mercredi 27 juillet 2022

La Brigade. Prix d'interprétation, Audrey Lamy, Alpe d'Huez, 2022.

   Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Louis-Julien Petit. 2022. France. 1h36. Avec Audrey Lamy, François Cluzet, Chantal Neuwirth, Fatoumata Kaba, Yannick Kalombo 

Sortie salles France: 23 Mars 2022

FILMOGRAPHIE: Louis-Julien Petit est un réalisateur français, né le 6 septembre 1983 à Salisbury (Royaume-Uni). 2009: Les Figures (court métrage). 2015: Discount. 2016: Carole Matthieu. 2018 : Les Invisibles. 2022: La Brigade. 


Révélé par le splendide Les Invisibles (Prix Chabrol coup de coeur du Jury, Prix du Public à Pau), Louis-Julien Petit remet le couvert avec La brigade à travers sa recette payante d'humour, tendresse et soupçon de drama sans s'assombrir de l'ombre du misérabilisme. Le récit "bankable" relatant le parcours houleux d'une cuisinière prometteuse contrainte d'exercer dans une cantine pour migrants à la suite de son expulsion dans une illustre émission TV vantant la compétition culinaire entre jeunes cuistots en herbe. Un sujet Haribo certes mais redoutablement efficace de par le soin consciencieux du réalisateur à cultiver avec intelligence le juste équilibre entre sobriété et émotion fragile sous l'impulsion de bons sentiments jamais programmés. Soulevant du poids de ses épaules d'airain la globalité du récit avec une force de caractère aussi digne qu'entêtée, Audrey Lamy n'a pas volé son Prix d'interprétation à l'Alpe d'Huez tant l'actrice s'y transcende d'endosser une femme de caractère à la fois humaine et fragile mais passionnée, déterminée et ambitieuse à consolider son avenir tout en observant l'évolution de ses migrants substitués en cuistos néophytes. Il y a d'ailleurs une séquence absolument extraordinaire lorsque celle-ci, auscultée face caméra, dégage peu à peu une palette d'émotions lestement contradictoires à travers les diverses expressions de son visage partagé entre empathie, étonnement et  bonheur. Tout cela étant admirablement coordonné tant Audrey Lamy maîtrise à la perfection ses sentiments hétéroclites avec un naturel sensiblement communicatif. Assurément le rôle de sa carrière jusqu'à présent. 


Ainsi donc, avec ce même degré d'authenticité qui faisait tant la fraîcheur des Invisibles, le casting est également principalement composé d'acteurs non professionnels afin de susciter une identité propre à cette comédie sociale aussi attachante que gratifiante (pour ne pas dire salutaire à daigner unifier les différences et les inégalités). Le réalisateur portant avec une certaine justesse un regard à la fois dur, délicat, tendre et modestement cocasse à travers ses portraits d'étrangers en situation irrégulière que la France hésite à adopter à travers leurs normes drastiques (seuls les mineurs pourraient résider chez nous après avoir subi des examens médicaux, les majeurs étant renvoyés illico dans leur pays d'origine). La réussite infaillible de La Brigade émanant de ce sentiment exaltant de vivre en direct ce conte social dénué de stéréotypes (le final demeure d'ailleurs à la fois étonnant et original à défaut de vraisemblance, alors que le film est inspiré d'une histoire réelle située en Corrèze !) qu'une foule de comédiens amateurs parviennent à crédibiliser sans jamais forcer le trait de l'apitoiement. Et pour parachever avec un autre point positif, on peut enfin souligner la présence secondaire de l'illustre François Cluzet en dirigeant autoritaire totalement fairplay et légitime à considérer et former avec une dignité dépouillée ses jeunes migrants d'une timidité jamais outrée afin de ne pas s'encombrer de pathos. L'acteur parfaitement dirigé effaçant rapidement sa notoriété derrière un second-rôle d'une autorité fructueuse justifiée.  


Une comédie indépendante qui rassemble, sa ligne directrice.
Moins réussi et intense que Les Invisibles certes, l'effet de surprise (et la drôlerie permanente) en moins, La Brigade demeure toutefois un très bon divertissement intelligent et jamais prétentieux, sirupeux ou opportuniste à tenir compte de la situation précaire des migrants instaurés en intermittence chez nous. Le récit fluide, attentif et posé tendant à concilier les différences de par l'opposition des sexes apprenant à se connaître et à se comprendre au sein d'une hiérarchie professionnelle militante de vraies valeurs. On en sort studieux, ému, affecté et rasséréné grâce à la fibre de ce sentiment d'espoir optimiste anti morose. 

*Bruno

Box-Office: 383 782 entrées

Récompense: prix d'interprétation féminine pour Audrey Lamy au festival international du film de comédie de l'Alpe d'Huez 2022

vendredi 22 juillet 2022

Les Nuits de Dracula / Nachts, wenn Dracula erwacht

                                                Photo empruntée sur Google, appartenant au site Notrecinema.com

de Jess Franco. 1970. Allemagne de l'Ouest, Espagne, Italie,  Liechtenstein, Royaume-Uni. 1h38. Avec Christopher Lee, Herbert Lom, Klaus Kinski, Maria Rohm, Fred Williams, Soledad Miranda 

Sortie salles France: 16 Juin 1971. Espagne: 15 Mars 1971

FILMOGRAPHIE: Jess Franco (Jesus Franco Manera) est un réalisateur espagnol, né le 12 Mai 1930 à Madrid, décédé le 2 Avril 2013. 1962: L'Horrible Dr orlof.  1962: Le Sadique Baron Von Klaus. 1964: Les Maîtresses du Dr Jekyll. 1966: Le Diabolique Dr Zimmer. 1969: L'Amour dans les prisons des femmes. 1969: Justine ou les infortunes de la vertu. 1970: Les Nuits de Dracula. 1970: Le Trône de Feu. 1971: Vampyros Lesbos. 1972: Les Expériences Erotiques de Frankenstein. 1972: Dracula prisonnier de Frankenstein. 1972: La Fille de Dracula. 1973: Quartier des Femmes. 1973: Christina chez les Morts-Vivants. 1974: La Comtesse Noire. 1974: Eugénie de Sade. 1976: Jack l'Eventreur. 1980: Terreur Cannibale. 1980: Mondo Cannibale. 1981: Sadomania. 1981: Le Lac des Morts-Vivants (co-réal). 1982: L'Abîme des Morts-Vivants. 1982: La Chute de la maison Usher. 1988: Les Prédateurs de la Nuit. 2002: Killer Barbys.

