mercredi 10 avril 2019

Black Swan

                                                       Photo empruntée sur Google, appartenant au site lyricis.fr

de Darren Aronofsky. 2010. U.S.A. 1h48. Avec Natalie Portman, Vincent Cassel, Barbara Hershey, Winona Ryder, Mila Kunis .

Sortie salles France: 9 février 2011

FILMOGRAPHIE: Darren Aronofski est un réalisateur américain né le 12 février 1969 à Brooklyn (New York). Il travaille aussi en tant que scénariste et producteur. 1998 : π, 2000 : Requiem for a dream,  2006 : The Fountain, 2009 : The Wrestler, 2010 : Black Swan. 2018: Mother



Celui qui ne tend pas toujours à un plus haut degré de perfection ne connaît pas ce que c'est la perfection. La recherche de la perfection est la poursuite de la mort.    (Pierre Baillargeon)

Passé l'uppercut The Wrestler, douloureux reportage sur l'ultime résurgence d'un ancien catcheur notoire, Darren Aronofsky nous illustre avec Black Swan l'envers du décor de la danse sous l'impulsion névrosée d'une jeune ballerine refoulée, profondément ébranlée par sa quête de perfection et sa peur irrépressible de l'échec. Nina est une ballerine ambitieuse au potentiel incontestable pour sa tâche artistique exercée dans le New York city Ballet. Introvertie et timorée, elle vit recluse avec sa mère dans un modeste appartement loin des soirées branchées et sorties mondaines. Alors que la prochaine représentation du lac des cygnes aura bientôt lieu dans une salle à guichet complet, son directeur porte son choix sur celle-ci afin d'endosser le rôle principal du cygne blanc. Quand bien même sa rivale, Lilly, pourrait incarner celui du cygne noir. Davantage dubitative de ces capacités artistiques, Nina va lentement sombrer dans une schizophrénie paranoïde qui pourrait sérieusement remettre en cause sa réussite artistique. A la croisée des univers baroques du Locataire ou plutôt de Répulsion de Polanski, Darren Aronofsky nous immerge de plein fouet dans la perte identitaire d'une ballerine compromise par sa réussite sociale. A travers une ambiance anxiogène littéralement palpable où chaque situation de détresse morale demeure exacerbée d'une réalisation hyper maîtrisée, Black Swan retranscrit avec une sensibilité écorchée vive le destin tragique d'une danseuse étoile à la fois terrorisée à l'idée de parfaire sa profession et obsédée par l'emprise de la défaite.
                 

Ainsi donc, profondément déstabilisée par l'autorité tyrannique du directeur Thomas Leroy et repliée sur elle-même, à l'exception de sa vie commune avec sa mère aussi bien psycho-rigide que possessive, Nina va lentement perdre pied avec la réalité en pénétrant dans un dédale de visions infernales. Cette lente progression dans sa folie hallucinogène, nous la subissons de manière sensorielle avec autant d'empathie qu'un sentiment d'angoisse permanent, au point de se retrouver nous même en interne de sa psyché névralgique. La terreur obsessionnelle de Nina d'affronter et transcender ses propres défis se répercutant à travers des délires fantasques au point d'y développer une mutabilité corporelle à travers des démangeaisons épidermiques. Comme si elle craignait que sa réussite artistique escomptée ne la contraigne à se métamorphoser en démon ailé symbolisé du cygne noir. Car ce n'est qu'après avoir accompli LA performance dans ses délires hallucinatoires que Nina pourra enfin accéder à la perfection, faute de l'élitisme suprême que lui aura enseigné son professeur.  Mais à quel prix pourra t-elle se résoudre d'accéder à une telle perfection ? Dans un rôle fragile de ballerine susceptible en proie au désespoir le plus cruel (notamment auprès de l'intimidation de ses rivales), Natalie Portman transperce l'écran avec une force d'expression refoulée. De par son regard démuni invoquant la dépression et son corps peu à peu lacéré, l'actrice élève son statut de battante à un niveau émotionnel constamment éprouvant ! Tant et si bien que le spectateur hypnotisé par sa cruelle dérive morale plonge tête baissée dans les abîmes d'un cauchemar nécrosé. En directeur castrateur intolérant, Vincent Cassel lui partage la vedette avec une détestable austérité. De par ses sarcasmes à tendance lubrique que ses sournoiseries mercantiles afin d'élire la plus performante des danseuses.

                     
Danse macabre
Soutenu d'une partition classique à la fois inquiétante et gracieuse, Black Swan se décline en expérience sensorielle à travers l'art du ballet classique dédié à une élégance morbide (celle du suicide afin de parachever une certaine coutume du mélodrame). Par le truchement de cette  bouleversante introspection d'un ange déchu redoutant autant qu'elle escomptait sa victoire y émane une réflexion sur la perte identitaire et de l'innocence (au point d'y semer la démence), sur la sexualité refoulée (faute d'une mère possessive abusive) et la quête obsessionnelle de l'ambition artistique au point d'y corrompre son âme. Fable cauchemardesque disséquant de manière également viscérale les conséquences de la culpabilité et de la susceptibilité, faute des préjudices de la convoitise, de la rancune, de la jalousie, de la rivalité et la cupiditéBlack Swan dégage une fétide odeur de souffre derrière l'arrivisme de la célébrité. Du grand art.

*Bruno
10/04.19
06.02.11. (286 v)

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