jeudi 27 août 2015

ENTRETIEN AVEC UN VAMPIRE

                                                                                 Photo empruntée sur Google, appartenant au site impawards.com

"Interview with the vampire" de Neil Jordan. 1994. U.S.A. 2h02. Avec Tom Cruise, Brad Pitt, Kirsten Dunst, Antonio Banderas, Stephen Rea, Christian Slater, Thandie Newton, Domiziana Giordano.

Sortie salles France: 21 Décembre 1994. U.S: 11 Novembre 1994

FILMOGRAPHIE: Neil Jordan est un réalisateur, producteur, scénariste et écrivain irlandais, né le 25 Février 1950 à Sligo. 1982: Angel. 1984: La Compagnie des Loups. 1986: Mona Lisa. 1988: High Spirits. 1989: Nous ne sommes pas des Anges. 1991: L'Etrangère. 1992: The Crying Game. 1994: Entretien avec un Vampire. 1996: Michael Collins. 1997: The Butcher Boy. 1999: Prémonitions. 1999: La Fin d'une Liaison. 2002: L'Homme de la Riviera. 2005: Breakfast on Pluto. 2007: A vif. 2009: Ondine. 2012: Byzantium.


Quelle gageure que d'avoir osé transposer à l'écran le célèbre roman d'Anne Rice ovationné aux quatre coins du monde par le lectorat ! Un défi que le célèbre réalisateur irlandais Neil Jordan relève haut la main grâce à son ambition formelle flamboyante (notamment une reconstitution historique inscrite dans le lyrisme et soucieuse du détail !) et le parti-pris aussi judicieux que couillu d'opposer à l'écran deux stars bankables, Tom Cruise et Brad Pitt ! Les acteurs incarnant respectivement avec une vérité troublante un duo de vampires (aux tendances homosexuelles) incapables de s'apprivoiser dans leur éthique contradictoire. Lestat, le vampire par qui Louis fut malencontreusement mordu, n'étant qu'un ingrat sans vergogne totalement tributaire de son avidité meurtrière mais aujourd'hui délibéré à s'épauler d'un fidèle compagnon pour tenir lieu d'ennui. Alors que l'on pouvait craindre le pire de la part du bellâtre Tom Cruise, ce dernier parvient pourtant dans une fonction à contre-emploi à transcender son rôle de vampire égocentrique avec cynisme souvent détestable !


Du point de vue de Louis que Brad Pitt endosse avec une aigreur chétive, ce dernier se morfond dans la peau d'un vampire mélancolique, faute de l'empathie qu'il réussit encore à éprouver pour ses victimes, quand bien même sa condition damnée l'entraîne un peu plus vers une désillusion sans échappatoire. Autour de ce duo dissonant, une fillette orpheline viendra violemment s'interposer entre eux dans sa nouvelle condition d'immortelle infantile que Lestat a égoïstement sacrifié afin que Louis se résigne à rester à ses côtés ! Et du haut de ses 12 ans, la néophyte Kirsten Dunst exprime déjà un intense tempérament pour l'autorité de son caractère impertinent, rehaussé d'un regard mature ambivalent ! Grande fresque illustrant le cheminement existentiel de Louis, vampire dépressif interrogé par un journaliste au sein d'une chambre d'hôtel, Entretien avec un Vampire s'édifie au fil de ses vicissitudes comme un album d'images fulgurantes que Neil Jordan illustre au service d'une narration pessimiste. De par la condition existentielle de Louis, on peut notamment y voir un discours sur le fardeau de la solitude et le désintérêt de l'existence, qu'elle soit mortelle ou immortelle lorsque l'amour est en berne face à l'orgueil du Mal ! Outre le sens esthétique imparti à son imagerie gothico-baroque (notamment cette représentation théâtrale sardonique, avant-coureur du snuf-movie !) multipliant traquenards sanglants, règlements de compte punitifs et rebondissements aussi cruels qu'inventifs, cette oeuvre désenchantée parvient avec un réalisme stupéfiant à traiter du thème du vampire par l'entremise d'une vérité historique. Dans le sens où le vampirisme ne tient ici plus lieu de légende séculaire conforme aux clichés désuets (le pieu dans le coeur, les longues canines, la peur de l'ail et du crucifix) mais d'une réalité diachronique par la chimère du cinéma. Autant dire que Neil Jordan croit fermement à ses suceurs de sang, nouveaux aristocrates du 18è siècle, le cinéaste étant parvenu à leur donner chair par le soutien d'un trio de comédiens magnifiquement taillés pour leur discorde en roue libre.


Une splendide fresque sur la désillusion d'une errance immortelle.
Epaulé de maquillages et d'effets spéciaux numériques très convaincants que Neil Jordan exploite par moments avec une cruauté graphique sans concession, Entretien avec un Vampire réussit à parfaire à l'écran l'un des plus beaux romans jamais écrits sur le mythe. Avec sa reconstitution flamboyante, son climat gothique ensorcelant et surtout la caractérisation nihiliste allouée aux antagonistes immortels (que les comédiens transcendent sans grandiloquence !), le vampire archaïque renaît ici de ses cendres avec autant de réalisme que de lyrisme blafard ! 

Bruno Matéï
4èx


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