mercredi 26 août 2015

Les Autres / The Others

                                                    Photo empruntée sur Google, appartenant au site impawards.com

d'Alejandro Amenabar. 2001. France/Amérique/Espagne. 1h44. Avec Nicole Kidman, Fionnula Flanagan, Christopher Eccleston, Alakina Mann, James Bentley, Eric Sykes, Elaine Cassidy, Renée Asherson.

Sortie salles France: 26 Décembre 2001. U.S: 10 Août 2001

FILMOGRAPHIE: Alejandro Amenabar est un réalisateur, scénariste, écrivain, monteur, acteur, producteur et compositeur de nationalité hispano chilienne, né le 31 Mars 1972 à Santiago.
1996: Tesis. 1997: Ouvre les Yeux. 2001: Les Autres. 2004: Mar Adentro. 2009: Agora. 2015: Régression.


"La Maison des absents".
Poème gothique sur la solitude de la mort et l’incapacité d’affronter le deuil, Les Autres explore le cheminement psychotique d’une mère de famille confrontée à de possibles revenants. Alejandro Amenábar renoue ici avec le classicisme des suspenses psychanalytiques, dans la lignée des chefs-d’œuvre que sont Les Innocents ou La Maison du Diable. Porté par un scénario retors et remarquablement charpenté, le cinéaste consacre son récit à la fragilité vacillante de ses personnages : une mère et ses deux enfants en quête désespérée de vérité, en terrain mouvant.

Le pitch : 1945. Alors que son mari n’est toujours pas rentré de la guerre, Grace accueille trois nouveaux domestiques dans son manoir isolé. Très vite, d’étranges bruits se font entendre dans l’épaisseur de la bâtisse. Soupçonnant d’abord sa fille — espiègle, impertinente, cruelle avec son frère qu’elle tourmente d’histoires de fantômes — Grace glisse peu à peu dans un délire de persécution, tandis que les domestiques adoptent un comportement de plus en plus équivoque.

Inspiré du Tour d’écrou d’Henry James, Amenábar transcende à l’écran une sombre histoire de hantise, l’ancrant dans les profondeurs du deuil et de l’accablement. L’ambition formelle est saisissante : l’architecture gothique y rayonne à travers une photographie incandescente, et la demeure victorienne, perdue dans la brume, devient elle-même un personnage, replié sur son silence et ses non-dits. Les Autres cultive un goût certain pour l’angoisse latente, en jouant sur les attentes du spectateur pour mieux les pervertir.

Les rôles, d’abord attribués selon des archétypes classiques, se trouvent alors lentement inversés, jusqu’à une révélation stupéfiante où les vivants et les morts échangent leur place — les identités s’effritent, les certitudes vacillent. En se centrant sur le désarroi névrotique de Grace — mère catholique désarmée, dévorée par le chagrin, prisonnière d’un isolement nocturne imposé par la maladie de ses enfants photosensibles — Amenábar dresse le portrait bouleversant d’une femme égarée, incapable d’affronter l’irréparable. En filigrane, l’innocence troublée de ses enfants ajoute au malaise : leur curiosité, leur lucidité étrange, leur rapport au surnaturel tracent les contours d’un monde où les vivants ne se savent plus morts, et où les fantômes s’ignorent.

Avec une rigueur implacable, le suspense s’installe, se distille, se resserre — la suggestion prenant toujours le pas sur l’effet, l’épure sur l’excès. Les trois domestiques, silhouettes énigmatiques, instillent une tension sourde dès leur apparition. Et si le film fascine autant, c’est aussi par la puissance humaine de son interprétation. Nicole Kidman, gracile, électrique, incarne une épouse sur le fil, figée dans une posture de refus et de crispation. Alakina Mann, en sœur aînée arrogante et glaciale, distille un parfum de perversité enfantine. Tandis que James Bentley, en petit frère transi d’effroi, émeut par sa douceur et sa terreur. Tous trois incarnent une famille en décomposition, hantée par son propre refoulement, précipitée vers l’effondrement.


"Ce que la brume ensevelit".
Poème élégiaque sur le consentement du deuil, Les Autres est aussi une métaphore sur les traumatismes de la guerre, une réflexion spirituelle sur la foi, sur l’illusion du réel — « la vie n’est qu’un long rêve dont la mort nous réveille ». À travers le prisme bouleversé de fantômes errants, le film affronte la peur de l’inconnu avec une tendresse inconsolable. Le point d’orgue, d’une beauté cruelle, m’a autant effondré que perturbé, tant il aborde avec pudeur l’acceptation de l’invisible.

Car tout, ici, converge vers cette révélation — un basculement aussi doux qu’effrayant, qui résonne comme un soupir. Un souffle d’éternité. Les Autres nous rappelle, dans sa dernière image, que certaines maisons ne veulent pas qu’on parte… et que certains morts ignorent qu’ils sont déjà chez eux.

Bruno 
03.11.24. 5èx. Vostfr

Récompenses:
Festival international du film de Flandres 2001.
Prix du meilleur film d'horreur, meilleure actrice pour Nicole Kidman, meilleur second rôle féminin pour Fionnula Flanagan, par l'Académie des films de science-fiction, fantastique et horreur en 2002.
Prix du meilleur réalisateur, meilleur scénario et meilleure photographie, lors des Cinema Writers Circle Awards 2002.
Prix Goya du meilleur film, du meilleur réalisateur, du meilleur scénario original, de la meilleure photographie, du meilleur montage, des meilleurs décors et du meilleur son (Ricardo Steinberg, Tim Cavagin, Alfonso Raposo, Daniel Goldstein) en 2002.
Actrice de l'année pour Nicole Kidman, lors des London Critics Circle Film Awards 2002.
Saturn Award pour Nicole Kidman.

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