mardi 21 octobre 2014

Kissed. Meilleur Film, Meilleure Actrice, Meilleur Réalisateur, Malaga 98.

                                                Photo empruntée sur Google, appartenant au site rogerebert.com

de Lynne Stopkewich. 1996. Canada. 1h18. Avec Molly Parker, Peter Outerbridge, Jay Brazeau, James Timmons, Jessie Winter Mudie, Annabel Kershaw.

Sortie salles France: 15 Avril 1998. Canada: 7 Septembre 1996

FILMOGRAPHIELynne Stopkewich est une réalisatrice, scénariste et productrice canadienne, née en 1964 à Montréal (Quebec). 1996: Kissed. 2000: Suspicious River. 2004: The Life (télé-film).

 
"Amour froid".
Auteur de deux longs-métrages, de quelques séries TV et d’un téléfilm, Lynne Stopkewich reste une réalisatrice aussi discrète que méconnue du grand public. Sorti dans l’indifférence générale, son premier film, Kissed, s’est pourtant vu attribuer plusieurs récompenses dans son pays d’origine, tandis qu’une poignée de cinéphiles aguerris le hissa au rang de film culte. Production indépendante audacieuse, Kissed s’aventure en terrain miné avec un anticonformisme désarmant, abordant la nécrophilie avec une pudeur presque sensorielle. À cent lieues des débordements trash du scandaleux Nekromantik, le film emprunte la voie de la subtilité pour évoquer l’obsession grandissante d’une jeune femme éprise d’amour pour l’au-delà.

Le pitch : Depuis l’enfance, Sandra nourrit une fascination pour les cadavres d’animaux fraîchement décédés. À l’aube de sa maturité, elle se fait embaucher dans un funérarium pour apprendre l’art de l’embaumement. Toujours plus attirée par la sensualité de la mort, elle finit par passer à l’acte sexuel avec un corps masculin. Un jour, elle rencontre Matt, un étudiant en médecine intrigué par sa beauté distante et son étrange métier. Vierge de tout contact charnel avec un vivant, Sandra tente l’expérience d’un premier coït avec lui. Mais alors que Matt s’éprend d’elle corps et âme, Sandra se détache, fidèle à son inclination pour la chair morte.

À la lecture du synopsis, on pouvait craindre la redite ou la complaisance autour d’un sujet aussi socialement inacceptable. Pourtant, Lynne Stopkewich transcende la provocation pour livrer un véritable poème sur la sensualité de la mort et la spiritualité de l’au-delà. Porté par une atmosphère aussi trouble que charnelle, le film parvient à captiver, à troubler même, par la beauté de ses images oniriques et par la posture hypnotique de son héroïne : une enseignante timorée, discrète, entièrement habitée par son amour des cadavres. Littéralement transie d’érotisme lorsqu’elle s’unit à un corps, Sandra atteint une extase si pure qu’elle perçoit la lumière de l’âme défunte dans un halo de souvenirs intimes.

Dans la pâleur magnétique de Molly Parker, l’actrice insuffle une acuité bouleversante, où la perversion n’a plus sa place. Car dans son désir d’enlacer la mort, Sandra témoigne d’une affection si douce, si viscérale, qu’on en oublie la déviance pour ne voir que la sincérité. Et si Kissed fascine autant, c’est aussi par la romance impossible entre Sandra et Matt, ce dernier littéralement asservi à ses sentiments. Malgré un cheminement narratif prévisible, l’ambiguïté croissante de leur relation atteint un sommet d’intensité émotionnelle, à la lisière de la lumière et de la décomposition.

 
"Chair de ciel."
D’une beauté sensuelle, diaphane et ensorcelante, Kissed se décline en poème lyrique sur la plénitude de la mort vécue comme abandon amoureux. Un état de grâce absolue, lorsqu’une nécrophile puise les derniers souffles vitaux d’un cadavre pour s’unir à l’au-delà. Intimiste, fragile et incandescent, le film nous emporte loin, bien au-delà du scabreux, dans une expérience érotique envoûtante. À découvrir d’urgence : il s’agit, à mes yeux, du plus beau film jamais tourné sur la nécrophilie. Rien que ça. (D’ailleurs, il fut un temps diffusé sur Canal+ dans les années 90…)

*Bruno
2èx

Récompenses: Meilleur long-métrage au Festival de Toronto, 1996
Meilleur nouveau réalisateur de l'Ouest canadien pour Lynne Stopkewich.
Prix Génie: Meilleure Actrice pour Molly Parker
Meilleure Actrice pour Molly Maker, Meilleur Réalisateur pour Lynne Stopkewich, Meilleur Film au Festival de Malaga, 1998.

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