le spectateur attentif à leurs faits et gestes revivant l'action antécédente avec un oeil plus avisé et rationnel, quand bien même l'évolution morale de ses nouveaux personnages nous convoquera ensuite l'empathie au gré d'un enjeu de survie que l'on a pas vu v'nir. 


De par sa mise en scène scrupuleuse plutôt bien gérée, le soin imparti à son ambiance ombrageuse assez envoûtante et surtout l'élaboration d'un script perfide usant habilement de rebondissements crédibles jusqu'à l'ultime image cuisante, I see you demeure une formidable série B horrifique aussi bien captivante qu'haletante. Et si l'interprétation avait gagné à être un peu plus solide, on a tout de même plaisir à retrouver Helent Hunt en épouse déconfite en proie aux moult accusations (même si pas très en forme du haut de ses 58 balais) entourée d'attachants comédiens sévèrement malmenés par une menace faisant office d'ubiquité. Des séries B aussi intègres, charmantes et inventives de cet acabit, je veux bien en souper tous les soirs.

*Eric Binford

vendredi 11 février 2022

J'ai épousé une ombre

                                     Photo empruntée sur Google, appartenant au site 

de Robin Davis. 1983. France. 1h49. Avec Nathalie Baye, Francis Huster, Richard Bohringer, Madeleine Robinson, Guy Tréjan, Victoria Abril, Humbert Balsan.

Sortie salles France: 16 Février 1983

FILMOGRAPHIERobin Davis, né le 29 mars 1943 à Marseille, est un réalisateur français. 1975 : Ce cher Victor. 1979 : La Guerre des polices. 1982 : Le Choc. 1983 : J'ai épousé une ombre. 1985 : Hors-la-loi. 1989 : La Fille des collines. 


Un joli drame romantique teinté de thriller à voir surtout pour son interprétation imparable (quel plaisir de retrouver dans la fleur de l'âge Richard Bohringer en maître chanteur cupide, Francis Huster en prétendant équivoque, Victoria April en maîtresse envieuse, Guy Tréjan en patriarche prévenant, et enfin Véronique Genest en jeune mariée accorte !). Mais c'est surtout l'omniprésence de Nathalie Baye qui irradie l'écran de par son charme discret et sa fragilité contrariée. Une usurpatrice malgré elle emportée dans un vortex de contradictions, d'indécisions, de chantage, de rivalité sentimentale et d'espoir salvateur à travers sa tendre relation avec Pierre Meyrand, frère du défunt peu à peu amoureux d'elle. L'intrigue demeurant suffisamment intéressante, solide et gentiment inquiétante en dépit de l'absence d'intensité dramatique que Robin Davis peine à insuffler autour du portrait (bicéphale) de Patricia compromise entre ses valeurs morales et sa culpabilité déconfite. Le réalisateur étant beaucoup plus préoccupé à diriger ses comédiens issus des années 80, tant et si bien que l'on reste jusqu'au final intrigué et attaché à leurs présences spontanées dénuées de théâtralisation (rare pour ne pas le souligner). Projeté en salles le 16 Février 1983 dans l'hexagone, le public se déplaça en masse pour cumuler 2 536 305 entrées. 


*Bruno Matéï

mardi 8 février 2022

After Hours. Prix de la Mise en scène, Cannes 86.

                                          Photo empruntée sur Google, appartenant au site cinedweller.com

de Martin Scorcese. 1985. U.S.A. 1h42. Avec Griffin Dunne, Rosanna Arquette, Verna Bloom, Tommy Chong, Linda Fiorentino, Teri Garr, Cheech Marin . 