Encore une bizarrerie horrifique estampillée Jess Franco qui se fixe comme ambition de s'attaquer au Dracula de Bram Stoker avec en têtes d'affiches les illustres Christopher Lee (affublé d'une moustache !), Herbert Lom, Klaus Kinski. Truffé de maladresses et d'incohérences (les apparitions risibles de la chauve-souris, les réactions nonsensiques de certains protagonistes, les rochers projetés sur les gitans, Spoil ! pour quelle raison Kinski est défenestré puis finalement vivant pour trépasser un peu plus tard ? fin du Spoil), d'un jeu d'acteurs parfois/souvent hésitant, contracté ou surjoué, Les Nuits de Dracula est pour autant pallié de qualités esthétiques et idées narratives incongrues (les animaux empaillés soudainement doués de vie distillant un drôle de climat insécure !) empêchant le spectateur de sombrer dans la torpeur. Tout du moins chez les amateurs de Bis friands de curiosité à la fois ratée et attachante sous l'impulsion d'une atmosphère gentiment envoûtante. Tant auprès des brumes lactées, des architectures et objets poussiéreux ou encore des monuments historiques que nos protagonistes arpentent ou se réfugient dans une posture à la fois inquiète et déconcertée. 

Jess Franco parvenant fréquemment à soigner ses décors naturels et domestiques par le biais d'un climat gothique natif de sa nationalité ibérique. Je retiens surtout (et en forme de coup de coeur d'ailleurs) la chambre de Lucie d'une beauté azurée à la fois baroque et onirique (notamment au niveau des fenêtres en forme de losange), sans compter ses magnifiques éclairages nocturnes distillant une étrange poésie crépusculaire modestement macabre. Quant au montage elliptique bâclé et au score musical un peu, beaucoup trop itératif (tout du moins dans la VF avec en prime des inserts musicaux à Fabio Frizzi tirés de l'Au-delà !) qui imprègne tout le récit, là encore les amateurs bisseux pourraient probablement éprouver une certaine affection (nostalgique) à travers ses maladresses désuètes d'une époque révolue. Franco façonnant une série B indépendante proprement dégingandée où y émane un climat ombrageux à la fois charmant, séduisant (les actrices aux yeux noirs globuleux étant d'autre part ravissantes dans leur enveloppe à la fois vénéneuse et charnelle) et quelque peu saugrenu dans sa mise en forme aimablement bricolée. A découvrir ou à revoir donc auprès d'un public averti, même si l'indulgence serait probablement conseillée.   

P.S: à voir impérativement en HD à contrario de son abominable Dvd.

*Bruno 
4èx

mardi 19 juillet 2022

Out of the Blue

                                             Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Dennis Hopper. 1980. Canada. 1h36. Avec Linda Manz, Dennis Hopper, Sharon Farrell, Don Gordon, Raymond Burr 

Sortie salles France: 15 Avril 1981 (Int - 18 ans). U.S: 3 Décembre 1983

FILMOGRAPHIE: Dennis Hopper est un acteur, réalisateur, poète, peintre et photographe américain, né le 17 mai 1936 à Dodge City (Kansas) et mort le 29 mai 2010 à Los Angeles. 1969: Easy Rider. 1971: The Last Movie. 1980: Out of the Blue. 1988: Colors. 1990: Catchfire. 1990: Hot Spot. 1994 : Chasers. 2000 : Homeless (court métrage). 


Profil sans ambages d'une famille dysfonctionnelle en chute libre.
3è réalisation de Dennis Hopper considérée à juste titre comme son chef-d'oeuvre ultime, Out of the Blue n'y va pas par quatre chemin pour nous mesurer avec une authenticité sordide proche du doc à la descente aux enfers morale de Cindy « Cebe » Barnes. Une jeune ado libertaire aux allures de garçon manqué, passionnée d'Elvis, de rock et de punk à l'orée des années 80. Ainsi, en attendant patiemment la remise en liberté de son père après 5 années de détention, faute d'avoir renversé un bus scolaire bondé d'enfants à bord de son camion, Cebe déambule dans les quartiers malfamés de sa bourgade en guise d'ennui, de rêve, d'évasion, d'ailleurs. Frondeuse en diable, décalée dans sa défroque transgenre, insolente et impertinente, à l'instar de ses séchages scolaires et de ses provocations (risibles) à s'opposer aux grandes gueules et à plus fort que soit, tant auprès de la gente féminine que masculine, Cebe erre d'un endroit à un autre à travers son ardent désir de se brûler les ailes plutôt que de mourir à p'tit feux comme le soulignera à plusieurs reprises la chanson de Neil Young: My My, Hey Hey (sorti en 1978) que l'on entend tel un écho mélancolique. 


La Fureur de Vivre d'une Amérique profonde sans repère. 
Sorte de suite officieuse d'Easy Rider selon les dires de l'auteur, dans la mesure où que serait t'il arrivé au duo d'hippies s'ils étaient restés en vie pour amorcer la décennie 80 en pleine mode disco ? Out of the Blue prend aux tripes par son vérisme absolu à suivre les pérégrinations désenchantées de Cebe en quête d'amour paternel et maternel en dépit de la toxicomanie de celle-ci se shootant à l'héro. Cebe subissant impuissante depuis son enfance et de façon permanente les beuveries en réunion, bastons et déviances sexuels de ses parents instables incapable de lui apporter une touche de réconfort, d'amour et de compassion en dépit de plages d'accalmie que l'on observe la conscience amère. Ainsi donc, à force d'observer les déchéances morales de ses parents à la fois irresponsables et abusifs, le malaise ressenti nous pèse davantage au fil d'une ultime demi-heure d'une intensité psychologique rigoureusement éprouvante. Spoil ! Et ce avant de nous livrer un coup de massue en pleine tronche lors de son épilogue nihiliste d'une horreur sans nom. Fin du spoil.


Sexe / Drogue / Alcool sur fond de punk/rock en sursis. 
Illuminé de la présence écorchée vive de la jeune actrice Linda Manz (Les moissons du Ciel, l'inoubliable Les Seigneurs), qui plus est entouré de seconds-rôles saillants, à l'instar d'un Dennis Hopper hanté par ses démons en jouant les ivrognes avec une expressivité névrotique, Out of the Blue est un électrochoc jusqu'au-boutiste dans son refus impératif de lueur d'espoir de dernier ressort. Car profondément sordide, glauque et malsain mais terriblement beau, sensible et poignant à la fois à travers son humanisme désespéré que retranscrit avec névralgie cette famille inculte victime de leur médiocrité, Out of the Blue résonne tel un cri d'alarme sociétal auprès de ses laissés pour compte jamais remis de leur idéologie "Flower Power". Un portrait vitriolé inoubliable qui nous hante bien au-delà de la projection par son souci d'authenticité rugueuse.

