mercredi 25 avril 2012

DETACHMENT

                                                                       Photo empruntée sur Google, appartenant au site atthecinema.net

de Tony Kaye. 2011. U.S.A. 1h37. Avec Adrian Brody, Sam Gayle, Bryan Cranston, Lucy Liu, James Caan, Blythe Danner, Renée Felice Smith, Marcia Gay Harden, William Petersen, Tim Blake Nelson.

Sortie salles France: 01 Février 2012

FILMOGRAPHIE: Tony Kayle est un réalisateur, directeur de photo et producteur anglais, né en 1952. 1998: American History X
2011: Detachment
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"Jamais je ne me suis senti si profondément en un seul et même moment aussi... détaché de moi-même et tellement présent au monde" Albert Camus

Depuis 1998, nous étions restés sans nouvelle de Tony Kayle, réalisateur du percutant American History X. Une oeuvre choc d'une grande puissance dramatique sondant les rouages du parti de l'extrême droite à travers l'engagement d'un jeune militant (magistralement interprété par Edward Norton). En l'occurrence, le réalisateur sort de son mutisme pour nous asséner un nouvel uppercut. Une production indépendante sortie dans l'indifférence (en dépit de ses récompenses à Deauville et Valenciennes) démontrant avec une noirceur implacable l'impuissance du milieu scolaire à endoctriner une jeunesse caractérielle au bord de la faillite. Henry Barthes est un professeur remplaçant. Il est assigné pendant 3 semaines dans un lycée difficile de la banlieue new-yorkaise. Lui qui s'efforce de toujours prendre ses distances va voir sa vie bouleversée par son passage dans cet établissement.


Une société confinée dans le dénigrement peut-elle avancer ?
13 ans après American History XTony Kayle nous retrace avec Detachment le cheminement désabusé d'un professeur de lycée prêchant les valeurs d'humanisme dans la spéculation. Mis en scène avec un âpre réalisme proche du documentaire, ce constat impitoyable de l'échec scolaire nous éprouve durement de son climat blafard hautement dépressif. Un prof remplaçant parvient à prodiguer une certaine discipline à ces élèves chahuteurs d'un lycée difficile. Mais son passé galvaudé, entaché par le suicide de sa mère, l'état pathologique de son grand-père sur le déclin, puis la rencontre impromptue d'une jeune prostituée, vont peu à peu l'éprouver lors de sa remise en question existentielle. Avec une sensibilité écorchée et un humanisme empli de désespoir, Tony Kayle nous livre ici un tableau élégiaque d'une jeunesse discréditée de tous repères. Par la faute d'une démission parentale égocentrique rejetant leur responsabilité sur des professeurs tout aussi perdus et désemparés, la jeunesse new-yorkaise se morfond dans une déchéance en roue libre. Bien que ce professeur altruiste finisse par gagner la confiance de ses élèves perfectibles par la tolérance et l'érudition, le climat social en dégénérescence d'une société individualiste et l'inconfiance d'une population désengagée finiront par ternir les aspirations personnelles. Même si au bout du chemin, la rédemption d'une prostituée semble être la consolation d'un homme névrosé confronté à la cécité d'une société au bord du marasme. Dans un rôle chétif empli d'humanité affaissée, Adrian Brody se délivre corps et âme ! Il livre avec pudeur une essentielle conviction spirituelle dans sa quête d'inculquer à ses élèves l'importance d'être guidé. Le soutien d'un éducateur aidant à comprendre la complexité du monde dans lequel nous vivons. Notre nécessité de nous défendre et nous battre contre la lassitude dans un processus de réflexion. Apprendre à lire, à stimuler notre imagination, à cultiver notre propre conscience, notre propre système de croyances. Le besoin inhérent de ces compétences pour préserver nos esprits.


"C'était une glace au coeur". "Un naufrage". "Un malaise du coeur".
Surchargé en émotion par un pessimisme foudroyant de nihilisme, Detachment ne pourra faire l'unanimité dans sa détresse inconsolable fustigeant le genre humain. Pourtant, il s'agit d'un drame éloquent qui interpelle et prend aux tripes dans son cri d'alarme asséné au malaise de la nouvelle génération mais aussi aux adultes dévalués. Avec la prestance dépouillée de protagonistes à la fragilité humaine fléchissante, Tony Kaye nous illustre dans leur vérité humaine la lutte intrinsèque que chaque individu doit combattre pour éclipser sa colère, ses injustices et renouer avec notre raison d'être. Detachment est alors une réflexion sur la foi, une quête identitaire (la plupart des gens jouent le rôle de ce qu'ils croient être) sur ce que nous sommes capables d'extérioriser quand une personne lambda vous a acquise sa confiance, notamment l'importance que vous pouvez administrer aux yeux des autres. Ames sensibles et dépressifs, je vous prie néanmoins de vous abstenir car il est impossible de sortir indemne d'un tel fardeau discriminatoire pour énoncer l'avilissement civil. Un tourbillon d'émotions aussi ardues nous acheminant inévitablement au malaise ontologique !


Note: Hormis une critique globale relativement dubitative, Detachment a récolté quatre prix !
Prix de la révélation Cartier et Prix de la critique Internationale au Festival de Deauville 2011, ainsi que le Grand Prix et le Prix du Public au Festival de Valenciennes 2011.

Un grand merci à atthecinema.net
25.04.12
Bruno Matéï


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