Sortie salles France: 16 Mai 1986. U.S: 11 Octobre 1985

FILMOGRAPHIE: Martin Scorsese est un réalisateur américain né le 17 Novembre 1942 à Flushing (New-york). 1969: Who's That Knocking at my Door, 1970: Woodstock (assistant réalisateur), 1972: Bertha Boxcar, 1973: Mean Streets, 1974: Alice n'est plus ici, 1976: Taxi Driver, 1977: New-York, New-York, 1978: La Dernière Valse, 1980: Raging Bull, 1983: La Valse des Pantins, 1985: After Hours, 1986: La Couleur de l'Argent, 1988: La Dernière Tentation du Christ, 1990: Les Affranchis, 1991: Les Nerfs à vif, 1993: Le Temps de l'innocence, 1995: Un voyage avec Martin Scorsese à travers le cinéma américain, 1995: Casino, 1997: Kundun, 1999: Il Dolce cinema -prima partie, A Tombeau Ouvert, 2002: Gangs of New-York, 2003: Mon voyage en Italie (documentaire), 2004: Aviator, 2005: No Direction Home: Bob Dylan, 2006: Les Infiltrés,  2008: Shine a Light (documentaire), 2010: Shutter Island. 2011: Hugo Cabret.2013 : Le Loup de Wall Street (The Wolf of Wall Street); 2016 : Silence. 2019 : The Irishman. 2022 : Killers of the Flower Moon. 2024 : Grateful Dead. 2026 : Roosevelt. 

Merveille d'humour vitriolé auréolé du Prix de la Mise en scène à Cannes, After Hours déploie une fois de plus toute la mesure du talent inné de Martin Scorsese nous emballant une comédie noire sur fond de cauchemar sociétal (la peur de l'autre et de l'étranger, la peur d'aborder la femme). Tant et si bien que tous les personnages que rencontrera l'informaticien Paul Hackett sur sa trajectoire noctambule  demeurent soit instables, lunaires, borderline ou bipolaires dans leur malaise existentiel gagné de suspicion et de paranoïa influente. Car véritable cauchemar paranoïde du point de vue de cet informaticien timoré en quête de rencontre sentimentale (salvatrice), After Hours bénéficie d'un scénario délicieusement imprévisible au fil de ses errances nocturnes davantage inhospitalières. Griffin Dunne (le Loup-Garou de Londres) étant habité par son personnage infortuné plongé dans un tourbillon de calamités faute du poids de son introversion. Sorte de Pierre Richard ricain cumulant maladresses et quiproquos à un rythme si métronome que l'on pouvait craindre l'improbable ou le ridicule s'il eut été façonné par un cinéaste tâcheron. 

Le génie de Scorsese émanant de son habile capacité d'y renouveler l'intrigue (gigogne) dans de multiples virages incongrus en instaurant un réalisme à la fois dépressif et saugrenu sans céder à la gaudriole poussive. Car à travers le brio de sa mise en scène inventive (bien que j'y ai décelé un faux-raccord), celui-ci distille en prime une ambiance crépusculaire à la limite du surréalisme (pour ne pas dire à la lisière d'une horreur éthérée), tant et si bien que l'on se laisse envoûter par ce climat nocturne davantage hystérique au fil d'une épreuve de survie de tous les dangers. Paul Hackett ne cessant de s'attirer les ennuis les plus compromettants au fil de ses rencontres amicales et sentimentales avec des personnages névrosés, reflets de son profil esseulé en quête de fantasmes puisque souffrant également d'un malaise existentiel comme nous le confirme le prologue confiné dans les locaux de son entreprise. Outre l'omniprésence à la fois anxiogène et cocasse de Griffin Dunne s'efforçant comme un acharné à renouer avec sa routine quotidienneté, le charme érotisé de Rosanna Arquette ne manque pas d'attrait charnel dans sa fonction de maîtresse d'un soir hélas instable et immature auprès de ses tendances suicidaires. Quand bien même on est également fasciné par la posture autrement provocante de la vénéneuse Linda Fiorentino en sculptrice insomniaque aussi secrète que versatile. 

Chef-d'oeuvre de fantaisie sardonique s'adonnant à la satire sociétale à travers les portraits figés, tourmentés, complexés de cette jungle urbaine plongée dans une paranoïa grandissante (le spectre de l'auto-justice ne manque d'ailleurs pas à l'appel), After Hours est un modèle d'écriture sous couvert d'une intrigue incongrue beaucoup retorse et subtile qu'elle n'y parait. Le tout servi d'un cast proéminent et d'une mise en scène terriblement inspirée (caméra aussi véloce que sagace) que le score (tacitement inquiétant) d'Howard Shore transfigure fréquemment au gré de sonorités à la fois modérées, félines et badines. 

*Eric Binford
3èx