A réserver à un public averti

*Bruno
19.07.22. 2èx 
17.01.10

vendredi 15 juillet 2022

Black Phone

                                                   Photo empruntée sur Google appartenant au site geekslands.fr

de Scott Derrickson. 2022. U.S.A. 1h43. Avec Ethan Hawke, Mason Thames, Madeleine McGraw, Jeremy Davies, E. Roger Mitchell.

Sortie salles France: 22 Juin 2022. U.S: 24 Juin 2022

FILMOGRAPHIE: Scott Derrickson est un réalisateur, scénariste et producteur américain
1995: Love in the Ruins. 2000: Hellraiser V: inferno. 2005: l'Exorcisme d'Emilie Rose. 2008: Le Jour où la terre s'arrêta. 2012: Sinister. 2014 : Délivre-nous du mal. 2016 : Doctor Strange. 2021 : Black Phone. 


Derrickson, habile conteur sous la mainmise de Joe Hill. 
Capable du meilleur (l'Exorcisme d'Emilie Rose, Sinister - son meilleur film -) comme du pire (le jour où la terre s'arrêta, Délivre nous du mal, Doctor Strange), Scott Derrickson renoue avec l'horreur glauque sous l'égide de la nouvelle de Joe Hill (Le Téléphone noir écrit en 2004), fils du maître du suspense Stephen King. Et si The Black Phone n'atteint jamais le niveau malaisant du macabre Sinister, c'est qu'il décide notamment de s'en démarquer en misant ici la carte du suspense lattent parfois oppressant. A l'instar de son final éprouvant et percutant qui plus est renforcé d'une intensité dramatique poignante lors de la séquence suivante autrement émotive. Remarquablement campé par une poignée d'ados rebelles que monopolise le néophyte Mason Thames, celui-ci porte le film sur ses épaules de par sa sobriété expressive en victime calfeutrée entre 4 murs par un dangereux maniaque masqué. Le gosse passant finalement par diverses étapes morales parfois préjudiciables à endurer situation précaire aussi indécise face à la présence rigoureusement étrange de son tortionnaire faussement rassurant. Outre l'aspect dérangeant de ce serial-killer singulier à la fois insidieux et provocateur, Scott Derrickson soigne le cadre exigu de cette geôle rubigineuse avec comme seuls accessoires un vieux matelas poussiéreux et un mystérieux téléphone noir alors que les murs semblent tapissés de sueurs humaines crapoteuses. Et pour en revenir au mystérieux tueur d'enfants campé par le méconnaissable Ethan Hawke, là aussi le cinéaste renoue d'une certaine manière avec l'aura malsaine de Sinister de par l'apparence épeurante de cet individu masqué aux mobiles de prime abord ambigus, pour ne pas dire indécis. 


Le spectateur restant constamment sur le fil de la défiance et dans l'interrogation à travers ses agissements sardoniques à tester l'endurance morale de ses victimes et leur comportement éventuellement rebelle pour s'extirper de leur chaine. Qui plus est, et en prime de nous narrer soigneusement son histoire dans une structure planifiée, l'intrusion intelligente du surnaturel demeure gratifiante si bien que le spectateur accepte facilement cet alibi risqué de par l'adresse de la réalisation soignant ses apparitions morbides avec un sérieux imperturbable (j'ai par ailleurs vaguement pensé par moments au Loup-Garou de Londres). The Black Phone traitant non sans gravité des thèmes douloureux de la maltraitance infantile (certains exactions en 1ère partie sont étonnamment dures par leur réalisme assumé), du harcèlement scolaire et des disparitions d'enfants à travers le parcours initiatique de Finney Blake en proie à une remise en question morale lors de son conditionnement esseulé. Alors que sa soeur cadette, effrayée à l'idée de le perdre, s'efforce d'y trouver une solution en désespoir de cause et en dépit des menaces de son père à la fois abusif et éthylique. Toute l'intrigue, au service du profil torturé de Finney, demeurant une quête pour la survie à s'efforcer à moult reprises de s'échapper de la cave au risque de trépasser à tous moments comme le furent les autres enfants disparus avant lui. Et si la géniale trouvaille du téléphone surnaturel fut déjà exploitée au cinéma (le sympathique 976 Evil même si maladroit, brouillon et joué par des acteurs lambdas) ou à la télévision (le génial épisode "Appels dans la nuit" de la 4è Dimension), son exploitation est ici intelligemment détournée au profit d'une intrigue à la fois solide, originale et inquiétante eu égard de la tournure anxiogène des rebondissements jamais gratuits et de la mise en attente d'une angoisse éthérée.


Baignant dans une ambiance Seventie à la fois chaleureuse et (contrairement) insécure en se permettant en intermittence de rendre hommage aux classiques horrifiques et séries TV de l'époque, The Black Phone s'avère une excellente trouvaille horrifique dénuée de prétention auprès du thème central de la perte d'innocence. Ce qui à mes yeux est une plus-value pour le charme infaillible de sa forme vintage sous l'impulsion de ces attachants héros juvéniles à travers leur caractérisation fragile en voie de stoïcité à dépasser leurs craintes et leurs peurs pour y combattre le mal dans une bravoure insoupçonnée. Vivement recommandé donc pour tous les fans d'horreur adulte "1er degré" même si l'humour noir vitriolé s'invite en quelques savoureuses occasions. A l'instar de la présence secondaire du voisin cocaïné jouant le détective en herbe, pour le meilleur et pour le pire. 

Ci-joint la critique dithyrambique de Gilles Rolland: [CRITIQUE] BLACK PHONE - On Rembobine

*Bruno

mercredi 13 juillet 2022

9 semaines et demi / Nine ½ Weeks

                                                       Photo empruntée sur Google, appartenant au site Allocine.fr

de Adryan Line. 1986. U.S.A. 1h57. Avec Kim Basinger, Mickey Rourcke, Margaret Whitton, David Margulies, Christine Baranski, Karen Young, William De Acutis.

Sortie salles France: 16 Avril 1986 (Int - 13 ans). U.S: 21 Février 1986.

