vendredi 8 juillet 2022

Le Solitaire / Thief

                                                         Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Michael Mann. 1981. U.S.A. 2h04. Avec James Caan, Tuesday Weld, Robert Prosky, Willie Nelson, James Belushi, Tom Signorelli, Dennis Farina.

Sortie salles France: 20 Mai 1981. U.S: 27 Mars 1981

FILMOGRAPHIE: Michael Kenneth Mann est un réalisateur, scénariste et producteur américain né le 5 Février 1943 à Chicago. 1979: Comme un Homme Libre, 1981: Le Solitaire, 1983: La Forteresse Noire, 1986: Le Sixième Sens, 1989: LA Takedown, 1992: Le Dernier des Mohicans, 1995: Heat, 1999: Révélations, 2001: Ali, 2004: Collatéral, 2006: Miami Vice, 2009: Public Enemies. 2015 : Hacker. (Blackhat). 2023 : Ferrari. 

Pour son premier long au cinéma, Michael Mann nous assène de plein fouet un coup de maître avec ce polar hypnotique, Le Solitaire, sublimé de la présence aussi magnétique de l'acteur viril James Caan (qui vient de nous quitter hier à l'heure où j'écris ces lignes), quand bien même le groupe Tangerine Dream nous berce de son score électro collant aux images urbaines à la lisière d'une fantasmagorie crépusculaire. Mann possédant ce don inné d'y filmer la ville nocturne de Chicago à travers ses éclairages d'un bleu argenté sous un bitume humecté. Pourtant sur le papier, le pitch minimaliste (un perceur de coffre décide d'accomplir un dernier casse avant de se ranger pour y fonder une vie de famille) n'augure rien d'original avec son impression de déjà vu. Mais par le génie de la mise en scène clippesque de Michael Mann, il transforme son polar à priori basique en chef-d'oeuvre élégiaque sous l'impulsion du traitement psychologique de ces personnages peu recommandables. James Caan, terriblement fascinant et attachant, endossant avec une classe aussi impériale qu'un Pacino ou De Niro  (rien que ça) un braqueur de diamant ultra pro car réputé dans son art d'y dévaliser les plus gros coffre-fort. Celui-ci se fondant dans le corps classieux de cet ex taulard sans peur ni intimidation puisque ayant acquis en prison à se foutre de tout et de sa personne afin de rester en vie. Un être autonome toutefois anachronique car dépassé par le système économique actuel alors que son entourage fallacieux et perfide s'efforce vainement de le dompter, d'y marchander et de l'asservir. Car c'est principalement un portrait d'anti-héros entêté en quête de rédemption que nous autopsie scrupuleusement Mann à travers son parcours houleux de négocier subitement avec un mafieux sans vergogne, et au travers de son évolution morale à s'assainir auprès d'une vie de couple qu'il ne pût concrétiser au préalable. 

Et ce même si sa nouvelle compagne demeure hélas stérile au moment où Franck évoque l'idée d'une éventuelle adoption de dernier ressort. De par son art d'y conter son histoire à la fois sombre, incertaine et mélancolique autour d'un conflit de générations (Léo / Franck), Michael Mann nous livre donc un moment de cinéma contemplatif à travers une pléthore de séquences anthologiques (tant pour les situations intimes que celles tendues ou autrement belliqueuses) que l'on observe avec une attention scrupuleuse (impossible de détacher les yeux de l'écran par le vertige des sentiments livrés sans fard). On peut donc parler sans rougir de véritable modèle de mise en scène alors qu'il s'agit du premier long pour le cinéma d'un cinéaste néophyte extrêmement ambitieux et talentueux à nous faire participer à une expérience de cinéma à la fois instrumentale (Tangerine Dream est comme de coutume touché par une grâce sensorielle) et terriblement immersive à donner chair à cet univers véreux (complicité vénale des forces de l'ordre à l'appui) auprès d'un couple qu'on aimerait tant ressortir victorieux. Car outre le plaisir éprouvé pour ses séquences iconiques s'enchainant sans temps morts sous l'impulsion d'un suspense inopinément alerte (son final nihiliste s'avère destructeur dans tous les sens du terme), Le Solitaire est notamment un film d'acteurs comme on n'en fait plus et comme on en voit plus. Des gueules striées à l'ancienne dégageant une expressivité mature dans une aura malsaine alors que James Caan, intrépide, irrévocable, spartiate, individualiste, poursuivra coûte que coûte son bonhomme de chemin esseulé pour le prix de son honneur et de sa rectitude. Quitte à tout perdre ce qu'il venait juste de concrétiser mais en protégeant toujours ses proches les plus fidèles et méritants en dépit des apparences impassibles. D'ailleurs, les moments d'amitié qu'il nous fait partager avec un taulard moribond (Okla, détenu depuis 21 ans mais libre dans 10 mois) demeurent d'une intensité dramatique à la fois sobre et singulière à travers ses doux échanges de regards extrêmement reconnaissants et affectueux. Des moments d'intimité jamais vus sous cet angle prude que Michael Mann empile comme des perles avec une dignité désarçonnante, notamment auprès des rapports de couple sobrement bienfaiteurs, coléreux ou parfois épanouissants.

Electrisant, pour ne pas dire foudroyant dans sa capacité stylisée à nous captiver sous l'oeil d'une caméra habitée par la quête de perfection; Le Solitaire est tout simplement l'un des plus grand polars urbains de tous les temps en prime de nous parfaire 2 séquences de braquage d'une authenticité documentée inusitée. James Caan ensorcelant sans cesse l'écran en voleur de diamant compromis par son changement d'orientation moral (conjugal et professionnel) mais toujours dans la droiture de ne céder à aucune tractation (fallacieuse) au risque de tout perdre ce qu'il eut anticiper.  

*Bruno
3èx/ Vostfr 5.1 DTS

Ci-joint conférence studieuse de Jean-Baptiste Thoret aussi passionnante que le métrage:

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