vendredi 25 janvier 2019

Le Bossu de la Morgue / El Jorobado de la Morgue

Photo empruntée sur Google, appartenant au site scifi-movies.com

de Javier Aguirre. 1973. Espagne. 1h22. Avec Jacinto Molina (Paul Naschy), Rosanna Yanni, Victor Alcazar, Maria Elena Arpon, Maria Perschy, Alberto Dalbés.

Sortie salles France: 22 Janvier 1975. Espagne: 13 Juillet 1973

FILMOGRAPHIE SELECTIVEJavier Aguirre Fernandez est un réalisateur, écrivain, compositeur, directeur de photographie, producteur, scénariste espagnol, né le 13 Juin 1935. 1965: Los oficios de Candido. 1967: Los Chicos con las chicas. 1968: Los Dué tocan el piano. 1969: Una vez al ano ser hippies ne Dano Lievre. Soltera y madre en la vida. 1970: De profesion, sus labores. El Astronauta. Pierna Creciente, falda Menguante. 1972: Soltero y padre en la vida. 1973: Le Bossu de la Morgue. Volveré une nacer. 1974: El Insolito embarazo de los Martinez. Le Grand Amour du Comte Dracula. Vida Intima de séducteur de l'ONU cinico. 1977: Acto de posesion. 1981: Rocky Carambole. 1987: La Députée. 1988: El Amor si tiene cura. 1991: Voz. 2002: Zéro / Infinito. 2003: Variaciones 1 / 113. 2006: Médée. Dispersion de la Luz.


Œuvre phare du cinéma ibérique des Seventies, réalisée par un cinéaste prolifique, Le Bossu de la Morgue est un ovni rare et précieux pour les amateurs de bisserie déviante au mauvais goût assumé. La légende raconte qu’un véritable cadavre aurait été utilisé lors d’une séquence morbide où notre bossu Gotho décapite un vieillard à l’hôpital. Personnellement, je n’y crois pas une seconde, même si l’effet répulsif s’avère étonnamment réaliste. Plus sûrement, une vraie morgue fut utilisée avec l’aval du directeur de l’établissement, et les rats sacrifiés dans le film — brûlés vifs — sont, eux, bien réels. Une négligence aussi éhontée qu’impardonnable.

Quant au pitch halluciné, il mérite sa place dans les annales du grotesque le plus impayable. Jugez plutôt : Gotho est un bossu déficient employé à l’entretien d’une morgue. Amoureux d’une amie d’enfance hospitalisée, il lui apporte régulièrement des fleurs. Hélas, la jeune femme meurt. Fou de chagrin, Gotho vole son cadavre et se réfugie avec elle sous les catacombes d’une abbaye. Un chirurgien sans vergogne lui promet de la ramener à la vie… à condition qu’il fournisse des corps. Le bossu se met alors à profaner des cadavres, assassiner des innocents, et ravir des jeunes femmes pour nourrir une créature artificielle en gestation.


Revoir aujourd’hui Le Bossu de la Morgue, c’est s’étonner encore de l’alchimie étrange qui s’en dégage. Entre nanar involontairement risible (Paul Naschy en bossu amoureux est irrésistible de cabotinage) et série B/Z d’exploitation éprise d’outrance putassière, cette farce morbide repose sur un scénario anarchique proprement halluciné. En brassant les thèmes de l’immortalité, de la monstruosité humaine et de la nécrophilie au nom de l’amour (l’ombre de Blue Holocaust de Joe D’Amato n’est jamais loin), le film se vautre dans le grand-guignol et l’horreur gothique avec une étonnante décontraction.

Inspiré à la fois du mythe de Frankenstein et de Notre-Dame de Paris, Javier Aguirre nous livre un joyau glauque rehaussé de cette touche ibérique si singulière : cadavres putréfiés, catacombes suintantes, chambre des tortures, auberge mal famée, et scènes gores d’une putrescence fascinante pour l’époque. Oser confier le rôle principal à un bossu rétrograde perpétrant ses crimes par amour est un pari d’autant plus troublant que le spectateur ne sait plus s’il doit s’apitoyer sur son sort… ou le haïr pour ses exactions toujours plus sadiques.


Et lorsqu’une jolie blonde, emplie d’empathie, tente de le séduire, la vraisemblance déraille définitivement dans ce capharnaüm d’émotions délétères et de pulsions désaxées. Jusqu’à l’apparition d’un monstre visqueux friand de chair humaine, enfermé dans un cachot — fruit d’expériences diaboliques menées par le médecin dévoyé. Le point d’orgue de cette monstruosité est d’ailleurs digne de figurer dans toutes les anthologies du "craignos monster".

Le charme troublant du film provient aussi de l’interprétation outrancière de Paul Naschy — considérée ici comme l’un de ses rôles majeurs (ah bon ?). L’acteur force le trait, entre élégie déchirante et folie meurtrière, lorsqu’il égorge les médecins moqueurs ou enlève des innocentes pour nourrir la bête. L’ambiance gothico-morbide, quant à elle, suinte littéralement : ruines de pierre, sous-sols éclairés à la bougie, petit village autrichien nimbé de brouillard, et Gotho rôdant la nuit pour profaner un cadavre ou traquer une nouvelle proie.

Avec ses scènes gores incroyablement couillues (dans sa version intégrale), son atmosphère putride, parfois réellement effrayante (les apparitions des victimes vitriolées m’impressionnent à chaque visionnage), ses acteurs cabotins, ses incohérences chéries et sa mélodie métronomique, Le Bossu de la Morgue s’impose comme une perle de l’horreur ibérique réfractaire à toute forme de bienséance. Baignant dans un racolage putassier assumé (ah, ces deux nymphettes se fouettant le torse dans une extase masochiste…), le film s’enfonce avec jubilation dans le délire hybride, comblant les fétichistes d’objets cinématographiques aussi sulfureux que décadents.

Il faut le voir pour le croire.

Remerciement à Artus Films

*Bruno
04.03.25. 4èx. Vost
25/01/19. 
01.02.12. 332 v

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