jeudi 13 octobre 2011

Les Oiseaux / The Birds


d'Alfred Hitchcock. 1963. Angleterre. 2h00. Avec Tippi Hedren, Rod Taylor, Jessica Tandy, Suzanne Pleshette, Veronica Cartwright, Ethel Griffies, Charles McGraw, Ruth McDevitt, Lonny Chapman

Sortie en salles en France le 6 Septembre 1963. U.S: 28 Mars 1963.

FILMOGRAPHIE: Alfred Hitchcock est un réalisateur, producteur et scénariste anglo américain, né le 13 Août 1899, décédé le 29 Avril 1980.
1935: Les 39 Marches. 1936: Quatre de l'Espionnage. Agent Secret. 1937: Jeune et Innocent. 1938: Une Femme Disparait. 1939: La Taverne de la Jamaique. 1940: Rebecca. Correspondant 17. 1941: Soupçons. 1942: La 5è Colonne. 1943: l'Ombre d'un Doute. 1944: Lifeboat. 1945: La Maison du Dr Edward. 1946: Les Enchainés. 1947: Le Procès Paradine. 1948: La Corde. 1949: Les Amants du Capricorne. 1950: Le Grand Alibi. 1951: L'Inconnu du Nord-Express. 1953: La Loi du Silence. 1954: Le Crime était presque parfait. Fenêtre sur cour. 1955: La Main au Collet. Mais qui a tué Harry ? 1956: l'Homme qui en savait trop. Le Faux Coupable. 1958: Sueurs Froides. 1959: La Mort aux Trousses. 1960: Psychose. 1963: Les Oiseaux. 1964: Pas de Printemps pour Marnie. 1966: Le Rideau Déchiré. 1969: l'Etau. 1972: Frenzy. 1976: Complot de Famille.


"C’est peut-être le film le plus terrifiant que j’ai jamais tourné." — Alfred Hitchcock

Trois ans après Psychose, Sir Alfred Hitchcock se résout, après mûre réflexion, à adapter une nouvelle de Daphné Du Maurier, The Birds. Le scénario, entièrement réapproprié par lui-même et Evan Hunter, était à l’origine destiné à la série Alfred Hitchcock présente. Mais après avoir lu que de véritables attaques de volatiles s’étaient produites dans son pays, le maître pressent qu’il tient là un nouveau tour de force d’épouvante, taillé pour le grand écran. Les Oiseaux nécessitera trois ans de préparation — en priorité pour les effets spéciaux et les maquettes — tant sa complexité technique exigea pas moins de 370 scènes truquées. Pour mesurer l’obsession maniaque du cinéaste, la seule séquence finale nécessita 32 prises, et Hitchcock la désignera comme l’un de ses tournages les plus éprouvants.

À Bodega Bay, Melanie Daniels, jeune femme mondaine, croise Mitch Brenner, avocat charmé par sa prestance. Pour l’anniversaire de sa sœur Cathy, il souhaite offrir un couple d’inséparables. Vexée par son ironie cavalière, Melanie s’empresse de les acheter elle-même, puis décide de les lui livrer... en personne. En chemin, alors qu’elle rejoint son domicile en barque, elle est brutalement attaquée par une mouette.
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Clef de voûte de l'épouvante moderne, Les Oiseaux impressionne par son audace : faire naître l’effroi à partir de simples volatiles subitement saisis d’une rage meurtrière. La première partie du récit, tout en suggestion, esquisse une romance contrariée : celle de deux amants freinés par la jalousie opaque d’une mère possessive. Hitchcock, manipulateur masochiste, nous attache d’abord à ce triangle sentimental, distillant un suspense latent, tapi dans l’ombre. Il introduit les oiseaux non comme une menace, mais sous une forme docile, encagée, presque ludique. Leur présence se fait de plus en plus insistante, jusqu’à ce premier incident : Melanie, isolée sur sa barque, est frappée au visage par une mouette surgie de nulle part.

Puis l’envol. Et le cauchemar.


Sans se jeter dans l’action effrénée, Hitchcock retarde patiemment l’embrasement. Les oiseaux passent à l’attaque plus de 25 minutes après cette première escarmouche, déclenchant une seconde partie hallucinée. Leur violence, absurde et inexplicable, sidère. Nulle justification ne viendra : ni scientifique, ni surnaturelle. Juste une révolte animale aussi brutale qu’opaque. Et lorsque la furie s’abat, Hitchcock ne fait aucune concession : chaque agression devient une scène d’anthologie, d’un réalisme glaçant. Attaque sauvage d’enfants fuyant leur école. Déferlement sanglant sur Bodega Bay réduite à feu et cendres. Siège d’une maison de campagne, barricadée à la hâte. Chaque scène pousse l’intensité jusqu’au vertige, appuyée par un design sonore dissonant, où cris perçants, battements d’ailes frénétiques et silences lourds composent une partition de terreur viscérale.

