vendredi 2 février 2018

Mister Babadook / The Babadook. Prix du jury, prix du jury jeune, prix du public et prix de la critique, Gerardmer 2014

                                                  Photo empruntée sur Google, appartenant au site Allocine.fr

de Jennifer Kent. 2014. Australie/Canada. 1h33. Avec Essie Davis, Noah Wiseman, Daniel Henshall, Hayley McElhinney.

Sortie salles France: 30 Juillet 2014. Australie: 22 Mai 2014

FILMOGRAPHIE: Jennifer Kent est une réalisatrice, scénariste, productrice et actrice américain. 2014: Mister Babadook. 2018: The Nightingale

"Chambre noire pour cris blancs".
Multi-récompensé à Gérardmer (il repart avec quatre trophées), mais aussi ovationné aux festivals de Catalogne, de New York et du Kansas City, Mister Babadook n’a pas volé ses lauriers. Car sa génitrice, Jennifer Kent, parvient intelligemment à réactualiser l’horreur adulte sous le sceau d’un modèle fondé sur la suggestion. À mi-chemin entre Répulsion et Shining, Mister Babadook déploie, à mes yeux, une double lecture. Car derrière ce conte horrifique aux accents expressionnistes – fortement influencés par Le Cabinet du Dr Caligari (à ce titre, l’incroyable travail sur la lumière et les couleurs désaturées relève de l’orfèvrerie, dans des décors domestiques faussement rassurants) – Jennifer Kent transcende un drame psychologique intense, terrifiant, dérangeant et cruel. Une métaphore sur l’épineuse acceptation du deuil de l’être aimé, vécue autant du point de vue maternel qu’infantile. Nos deux protagonistes, éreintés, sont molestés par un croquemitaine irrationnel, fruit de leur propre terreur, incarnant le trauma d’une perte irréversible – le père étant mort dans un accident de voiture le jour même de l’accouchement.
 

Porté par un climat anxiogène d’une rigueur rare, Mister Babadook articule brillamment la psychose d’une veuve en chute libre, en proie à une schizophrénie larvée. Le film provoque un malaise cérébral palpable à travers des visions horrifiques marquantes, Jennifer Kent repoussant l’apparition du monstre par des plans furtifs et subtilement suggérés. Une stratégie perverse, attisant notre fascination pour l’inconnu, cette chose qu’on pressent, mais qu’on ne voit jamais vraiment. Pour renforcer cet étau oppressant, le hors-champ sonore, strident, agit en sourdine, tandis qu’Essie Davis livre une performance transie, résolument habitée par son rôle de mégère erratique, incapable d’extirper la bête qui l’habite. Toute l’intrigue n’est que combat intérieur, une guerre sourde contre une dépression rampante. Alternant rares élans de tendresse envers son fils et accès de violence incontrôlée, Davis suscite une peur primaire, par la seule intensité, brute, de son jeu jamais outré. Face à elle, Noah Wiseman – visage laiteux, regard habité – campe un enfant hyperactif avec une spontanéité déroutante, tenant tête à sa mère avec une franchise de tous les instants, d’autant plus bluffante au vu de son jeune âge.

 
"La Forme du chagrin".
Modèle de mise en scène et de suggestion, ravivant nos peurs enfantines tapies dans l’obscurité (le fameux monstre du placard), Mister Babadook perturbe, entaille, incise les nerfs avec une précision géométrique. Porté par la complémentarité bouleversante de ses interprètes et l’émergence d’une nouvelle figure monstrueuse, le film conjugue terreur et malaise avec une intensité vertigineuse. Tant et si bien que le spectateur le plus sensible se surprend à implorer, au fil des événements, une issue de secours à ce drame du deuil, rongé par la solitude, la rancœur et le chagrin. Mais toujours animé par la volonté farouche d’éradiquer le démon qui sommeille en chacun de nous.

* Bruno
03.06.25. 4K. Vost


Récompenses: Prix du jury, prix du jury jeune, prix du public et prix de la critique au Festival international du film fantastique de Gérardmer 2014.
Festival international du film de Catalogne 2014 : meilleure actrice pour Essie Davis
Kansas City Film Critics Circle Awards 2014 : meilleur film de science-fiction, d'horreur ou fantastique.
New York Film Critics Circle Awards 2014 : meilleur premier film pour Jennifer Kent

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