FILMOGRAPHIE: Adrian Lyne est un réalisateur et producteur britannique, né le 4 Mars 1941 à Peterborough (Grande Bretagne). 1980: Ca plane les filles. 1983: Flashdance. 1986: 9 semaines et demi. 1987: Liaison Fatale. 1990: L'Echelle de Jacob. 1993: Proposition Indécente. 1997: Lolita. 2002: Infidèle. 2022 : Eaux profondes (Deep Water).


Une décennie inoxydable.
Film culte de la génération 80 en dépit de son échec critique et public outre-atlantique, 9 semaines et demi fut malgré tout un succès international puisqu'il cumule plus de 100 millions de dollars. Que reste t-il aujourd'hui de cette romance érotico-sm inspirée du clip en vogue ? Un excellent divertissement fleurant bon les années 80 à travers son ambiance constamment envoûtante saturée d'une BO pop  entêtante n'ayant pas pris une ride qu'Adrian Lyne met en exergue avec un soin esthétique léché eu égard de sa réalisation à la fois solide et consciencieuse à cumuler les ébats érotiques sans que le public n'y éprouve une lassitude. Il faut dire que le duo galvanisant Mickey Rourke / Kim Basinger doit beaucoup au charme et à l'intensité de leurs délires érotiques élégamment filmés puisque jamais vulgaires ou complaisants en dépit d'un final sciemment glauque et malsain (le refuge dans une boite porno afin de dissoudre leur amour commun). Des jeux érotiques toujours plus audacieux et délétères pour leur destin sentimental que Mickey Rourke provoque dans un jeu interlope de domination à la fois placide et taiseux. 

Car mystérieux et secret, charmeur et raffiné dans son costume noir corbeau, l'acteur use de son élégance et de sa voix rassurante pour envoûter Kim Basinger crevant l'écran à chacune de ses apparitions d'une charnalité torride. L'actrice délivrant avec un naturel fureteur, sémillant et parfois badin un jeu à la fois fébrile et fragile au fil de ses relations sexuelles toujours plus risquées, pour ne pas dire éprouvantes. Le récit efficacement traité nous interrogeant sur les limites à ne pas franchir lors de propositions transgressives entre couple (triolisme, sm) et l'influence que peut exercer un amant pervers délibéré à soumettre sa maîtresse au risque de la plonger dans une perte de repères irréversible. Film romantique n'omettant jamais les agréables touches d'humour (avec parfois des instants d'hilarité), 9 semaines et demi est à revoir absolument pour tenir compte du talent indiscutable d'Adrian Lyne filmant cette odyssée érotique avec autant de provocation stylisée que de sensibilité morale eu égard du profil torturé  d'Elizabeth partagée entre sa passion amoureuse littéralement capiteuse et ses sombres remords de s'adonner à des actes sexuels toujours plus houleux, audacieux, dérangeants. 


L'érotisme stylisé à son apogée (musicale).
On peut enfin également parler de vrai film d'ambiance auprès de son émotion musicale ensorcelante et de son climat d'étrangeté parfois proche du thriller qu'Adrian Lyne prend soin de mettre en pratique avec une solide maîtrise inhabituelle pour le sous-genre souvent raillé par les critiques snobinards. Le terme culte n'est donc point galvaudé si bien que 9 semaines et demi existe par lui même sous l'impulsion d'un duo iconique irremplaçable à travers leur emprise séductrice ardente.  

*Bruno
3èx. Vostf 5.1 Dts hd

Box Office France:  1 201 156 entrées

mardi 12 juillet 2022

Presque Célèbre / Almost Famous

                                                     Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Cameron Crowe. 2000. U.S.A. 2h03. Avec Billy Crudup, Frances McDormand, Kate Hudson, Jason Lee, Patrick Fugit, Zooey Deschanel, Anna Paquin 

Sortie salles France: 21 Mars 2001. U.S: 13 Septembre 2000.

FILMOGRAPHIECameron Crowe est un réalisateur, producteur et scénariste américain, né le 13 juillet 1957, à Palm Springs, Californie.1989 : Un monde pour nous (Say Anything). 1992 : Singles. 1996 : Jerry Maguire. 2000 : Presque célèbre. 2001 : Vanilla Sky. 2005 : Rencontres à Elizabethtown (Elizabethtown). 2011 : Pearl Jam Twenty (en). 2011 : Nouveau Départ (We Bought a Zoo). 2012 : The Union (documentaire). 2015 : Welcome Back (Aloha). 2016 : Roadies

Oeuvre quasi autobiographique de la part de son auteur vue à travers les yeux de William Miller, ado timoré de 15 ans endossant le poste d'un journaliste en herbe à suivre les concerts et pérégrinations d'un groupe avide de notoriété (en dépit de la réticence de sa mère bigote que campe brillamment avec droiture et émotions maternelles Frances McDormand), Presque Célèbre est touché par une grâce capiteuse eu égard de son pouvoir émotionnel inscrit dans une tendresse en roue libre. Les acteurs, connus et moins connus, incarnant chacun leur fonction avec un naturel désarmant de tranquillité sereine. Particulièrement la jeune groupie Penny Lane jouée par la radieuse et sémillante Kate Hudson tant et si bien qu'elle transperce littéralement l'écran de sa fougue sensuelle sous l'impulsion d'un cinéaste captant ses expressivités faciales "attendries" avec une sobriété perfectionniste. Et à ce niveau technique, chapeau bas à la rigueur du montage passant avec fluidité d'un personnage à l'autre afin de ne rien omettre de leurs réactions humaines aussi bien fragiles que fébriles. Mais il y aussi William Miller que Patrick Fugit  (alors méconnu à l'époque) compose avec une attachante innocence dans la peau d'un journaliste à la fois interrogatif, perplexe mais passionné puis peu à peu amoureux de cette jeune fille que le leader du groupe Russel Hammond compte toutefois conquérir sans passion. 

Ainsi donc, celui-ci se laisse embarquer à travers les tournées du groupe Stillwater en voie de reconnaissance médiatique avec ce que cela sous-entend de sorties éméchées avec les fans, entre drogue, sexe et alcool que Cameron Crowe évite toutefois de se complaire grâce à une certaine pudeur des situations et grâce à la complicité amicale de ces jeunes passionnés férus de joie de vie, d'amour et de pop-rock dans l'air du temps. Voyage temporel au sein des Seventies à l'aune de cette jeunesse flower power irrésistiblement attirée par les paradis artificiels que notre jeune héros ne cède toutefois jamais de par sa sagesse, son intégrité et son intelligence d'esprit, Presque Célèbre touche droit au coeur auprès de ses moments d'intimité romantique et de communion amicale que les comédiens, extrêmement aisés, décomplexés, exaltés, nous transmettent avec une vérité humaine fulgurante. Au point même où, outre les morceaux musicaux entêtants et explosifs, je me suis surpris à moult reprises d'y verser des larmes de par l'intensité des sentiments humains livrés ici sans ambages, la pudeur et la réserve restant les maîtres mots, qui plus est renforcé de la lucidité de la réal portant un regard terriblement affectueux sur cette génération rock éloignée de la réalité mais pour autant rattrapée par une remise en question et d'une prise de conscience auprès du trio Penny / William / Russel.  