Le duo Rod Taylor / Tippi Hedren fonctionne à merveille : lui, viril et faussement arrogant, tente d’apprivoiser cette muse au charme hautain ; elle, gracile mais volontaire, dévoile une chaleur inattendue, notamment dans ses tentatives pour amadouer une belle-mère méfiante. Jessica Tandy incarne cette dernière avec une mélancolie farouche, bouleversante dans sa peur de perdre l’amour exclusif de son fils.

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Dénué de musique, pour mieux ancrer le cauchemar dans une réalité nue, Les Oiseaux demeure, plus de 65 ans après sa sortie, un film terrifiant, d’une efficacité redoutable. Malgré quelques plans vieillissants, la mise en scène virtuose transcende les effets datés par une montée en tension millimétrée, une violence sèche et dérangeante. L’idée, folle et géniale, d’une revanche de la nature — ces oiseaux refusant de se nourrir, comme s’ils conspiraient — nous hante longtemps après le générique. Les Oiseaux est sans doute l’un des films les plus oppressants et excentriques de son auteur, croisement inouï entre romance contrariée et apocalypse ornithellique, dans une tension psychologique constamment parasitée par l’ombre d’une mère dévorante.

13.10.11
Bruno Matéï



7 commentaires:

  1. Un des films d'Hitchcock que je préfère. Peut-être son dernier vrai bon film avec "Frenzy". Evidemment, c'est un film injuste et raciste. Pauvres zoziaux ! Pauvre Tippi Hedren, présentée ici comme la Grace Kelly par défaut et qui allait tellement trinquer sur le tournage de "Marnie". Shame on you, Alfred! She was cute and so elegant. Un autre intérêt de ce film brillant est l'orientation d'Hitchcock vers l'horreur, genre déjà abordé avec "Psycho". Quel dommage que "Kaleidoscope Frenzy" soit resté sans suite...

    Mon ami le corbeau porte plainte contre ce film, Daphné du Maurier, Hitchcock et ces gros vendus d'inséparables !

    Mais, grand film ou pas, le message n'a pas été compris. Tant pis pour vous, bande de pollueurs ! Z'allez voir quand les zoziaux vont venir vous chauffer les oreilles ! Les pigeons sont déjà prêts. C'est pour bientôt...

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  2. la belle tippi hedren et sa fragilité auréolée d'or ,
    c'était pas du chiqué qui se cachait derrière ses tailleurs de chez Dior,
    une actrice bien investie sur ses rôles, c'est bien simple,
    s'il avait existé un poster d'elle je l'aurai punaisé comme un papillon qu'on collectionne , juste à coté du crucifix retourné qui pend à la porte d'entrée.

    Un sacré tour de force et pas mal de cheveux blancs
    pour ces effets spéciaux qui n'ont rien perdu de leur efficacité.
    Le montage ne souffre pas de coupures faciles dans la fameuse scène des oiseaux, du travelling dans une scène d'action avec des effets aussi complexes, il était peut être le seul qui puisse le réaliser à l'époque. suis curieux de voir le remake.' en 3D SVP, sur ce coup là , cela me parait pour une fois évident.
    Car j'ai cru discerner une allusion dans ta dernière phrase Adam….
    Ce serait donc des pigeons qui prendraient la relève?
    étonnant quoique pratique pour les faire retourner au colombier en fin de prise…


    Pigeon , oiseau des villes à la blanche robe , à mon regard tu te dérobes…..on connait la suite.

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  3. @ lirandel
    Les pigeons sont injustement détestés ! Ils sont bien sympathiques quand on les connait un peu. Moins intelligents que les corbeaux, mais astucieux tout de même ! Ce n'est pas Brando qui dira le contraire ! Enfin, il aurait un peu de mal...

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  4. brando et les pigeons? j'ai manqué un truc là...

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  5. @ lirandel
    "On the Waterfront" (Sur les Quais) Kazan - 1954

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  6. Je vais le revoir d'ici peu,

    Je suis plus en âge d'apprécier maintenant ce genre de film , mon père à toujours raison.

    Quelle honte pour un type comme moi qui adore Brando et que je considère
    comme l'un des plus grands interprètes.

    injustement boudé par les studios de l'époque et de la profession en général.

    Merci Adam Eterno , ton histoire de pigeon à finalement trouvée un nid.

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  7. Comme quoi lirandel fait toujours le printemps !
    Sacré film, "Sur Les Quais". Avec un sujet pas évident : la délation.

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