Tu l'auras compris, et fort d'une réputation élogieuse auréolée de récompenses (voir ci-dessous), Presque Célèbre s'avère le haut du panier du genre musical à travers les yeux d'un parcours initiatique semé de turbulences, de désillusions, mais aussi d'espoir et d'optimisme. Celui d'un ado idéaliste partageant avec nous (et face au témoignage versatile du groupe) ses passions (et envers le journalisme et envers la musique), ses doutes, ses angoisses et ses désirs sentimentaux en s'interrogeant sur la réalité des sentiments exposés lors de tournées pailletées triomphantes et lors de ses échanges avec sa mère autoritaire. Bref, du vrai et beau cinéma comme on en voit hélas que rarement grâce à l'alchimie idoine d'une réalisation scrupuleuse (jamais pédante puisque c'est sa simplicité qui le rend tant charmant) entourée d'une galerie d'acteurs épatants de peps, de cocasserie (le récit est effectivement plein d'humour bonnard) et de mélancolie existentielle sous couvert d'une satire du journalisme à potins que les artistes suspectent d'un oeil versatile. 

*Bruno
12.07.22. 2èx vf
23.12.01

Récompenses
Oscar du meilleur scénario original pour Cameron Crowe
Golden Globe du meilleur film musical ou de comédie
Golden Globe de la meilleure actrice dans un second rôle pour Kate Hudson
British Academy Film Award du meilleur scénario original pour Cameron Crowe
British Academy Film Award du meilleur son pour Jeff Wexler, Doug Hemphill, Rick Kline, Paul Massey et Michael D. Wilhoit
Online Film Critics Society - Meilleur film
American Film Institute Awards lors de la 1re cérémonie des American Film Institute Awards

vendredi 8 juillet 2022

Le Solitaire / Thief

                                                         Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Michael Mann. 1981. U.S.A. 2h04. Avec James Caan, Tuesday Weld, Robert Prosky, Willie Nelson, James Belushi, Tom Signorelli, Dennis Farina.

Sortie salles France: 20 Mai 1981. U.S: 27 Mars 1981

FILMOGRAPHIE: Michael Kenneth Mann est un réalisateur, scénariste et producteur américain né le 5 Février 1943 à Chicago. 1979: Comme un Homme Libre, 1981: Le Solitaire, 1983: La Forteresse Noire, 1986: Le Sixième Sens, 1989: LA Takedown, 1992: Le Dernier des Mohicans, 1995: Heat, 1999: Révélations, 2001: Ali, 2004: Collatéral, 2006: Miami Vice, 2009: Public Enemies. 2015 : Hacker. (Blackhat). 2023 : Ferrari. 

Pour son premier long au cinéma, Michael Mann nous assène de plein fouet un coup de maître avec ce polar hypnotique, Le Solitaire, sublimé de la présence aussi magnétique de l'acteur viril James Caan (qui vient de nous quitter hier à l'heure où j'écris ces lignes), quand bien même le groupe Tangerine Dream nous berce de son score électro collant aux images urbaines à la lisière d'une fantasmagorie crépusculaire. Mann possédant ce don inné d'y filmer la ville nocturne de Chicago à travers ses éclairages d'un bleu argenté sous un bitume humecté. Pourtant sur le papier, le pitch minimaliste (un perceur de coffre décide d'accomplir un dernier casse avant de se ranger pour y fonder une vie de famille) n'augure rien d'original avec son impression de déjà vu. Mais par le génie de la mise en scène clippesque de Michael Mann, il transforme son polar à priori basique en chef-d'oeuvre élégiaque sous l'impulsion du traitement psychologique de ces personnages peu recommandables. James Caan, terriblement fascinant et attachant, endossant avec une classe aussi impériale qu'un Pacino ou De Niro  (rien que ça) un braqueur de diamant ultra pro car réputé dans son art d'y dévaliser les plus gros coffre-fort. Celui-ci se fondant dans le corps classieux de cet ex taulard sans peur ni intimidation puisque ayant acquis en prison à se foutre de tout et de sa personne afin de rester en vie. Un être autonome toutefois anachronique car dépassé par le système économique actuel alors que son entourage fallacieux et perfide s'efforce vainement de le dompter, d'y marchander et de l'asservir. Car c'est principalement un portrait d'anti-héros entêté en quête de rédemption que nous autopsie scrupuleusement Mann à travers son parcours houleux de négocier subitement avec un mafieux sans vergogne, et au travers de son évolution morale à s'assainir auprès d'une vie de couple qu'il ne pût concrétiser au préalable. 

Et ce même si sa nouvelle compagne demeure hélas stérile au moment où Franck évoque l'idée d'une éventuelle adoption de dernier ressort. De par son art d'y conter son histoire à la fois sombre, incertaine et mélancolique autour d'un conflit de générations (Léo / Franck), Michael Mann nous livre donc un moment de cinéma contemplatif à travers une pléthore de séquences anthologiques (tant pour les situations intimes que celles tendues ou autrement belliqueuses) que l'on observe avec une attention scrupuleuse (impossible de détacher les yeux de l'écran par le vertige des sentiments livrés sans fard). On peut donc parler sans rougir de véritable modèle de mise en scène alors qu'il s'agit du premier long pour le cinéma d'un cinéaste néophyte extrêmement ambitieux et talentueux à nous faire participer à une expérience de cinéma à la fois instrumentale (Tangerine Dream est comme de coutume touché par une grâce sensorielle) et terriblement immersive à donner chair à cet univers véreux (complicité vénale des forces de l'ordre à l'appui) auprès d'un couple qu'on aimerait tant ressortir victorieux. Car outre le plaisir éprouvé pour ses séquences iconiques s'enchainant sans temps morts sous l'impulsion d'un suspense inopinément alerte (son final nihiliste s'avère destructeur dans tous les sens du terme), Le Solitaire est notamment un film d'acteurs comme on n'en fait plus et comme on en voit plus. Des gueules striées à l'ancienne dégageant une expressivité mature dans une aura malsaine alors que James Caan, intrépide, irrévocable, spartiate, individualiste, poursuivra coûte que coûte son bonhomme de chemin esseulé pour le prix de son honneur et de sa rectitude. Quitte à tout perdre ce qu'il venait juste de concrétiser mais en protégeant toujours ses proches les plus fidèles et méritants en dépit des apparences impassibles. D'ailleurs, les moments d'amitié qu'il nous fait partager avec un taulard moribond (Okla, détenu depuis 21 ans mais libre dans 10 mois) demeurent d'une intensité dramatique à la fois sobre et singulière à travers ses doux échanges de regards extrêmement reconnaissants et affectueux. Des moments d'intimité jamais vus sous cet angle prude que Michael Mann empile comme des perles avec une dignité désarçonnante, notamment auprès des rapports de couple sobrement bienfaiteurs, coléreux ou parfois épanouissants.

Electrisant, pour ne pas dire foudroyant dans sa capacité stylisée à nous captiver sous l'oeil d'une caméra habitée par la quête de perfection; Le Solitaire est tout simplement l'un des plus grand polars urbains de tous les temps en prime de nous parfaire 2 séquences de braquage d'une authenticité documentée inusitée. James Caan ensorcelant sans cesse l'écran en voleur de diamant compromis par son changement d'orientation moral (conjugal et professionnel) mais toujours dans la droiture de ne céder à aucune tractation (fallacieuse) au risque de tout perdre ce qu'il eut anticiper.  

*Bruno
3èx/ Vostfr 5.1 DTS

Ci-joint conférence studieuse de Jean-Baptiste Thoret aussi passionnante que le métrage:

mercredi 6 juillet 2022

Monsters. Meilleur film indépendant: National Board of Review, 2010.

                                          
                                                      Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Gareth Edwards. 2010. Angleterre. 1h34. Avec Whitney Able, Scoot McNairy. Mario Zuniga Benavides, Annalee Jefferies, Justin Hall, Ricky Catter.

Sortie France: 1 Décembre 2010, U.S.A.: 29 Octobre 2010

FILMOGRAPHIEGareth Edwards est un réalisateur anglais, scénariste, producteur et directeur de photographie, né en 1975. Monsters est son premier long-métrage.

                                          

Romance épurée à fleur de peau
Sous ses faux airs de District 9, ce premier long à petit budget d'un réalisateur indépendant ayant fait ses preuves dans les effets spéciaux est une ballade poético-romantique du point de vue scrupuleux d'un couple égaré dans un no man's land mexicain, non loin de la frontière américaine qu'ils tentent difficilement de rejoindre. Le pitchAprès avoir découvert une potentielle vie extra-terrestre dans le système solaire, la NASA envoie une sonde afin de prélever quelques échantillons. Sur le chemin du retour, l'instrument s'écrase en Amérique centrale. Furtivement, la vie extra-terrestre se développe dans les forêt si bien que la moitié du pays mexicain considéré comme une zone infectée est mise en quarantaine. Depuis 6 ans, les américains et les mexicains tentent communément à mettre un terme à ce fléau extra-terrestre par le déploiement des armes. Mais un journaliste venu étudier cette ethnie inconnue aura la tâche de protéger et raccompagner une jeune touriste égarée à la frontière Américaine. 

                                           

Pour en revenir à District 9, sa relation commune est uniquement bâtie sur le principe qu'une forme extra-terrestre eut déjà débarqué sur notre terre depuis 6 ans alors qu'elle tente d'y survivre malgré les bombes envoyés par les américains et les mexicains pourtant responsables de cette invasion à grande échelle. Ainsi, à travers ce décor d'apocalypse de pays dévasté, Gareth Edwards livre avec pudeur une fragile romance initiatique auprès de deux personnages lambdas se rapprochant un peu plus au fil de leur relation amicale pour tenter de survivre dans cet endroit hostile dont ils ignorent la réelle dangerosité. Par conséquent, à travers cette situation alarmiste d'un pays chaotique en état de guerre contre un ennemi potentiellement belliqueux dont ils ignorent leur revendication, le réalisateur suggère sans aucune violence graphique une société totalitaire déterminée à enrayer l'ennemi dont toute communication est rompue. Il joue autant du pouvoir de fascination et de mystère sous-jacent de cette forme extra-terrestre réfugiée dans une nature lyrique que d'y décrire avec beaucoup d'attention contemplative l'amitié d'un homme et d'une femme livrés aux tourments de leur angoisse et de leur incertitude Spoil ! avant d'oser avouer finalement leur amour commun Fin du Spoil.

                                         

Avec un sens poétique sensitif de par ses images parfois insolites de décors naturels combinés au désastre d'habitations clairsemées, puis l'apparence démesurée de ces extra-terrestres ressemblant à d'immenses pieuvres en apesanteur, Monsters est un ovni (métaphorique) d'une beauté aussi étrangement immersive que diaphane. Car accentué d'un score hypnotique à la fois sensible, fragile et timoré, l'odyssée esseulée de nos deux héros traversant quelques dangers à travers ce décorum naturaliste (la grande pyramide, les immenses murailles longeant la zone contaminée, l'apparition démesurée des deux monstres au dessus de la station essence), nous est illustrée de manière réaliste à la limite du documentaire pris sur le vif (avec ce que cela sous entend de quelques seconds-rôles et moult figurants amateurs). Ainsi, avec retenue et sans esbroufes afin de laisser respirer son récit et ses personnages contemplatifs, Monsters se vit et se ressent sous l'impulsion d'une acuité émotive ténue. Tel un voyage romantique singulier tirant parti de la caractérisation solidaire de ce couple confronté à une quotidienneté précaire, insécure et anxiogène. Deux êtres quelque peu hantés, contrariés, démunis, désarmés d'impuissance à oser déclarer leur flamme au coeur de cette désolation écolo. Si bien que la nature, témoin de cette guérilla intraitable ne demande qu'à éclore de nouveau avec la complicité de ces extra-terrestres confinés dans les écorces d'arbres afin d'hiberner puis façonner leur mutation. 

                                           

Lost in Paradise.
Efficacement mis en scène à travers un parti-pris suggestif compensant son maigre budget en utilisant lestement ses impressionnants effets-spéciaux, et endossé par deux modestes comédiens épatants de naturel, entre humanisme affecté et fragilité sentimental (on peut d'ailleurs préciser qu'à la ville ils forment un véritable couple, tout du moins au moment du tournage !), Monsters se décline en ode lyrique à l'épanouissement amoureux au sein d'un état régressif bafoué par notre instinct d'ego autodestructeur. Magnifiquement envoûtant et si expressif quant au vérisme de sa scénographie naturaliste à la fois cauchemardesque, atone et romantique.  

*Bruno
06.07.22. Vostfr
10.04.11. 105 v

Récompenses
2010 : Austin Film Critics Association : meilleur premier film
2010 : National Board of Review : meilleur film indépendant
2010 : British Independent Film Awards : meilleur réalisateur

mardi 5 juillet 2022

Avec Django la mort est là /Joko - Invoca Dio... e muori

                                              Photo empruntée sur Google, appartenant au site Notrecinema.com

de Antonio Margheriti. 1968. Italie/Allemagne de l'Ouest. 1h40. Avec Richard Harrison, Claudio Camaso, Spela Rozin, Guido Lollobrigida, Werner Pochath, Paolo Gozlino.

Sortie salles France: 21 Mai 1969. Italie: 19 Avril 1968

FILMOGRAPHIE: Antonio Margheriti (Anthony M. Dawson) est un réalisateur italien, né le 19 septembre 1930 à Rome, décédé le 4 Novembre 2002 à Monterosi. 1960: Le Vainqueur de l'espace. 1962: Les Derniers jours d'un empire. 1963: La Vierge de Nuremberg. 1964: La Sorcière Sanglante. 1964: Les Géants de Rome. 1964: Danse Macabre. 1968: Avec Django, la mort est là. 1970: Et le vent apporta le Violence. 1971: Les Fantômes de Hurlevent. 1973: Les Diablesses. 1974: La brute, le colt et le karaté. 1975: La Chevauchée terrible. 1976: l'Ombre d'un tueur. 1979: l'Invasion des Piranhas. 1980: Pulsions Cannibales. 1980: Héros d'Apocalypse. 1982: Les Aventuriers du Cobra d'Or. 1983: Yor, le chasseur du futur. 1985: L'Enfer en 4è vitesse.

Même s'il n'atteint jamais le niveau de son homologue Et le vent apporta la violence, Avec Django la mort est là reste un sympathique western d'Antonio Margheriti demeurant à la fois charmant et attachant grâce à ses maladresses d'une réalisation bricolée et au cabotinage de ses acteurs burinés (l'anti-héros tente de concurrencer Eastwood et consort alors que les méchants cultivent une expression à la fois triviale et outrée pour tenir tête à leur rival). Qui plus est, si l'intrigue semble de prime abord toute à fait prévisible et déjà vue, Margheriti a l'idée burnée de la relancer auprès d'une révélation inattendue en exploitant les codes du Fantastique lorsque l'action se confine dans une grotte (une mine de soufre) superbement éclairée de tâches sépias. A découvrir donc, ne serait-ce que pour son climat sombre et étrange, son intro proprement horrifique (l'écartèlement d'un maraudeur par des chevaux) et son action parfois impressionnante (notamment les pugilats assez violents et percutants) que les protagonistes renforcent dans leurs postures à la fois viciées et insalubres. Quant au score de Carlo Savina, il demeure lui aussi gentiment entêtant à s'efforcer d'émuler les plus grands compositeurs du Western Spaghetti


*Bruno
2èx

jeudi 30 juin 2022

Sin City

                                                     Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Robert Rodriguez, Frank Miller et Quentin Tarantino. 2005. 2h04. Avec Bruce Willis, Mickey Rourke, Clive Owen, Jessica Alba, Benicio del Toro, Rosario Dawson, Elijah Wood, Michael Clarke Duncan, Nick Stahl, Jaime King, Carla Gugino, Brittany Murphy, Devon Aoki, Alexis Bledel, Josh Hartnett, Michael Madsen, Rutger Hauer, Powers Boothe, Jude Ciccolella, Tommy Fla.

Sortie salles France: 1er Juin 2005 (Int - 16 ans). 1er Avril 2005 (Int - 17 ans). 

FILMOGRAPHIE: Robert Rodriguez est un réalisateur et musicien américain, d'origine mexicaine, né le 20 Juin 1968 à San Antonio, Texas, Etats-Unis. 1992: El Mariachi. 1993: Roadtracers (télé-film). 1995: Desperado. 1995: Groom Service (Four Rooms, segment: The Misbehavers). 1996: Une Nuit en Enfer. 1998: The Faculty. 2001: Spy Kids. 2002: Spy Kids 2. 2003: Spy Kids 3. 2003: Desperado 2. 2005: Sin City. 2005: Les Aventures de Shark Boy et Lava Girl. 2007: Planète Terror. 2009: Shorts. 2010: Machete (co-réalisé avec Ethan Maniquis). 2011: Spy Kids 4. 2013: Machete Kills. 2014: Sin City: j'ai tué pour elle. 2014: From dusk till Daw: The Series (épis 1,2 et 4). 2013 : Two Scoops (court métrage). 2014 : Sin City : J'ai tué pour elle. 2015 : 100 Years. 2019 : Alita: Battle Angel. 2019 : Red 11. 2020 : C'est nous les héros. 

Comme on dit si bien "seuls les imbéciles ne changent pas d'avis" car si je n'avais pas vraiment accroché les 2 premières fois à l'époque de son exploitation Dvd, je suis aujourd'hui autrement plus optimiste et convaincu à la revoyure, aussi inabouti et dégingandé soit ce projet incongru. Car OVNI atypique noyé d'ultra-violence folingue au sein d'une action hyperbolique qui peut parfois lasser en même temps que dérouter, Sin City est une sorte de vilain p'tit canard négocié entre 3 cinéastes férus d'ambition à donner chair au comics iconique de Mister Frank Miller. Et d'un aspect purement esthétique, Sin City est une véritable claque stylisée à travers son noir et blanc argenté parfois contrasté de couleurs criardes. Chaque plan faisant office d'esquisse picturale au sein d'un climat nocturne à la fois baroque, malsain et vertigineux. Bref, on en prend plein la vue en dépit de quelques couacs en arrière plan, faute d'FX numériques parfois trop grossiers. Tant et si bien qu'à ce niveau formel inusité on reste tour à tour fasciné, désorienté, troublé, déconcerté auprès de cet univers vicié où sexe, romance et violence ne cessent de s'entrecroiser sous l'impulsion d'une poignée de machistes désaxés ou corrompus maltraitant des femmes frondeuses hyper sensuelles et provocantes dans leur tenue SM.

Avec son casting halluciné (Bruce Willis, Mickey Rourke, Clive Owen, Jessica Alba, Benicio del Toro, Rosario Dawson, Elijah Wood, Michael Clarke Duncan, Nick Stahl, Jaime King, Carla Gugino, Brittany Murphy, Devon Aoki, Alexis Bledel, Josh Hartnett, Michael Madsen, Rutger Hauer, Powers Boothe !!!!!!!!), Sin City met en exergue des individus hyper charismatiques à travers leur trogne striée, tuméfiée ou taillée à la serpe comme le souligne le mastard Mickey Rourke littéralement increvable en prétendant vindicatif. Quand bien même Bruce Willis tente de libérer la fillette Nancy des mains d'un dangereux pédophile cannibale dans une posture étonnamment sclérosée et empotée mais pour autant furibonde lorsqu'il s'agit de riposter par le fracas des armes. Enfin, Clive Owen tentera d'extraire sa muse Shellie (Brittany Murphy) des griffes du flic ripou Jackie Boy (Benicio Del Toro impérial d'hypocrisie sardonique dans son fin regard reptilien !). Trois histoires romantiques donc tournant incessamment autour de règlements de compte ultra sanglants entre bons et méchants flamboyants que notre trio de réalisateurs cultive toutefois sans intensité dramatique. Car seul compte ici le spectacle barbare, pyrotechnique au sein d'une scénographie crépusculaire souvent hypnotique, trouble, déroutante puisque hors norme. 

En dépit de ses faiblesses narratives flagrantes (absence de suspense et de tension dramatique autour de 3 sketchs prévisibles), Sin City mérite le coup d'oeil auprès de sa rutilance visuelle avec ses personnages singuliers combattant le crime et le vice avec immoralité subversive (et discutable comme l'ont reproché certaines critiques). De par son climat surréaliste aussi vénéneux que déstabilisant, Sin City désoriente , dépayse, fait perdre nos repères, entre fascination, répulsion masochiste, perplexité et irrésistible attirance pour le Mal le plus couard quant aux portraits hardcore de ces méchants fétides fort en gueule. 

*Bruno
3èx

FILMOGRAPHIE: Frank Miller, né le 27 janvier 1957 à Olney dans le Maryland, est un auteur de bandes dessinées américain, également scénariste de films et réalisateur. 2005 : Sin City coréalisé avec Robert Rodriguez et avec une participation de Quentin Tarantino. 2008 : The Spirit. 2014 : Sin City : J'ai tué pour elle. 

mardi 28 juin 2022

Frances

                                             Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Graeme Clifford. 1982. U.S.A. 2h20. Avec Jessica Lange, Kim Stanley, Sam Shepard, Bart Burns, Jonathan Banks, Bonnie Bartlett, Jeffrey DeMunn.

Sortie salles France: 7 Septembre 1983. U.S: 3 Décembre 1982.

FILMOGRAPHIEGraeme Clifford est un réalisateur australien né en 1942 à Sydney. 1982 : Frances. 1985 : Burke and Wills. 1989 : Skate Rider. 1993 : Le Rubis du Caire. 1996 : La Fin d'un Rêve (TV). 1997 : Le Dernier Parrain (TV). 1998 : Le Dernier Parrain 2 (TV). 2007 : Revanche de femme (TV). 


"Celui qui adopte un autre mode de vie, d'une façon visible et concrète, sape les bases du conformisme. Il se heurtre à l'intolérance, car on est immédiatement suspect si l'on est différent".
Quel triste destin que de retracer sans ambages le portrait de la star déchue Frances Farmer par la machine à broyer Hollywood qu'on ne présente plus. C'est ce que nous relate le réalisateur discret  Graeme Clifford avec personnalité et souci documenté (même s'il se permet quelque liberté avec le biopic après avoir effectué moi même quelques recherches) tant la mise en scène à la fois sobre, élégante, sans fioriture nous plonge dans son univers vitriolé avec un art consommé de l'expressivité dépouillée. A l'instar du jeu fulgurant de la radieuse Jessica Lange endossant avec une vérité humaine à la fois digne, détachée et démunie, l'ascension puis le déclin d'une actrice anticonformiste s'attirant les foudres de la censure, du fondamentalisme et de l'oppression psychiatrique faute d'une mère bigote en complicité avec l'outrecuidance de ce corps médical. Car sous couvert d'une diatribe contre l'industrie d'Hollywood exploitant sans scrupule leurs stars en herbe trop fragiles pour accéder aussi rapidement à la notoriété, Graeme Clifford en profite pour y jeter un pavé dans la mare de la psychiatrie séculaire. 


Tant auprès des conditions de vie insalubres de leurs patientes réduits à l'état végétatif, de leurs dialogues de sourd perpétrés avec des praticiens contre-intuitifs que de leurs traitements de choc infligés sur leur cerveau afin d'assainir leur (éventuelle) folie mentale au gré de pratiques médiévales proprement inhumaines. Ainsi, tour à tour terrifiant, brutal et malsain (toutes les séquences erratiques dans l'asile), poignant, désespéré et fatalement bouleversant, Frances nous immerge lentement (2h20 de projo) mais surement au coeur du profil névrosé de cette actrice athée férue d'autonomie dans son insatiable soif de vie (houleuse il est vrai avec ce que cela sous entend d'excès) au risque de s'attirer sermons et médisances auprès d'une autorité (familiale, professionnelle, médicale) faisant la sourde oreille auprès des marginaux incompris. Car exploitée tous azimuts durant sa courte vie en étant notamment destituée de ses facultés cérébrales et émotionnelles, Frances Farmer y perdra son âme, sa foi et sa dignité dans sa perpétuelle impuissance à s'opposer aux convenances au point de s'isoler pour y bâtir un semblant d'havre de paix.  


Illuminé par la présence gracile d'une Jessica Lange habitée par l'entité de son personnage infortuné, Frances nous ébranle d'émotions (fortes, troubles, fragiles) à autopsier le profil trop fragile de cette star des années 30 brisée par son entourage (faussement) prévenant en dépit de sa romance entamée avec Harry York (Sam Shepard très juste dans l'inquiétude de ses tourments). Un type à reflet de miroir car lui aussi marginal, indépendant et quelque peu instable peinant finalement à la combler à travers son amour constamment contrarié, bafoué, compromis, galvaudé. 

*Bruno